La justice organisationnelle

Résumé

Ce travail de mémoire de recherche porte sur la relation entre la perception de la justice organisationnelle, la rupture du contrat psychologique, l’émission des comportements déviants au travail en se référant à l’appartenance de l’individu à une génération particulière : Les vétérans, les Baby-boomer, la Génération X et la Génération Y.
La perception de la justice a été vue sous les composantes distributives, procédurale, interpersonnelle et informationnelle. De son côté, la rupture du contrat psychologique a été observé sous ses deux dimensions : le contrat relationnel et le contrat transactionnel.
Les comportements déviants au travail ont été traités…

Finalement, la conclusion de mémoire de recherche présente une synthèse des résultats et expose les limites et pistes de recherche futures.

Mots clés : justice organisationnelle, comportements déviants au travail, comportements antisociaux au travail, comportements anti-organisationnels, violence au travail, contrat psychologique, la génération X, la génération Y, la génération des baby-boomers, développement d’un outil de mesure, analyses statistiques de modération, analyses statistiques de médiation.

Remerciements

Parce que ce travail n’aurait su voir le jour en restant enfermée chez moi, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire de recherche.

Je tiens à remercier tout premièrement mon directeur de recherche, Mme Emna Gara-Bach Ouerdian, maître-assistante habilitée en science de gestion à l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis, pour son soutien constant, sa disponibilité, ses bons mots, ses encouragements, mais surtout sa confiance. De prime abord, merci d’avoir accepté de diriger cette recherche et de m’avoir fait part de votre rigueur et votre professionnalisme. Merci de votre aide, de votre bon côté si humain et de votre bonne humeur qui a si souvent permis d’alléger les choses. Encore merci de votre générosité et de m’avoir su me donner l’envie de faire la recherche. Vous avez su me guider tel que je suis. Merci.

Je désire remercier également les membres du jury d’avoir accepté d’évaluer ce travail. Je tiens à exprimer ma reconnaissance et ma gratitude à tous les enseignants-chercheurs de l’institut Supérieur de Gestion de Tunis et de l’Institut des Hautes Etudes de Carthage, qui ont contribué à ma formation et qui ont fait de moi ce que je suis. Votre professionnalisme, vos conseils et vos recommandations m’ont été précieux et irremplaçables. C’est un grand honneur et un immense plaisir d’avoir fait partie un jour de vos étudiants. Je vous remercie du fond du cœur.

Je tiens à remercier au même niveau mes amis

qui ont cru en moi, et ce, tout simplement pour leur soutien. Un grand merci pour toutes les personnes qui ont accepté de répondre à mon questionnaire de recherche et m’ouvrir leurs portes le temps d’une étude alors que beaucoup d’autres se sont fermées.
Merci à mes amis, d’avoir été les premiers à pré-tester mes questionnaires et de m’avoir encouragé. On se sent soutenu quand on a la chance d’avoir une petite famille à ses côtés.
Un merci démesuré à mon époux Mohamed, mon meilleur ami. Merci pour ta présence, pour tes bons mots d’encouragement, pour ton soutien et ton accompagnement si précieux. Tu m’as toujours incité à booter mes efforts pour atteindre mes objectifs. Tu as supporté ma mauvaise humeur dans les périodes stressantes. Tu m’as épaulé et encouragé quant à ma vie associative, sociale et professionnelle.

Un merci spécial à ma sœur Asma. Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que je ne saurais écrire. Je te remercie pour tous tes « Je suis et je serai toujours à tes côtés ». Merci d’avoir fait tout ce chemin avec moi depuis notre enfance, et ce, sans jamais nous avoir quittées de vue. Merci ma chère sœur du fond du cœur. Tu es une vraie perle rare. Je n’oublierai pas de remercier son mari, mon cher beau-frère Aziz. Merci pour ton soutien moral et tes encouragements.

Finalement, Je tiens à remercier le plus spécialement possible et les plus sincèrement mes parents. Merci pour votre soutien moral, affectif, financier. Merci de m’avoir appris que le travail est source d’épanouissement. À mon père Bechir, pour son enseignement de la rigueur et de la discipline, surtout dans les choses les plus difficiles, pour ses précieux conseils et sa bonne humeur. À ma mère Nadia qui m’a enseigné l’amour de l’autre et ses plus beaux regards et sourires du monde. Sans vous le sujet de ce travail aurait sans doute été tout autre… Mais surtout, pour votre soutien inconditionnel même malgré les kilomètres, mille merci.
Cordialement.

Introduction générale

Barney (1991) estime que les ressources humaines sont une source d’avantage compétitif pour l’entreprise dans la mesure où elles créent des compétences scientifiques, créatrices de connaissances tacites et de relations sociales complexes et enracinées dans l’histoire et la culture de l’entreprise, d’où l’ambigüité causale qui les caractérise et les rend difficilement imitables.
Nous consacrons la plupart de notre vie au travail. En moyenne, un individu passe plus de temps avec ses collègues qu’avec les membres de sa famille. Ce qui accorde à l’organisation au sein de laquelle un individu travaille le pouvoir d’influencer sa vie et sa perception des choses. Comme elle peut représenter un soutien à la performance et une source de satisfaction et d’épaissement au travail, elle peut aussi générer des sentiments d’injustice qui favoriseraient par la suite des changements de comportements. Ce changement de comportement se manifeste sous plusieurs formes ciblant les individus et l’organisation (Kwak, 2006).
Ce qui rend plus en plus important et indispensable d’accorder une attention bien particulière aux perceptions de justice au travail dans le management contemporain. La recherche a prouvé, durant les deux dernières décennies, que les perceptions de justice des processus d’allocation sont liées à de nombreuses variables organisationnelles importantes (Cohen-Charash et Spector, 2001 ; Colquitt, Conlon, Wesson, Porter et Ng, 2001 ; Konovsky, 2000 ; Jouglard-Trischler et Steiner, 2005 ; Steiner, 1999). Cependant, le traitement juste des employés a tendance à promouvoir leur performance (Cropanzano, Prehar et Chen, 2002 ; Rupp et Cropanzano, 2002) et à favoriser des comportements de citoyenneté organisationnelle (Moorman, 1991 ; Moorman, Blakely et Niehoff, 1998). D’une part, la justice a tendance à instaurer la confiance et l’engagement des employés dans l’entreprise (Folger et Konovsky, 1989 ; Pillai, Schriesheim et Williams, 1999) et les équipes de travail (Korsgaard, Schweiger et Sapenza, 1995). Elle permet aussi d’éviter les effets négatifs des crises économiques dans les entreprises (Schaubroeck, May et Brown, 1994) tout en réduisant les stress des salariés (Cropanzano, Goldman et Benso, 2005). En gestion des ressources humaines, le champ d’application de la justice organisationnelle est large et diversifié. Ainsi, ses interventions intègrent les systèmes de sélection et de recrutement (Gilliland, 1993, 1994), les systèmes de rémunération (Jones, Scarpello et Bergmann, 1999 ; Lee, Law et Bobki, 1999 ; Scarpello et Jones, 1996), les programmes de tutorat (Scandura, 1997), l’évolution des performances (Korsgaard et Roberson , 1995), la gestion des licenciements (Brockner, DeWitt, Grover et Reed, 1990), le développement du leadership (De Cremer, 2003 ; Skarlicki et Latham, 996, 1997), l’acceptation des contrôles organisationnels (Makkai et Braithwaite, 1996), la conciliation entre vie privée et vie professionnelle (Grover et Crooker, 1995), la gestion de nouveaux projets (Leung, Smith, Wang et Sun, 1996 ; Sapienza et Korsgaard, 1996), les changements organisationnelles (Daly et Geyer, 1994) et les tests d’usage des drogues dans l’organisation (Konosky et Cropanzano, 1991). D’autre part, l’injustice a tendance à provoquer des effets opposés, en incluant les comportements vindicatifs de représailles (Skarlicki et Folger, 1997), les comportements de retrait (Hendrix, Robbins, Miller et Summers, 1998 ; Schwarzwald, Koslowsky et Shalit, 1992), les actes de sabotage dans l’organisation (Ambrose, Seabright et Schminke, 2002), la violation des règles organisationnelles (Tyler, 1990) et même les vols (Greenberg, 1990, 1993a, 2002 ; Nadisic, 2005). Ces exemples de comportements sont connus du point de vue managérial et de l’organisation au travers de leur coût. Dans cette perspective ils sont abordés en psychologie organisationnelle sous l’appellation de CCT Comportements Contreproductifs au Travail. Bon nombre d’employé reconnaissent émettre ce type de comportement au travail (Bennett et Robinson, 2000 ; Boye et Slora, 1993 ; Harper, 1990 ; Rioux, Roberge, Brunet, Savoie et Courcey, 2005).
Une des revues américaines les plus prestigieuses dans le domaine d’assurances, publiait en 1999 une étude chiffrant le coût économique des comportements contreproductifs (Vols, négligences intentionnées, agression etc.) a 400 milliards de dollars par an (Wells, 1999). De plus, les comportements de fraude ou de vol au travail seraient responsables de 20% des fermetures d’entreprises aux Etats-Unis (Coffin, 2003). Rioux et ses collaborateurs (2005) mentionnent que, dans un intervalle de six mois, environ 90% des employés rapportent avoir commis un comportement inadapté au travail. Boye et Slora (1990) présentent des comportements qui font obstacle à la productivité de l’entreprise. De ceux-ci, 69% admettent avoir commis des comportements déviants sévères envers la productivité (Boye et Slora, 1990). D’après Boye et Slora, (1990), 46% des employés avouent avoir volé de l’argent ou des biens, 62% avoir volé de temps et 49% des complicités de vol. D’autres chercheurs (Bennett et Robinson, 2000) ont trouvé dans une de leurs études que 84% des travailleurs ont utilisé le temps de travail pour des affaires personnelles ; que 51% ont pris un bien appartenant à l’entreprise sans permission ; que 77,8% se sont moqués d’un de leurs collègues ; que 60,6% n’ont pas suivi les instructions de leurs supérieurs ; et que 54,1% ont volontairement baisser leur cadence de travail.
De ce fait, l’injustice organisationnelle s’avère être le principal facteur explicatif des Comportements Anti-sociaux au Travail CAAT. D’après les auteurs, deux méta-analyses (Cloquitt, Colon, Wesson, Porter, et Yee, 2001 ; Cohen-Charash et Spector, 2002) révèlent des relations entre des traitements organisationnels injustes et le développement d’attitudes de désengagement envers l’organisation, manifestées par des absences répétitives, des pauses éternelles, des comportements de violence etc.

Chapitre 1 : la justice organisationnelle

Section 1 : La justice organisationnelle : définition et dimensionnalité

Introduction

Nous virons dans un monde qui se caractérise par les changements. Afin de garder leurs positions concurrentielles, la plupart des organisations se sont trouvées obligées d’agir selon des pratiques de restructuration, d’aménagement du temps de travail et de réduction massive des affectifs tout en prenant en considération les conséquences liées à ces pratiques en manière d’altération de la relation organisation-employé (Henry et Jenkins, 1997 ; Torka et al., 2005).
Selon Beugré (1998), et Hiltrop (1999), les employés compétents constituent un capital expertise et une source d’avantage compétitif pour les organisations. C’est pourquoi elle se préoccupe en premier lieu de leur fidélisation.
Pour se doter d’un levier d’action tirant profit de ses ressources, l’organisation doit veiller à examiner et revoir en permanence ses pratiques en matière de gestion des ressources humaines et à se focaliser sur les attitudes des employés face à ces pratiques. Parmi les phénomènes qui peuvent influencer sur ces attitudes, la justice organisationnelle reste un champ d’investigations exploitable. « Peu de concepts sont aussi fondamentaux pour l’interaction sociale des hommes que le concept de la justice » Greenberg, (1995, p.2).
La perception de la justice est considérée comme une attitude ressentie par l’employé et qui peut avoir des effets considérables sur ses comportements dans l’organisation. L’employé apporte à son organisation ses compétences et s’attend non seulement à obtenir un poste mais aussi à être traité avec équité par rapport aux autres membres.
1.1. Définition fondamentale de la justice organisationnelle

En philosophie morale, les auteurs distinguent deux types d’éthique (Thompson,2003). L’éthique normative ou substantielle qui fait référence à la façon dont les individus doivent se comporter. L’éthique non normative ou descriptive désigne comment les individus se comportent dans le monde réel. Les recherches faites sur la justice organisationnelle adoptent généralement une approche descriptive. De ce fait, les auteurs tentent de décrire les résultats envisageables d’un événement particulier afin d’aider à la prise de décision dans le monde réel. A titre d’exemple, en adoptant des procédures organisationnelles justes, la performance au travail pourrait s’améliorer. Dès lors que l’organisation souhaite améliorer sa performance, la justice procédurale devient alors un moyen majeur pour concrétiser son souhait. Nonobstant cette qualité, l’approche descriptive a au moins une limite sérieuse. Quoiqu’une description du comportement individuel puisse servir à orienter une prise de décision éthique, elle n’aboutit pas nécessairement et directement à des principes moraux. Comme les philosophes David Hume (1783/1984) et G.E. Moore (1903/2004) l’ont bien illustré, la déclaration de « ce qui est » (ce que les individus font réellement) ne mène pas directement à la déclaration de « ce que doit être » (ce que les individus doivent faire).
La justice organisationnelle est plus qu’être descriptive, elle est aussi subjective. Ainsi, les chercheurs focalisent leurs études sur ce que les individus pensent être juste et non pas sur ce qui est juste.

1.2. La justice organisationnelle, cadre conceptuel

D’après Younts et Mueller, 2001, p.125, le concept de la justice organisationnelle demeure un concept « vague et obscur » qui nécessite d’être éclairci en vertu de ses utilisations en management, en psychologie et en sociologie. Beugré, 1998, p.7, a proposé une définition qui permet de mieux cerner le concept : « La justice est la perception de l’équité des échanges prenant lieu dans l’organisation, qu’ils soient économiques ou sociaux, impliquant l’individu dans ses relations avec les supérieurs, les subordonnées, les collègues, et l’organisation comme étant un système social ».
Adams (1965) et Emerson (1976) définissent la perception de la justice distributive comme étant l’évaluation des résultats et des conséquences des décisions d’allocations en termes de proportionnalité entre les contributions et les rétributions. Selon Lind et Tyler, 1988 ; Thibaut et Walker, 1975, la justice procédurale est définie comme « l’évaluation des règles et procédures formelles mises en application pour atteindre les résultats d’allocations » *. Quant à la justice interactionnelle, Bies et Moag, 1986 et Greenberg, 1993, l’ont défini comme suit « elle est relative à l’évaluation des aspects interpersonnels des décisions d’allocations ». **

* Lind E.A. et Tyler T.R., (1988), The social psychology of procedural justice. cité par Bies R.J. et Shapiro D.L., (1988à, « Voice and justification : their influence on procedural fairness judgments », Academy of Management Journal, vol.31, pp. 676-685.
Thibaut J. et Walker L., (1975), Procedural justice : a psychological analysis, cité par Bies et R.J. et Shapiro D.L., (1988), op. citée.
** Greenberg J., (1993), The social side of fairness interpersonal and informational classes of organizational justice, cité par Colquitt J.A., Conlon D.E., Wesson M.J., Porter C.O. et Yee Ng K., (2001), « Justice at the millennium : a meta-analytic review of 25 years of organizational justice research », Journal of Applied Psychology, vol. 86(3), p. 427.

1.3. Facteurs déterminants de la perception de justice

Suivant la logique de Greenberg, (1990) et de Bies, (2001), il faut étudier les différents facteurs explicatifs de la justice organisationnelle afin de mieux distinguer entre ses différentes dimensions et de comprendre son importance dans les contextes organisationnels.
Il est éminent de définir le concept de la perception dans son acception générale puisque cette composante centrale mesure le degré selon lequel l’employé a appréhendé le phénomène de la justice organisationnelle. Gamble et Gamble, (2005) ainsi que Palmer et O’Neill, (2003) ont défini la perception comme suit : « le processus de sélection, organisation et interprétation de données sensorielles (visuelles, auditives etc.) reçues par l’individu, de façon qui permet de donner un sens au monde extérieur. ».
D’après cette définition, deux constatations essentielles sont à dégager. La première est que la perception est la résultante de l’interaction entre des stimuli externes (ex. le cotexte spatio-temporel) et les facteurs individuels internes (ex. les traits de personnalité, la capacité intellectuelle etc.) donc elle ne se constitue pas de manière isolée. La seconde est que la perception suppose une construction mentale c’est-à-dire le fait que l’individu intériorise et interprète l’ensemble des expériences vécu afin de leur donner un sens.
La perception de la justice ne dépend uniquement pas de la façon avec laquelle se comportent les employeurs vis-à-vis des employés, mais d’autres déterminants ou caractéristiques individuelles et organisationnelles peuvent avoir une influence sur cette perception (Beugré,1998).

1.3.1. Les déterminants individuels

D’après la littérature, l’âge, l’ancienneté, la position hiérarchique et le niveau de formation constituent les principales caractéristiques individuelles qui influencent la perception de la justice organisationnelle.
H1 : Les caractéristiques personnelles influencent la perception de l’employé de la justice organisationnelle.
1.3.1.1. L’âge : Cette variable a été rarement prise en compte séparément dans les recherches portant sur la perception de l’injustice organisationnelle. D’après Wesolowski et Mossholder (1997), elle a été prise en compte uniquement dans les études sur l’impact des caractéristiques démographiques, prise conjointement, sur la perception des individus de la justice de leurs supérieurs. D’après Porter et al., (1979 et Russ et Mc Neilly (1995), plus on est âgé moins on critique nos supérieurs et plus on est impliqué à l’organisation. Ce qui revient à dire que le degré de perception de la justice ou de la justice organisationnelle de l’employé serait moins faible que les jeunes employés. A l’instar de ce que soulignent Hagen et al., (2005), la sensibilité aux valeurs sociales et politiques se développe depuis la jeunesse.
Donc, il en résulte la sous-hypothèse suivante :
H1.1 : Plus l’employé est âgé plus sa perception de la justice est forte.
1.3.1.2. L’ancienneté : Selon certains auteurs, le lien entre l’ancienneté et la perception de l’injustice est positif puisque l’employeur va cumuler son vécu de mauvaises expériences tout au long de son parcours professionnel. Néanmoins, selon d’autres auteurs comme Leventhal et al., (1980), l’ancienneté minimise le sentiment de l’injustice. Elle crée chez l’individu comme un sentiment de familiarité et de sécurité.
Il en découle une sous-hypothèse ainsi :
H1.2 : Plus l’employé est ancien dans l’entreprise plus sa perception de la justice organisationnelle est forte.
1.3.1.3. Le niveau hiérarchique : Il est lié au rôle que jour l’employé au sein de l’entreprise. Plusieurs études ont confirmé qu’il existe un lien significatif entre la perception de l’injustice et le statut de l’employé. A titre d’exemple, Lausberg (1984), a vérifié que les responsables hiérarchiques et intermédiaires accordent beaucoup d’importance au fait d’être traité avec équité en ce qui concerne les procédures d’allocation (justice procédurale). Par contre les employés à bas niveau hiérarchique admettent peu l’équité des procédures d’allocation et perçoivent mieux cette équité au niveau des unités de travail qu’au niveau de l’organisation en général. D’où sort la sous-hypothèse suivante :
H1.3. Plus la position hiérarchique de l’employé est élevée, plus il perçoit la justice organisationnelle.
1.3.1.4. Le niveau de formation : il est couramment admis que les individus ayant un niveau de formation élevé sont plus conscients et matures, donc plus sensibles aux événements organisationnels liés à la justice organisationnelle. D’après Daily et Delaney (1992), à un niveau de formation plus élevé, les employés seraient plus disposés à participer aux décisions prises par les supérieurs et revendiquer leurs droits. Et donc percevoir et juger l’équité de leurs supérieurs autant plus que ceux ayant un niveau d’instruction faible.
Il en résulte la sous-hypothèse suivante :
H1.4. Le niveau de formation affecte négativement la perception de la justice organisationnelle.
1.3.2. Les déterminants organisationnels

D’après la littérature, les facteurs organisationnels peuvent influencer la perception de l’individu de l’équité. Parmi lesquels, nous allons traiter les variables considérées les plus pertinentes.
H2 : les caractéristiques organisationnelles et politiques de gestion affectent la perception de l’employé de la justice organisationnelle.
1.3.2.1. Le climat social : Ostroff (1993) atteste que l’analyse des effets du climat social et organisationnel sur la perception des employés de la justice organisationnelle n’a pas attiré de nombreux chercheurs. Le climat social a été défini comme suit : « L’atmosphère psychologique générale qui prévaut sur le lieu de travail » par Laroche et Schmidt (2004, p.2). De cette définition, nous comprenons que les facteurs qui expliquent le climat social sont composés d’un ensemble d’attributs individuel et organisationnel au même temps. Denison (1996) affirme que la recherche dans ce domaine nécessiterait la prise en compte des dimensions perçues ainsi que les dimensions objectives simultanément. Dans ce travail, nous allons nous focaliser sur deux composantes du climat social : soit la qualité des relations supérieurs-subordonnés (les attributs individuels) et le climat éthique caractérisant l’organisation (les attributs organisationnels).
H2.1 : la perception favorable du climat social affecte positivement la perception de la justice organisationnelle.
1.3.2.2. Les caractéristiques de la fonction occupée : Ces caractéristiques ont toujours constitué l’un des déterminants de l’attitude et de l’humeur de l’employé (Alder et al., 1981 ; Spector et Jex, 1991).
Hackman et Oldham, (1976) associent à toute fonction un potentiel de motivation. Nous parlons de l’aptitude d’une fonction à motiver la personne qui y travaille grâce à aux caractéristiques du poste. Ces caractéristiques constituent l’ensemble des aspects stables de l’environnement de travail relatif à cette fonction. Les auteurs tels que Hackman et Oldham, (1976) ; Sims et al., (1976), ont réparti l’ensemble de ces caractéristiques en quelques composantes essentielles qui constituent la variété des compétences mobilisées, l’identification aux tâches, l’autonomie et le feedback. Récapitulons, d’après Hackman et Oldham, un poste de travail qui permet à l’employé une marge d’autonomie, une identification aux tâches qu’il exécute, une communication ascendante et descendante, peut renforcer la perception de justice organisationnelle chez l’employé puisqu’il aura un confort moral.
L’hypothèse résultante est :
H2.2 : la perception favorable des caractéristiques de la fonction occupée affecte positivement la perception de la justice organisationnelle.
1.3.2.3. La politique de rémunération : Haneman et Schwab (1985) ; Judge (1993) ont élaboré une décomposition de la satisfaction perçue par l’employé envers la politique salariale de l’organisation selon laquelle nous constatons l’existence d’un lien avec les différentes dimensions de la perception de justice organisationnelle. La satisfaction envers la politique salariale comporte une composante liée au niveau du salaire reçu et aux fréquences des augmentations des salaires attribuées par l’organisation. Elle renvoie, par ailleurs, à la dimension distributive ce qui touche à la perception de la justice distributive de l’individu. La politique de rémunération comporte aussi certains aspects liés à la structure et les modes d’administration des salaires. Nous parlons ici de ses dimensions procédurale et interactionnelle. Des chercheurs ont vérifié que la participation dans la configuration du système de rémunération a un effet positif sur le sentiment d’équité de l’employé (Jenkins et Lawler, 1981).
H2.3 : La perception favorable de la politique salariale affecte positivement la perception de la justice organisationnelle.
1.3.2.4. La politique d’appréciation des compétences : Nous pouvons déterminer la justice perçue par l’employé à partir du système d’évaluation des compétences créé par l’organisation. D’après Erdogan et al. (2001) ; Williams et Levy (2000), un système d’appréciation permettant la connaissance et la participation de l’employé à la détermination des critères d’évaluation ainsi que le retour d’information (feed-back) à propos le processus et les résultats de l’appréciation, peut influencer positivement l’équité perçue du système. Pfeffer (1998) confirme que la participation créée chez l’employé un sentiment de valorisation et stimule l’estime de soi et la sensation de sécurité relative à son travail. Il en découle l’hypothèse suivante :
H2.4 : La perception favorable de la politique des compétences affecte positivement la perception de la justice organisationnelle.
1.3.2.5. La politique disciplinaire : les chercheurs l’ont appelé aussi système de sanctions. Plusieurs auteurs se sont intéressés à étudier les différents systèmes disciplinaires ainsi qu’à leur influence sur les attitudes des employés tels que Arvey et Ivancevich, (1980) ; O’Reilly et Puffer, (1989). Grâce à ses caractéristiques, la politique disciplinaire peut stimuler ou atténuer les sentiments d’équité éprouvés par l’’individu. Un ensemble d’aspect, conçu par Ball et al., (1994), permet de juger de la souplesse d’une politique de sanction soient l’information de l’employé et la communication (à propos l’étendue et les causes des sanctions méritées) ainsi que la participation de l’employé à la mise en application et même l’amélioration de cette politique. Les caractéristiques du système de sanctions affectent le sentiment d’équité éprouvé par l’employé dès lors elles sont liées aux mesures disciplinaires appliquées et aux procédures suivies pour la mise en œuvre de la politique disciplinaire et aux manières de traiter les individus qui vont subir la sanction. D’où sortent trois dimensions de la perception de l’équité : affective, procédurale et interactionnelle.
H.2.5 : La perception favorable de la politique disciplinaire affecte positivement la perception de la justice organisationnelle.

Figure 1 : Modèle conceptuel

1.4. Les dimensions de la justice organisationnelle

Kumar el al., (1995) affirment que la perception de justice procédurale et la justice distributive améliore la qualité de la relation.
D’après Liu et al., (2012), la relation peut s’endommager suite à une perception d’injustice et elle peut même prendre fin lorsqu’il s’agit des relations inter-organisationnelles (relation avec les partenaires). C’est pourquoi il est indispensable d’étudier ces relations.
Selon Nasr et al. (2009) « il existe un consensus sur le fait que toutes les dimensions sont importantes et qu’une compréhension complète des dynamiques de la justice organisationnelle exige la prise en compte simultanée des différents types et de leurs interactions. » (Cropanzano, Byrne, Bobocel et Rupp, 2001 ; Li et Cropanzano, 2009).

La littérature a identifié quatre types de justice (Greenberg, 1993) et ce a été empiriquement vérifié par Cloquitt (2001). Le modèle à quatre facteurs ne signifie pas que le modèle à trois facteurs est incorrect, mais propose simplement la distinction au niveau interactionnel entre une dimension interpersonnelle et une dimension informationnelle dans le but d’améliorer la précision de l’analyse.
1.4.1. La justice distributive

La justice distributive est inscrite aussi bien dans l’histoire des sciences humaines (Matkovsky et Younts, 2001) que dans la philosophie normative (Sabbagh, 2001).
Elle découle des travaux de Adams (1965) et de sa théorie de l’équité. La justice distributive repose sur le fait que l’employé fait le rapport entre ce qu’il reçoit comme avantages de l’entreprise et les efforts fournis pour l’entreprise. Les employés effectuent alors une évaluation des rapports des investissements inhérents à un échange particulier aux bénéfices qu’ils retirent de cet échange (Abbad et Boissinot, 2009).
Plusieurs chercheurs se sont intéressés au concept de la justice distributive qui montre la manière dont les bénéfices sont partagés et dont les avantages et les charges sont répartis entre les parties (Kumar, 1996 ; Hertel et al., 2002 ; Fearne et al., 2005).
1.4.1.1. Théorie de l’équité

La justice distributive est liée aux perceptions et aux réactions relatives aux rétributions reçues, suite à une allocation des ressources par rapport à ce que les individus pensent mériter, et établis sur une comparaison avec autrui (Deutsch, 1975 ; Homans, 1962 ; Leventhal, 1976). La justice distributive est associée à une longue tradition de recherche aussi bien dans les sciences humaines (Markovsky et Younts, 2001) que dans la philosophie normative (Sabbagh, 2001). Au sujet de la justice organisationnelle, le plus important pionnier était Stacy Adams (1963,1965 ; Adams et Freedman, 1976). Dans la théorie de l’équité, Adams a produit un modèle de référence en justice distributive. Il a adopté une approche faisant partie des théories de l’équilibre et de la conscience ce qui permet de définir ce qui est « équitable » quant à l’équilibre entre les contributions d’un employé et ses rétributions (cf. Heider, 1958). Adams a sollicité que les employés sont concernés par le caractère juste de leurs rétributions en comparaison avec celles d’un autre employé (considéré comme référent) et non pas par le niveau absolu de ces rétributions. L’employé détermine la justice en faisant le ratio des rétributions aux contributions et en jugeant dans quelle mesure ce rapport calculé est comparable aux ratios des référents.
Les référents peuvent être ses collègues, l’individu lui-même à un point antérieur dans le temps, comme ils peuvent être des référents imaginaires pouvant être conçus par l’individu ayant reçu la rétribution (Folger et Kass, 2000 ; Kukil et Ambrose, 1992). D’après la logique de la dissonance cognitive (Adams et Rosenbaum, 1962), Adams a affirmé qu’un employé sous-payé sentirait de la colère ou du « ressentiment ». Afin de rétablir l’équité, cet employé se motiverait de ce sentiment de colère. Il changerait son comportement en minimisant ses efforts par exemple et/ou il changerait ses cognitions en estimant que le référent initial était inadapté. Néanmoins, ses comportements ne changeraient pas que lorsqu’il est sous-payé, mais aussi lorsqu’il est sur-récompensé (Adams,1965). Lorsque l’individu s’estime beaucoup mieux rétribué qu’un référent, il éprouverait probablement un sentiment de culpabilité. Malgré que les prédictions d’Adams sur l’iniquité de la sur-récompense semblent contre-intuitives, la recherche l’a soutenu (cf. Greenberg, 1988, 1990 ; Greenberg et Ornstein, 1983 ; Harder, 1992 ; Prichard, Dunnette et Jorgenson, 1972 ; Schwarzwald et al., 1992), même si les effets de la sur-récompense se sont avérés moins faibles que ceux de la sous-récompense (Greenberg, 1982). De plus, Vecchino (1981) affirme que les effets de la sur-récompense dépendront des valeurs de l’individu.

1.4.1.2. Règles alternatives pour la justice distributive

Les premières recherches sur la justice organisationnelle ont accordé une énorme importance à la théorie de l’équité. Lind (cité par Byrne et Cropanzano, 2001, p.9) a même noté que « la justice était synonyme de la théorie d’équité d’Adams »
Il est éminent de dire que les études empiriques sur la théorie de l’équité portent très souvent sur des situations de rémunération à la performance (cf. Harder, 1992). De la même façon, les rétributions équitables ont-elles tendance à être mieux appréciées dans les cultures nationales individualistes (James, 1993). L’avantage de cette vision de l’équité est le fait qu’elle favorise la compétition interne entre les salariés (Kabanoff, 1991) ce qui peut nuire à l’esprit et à l’harmonie de l’équipe. De plus, il y aura toujours ceux qui estimeront injuste l’allocation des rétributions sur la base du critère de l’équité d’Adams (cf. Chen, Meindl et Hui, 1998 ; Kim, Park et Suzuki, 1990).
Etant donné ces limites, Deutsch (1975, 1985) a proposé de considérer l’équité comme une règle possible de la justice distributive et de montrer que d’autres règles sont susceptibles d’être même plus valides selon les situations organisationnelles. De ce fait, les théoriciens de la justice (cf. Deutsch, 1975, 1985 ; Laventhal, 1976 ; Sampson, 1986) admettent que les individus utilisent de différentes règles comme base pour distribuer les rétributions organisationnelles. Ainsi, Deutsch (1975, 1985), a postulé qu’il existe au moins trois règles fondamentales de distribution- l’équité (rétribuer chacun selon ses contributions), l’égalité (rétribuer chacun de la même manière que les autres) et le besoin (rétribuer chacun selon ce qui est nécessaire). Deutsch (1985), a proposé que la pertinence d’une règle d’allocation dépend de la forme d’interdépendance sociale qui est en jeu ou de la nature du contexte social. La règle d’équité vise à découvrir, de valoriser et de récompenser les différences entre les employés de l’organisation. C’est pourquoi cette règle peut faire face à des conflits avec les rapports sociaux soulignant l’avenir commun des membres. Ainsi, la règle d’égalité peut prévaloir dans les contextes sociaux qui visent à préserver l’harmonie collective entre les participants qui ont probablement développé des relations d’amitié et/ou s’estiment partageant les mêmes attitudes et valeurs (Martin et Harder, 1994). Quant aux distributions basées sur la règle du besoin, elles sont privilégiées dans les contextes personnels (famille etc.) ou dans les contextes de services sociaux (santé publique, assistance sociale etc.), où le but est de veiller sur le bien-être de chaque individu (Steiner, Trahan, Haptonstahl et Fointiat, 2006). Il est indubitable qu’il existe d’autres considérations à assimiler dans le choix des règles de distribution et de rétribution dans les entreprises comme la nature des ressources (Martin et Harder, 1994) et la rareté des ressources (Skitka et Tetlock, 1992). Plus particulièrement, l’équité semble être moins importante quand la rareté des ressources se met en évidence (cf. Coon, Lane, Lichtman, 1974 ; Lane et Messe, 1972). Les récompenses de nature économique sont souvent distribuées selon la règle d’équité (Martin et Harder, 1994), quoiqu’il y ait quelques exceptions à cette disposition générale (Chen,1995), alors que les récompenses de natures socio-émotionnelle ont tendance à être distribuées selon la règle d’égalité ou sur la base des besoins personnels.

1.4.2. La justice procédurale

C’est Thibaut et Walker (1975) qui ont introduit ce concept. Mossholder et al. (1998) ont démontré que la perception de la justice n’est pas uniquement influencée par les bénéfices reçus mais aussi par la manière dont ces bénéfices ont été obtenus.
Aussi, Baillergeau et Bénavent (2005) ont confirmé : « la régularité, dans le sens du respect des règles, du processus de justice, est essentielle. En effet, pour trouver juste la répartition, il faut reconnaitre que les règles ont été bien appliquées. »
Selon Thibaut et Walker (1975), les procédures sont perçues plus justes quand les protagonistes ont la possibilité d’influence la mise en œuvre des procédures.
D’après Thibaut et Walker (1975) ; Lind et Tyler (1988), deux formes de contrôle sont identifiées : le contrôle décisionnel et le contrôle processuel. Le contrôle décisionnel représente la possibilité de l’individu d’exercer un contrôle sur la décision finale (Baillergeau et Bénavent, 2005). Quant au contrôle processuel, il représente la possibilité de donner son avis (Voice) pour déterminer les procédures utilisées.
Une série d’études sur la nature des réactions qui suivraient différentes procédures de résolution de litiges a été réalisée par Thibaut et Walker (1975), en analysant les procédures juridiques. Ces auteurs ont appelé leur modèle la théorie de la justice procédurale qui postule sur les perceptions subjectives des individus de la manière avec laquelle les rétributions ont été distribuées c’est-à-dire la manière dont les salaires et avantages sont attribués. Selon cette théorie, deux niveaux d’analyse sont distingués. La phase d’analyse et la phase de décision (Thibaut et Walker, 1978).
Au cours de la première phase, le contrôle du processus renvoie à la capacité d’un individu à contrôler la manière dont les preuves sont retenues, dans une affaire juridique. La deuxième phase comprend le contrôle de la décision c’est-à-dire la capacité de la personne à déterminer le résultat effectif de l’affaire (Thibaut et Walker, 1978). Le contrôle du processus (Voice) peut être plus important que le contrôle de la décision dans la perception de la justice. Si les procédures utilisées sonnent aux parties litige un droit à l’expression, l’acceptation des résultats de la décision va s’améliorer, même lorsqu’ils sont négatifs (cf. Lind, Kurtz, Musante, Walker et Thibaut, 1980). Plus tard, la notion de justice procédurale a été appliquée en dehors du domaine de la prise de décision juridique. Les développements les plus éminents ont été réalisés par Laventhal (1976, 1980) et ses collègues (Leventhal, Karuza et Fly, 1980).
Selon Lventhal, le droit à l’expression (Voice) est uniquement un élément parmi d’autres déterminants de la justice procédurale. Les attributs de la justice procédurale englobent l’application cohérente des règles, la possibilité de correction, l’absence du biais, la représentativité des intérêts de toutes les personnes concernées et l’adéquation avec les normes éthiques en vigueur.

1.4.3. La justice interactionnelle

Bies et Moag (1986) attestent que la justice interactionnelle désigne la qualité du traitement reçu des autres. D’après la littérature, la justice interactionnelle, au départ, a fait objet de certaines controverses. Certaines études, telles que cf. Cropanzano et Greenberg (1997 ; Tyler et Bies (1990), l’ont traité comme un aspect social de la justice procédurale, tandis que d’autres études comme cf. Bies (2001) ; Cropanzano et Prehar (1999), l’ont abordée comme une forme indépendante de justice organisationnelle.
Mais généralement, les recherches récentes soutiennent la distraction entre la justice interactionnelle et la justice procédurale (cf. Cohen-Charash et Spector, 2001).
D’autres recherches, Greenberg (1993b), divisent la justice interactionnelle en deux dimensions : la justice informationnelle et la justice interpersonnelle.
La justice informationnelle se réfère à l’adéquation des explications communiquées, et la justice interpersonnelle contient le respect et la sincérité dont bénéfice un employé de la part des autres. Un important soutient empirique a été accordé à cette approche (Colquitt et al., 2001 ; Greeneberg, 1993a, 1994).
Dès lors, de nombreux chercheurs utilisent une structure à quatre dimensions de la justice organisationnelle : Distributive, procédurale, interpersonnelle et informationnelle (Colquitt, 2001 ; Colquitt et al., 2001 ; Jouglard-Trischler et Steiner, 2005, Nadisic, 2006a).

Greenberg (1990) affirme que les individus qui participent au processus de décision doivent être respectés et traités avec dignité et courtoisie afin de vue de définir les concepts de justice interpersonnelle. Ainsi, il ajoute que les informations communiquées aux employés doivent être adéquates et crédibles de vue de définir le concept de la justice informationnelle.
Postérieurement, Colquitt (2001) a démontré par ses expériences que la justice interactionnelle comporte deux dimensions : la justice interpersonnelle et la justice informationnelle.

En se basant sur les études de Hosmer et Kiewtz (2005), Arino et Ring (2010) estiment qu’utiliser conjointement les quatre dimensions de la justice est plus approprié. Ces auteurs choisissent d’utiliser l’approche de Colquitt (2001) plutôt que celle de Leo (2007). Ainsi, Hornibook, Fearne et Lazzarin (2009) estiment que les travaux de Cloquitt et al. (2001) justifient l’utilisation d’un modèle à quatre dimensions.

Conclusion

L’objectif de cette section était de fournir aux lecteur une large introduction à la justice organisationnelle, en incluant ses définitions, ses dimensions ainsi que les facteurs déterminants de la perception de la justice organisationnelle. Le comportement organisationnel demeure un domaine de recherche empirique. L’objectif de cette section est de décrire les événements et les actions qui permettent de promouvoir une perception de la justice ou de l’injustice, ainsi que les attitudes, les ressentis et les comportements qui résulteraient de ces perceptions. La justice organisationnelle est un thème passionnant et très important. Nous espérons que cet aperçu a permis de dévoiler la richesse de ce champ de recherche. Il est évident qu’il reste encore beaucoup à apprendre et beaucoup à faire pour que les organisations tirent avantage de cette connaissance. La recherche sur ce thème ouvre de nouveaux horizons pour booster l’efficacité des entreprises et surtout pour les rendre plus humaines.

Section 2 rôle du contrat psychologique dans le maintien des relations organisationnelles

Introduction

Le contrat psychologique, comme perception individuelle des termes et des conditions liés à la relation d’emploi (Rousseau, 1989), est devenu un concept de plus en plus important dans le mode des organisations. Au sein de la relation d’emploi contemporaine, les employés ne peuvent plus se rattacher à certaines croyances traditionnelles, telles que la garantie d’un emploi à vie. Par contre, plusieurs employés accordent beaucoup plus d’importance à leur responsabilité de leur développement de carrière ainsi que leur employabilité 5herriot et Pemberton, 1995). Du fait que les employés possèdent davantage de mobilité et de flexibilité (Anderson et Schalk, 1998), les organisations et plus particulièrement les responsables des ressources humaines, sont menés à attirer les employés compétents tout en les fidélisant. Dans contexte, plusieurs organisations commencent à prendre conscience de l’importance de gérer efficacement le contrat psychologique qu’elles établissent avec leurs salariés.

2.1. Définitions

Le contrat psychologique est apparu dans les années 1960 à l’initiative d’Argyris sous la terminologie de « contrat de travail psychologique » (« psychological work contact ») afin de retranscrire le maintien, par les salariés d’une usine, d’un haut niveau de productivité en échange de l’acceptation tacite de leur supérieur hiérarchique de respecter un certain nombre de règles. Puis, il s’est répandu au sein de la communité académique au dans le monde de l’entreprise par les développements effectués par Levinson et al. Dans les années 1970 et par Schein dans les années 1980. Après avoir été largement bien mobilisé par les chercheurs en sciences sociales, ce concept apparaît-il de plus en plus sollicité en gestion de ressources humaines afin d’expliquer la dynamique construite entre l’employeur et le salarié. Aujourd’hui, la majorité des chercheurs soutiennent la définition de Rousseau (1989 ; 1990) qui envisage le contrat psychologique comme « les croyances d’un individu concernant les termes et les conditions d’un accord d’échange réciproque entre lui-même et une autre partie » (1989), lequel « naît lorsqu’une partie croit qu’une promesse en un retour futur a été par l’autre partie, et donc que si elle lui apporte une contribution, elle l’oblige en retour par un bénéfice futur » (1990). D’où la nature interprétative et informelle du contrat psychologique apparaît. Une partie perçoit, de façon tout à fait subjective, les promesses qui lui sont faites par l’autre partie. Ainsi, c’est l’individu et lui seul qui perçoit la réalisation de ces promesses (leur respect, leur dépassement ou leur rupture). Toutefois, Sharpe (2003) considère que le contrat psychologique évolue en fonction des changements organisationnels, du développement personnel de l’individu, de l’âge et de la durée de la relation d’emploi. Par conséquent, s’intéresser au contrat psychologique permet d’examiner la perception de l’employé touché par ces facteurs ainsi que l’influence de cette perception sur ses comportements et ses attitudes (Kissler, 1994 ; McDonald et Makin, 2000 ; Tumley et Feldman, 1999 ; cités par Lemire et Saba, 2005 ; Rousseau, 1990 ; 1995). Les comportements et les attitudes des individus sont essentiels à la bonne marche de l’entreprise ce qui rend de plus en plus essentiel la connaissance de l’impact de la perception des individus le respect de leur contrat psychologique. Une vaste littérature s’est intéressée aux différentes formes que peuvent prendre les réactions des individus à la suite de cette perception de rupture : ainsi la réduction de la loyauté, la di munition de l’implication, l’altération de la confiance ou encore l’augmentation de l’intention de quitter l’organisation (Guerrero, 2003 ; 2004 ; Robinson et Morrison, 1995 ; Shore et Barkodale, 1998 ; Van Dyne et Ang, 1998 ; King, 2000 ; Turnley et Feldman, 2000 ; Kickul, 2001 ; Tsui et al., Cités par Guerrero, 2003 ; Robinson, 1996 ; Neveu, 1993).

Selon Rousseau, 1990, le contrat psychologique est concept qui existe entre le salarié et son employeur et qui analyse la relation d’emploi à partir des perceptions individuelles concernant les obligations. Ce qui diffère au contrat de travail, écrit et formel, le CP fait appel à des éléments tacites et psychologiques dans une relation d’emploi.

Selon Rousseau 1989, 1990, 1995, le contrat psychologique est défini comme un ensemble de croyances que des obligation réciproques basées sur de promesses implicites ou explicites régissent la relation d’échange entre l’employé et son organisation. Sa rupture ou sa violation impacterait le comportement des membres (la confiance, la satisfaction, l’engagement même les performances des employés).
Certains auteurs (Anderson et Schalk, 1998 ; Guest, 1998) ont critiqué cette définition de Rousseau comme étant vaste et non précise.

Tableau : Eléments constitutufs du contrat psychologique (ancien/ nouveau contrat psychologique)

Eléments du contrat psychologique Ancien contrat psychologique Nouveau contrat psychologique
Environnement Stable, concentration sur le court terme Turbulent, changements continus
Culture Paternaliste, sécurité en échange de l’engagement organisationnel, ancienneté Respect des obligations organisationnelle seulement si la performance individuelle/ collective répond aux attentes de l’organisation
Récompenses Rémunération basée sur le niveau, la position et le statut Rémunération basée sur les contributions individuelles/ collectives
Elément de motivation Promotion(s) Enrichissement de l’emploi, développement des compétences
Critères de promotion Promotion(s) selon un cheminement anticipé l’ancienneté et la compétence technique Moins de possibilité de promotion(s), nouveaux critères, selon le principe du mérite
Mobilité Rare et selon les conditions de l’organisation Horizontale, comme outils de renouvellement de l’organisation, processus de gestion
Licenciement / Ancienneté Emploi à vie si les attentes organisationnelles en matière de performance sont comblées Salariés considérés chanceux d’avoir un emploi, pas de garantie d’emploi à vie
Habilitation Conception instrumentale des salariés, échange de la promotion contre plus de responsabilités Responsabilisation encouragée, en équilibre avec les responsabilités, en lien avec l’innovation
Statut Très important, rattaché au poste Doit être mérité par la compétence et la crédibilité
Développement personnel (employabilité) Responsabilité de l’organisation Responsabilité première de l’individu
Confiance Possibilité d’un niveau élevé de confiance entre les parties Souhaitable, mais salariés davantage attachés à leur projet ou à leur profession qu’à leur organisation
Source : Adaptéde Sharpe, A. (2003). The psychological in a changing work environment, The Work Institute
Tiré de : Organisation change and the psychological contract, the rhetoric of employability, the potential reality of reciprocal brutalism, Thisis (ph D.), Leicester, De Montfort University.
2.2. Les termes du CP

2.2.1 Les obligations générales

Rousseau (1990) a créé un outil de mesure de sept obligations types de l’employeur qui a été repris jusqu’au milieu des années 1990 (Robinson et Rousseau. 1994 ; Robinson et al. ; Robinson et Morrison. 1995 ; Robinson. 1996 ; Rousseau. 1990) incluant les thèmes de la carrière, la formation, de bonnes relations au travail, un salaire lié aux performances, un travail intéressant et riche, un traitement équitable et la sécurité de l’emploi.
Les auteurs ont rajouté des obligations à celle de Rousseau, l’implications des salariés dans la vie et les décisions de l’entreprise (Porter et al., 1998) et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle (de Vos et al., 2003)
Depuis le numéro spécial de la revue Journal of Organizational Bihavior de 1998, les conceptions théoriques ont changé et le CP tend à être considéré comme un construit de la théorie de l’échange social et non seulement comme un concept lié aux perceptions individuelles (seules les obligations de l’employeurs). A cette ère on peut étudier les interactions entre l’individu et l’entreprise.
Rousseau (1998) construit le Psychological Contract Index (PCI), qui élabore une liste d’obligations, plus stables et généralisables. Plus de 40 items sont proposés et regroupés après analyse factorielle en sept dimensions pour les obligations de l’employeurs, et en six pour celles du salarié. Concernant la validité de cet instrument, Morrison et Robinson (2000) l’ont confirmé ainsi que la stabilité de sa structure factorielle.

1.1. Dimensionnalités :

Rousseau 1990 ; Robinson et Morrison, 1994, soulignent qu’ils existent deux dimensions du contrat psychologique.

Le contrat relationnel Le contrat transactionnel
-enraciné dans la théorie de l’échange social
-inclut des obligations d’ordre émotionnel ou affectif
-implicites comme l’obligation de développement des carrières d’assurer la sécurité d’emploi, la formation et les développements des compétences – enraciné dans l’échange économique

-inclut des obligations à caractère monétaire ou matériel
-explicites et à court terme, comme celles relatives au salaire et aux avantages divers, à l’horaire et au lieu de travail

La formation du contrat psychologique

Compte tenu du pouvoir explicatif du contrat psychologique sur les comportements et les attitudes des employés, plusieurs recherches se sont focalisées sur l’étude des conséquences de la brèche au sein du contrat psychologique, à vrai dire sur les conséquences de l’évaluation cognitive relative à la « non-réalisation » des obligations liées à l’employeur. Ainsi, en focalisant sur les répercussions de la brèche, la littérature sur le contrat psychologique n’a accordé que très peu d’attention à la minière dont le contrat psychologique se construit. Certains chercheurs (Rousseau, 2001 ; Taylor et Tekleab, 2004) reconnaissent l’importance d’étudier la manière dont le contrat psychologique se forme dès l’entrée dans une nouvelle entreprise.
Les étapes de la formation du contrat psychologique

D’après la littérature sur le contrat psychologique, plusieurs phases du développement du contrat psychologique se sont identifiées (Anderson et Thomas, 1996 ; Nelson, Quick et Joplin, 1991). Premièrement, nous trouvons la phase de socialisation anticipation qui est avant même l’intégration de la nouvelle organisation. Au cours de cette phase, l’individu possède un « contrat psychologique anticipatoire » (Anderson et Thomas, 1996 ; Blancero et Kleiner, 2001) qui repose sur des croyances issues d’expériences antérieures à l’entrée organisationnelle. Ce contrat psychologique anticipatoire, appelé aussi schéma préexistant de la relation d’emploi, est assimilé par diverses expériences de socialisation familiale, professionnelle ou encore sociétale. Il comporte les obligations réciproques telles que perçues par la future nouvelle recrue. Au cours de cette étape, les nouvelles recrues potentielles peuvent entrer en interaction avec des agents organisationnels responsables du recrutement et de la sélection. L’échange d’information qui en découle peut générer chez l’individu à recruter des attentes anticipatoires relatives aux obligations et aux promesses comprises dans le contrat psychologique. C’est pourquoi, le contrat psychologique anticipatoire peut être perçu comme un schéma naïf et imparfait qu’une personne possède à propos d’une future relation susceptible d’avoir lieu. Deuxièmement, dès l’entrée organisationnelle, vient la phase de rencontre qui s’étend sur les premiers mois de la relation d’emploi. D’après Nelson et al. (1991), au cours de cette phase, l’employé développe un schéma de la relation d’emploi plus durable qui va être testé par rapport à la réalité organisationnelle. Durant cette période, les échanges d’informations et les interactions avec divers agents organisationnels influenceraient la manière dont les nouvelles recrues perçoivent et interprètent leur environnement de travail et donc leurs relations d’emploi. En se référant à leurs expériences vécues dans la phase de rencontre, les nouvelles recrues fassent une réévaluation entre leurs attentes et la relation d’emploi. Avec le temps, le schéma contractuel de la nouvelle recrue se modifie de telle sorte que le contrat psychologique anticipatoire est remplacé par un schéma contractuel plus stable. Et la dernière phase de la formation du contrat psychologique, est la phase changement et d’acquisition dont le schéma mental s’ajuste progressivement à partir des informations environnementales jusqu’à l’atteinte d’un niveau complet et suffisant pour qu’il y ait une certaine consistance entre les expériences organisationnelles et les croyances individuelles relatives à la relation d’emploi (Rousseau, 2001). Une fois que le schéma de la relation d’emploi est complètement complet, il devient alors résistant au changement (Fiske et Taylor, 1984 ; Horowitz, 1988, Stein, 1992). Cependant, les contrats psychologiques ne sont jamais formés définitivement mais ils évoluent et font plus souvent l’objet de révisions sur base des expériences faites après l’entrée organisationnelle (Schalk, 2004). Aussi, Anderson et Thomas (1996) suggèrent que le contrat psychologique se développe progressivement à traves un processus continu d’accommodation entre les employés et les agents organisationnels.
En ce qui concerne ce processus qui soutient le développement de la relation d’emploi, la littérature sur le contrat psychologique démontre deux mécanismes d’adaptation : l’adaptation unilatérale basée sur la perception de la réalité et l’adaptation réciproque basée sur la norme de réciprocité. (cf. Figure ci-dessous)
– Le mécanisme d’adaptation unilatérale : L’adaptation unilatérales se produit lorsqu’un individu modifie sa perception des promesses faites par une des deux parties contractuelles (lui-même ou son employeur) sur base de son interprétation des contributions apportées par cette dernière (De Vos, Buyens et Schalk, 2003) a effectivement montré que (a) les nouvelles recrues modifient leurs perceptions des obligations relatives à l’employeur sur base de leurs perceptions des rétributions reçues par ce dernier auparavant, et que (b) les nouvelles recrues modifient leurs perceptions de leurs obligations à l’égard de leur employeur sur base de leurs perceptions des contributions réelles qu’ils lui ont fournie auparavant. Ce qui revient à dire que cette recherche suggère que les nouvelles recrues utilisent leurs expériences au sein de l’organisation comme source d’information pour déterminer leurs perceptions des contributions et des rétributions qui proposent la relation d’emploi. Ce mécanisme d’adaptation unilatérale confirme l’importance des processus d’interprétation et de signification associés à l’entrée organisationnelle (Rousseau, 1995, 2001 ; Shore et Tetrick, 1994).
– Le mécanisme d’adaptation réciproque : L’adaptation réciproque se produit lorsqu’un employé modifie sa perception des promesses faites par une des parties contractuelles sur base de son interprétation des contributions fournies par l’autre partie (De Vos et al., 2003). De Vos, Buyens et Schalk (2003) ont mis en évidence de manière plus empirique que les nouvelles recrues modifient leurs perceptions des obligations qu’ils ont à l’égard de leur organisation sur base des rétributions fournies par cette dernière auparavant. Cette étude explique le rôle joué par la norme de réciprocité (Gouldner, 1960) dans la construction et l’évolution du contrat psychologique. D’autres études empiriques ont confirmé l’impact de la norme de réciprocité sur les comportements et les attitudes suite à la perception des obligations réciproques et leur accomplissement (Coyle-Shapiro et Kessler, 2000b ; Robinson, 1996 ; Robinson et Morrision, 1995 ; Turnley, Bolino, Lester, et Bloodgood, 2003).
Par exemple, dans une autre étude, Coyle-Shapiro et Kessler (2000b) ont aussi démontré que lorsque les employés estiment que l’entreprise a bien rempli ses obligations, ceux-ci accroissent leurs obligations personnelles vis-à-vis de l’organisation mais ceux-ci sont aussi plus disposés à accomplir ces dernières. Par ailleurs, les employés adaptent leurs promesses et leurs contributions en se basant sur ce qu’ils ont reçu de la part de l’organisation.

Figure : Les mécanismes d’adaptation unilatérale et d’adaptation réciproque selon De Vos, Buyens et Schalk (2003)

1.2. la rupture du contrat psychologique

1.2.1. La place de la justice organisationnelle dans le contrat psychologique

Selon Rousseau et Tijoriwala, (1998) le salarié considère le contrat psychologique en tant qu’ensemble de croyances en l’existence d’obligations mutuelles entre lui-même et l’organisation. Dans ce cas on peut dire que la justice organisationnelle joue un rôle primordial pour maintenir l’existence de la relation entre les deux parties.

1.2.1.1. Rupture du cp

Lorsque le salarié s’aperçoit qu’une obligation du contrat n’est et/ou ne sera pas remplie, par son entreprise, dans le temps, il va considérer ce fait comme une violation du CP. Ceci passe par une évaluation par le salarié de l’équité de son traitement.
Bies (1987), Greenberg (1990b), Mcfarlin et Sweeney et McFarlin (1993) et Shore et Tetrick (1994) ont proposé d’établir un lien entre le type de violation du contrat psychologique et trois formes distinctes de justice : la justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle.
1.2.1.2. La brèche du CP

On parle de ce phénomène lorsque le salarié considère que son entreprise n’a pas tenu à ses engagements envers lui.
Robinson et Morrison (2000) ont distingué entre la brèche et la violation du CP. Les deux concepts recouvrent deux réalités différentes : la brèche s’agit d’une évaluation cognitive de l’écart entre les obligations promises et les rétributions reçues quant à la violation du CP correspond à une dimension affective liée au sentiment de trahison.

1.2.2. Les théories de l’action contrôlée et de l’autorégulation de la motivation

La théorie de l’action contrôlée (Kuhl et Beckam, 1985) et celle de l’autorégulation de la motivation (Carver et Scheier, 1985 ; Kanfer, 1990) montrent que le contrat psychologique représente le point de référence sur lequel l’individu peut évaluer la qualité de relation d’emploi et que selon l’importance de la divergence, l’individu agira d’une manière différente.
Si la divergence est faible, l’individu aura une orientation vers l’action et il tentera de restaurer le contrat. Sinon, il aura une orientation vers la résignation qui se manifeste par la violence du sentiment et la difficulté à poursuivre la relation d’emploi.
Selon Shore et Tetrick (1994), en intégrant des éléments qui font varier la force avec laquelle l’individu perçoit les divergences on peut faire ressortir quelques points importants selon la nature du contrat.
D’après Greenberg (1990b), dans le cas d’un contrat transactionnel, le comportement déviant est à l’origine d’une injustice distributive puisque ce type de contrat renvoie à une collaboration limitée dans le temps, sont les termes sont d’ordre plutôt économique (Dabos et Rousseau, 2004), et l’injustice interactionnelle (Bies, 1987) n’a que peu d’impact, sauf si la divergence est vraiment très forte. Et le salarié aura alors une orientation vers l’action et va tenter de restaurer le contrat. Mais, si le salarié apercevait une injustice procédurale, ceci aurait un effet multiplicateur et le poussera à s’orienter vers la résignation.
En ce qui concerne le contrat relationnel, le même raisonnement est obtenu. L’injustice interactionnelle est la cause la plus répandue pour provoquer le comportement déviant. L’injustice distributive n’est néfaste que lorsque la divergence est forte, pour que l’individu s’oriente vers l’action. En revanche, si le salarié remarque une injustice procédurale, l’effet multiplicateur le poussera vers une orientation de résignation.
Face à l’insatisfaction au travail, Robinson (1995) a trouvé qu’ils existent cinq réactions possibles : Exit et voice (conformément à la distinction effectuée par Hirschman, 1970), destruction (agressivité, vol, sabotage, vandalisme), retrait (retard, absentéisme etc.) et silence (passivité sans aucune réaction en attendant l’action des autres collaborateurs). Le comportement de voice est considéré comme orienté vers l’action tandis que les autres sont plutôt orientés vers la résignation.

Chapitre 2 Effet des perceptions de la justice organisationnelle sur les comportements antisociaux dans l’organisation et effet générationnel

Section 1 : les comportements antisociaux

Les comportements antisociaux au travail (CAAT) sont de plus en plus répandus et par conséquent engendrent des coûts supplémentaires (Giacalone et Greenberg, 1997 ; Murphy, 1993). Ce qui explique que plusieurs chercheurs se sont intéressés à étudier ce phénomène comme par exemple Aquino et Bradfield, 2000 ; Baron et Neuman, 1996 ; Bennett et Robinson, 2000 ; Martinko, Gundlach et Douglas, 2002 ; Neuman et Baron, 1998 ; Robinson et Bennett, 1995 ; Robinson et O’leary-Kelly 1998.

1.1. Définitions des comportements antisociaux

D’après la littérature, les définitions de ce concept se développent, se chevauchent et se contredisent. A titre d’exemple, Robinson et Bennett, (1995) parlent de comportements déviants, Giacalone et Greenberg, (1997) de comportements antisociaux, quant aux Hollinger et Clark, 1983 parlent de déviance de propriété et de déviance de production. Duffy, Ganster et Pagon, (2002) définissent ce concept en tant qu’atteinte au climat social alors que, Anderson et Pearson, (1999) le définissent comme un manque de civisme. On trouve aussi Keashly, (2001) qui le considèrent comme un abus émotionnel, et finalement Folger, (1993) qui le définit comme une maltraitance psychologique.
Référant au dictionnaire, le terme déviant est défini comme « qui s’écarte des règles et des normes ». C’est pareil pour le cas des comportements déviants au travail, il revient à des comportements qui franchissent des règles prescrites par l’organisation. Donc, pour cela il faut que ces règles, politiques et normes soient bien définis formellement reconnus des employés d’une façon informelle.
Robinson et Bennett (1995) définissent les comportements déviants comme : «des comportements volontaires qui transgressent les normes organisationnelles significatives et qui menacent le bien-être de l’organisation, des employés ou des deux au même temps.»*
1.2. Les caractéristiques des CAAT

De cette définition sortent trois caractéristiques fondamentales correspondantes aux comportements déviants. La première caractéristique revient à ce que l’acte doit être intentionnel ou volontaire et non accidentel. Robinson et Bennet (1997) utilisent la définition de « volontaire » de Keplan (1975), « la déviance des employés est volontaire par le fait du manque de motivation de se conformer aux attentes normatives ou par le fait d’être motivé à violer ses attentes »**

*traduction libre : « Voluntary behavior of organizational members that violates significant organizational norms and, in so doing threatens the well-being of the organization and/or its members » Robinson et Bennet, 1995, p. 7)
** Traduction libre : « Employee deviance is voluntary in that employee either lack the motivation to conform to normative expectations of the social context or become motivated to violate those expectations » (Keplan, 1975, cité dans Ronbinson et Bennett, 1955, p. 5)

La deuxième caractéristique revient à ce qu’il existe des normes organisationnelles que les membres de l’organisation sont menés à respecter. Et ce, d’après la définition de Appelbaum, Deguire et Lay (2005) qui dit : « les normes organisationnelles sont un groupement prévu, de langages, de postulats qui permettent à l’organisation de fonctionner à un rythme approprié. »***

*** Traduction libre : « Organisational norms are a grouping of expected behaviours, languages, principles and postulations that allow the workplace to perform at a suitable pace. » (Appelbaum, Deguire, et Lay, 2005, p. 43).

Et enfin la troisième caractéristique revient à l’existence une cible au comportement déviant que ce soit l’organisation, les membres qui y travaillent ou les deux au même temps.
1.3. Classification des CD

Robinson et Greenberg (1998) ont énuméré des termes distincts pour qualifier ce comportement. Ils sont au nombre de huit termes : (1) Antisocial behavior (Gicalone et Greenberg, 1997) ; (2) Workplace deviance (Robinson et Bennett, 1995, 1997) ; (Employee vice (Moreg,1998) ; (3) Organizational misbehavior (Vardi et Wiener, 1996) ; (4) Workplace aggression (Baron et Neuman, 1996 ; Folger et Baron, 1996) ; (5) Organizational retaliation behavior (Skarlicki et Folger, 1997) ; (6) Non-compliant behaviour, (Puffer,1987) ; (7) dysfunctional behaviour (Griffin et Lopez, 2005) et (8) Organisation-motivated agression (O’Leary-Kelly, Griffin et Glew, 1996).

Tableau : Définition des mauvais comportements au travail (inspiré du tableau 1 .1 intitulé « Definitions of workplace deviance » dans Robinson et Greenberg (1998, p. 4)
Auteurs Concepts Définitions
Neuman et Baron (1998) Agression au travail Comportement par lequel un individu tente de faire du tort à ses coéquipiers ou à son organisation.1
Giacalone et Greenberg (1997) Comportements antisociaux Comportement qui cause du tort ou qui est susceptible de causer du tort à l’organisation, aux employés et aux parties prenantes.2
Skarlicki et Folger (1999) Comportements de représailles organisationnelle Réponse comportementale à une injustice perçue. 3
Robinson et Bennett (1995) Comportements déviants au travail Comportement volontaire qui transgresse d’importantes normes organisationnelles, menaçant ainsi le bien-être de l’organisation, de ses membres, ou les deux.
Sackett (2002) Comportements contreproductifs Comportement commis considéré contraire aux intérêts légitimes de l’organisation. 4
Griffin et Lopez (2005) Comportements dysfonctionnels Comportement qui entraine des conséquences négatives pour un autre individu et/ou un groupe et/ou même une organisation. 5

1. Traduction libre : « Behavior by witch individuals attempts to harm others at work or their organisation » Neuman et Baron, 1998, p. 393).traduction libre : « Any behaviour that brings harm or is intended to bring harm to the organization, its employees, or its stakeholders » (Robinson et Greenberg, 1998, p.4).
2. Traduction libre : « The behavioral of disgruntled employyes to percieved unfair treatment » (Skarlicki, Folger et Tesluk, 1999, p. 100).
3. Traduction libre : « Counterproductive workplace behaviour at the most general level refers to any intentional behaviour on the part of the organization member viewed by the organization as countrary to its legitimate interests » (Sackett, 2002, p.5).
4. Traduction libre : « Motivated behaviour by an employee or group of employees that is intended to have negative consequences for another individual and/or group and/or the organizatuin itself » (Griffn, Lopez, 2005, p.100).
Lee et Allen (2002) coïncidèrent la définition suivante comme l’une des meilleures définitions des CDT : « un comportement volontaire qui transgresse d’importantes normes organisationnelles, menaçant ainsi le bien-être de l’organisation, de ses membres, ou les deux » (Robinson et Bennett, 1995, p.556), vu qu’elle met en lumière trois caractéristiques des CDT soit 1) intentionnels ; 2) susceptibles d’avoir un effet négatif et 3) directement ou indirectement sur l’organisation.

Selon Rioux et al. (2005), les comportements antisociaux au travail sont définis par les comportements qui dévient des normes formelles et informelles, prévenant d’un employé ou un ancien employé, et pouvant affecter l’organisation ou les membres qui y travaillent.

Les définitions relatives aux comportements antisociaux au travail (CAAT) divergent au niveau de la cible, l’intentionnalité, de l’exécution du comportement et des conséquences (Robinson et Greenberg, 1998). A titre d’exemple, Lau, Au et HO, (2003) considèrent les comportements contreproductifs en organisation comme des comportements organisationnels volontaires qui touchent la performance des individus au travail ou qui ont pour effet de diminuer l’efficacité organisationnelle.
Selon Cruys et Sackett (2003) et Sackett et DeVore (2001), les comportements contre-productifs en milieu de travail peuvent se définir comme étant des comportements intentionnels que les membres de l’organisation commettent à l’encontre des intérêts de l’organisation. Pour Giacalone et Greenberg (1997), ils définissent les CAAT comme des comportements qui nuisent aux intérêts de l’organisation, ses employés ou ses investisseurs. Quant à eux, Robinson et Bennett (1995), la déviance au travail se définit comme la violation d’un membre de l’organisation des normes organisationnelles et par conséquent menacer le bien-être de l’organisation et ses membres.

D’après Andersson et Pearson 1999, les comportements illicites en milieu organisationnel peuvent être regroupés sous l’appellation de comportements antisociaux aux travail CAAT.
Bennett et Robinson (2004) ont identifié treize catégories en se référant aux travaux précédents. Ce qui nous permet de distinguer seize items tout en précisant les travaux de référence pour chaque catégorie.
Tableau : Les catégories de déviance
Catégories de déviance Auteurs principaux
Anticitizenship Youngblood et al. (1992)
Negative citizenship behavior Fisher et Locke (1992)
Concealing pertinent information Reimann et Weiner (1988)
Anti-role behavior McLean et al. (1994)
Negative creativity Clark et James (1999)
Counterproductive workplace behavior Fox et Spector (1999)
Delinquency Hogan et Hogan (1989)
Vandalism DeMore et al. (1988)
Harassment Bjorkqvist et al. (1994)
Sexual Harassment Gutek (1985)
Incivility Anderson et Pearson (1999)
Maladaption Perlow et Latham (1993)
Non-compliant behavior Puffer (1987)
Revenge Bies et al. (1997) ; Stuckless et Goranson (1992)
Tyranny Ashforth (1994)
Violence Kinney (1995) ; Kinney et Johnson (1993) ; Vandenbon et Bulatao (1996)

D’après ces travaux on constate leur limite : c’est qu’ils ont tendance à rechercher un lien mécanique entre, d’une part l’apparition de certains types de déviance, d’autre part, certaines caractéristiques de l’individu, la situation de travail et les interactions qui la marquent. De plus ils caractérisent les types de déviance mais leur champ reste limité. (Ex. O’Leary-Kelly et al. (1996) ont établi un lien entre différentes caractéristiques de l’organisation et l’omission des comportements violents.

Les définitions diffèrent aussi selon le continent. On trouve que les chercheurs nord-américains, comme Baron et Neuman, 1996 ; Courcy, 2002 ; O’Leary-Kelly, Griffin et Glew, 1996, mettent l’accent sur la prolifération et à la prédiction des comportement caractérisés par la violence, et Griffin, O’leary-Kelly et Clollins, 1998 caractérisés par le dysfonctionnement. Quant aux chercheurs scandinaves,Coyne, Smith-Lee Chong, Seigne et Randail, 2003 ; Einarsen, Hoel, Zapf et Cooper, 2003 ; Hoel, Cooper et Faragher, 2001 ; Hoel, Rayner et Cooper, 1999 ; Hogh et Dofradittir, 2001 ; Hubert et Van Veldhoyen, 2001 ; Liefooghe et Mackenzie Davey, 2001 ; Mikkelsen et Einarsen, 2001 ; Salin, 2001 ; Zapf et Goss, 2001, ils s’intéressent à la victimologie à partir d’études sur le bullying et le mobbing.

4.1.1. Un regard historique des approches spécifiques :

D’après la documentation, il s’est avéré que l’agression est le premier comportement hostile au travail à être étudié par les chercheurs. Ceci était presque évident puisque l’agression est un des comportements les plus violents et visibles que les autres travaux du domaine s’y sont intéressés. Ce qui explique le fait que plusieurs chercheurs se sont intéressés à développer des typologies visant à organiser ces comportements en un inventaire plus opérationnel et plus restreint. On trouve à leur tête Buss (1961), qui a proposé la typologie aux plus larges comportements. Selon lui, on peut regrouper les agressions en fonction de trois perspectives : 1) physique-verbale, 2) directe-indirecte, 3) active-passive. Les agressions physiques réfèrent aux actions physiques engendrées par un acteur et peuvent se manifester par des bousculassions, attaques, dégradation des biens etc. Alors que les agressions verbales se manifestent par des nuisances au travers des mots comme des critiques injustes, des cris, des commérages etc. Quant aux agressions directes, les auteurs s’en prennent directement à leur cible tandis que celles indirectes ils commettent un comportement qui peut nuire à ce que possède la cible ou même à quelqu’un qui compote pour la cible. En ce qui concerne les agressions actives, les auteurs réalisent quelque chose pour causer des dommages à la cible, alors que les agressions passives nécessitent la rétention de quelque chose dont la cible a besoin ou même qu’elle cherche à protéger. De nombreuses études sur les agressions au travail se sont référées à celle-ci, la typologie de Buss (1961), comme Baron et Neuman, (1996, 1998) ; Baron, Neumann et Geddes, (1999) ; Geedes et Baron, (1997) ; Neuman et Keashly, (2002).
Dans les années quatre-vingt, de nombreux chercheurs ont décidé d’étudier les comportements hostiles au travail et leurs causes en les justifiant par des situations organisationnelles. Leurs enquêtes ont rendu au concept un aspect de vengeance et de représailles organisationnelles. D’après Axelrod (1984), Bies (1987), Donnerstein et Hatfield (1982), cette catégorie de comportements est un concept incontournable et phare pour comprendre les comportements hostiles au travail. Alors que les recherches qui portent sur les causes et l’intentionnalité des comportements hostiles sont seulement implicites dans les travaux sur les agressions, elles sont totalement explicites dans les notions de représailles et de vengeance. Aquino, Tripp et Bies (2001) ont défini ces comportements comme des actions commis en réponse à des préjudices ou à des actes répréhensibles visant à infliger des blessures, des dommages ou encore des punitions à la personne responsable ou jugée responsable du préjudice.
Les comportements de représailles organisationnelles est spécifiée par le fait que chacun de ces comportements correspond, aux yeux de son auteur, à une réaction face à un préjudice qu’il aurait subi de la part des membres de l’organisation ou l’organisation même. Stuckless et Granson (1992) ont évalué, grâce à une échelle, les attitudes de vengeance en demandant aux individus d’indiquer le niveau auquel ils désiraient se venger de personnes qui leur avaient fait du mal puis l’étendue de ce qu’ils se croyaient se mesure d’assumer.
Bies et Tripp (1996), dans leur analyse de vengeance, ont clarifié que cette dernière pouvait s’expliquer par le désir de créer un changement, de répondre à un pouvoir abusif ou encore de favoriser une coopération. On trouve Robinson et Bennett (1995), qui s’inscrivent dans la continuité des travaux de Buss (1961), qui se sont intéressés aux comportements hostiles au travail sous l’angle de la déviance. Leurs investigations firent partie des premiers à élaborer une démarche exploratoire sur les comportements hostiles spécifiques au contexte organisationnel et leur importance se manifeste aussi par le fait qu’elles s’inscient dans une démarche de validation scientifique.

Enfin, au début du XXI siècle, l’appellation « comportements contreproductifs au travail » a vu le jour et a tenté d’assembler l’ensemble des comportements mesurés de la littérature (vol, abus, sabotage, violence etc.) (Spector, Fox et Penney, 2006). D’après Spector et Fox (2005), les CCAT renvoient à « des actes volontaires qui ont pour intention de nuire à l’organisation et/ou à ses parties prenantes » (p.151).
Ces quatre appellations sont aujourd’hui les plus connues et qu’on utilise les plus dans la littérature.

Tableau : Illustrations des huit types d’agression selon la typologie de Buss (1961)
Directe Indirecte
Violence physique Active Coups, homicides, agression sexuelle… Vol, sabotage, dégradation de bien…
Passive Refus de fournir les ressources nécessaires, empêché de s’exprimer… Prévenir trop tard pour des réunions, retarder le travail d’une personne…
Violence verbale Active Menaces, intimidation, insultes, évaluation négative, dissimulation d’informations… Propager des rumeurs, médisances, dépréciation de son opinion…
Passive Ne pas transmettre les informations, refuser d’apporter du soutien… Ne pas nier les fausses rumeurs, ne pas défendre une personne…

4.1.2. Caractéristiques des études réalisées antérieurement sur les CAAT

La majorité des auteurs qui ont travaillé sur les CAAT n’ont ciblé qu’une minorité de ces comportements (Corr et Jackson, 2001 ; Sackett et Devore, 2001) les ont lié à un nombre limité de déterminants (Baron, Neuman et Geddes, 1999 ; Skarlicki et Folger, 1997). D’habitude, les CAAT ont été mesurés à partir du point de vue de la victime qu’à partir du point de vue de l’auteur des comportements (Corr et Jackson, 2001 ; Sullivan et Yuan, 1995). Aussi, les études sur les CAAT n’ont pas tenu compte des déterminants organisationnels et personnels pour comprendre ces comportements (Sackett et Devore, 2001 ; St-Sauveur et al.). Pour comprendre les CAAT, les chercheurs se sont intéressés aux déterminants organisationnels puisque ces derniers permettent de prévoir et d’expliquer ce phénomène (Baron et al., 1999).
Cette attitude a été clairement accentuée par l’observation des liens faibles entre les variables de personnalité et certains fromes de CAAT (Abruthot et al., 1987, cité dans Peterson, 2002). Selon plusieurs auteurs, Fox et Spector, 1999 ; Neuman et Baron, 1998 ; Sackett et Devore, 2001 ; Trevino et Youngblood, 1990, cité par Peterson, 2002, la prise en compte simultanée de la personnalité et de variables organisationnels permettrait de prédire le mieux les CAAT.
4.1.3. Etablissement d’une nouvelle classification des CAAT

Il s’agit d’une analyse systématique du contenu des classifications relevées dans la documentation portant sur des termes associés aux CAAT.
Dans l’évaluation d’une classification, quatre critères incontournables ont été considérés à savoir : l’exclusivité, l’exhaustivité, l’homogénéité et l’objectivité (Bardin, 1998 ; Carney, 1972 ; Holsti, 1969 ; Miles et Huberman, 1984 ; Mucchielli, 1991 ; Pourtois, 1988). Cette classification nous permet de positionner un CAAT en regard de : 1) l’agresseur (client, criminel, employé ou ami), 2) l’approche pour atteindre la cible (physique / verbal), 3) La modalité d’interaction entre la cible et l’agresseur (connue / inconnue et directe / indirecte), 4) l’objet de l’agression (physique / psychologique ou production / propriété) et 5) la cible de l’agression (individu / organisation).
Plusieurs chercheurs (Andersson et Pearson, 1999 ; Bennett et Robinson, 2003 ; Clark et Hollinger, 1983 ; Fox et Spector, 2005 ; Robinson et Bennett, 1995) ont expliqué que leurs confusions est due soit à la terminologie employée dans la documentation , soit au fait que les travaux de recherche proviennent de plusieurs disciplines différentes (sociologie, psychologie du travail, psychologie sociale, criminologie, comportement organisationnel, gestion etc.et aussi le fait d’avoir des préoccupations distinctes (préoccupation financière vs de santé / sécurité), peu de liens entre ces termes ont été établis jusqu’au ce jour.
Anderson et Pearson (1999) ont essayé d’élaborer un schéma contenant les différents termes utilisés en regard du manque de civisme (comportement antisocial, déviance, violence et agression). Ils se sont appuyés sur les définitions retrouvées dans la documentation et ont indiqué que le concept des comportements antisociaux englobe l’ensemble des autres phénomènes qui nuisent l’environnement au travail.

Auteurs Sujets d’études Composantes des classifications
Aurousseau et Landry (1996) Violence organisationnelle (hiérarchique) Violence ponctuelle (forte et invisible)
Violence soutenue (forte et insidieuse)
Violence ponctuelle (faible et insidieuse)
Violence soutenue (faible et insidieuse)
Buss (1961) Agression Aspect physique / verbal
Aspect direct / indirect
Aspect actif / passif
Davant, Dompierre et Jaufin (1997) Violence au travail Forme de violence physique
Frome de violence psychologique
Forme de violence sexuelle
Forme de violence financière
Hollinger et Clark (1982-1983) Déviance Type de déviance de propriété
Type de déviance de production
Robinson et Bennett (1995) Déviance au travail Dimension mineure / sérieuse
Dimension interpersonnelle/ organisationnelle
Catégorie de propriété
Catégorie de production
Catégorie personnelle
Catégorie politique

4.2. Opérationnalisation

Selon la classification proposée par Roberge, Rioux, Brunet et Savoie, le concept de CAAT est divisé en deux grandes catégories selon leur cible, l’individu ou l’organisation. Ce concept groupe alors des comportements anti-individuels et des comportements anti-organisationnels. Ces derniers, comprennent à leur tour deux types de comportements la déviance de production et celle de propriété.
La déviance de propriété est celle qui implique du dommage ou de l’appropriation des biens qui appartiennent à l’organisation tandis que la déviance de production est celle qui cause la baisse de la qualité ou la quantité du travail. En ce qui concerne les CAAT anti-individuels, elles comprennent l’agression physique et l’agression morale. L’agression physique est caractérisée par des comportements qui peuvent engendrer du dommage au corps physique ou à la propriété des l’individu et l’agression psychologique fait référence aux actes verbaux et non verbaux qui causeront du tort aux cognitions et/ou émotions des membres de l’organicien.
Ils existent d’autres distinctions des comportements déviants (Robinson et Greenberg, 1998). Soit en s’intéressant à l’acte déviant en lui-même comme l’ont fait certains auteurs (Puffer, 1987 ; Robinson et Bennett, 1995 ; Vardi et Wiener 1996), soit en s’attachant aux conséquences de ces actions (Giacalone et Greenberg, 1997).
Ou encore, comme le cas d’autres chercheurs comme Folger et Baron (1996) ; Neuman et Baron (1997), ils s’orientent à étudier le mode d’exécution du comportent ; direct ou indirect ; actif ou passif ; verbal ou physique.
Certains auteurs s’intéressent aussi aux conséquences des comportements déviants.
On trouve à leur tête Robinson et Greenberg (1998) qui prouvent que la majorité des conceptualisations de la déviance trouvent cette dernière est génératrice de dommages ou susceptible d’en causer (Puffer, 1987) et là on peut parler des comportement dysfonctionnels et contreproductifs.
Grace aux études menées par Robinson et Bennett (1995), on peut classifier les comportements déviants selon la gravité du préjudice induit.

Face à l’insatisfaction au travail, Robinson (1995) a trouvé qu’ils existent cinq réactions possibles : Exit et voice (conformément à la distinction effectuée par Hirschman, 1970), destruction (agressivité, vol, sabotage, vandalisme), retrait (retard, absentéisme etc.) et silence (passivité sans aucune réaction en attendant l’action des autres collaborateurs). Le comportement de voice est considéré comme orienté vers l’action tandis que les autres sont plutôt orientés vers la résignation.

4.3. Conséquences des CAAT

Plusieurs chercheurs comme Rioux, Roberge, Brunet, Savoie et Courcy, F. (2005) admettent que plus de 90% des employés commettrait au moins un des CAAT au cours d’une période de six mois.
De tels comportements sont à l’origine de conséquences néfastes pour l’organisation (Bennett et Robinson, 2000 ; Camara et Schneider, 1994 ; Corr et Jackson, 2001 ; Robinson et Greenberg, 1998) et pour les membres de l’organisation (Chappell et DiMartino, 2000 ; Corr et Jackson, 2001).
A titre d’exemple, le harcèlement sexuel dans l’organisation engendre des coûts associés à une diminution de l’efficacité des employés, à l’absentéisme et même le désengagement ainsi la perte des employés clés (Gutek et Koss, 1993, Lach et Gwartney-Gibbs, 1993, Terpstra et Baker, 1989, cités dans Corr et Jackson, 2001). Le sabotage rend l’organisation obligée à embaucher et former de nouveau personnel, investir dans la sécurité et la santé au travail voire même subir les dépenses liées aux poursuites judiciaires (Labig, 1995, cité dans Giesberg, 1990). Quant à la violence en milieu de travail, détruit les relations interpersonnelles ainsi que l’ambiance au travail (Chappell et Di Martino, 2000).
D’après ces constatations, il est essentiel voire primordial d’étudier les déterminants des CAAT pour les contourner et les minimiser leur occurrence.
4.3.1. Déviance du comportement et dérive du fonctionnement de l’organisation

Il s’agit de deux phénomènes dont les conséquences sont différentes : l’anomie et la sur-structuration. D’après les études réalisées sur ce contexte, il existe un ancrage lointain dans les apports des analyses structuro-fonctionnalistes. La notion d’anomie, qui a été initialement proposée par Durkheim et que Merton (1965) reprise, peut être définie à minima comme un délitement des normes. Selon Merton (1965), la structure sociale est constituée d’objectifs culturels et de normes institutionnelles (moyens pour atteindre ces objectifs). Il distingue deux fonctionnements pathologiques soit la focalisation exagérée sur le maintien et le respect des normes institutionnels et donc rendre le fonctionnement plus rigide, soit la concentration exagérée sur les objectifs ce qui rend le fonctionnement instrumentaliste. Pour atteindre le juste équilibre il faut alterner entre les objectifs et les moyens : les objectifs culturels sont socialement acceptés et atteints par le biais des moyens que les normes institutionnelles ont définis.
Lorsqu’il existe un écart important entre les deux éléments on parle de l’anomie et cela engendre un délitement des processus d’intégration sociale. Outre ces éléments, on trouve parle aussi de la notion de désorganisation qui est un des intérêts majeurs des apports de Merton. Elle peut être définie comme « une situation construite et ordonnée de manière à supporter et reproduire les conditions de l’asocialité et de la déviance. » (Honoré, 2016).
En parallèle, les travaux de Merton (1957) et Selznick (1949) ont proposé des analyses critiques du fonctionnement des bureaucraties. Ces chercheurs ont mis le doigt risque d’une dérive du fonctionnement bureaucratique causée par le déplacement des buts. Et avec le temps, les règles deviennent symboliques et leur respect devient un à son tour un objectif à atteindre. Cette bienveillance aux règles minimise les chances de prise d’initiative et de l’autonomie. Ces analyses ont été confirmées par les travaux de Crozier (1963) (ex. risque d’apparition de cercles vicieux bureaucratiques).

4.4. Les variables explicatives des CAAT, les déterminants des CAAT :

Dans les recherches, (Douglas et Martinki, 2001 ; Martinko et Zellars, 1998 ; Neuman et Baron, 1998) plusieurs variables peuvent provoquer l’apparition des ces comportements parmi lesquelles de variables organisationnelles et personnelles.

4.4.1. Les variables organisationnelles :

4.4.1.1. La culture organisationnelle :

Elle se définit comme un modèle de coutumes, de croyances, de valeurs et d’attentes allant au-delà des normes comportementales acceptées au sein d’un système social (Cohen, 1995).Colema et Ramos (1998) affirment que plusieurs types de cultures peuvent coexister au sein de la même organisation. Trois types de sous-cultures sont proposés dans le modèle de Cooke et Lafferty (1989) : constructive, passive-défensive et agressive-défensive.
La première sous culture veille à ce que les membres de l’organisation s’encouragent à interagir avec les autres afin de rencontrer leurs besoins d’accomplissement le plus élevés. Quant à la deuxième, elle se manifeste par la soumission et la conformité des membres de l’organisation pour préserver leur propre sécurité. Et finalement, la dernière sous culture se caractérise la rivalité et la compétition dans l’interaction de ses membres afin d’optimiser leur performance et préserver leur sécurité et donc leur statut. Idem
D’après Coleman et Ramos (1998), il existe un lien entre la fraude, le harcèlement sexuel ou même l’agression physique avec le type de culture organisationnelle. Considérons l’exemple d’une organisation ayant la sous-culture constructive qui repose sur les valeurs d’accomplissement et de coopération, il est prévu que les employés qui y travaillent se comportement sainement et commettent peu de CAAT. Par contre, prenons l’exemple d’une organisation ayant une sous-culture agressive-défensive, là où l’aspect compétitif est une composante majeure (Cooke et Lafferty, 1989), les employés qui y travaillent ont tendance à croire que la fin justifie les moyens et qu’ils peuvent ainsi agir en conséquence (Cohen, 1995) d’où l’émission des CAAT.
1.6.1.2. La justice organisationnelle :

D’après Hollinger et Clark (1983), lorsque les employés se sentent exploités ils sont plus susceptibles d’émettre des CAAT.
Les comportements déviants sont à l’origine non seulement des facteurs individuels mais aussi provoqués par des sentiments de colère, de frustration et de rancœur (Lewicki et al., 1997) voire même de vengeance (Tripp et Bies, 1997).
Lewicki et al., (1997) ainsi que Robinson et Greenberg (1998) se sont intéressés à étudier le rôle joué par la perception d’injustice dans le comportement déviant du salarié.
4.4.1.2. Le climat de travail :

Il définit comme la résultante de la perception partagée par les individus qui travaillent dans une même organisation de l’ambiance qui y règne, en tenant compte de la manière avec laquelle ils sont gérés et traités (Roy, 1989). Ce concept est définit selon six dimensions : l’environnement de travail, qui se traduit par la qualité du cadre physique offert à l’individu (Roy, 1989), l’incitation au travail, exprimés par les fromes d’encouragements prodiguées par l’entreprise (Savoie, 1993), la réalisation de soi au travail qui comprend trois sous-dimensions, soit l’épanouissement au travail, défini par la possibilité qu’un employé développe son plein potentiel, l’autonomie qui consiste le degré de latitude accordé à l’employé dans l’exécution de son travail et finalement, la considération qui se manifeste par la reconnaissance accordée à l’individu face à sa contribution (Roy, 1989).
La qualité des relations interpersonnelles de l’employé repose sur trois dimensions : la relation de travail avec les collègues de son unité-département, avec les membres des autres unités-départements et finalement avec le supérieur immédiat (Roy, 1989 ; Savoie, 1993).
4.4.1.3. La structure organisationnelle :

Selon Aiken et Hage (1966), Hall (1996) cité dans Tobin, 2001, la structure organisationnelle est composée de la centralisation et de la formation.
La centralisation regroupe deux sous-dimensions : la participation au processus décisionnel, qui correspond au degré de participation de l’individu à la fixation d’objectifs et à l’élaboration des politiques de l’organisation, et la centralisation de la tâche, qui est définie par la liberté accordée aux employés pour réaliser leur tâche avec autonomie (Aiken et Hage, 1966 ; Cooper et O’connor, 1993). Quant à la formation, qui consiste à la normalisation du travail et à la rigidité dans exercice des règlements organisationnels (Aiken et Hage, 1996), comprend-elle aussi deux sous-dimensions, soit l’application des règlements, se manifestant par le niveau de surveillance des o concernant la violation des règlements (Aiken et Hage, 1966) et l’autonomie dans la réalisation des tâches.
D’après Mintzberg (1979, cité dans Tobin, 2001), la structure organisationnelle influence les comportements des membres dans l’organisation. Plusieurs études prouvent que plus une organisation est centralisée, plus il est probable que ses membres optent pour les CAAT. (Chappell et DiMartino, 2000 : Diaz et McMillin, 1991 ; Simon, 1985).
4.4.1.4. Les contraintes organisationnelles :

Elles se manifestent par des situations ou des éléments (disponibilité des ressources humaines et matérielles, règles et procédures, formation inadéquate reçue etc.) qui interfèrent avec la performance dans une tâche au travail (Peters et O’connor, 1980).
Plusieurs recherches affirment l’existence d’un lien positif entre la perception des contraintes organisationnelles et le recours des employés aux CAAT (Chen et Spector, 1992 ; Fox et Spector, 1999 ; Martindo et Zellars, 1998 ; Storms et Spector, 1987).
4.4.1.5. L’engagement organisationnel :

D’après Porter, Mowday et Boulian (1974), on peut le définir comme l’intensité de l’attachement et d’identification d’un individu à son organisation. Et grâce aux études deMeyer et Allen ( Allen et Meyer, 1990 ; Meyer et Allen , 1991 ; Meyer, Allen et Smith, 1993), une conception multidimensionnelle de l’engagement a vu le jour. Et donc on peut définir ce concept selon trois composantes : soit l’engagement affectif défini par identification et l’implication émotionnelle envers l’organisation, l’engagement normatif caractérisé par la loyauté envers l’organisation et enfin l’engagement de continuité dit engagement par défaut puisqu’il est lié au coût associé au départ qui est perçu comme trop élevé. D’après la littérature, on peut admettre l’idée qu’un individu qui éprouve un fort engagement organisationnel aura moins de chance de provoquer des CAAT par rapport à celui éprouvant un faible engagement.

Selon Taylor (1986), l’émission des CAAT par un individu n’est pas seulement causée par les caractéristiques organisationnelles mais aussi par les caractéristiques personnelles.

4.4.2. Les variables personnelles :

4.4.2.1. La personnalité :

Les traits de personnalité sont des prédispositions qui définissent les pensées, les émotions et les comportements et elles restent constantes et stables au cours de la vie dans différentes situations (Pervin et John, 2001).
La personnalité a été longtemps difficile à définir et à mesurer jusqu’à l’émergence des « Big Five » (Costa, 1996), qui notifie que les traits de personnalité peuvent être regroupés sous cinq dimensions : névrosisme, extraversion, ouverture, agréabilité et conscience (MacCrae et Costa, 1997). Le névrosisme réfère les individus qui ont tendance à éprouver des émotions fortes comme la colère, la tristesse, la peut etc. et qui ont une aptitude à penser irrationnellement. L’extraversion se manifeste par la tendance des individus à la sociabilité et à la coopération d’où l’appréciation des gens et l’optimisme. L’ouverture correspond les individus caractérisés par l’imagination active, la préférence pour la variété et la sensibilité à l’esthétique. L’agréabilité réfère à l’altruisme, la sympathie, la disposition à aider les autres. Et enfin, la conscience est définie par une grande volonté, de la détermination et des gestes réfléchis.
Selon Skarlicki et al. (1999) et Bernardin (1977), la dimension nervosité possède un lien positif avec les comportements déviants et l’absentéisme. Quant à l’agréabilité, certaines études ont prouvé l’existence des liens positifs entre les contrôle des émotions négatives comme la colère et la frustration, et les relations interpersonnelles (Skarlicki et al., 1999). Ce qu’il nous permet de dire que chez les individus agréables l’occurrence des CAAT est faible par rapport aux individus peu agréables.
4.4.2.2. Les réactions émotionnelles :

Nous allons parler de deux réactions émotionnelles : soit la satisfaction et la frustration au travail. La première réaction englobe l’ensemble de sentiments positifs qu’un individu entretient envers son travail (Smith, Kendall et Hulin, 1969, cité dans Goulet et Singh, 2002).
D’après Berkowitz (1988), Chen et Spector (1992), Martinki et Zellars (1998), Spector (1975) et Storms et Spector (1987), il existe un lien négatif entre la satisfaction au travail et la perception de différentes catégories de CAAT. A vrai dire, plus la perception de la satisfaction au travail est élevée, moins les employés optent un CAAT (Breaugh, 1981, cité dans Toms et al., 2002 ; Fox et Spector, 1999).
Et concernant la frustration au travail, on peut la définir par la disposition affective qui se manifeste lorsque l’individu émet une réponse visant atteindre un but et on l’interrompt ou on l’interdit (Dollar-Miller, 1939 cité par Fox et Spector, 1999). Plusieurs études ont révélé qu’il existe un lien positif entre la frustration au travail et l’émission des CAAT (Berkowitz, 1988 ; Chen et Spector, 1992 ; Martinki et Zellars, 1998 ; Spector, 1975 ; Stroms et Spector, 1987).
Selon Alter (2000), le phénomène de déviance n’est ni périphérique au changement, ni marginal. Au contraire, il est le principal vecteur. Il est porté par des acteurs qui franchissent les règles, les normes les routines ou les conventions et qui remettent en cause les logiques de justice portées par les systèmes de sanction.
Donc, d’après cet auteur, la déviance peut être perçue d’une manière différente, comme le moteur de l’innovation ordinaire et du progrès constant. Elle devient un objet de gestion où le fonctionnement de l’organisation doit l’accompagner et la soutenir (Alter 1990). A titre d’exemple ceci peut se concrétiser par la redéfinition des pratiques de formation en donnant à l’acteur les moyens d’être innovateur par la remise en cause d’une part les manières concevoir les pratiques et d’autre part les structures qui les encadrent.

4.5. Les modèles et les théories

Dans cette section, on va présenter les modèles et les théories les plus susceptibles de nous aider à formuler nos hypothèses de recherche. Nous allons commencer par le modèle théorique de Robinson et Bennett (1779) de la déviance au travail qui explique ce qui poussent les employés à adopter les comportements déviants. Puis, nous allons passer à décrire ces modèles et théories : 1) la théorie des caractéristiques des tâches de Hackman et Oldham (1975), 2) la théorie des liens sociaux appliquée à l’organisation de Hollinger (1986), 3) la théorie de l’échange social de Blau (1964), 4) les travaux sur le rapport social effectués par Cohen et Wills (1985).
4.5.1. Le modèle théorique de la déviance au travail (Robinson et Bennett, 1997)

De nombreuses recherches sont effectuées pour identifier les causes potentielles des comportements déviants au sens large (comportements antisociaux, violence, agressions etc.). Ces déterminants sont généralement regroupés en trois principales catégories : les déterminants sociaux (social et interpersonnel), les déterminants personnels (les facteurs individuels) et les déterminants situationnels (les facteurs organisationnels).
D’après la littérature (Robinson et Bennett, 1995), certains facteurs peuvent influencer le type de déviance. A titre d’exemple, les comportements déviants qui visent les collègues peuvent être provoqués par des facteurs individuels tandis que les comportements visant l’organisation elle-même peuvent être provoqués par des facteurs organisationnels.
Pour mieux comprendre la dynamique relative à l’apparition de différents types de comportements déviants, Robinson et Bennett (1997, p.15) ont proposé un modèle qui explique les raisons pour lesquelles les individus adoptent ce genre de comportement.
Ce modèle met en lumière l’existence de différents types de provocation dans le milieu de travail qui sont à l’origine des comportements déviants. Ces provocations font naître deux types de motivation : la motivation expressive se manifestant par le désir de vengeance et la motivation instrumentale par le désir de résoudre la disparité donc, dans tous les cas l’individu va adopter un comportement déviant. ‘voir figure ci-dessous)
L’adoption de comportements déviants ainsi que le type de comportements adoptés dépendraient de l’existence de contraintes dans le milieu de travail c’est ainsi que ces contraintes constitueraient des variables modératrices des provocations su les comportements déviants en l’atténuant ou en l’intensifiant.
Pour résumer, Les provocations déterminent les comportements déviants. En effet, elles se manifestent par des événements qui opèrent comme des éléments déclencheurs qui engendre une réaction chez les individus, via deux mécanismes.
Ces provocations peuvent également éveiller chez les individus une perception d’écart entre ce qui devrait et ce qui est et/ou même des émotions néfastes comme la colère, la jalousie, l’anxiété etc.
Cette perception d’écart est semblable à celle d’iniquité (i.e. perception d’équité). Et d’après la théorie d’équité d’Adams (1963), la perception d’écart pousse les individus à faire en sorte à ce que la justice soit faire et donc rétablir l’équité, ou à inhiber cet écart. D’après ce raisonnement, la perception d’écart engendre une motivation instrumentale à le réduire.
En ce qui concerne les émotions négatives, elles voient le jour lorsque les individus trouvent les personnes responsables des événements provocateurs. D’où la naissance de la motivation expressive se manifestant par le désir de vengeance et la libération des mauvaises émotions.
Les comportements déviants sont donc l’incarnation de ces émotions que l’individu cherche à extérioriser.

Figure 3 : Le modèle explicatif des comportements déviants (Robinson et Bennett, 1997)

Traduction de la figure 2 intitulée « A model of Workplace Deviance », Robinson et Bennett (1997, p. 5).

La motivation instrumentale ainsi que la motivation expressive peuvent provoquer de comportements déviants similaires ou différents. Néanmoins, comme les motivations instrumentales se manifestent par la volonté de résoudre la disparité, elles auront tendance à rapporter des bénéfices à l’individu en améliorant sa situation par exemple. Alors que ce n’est pas toujours le cas pour les motivations expressives, puisqu’elles engendrent des comportements de vengeance qui n’apporteraient pas, évidement, des bénéfices à leurs émetteur.
Les deux motivations (instrumentale et expressive) seules ne font pas, forcément, que les individus adoptent un comportement déviant. Il faut qu’ils aient l’opportunité. D’où le rôle modérateur que joue les contraintes dans le milieu de travail sur l’adoption des comportements déviants ainsi que le type de comportement.
La présence des liens affectifs peut empêcher l’adoption de comportements déviants. (Par exemple, un individu qui éprouve des sentiments positives à l’égard de ses collègues et/ou à son organisation (engagement affective) serait moins susceptible de nuire à ceux à qui il tient).
A partir du modèle explicatif des comportements déviants de Robinson et Bennett (1997, p.15), nous avons élaboré notre modèle de recherche.
Figure 4 : le modèle de recherche

1.7.2. Le modèle des caractéristiques des tâches selon Hackman et al. (1975)

D’après les recherches effectuées dans le domaine des sciences comportementales, il existe trois états psychologiques qui déterminent la motivation et la satisfaction au travail. Soit, le sentiment d’accomplir un travail ayant un sens et qui est important (Experienced meaningfulness), le sentiment de responsabilité (Experienced responsability) et la connaissance des résultats (knowledge of results).
Des recherches subséquentes (Hackman et al. 1975, p.59) ont révélé les caractéristiques d’un travail susceptibles de mener à ces états psychologiques. Un travail est considéré important et ayant un sens soit permettre à l’individu d’exercer une variété de compétences, de produire un résultat concret ou à vrai dire l’intégralité, et d’avoir un impact sur la vie des autres. Sans oublier que le travail doit avoir un certain degré d’autonomie pour que l’individu puisse se sentir responsable et prendre des décisions. Et pour qu’il puisse connaître les résultats de son travail, il doit y exister une rétroaction continue.
La combinaison de ces trois dimensions peut impacter l’état psychologique de l’individu et par conséquent sa motivation à exercer son travail avec efficience.
Pour résumer, ce modèle a mis le point sur l’influence qu’exercent les caractéristiques du poste de travail sur le comportement des individus. Ces derniers cherchent des états psychologiques positives, ils adoptent alors des comportements leur permettant d’éprouver ces états psychologiques (sens, responsabilité et résultats). La présence des caractéristiques de l’emploi qui mènent à ces états psychologiques (variété, autonomie, intégralité, signification et rétroaction), incitent les individus à suivre cette voie et commettre des tâches positives perçues comme récompenses, rémunérations intrinsèques. Suivons ce raisonnement, les individus qui commettent des tâches négatives se privent eux-mêmes du bénéfice.
1.7.3. La théorie des liens sociaux (Social bonding)

Hollinger (1986) s’est intéressé à répondre à la question suivante : « dans un contexte organisationnel propice aux comportements déviants, pourquoi autant d’individus n’adoptent pas de tels comportements ? ». Pour ce faire, l’auteur a mis l’accent sur l’effet que peut produire le lien social entre les individus et leur organisation sur les comportements déviants (déviance liée à la propriété et celle liée à la production).
Dans ses études, Hollinger (1986) s’est basé sur la théorie des liens sociaux développée par Hirschi (1969) qui stipule que le lien social d’une personne fait référence aux relations qu’elle maintient avec sa société.
Selon Hollinger (1986), les liens sociaux peuvent réduire ou même empêcher la manifestation des comportements déviants. En effet, ils existent trois liens qui peuvent lier les individus à leur organisation soit : l’attachement affectif, l’implication au travail et l’engagement à l’égard des rétributions obtenus qui se manifeste par la crainte des sanctions. D’après les résultats, l’attachement affectif à l’organisation joue un rôle modérateur des comportements déviants.
A titre d’exemple, un individu qui a développé des liens affectifs forts avec son organisation est moins susceptible de commettre une déviance de production puisqu’il se soucis du bien-être de son travail. En plus une personne sui est largement impliquée dans son travail n’aurait pas à commettre une déviance liée à la production. Finalement, plus une personne craint les sanctions et la perte de ses acquis moins elle commettrait des comportements déviants liés à la production.
Concernant la déviance liée à la propriété, seule la peur de perdre ses acquis constituerait une contrainte.
D’après les résultats, grâce à l’attachement affectif, l’individu hésite et cesse de commettre des comportements déviants qui peuvent nuire aux personnes à qui il tient. Également, les résultats qui portent sur l’implication montrent que d’autant les individus se sentent impliqués dans un travail qui leur permet de réaliser des tâches d’autant ils veillent à garder cet emploi et donc ne pas commettre des comportements déviants dans leur organisation.
Le lien social peut augmenter par la réciprocité et par l’échange social. Selon Gouldner (1960), la norme de réciprocité explique : « les individus ressentent le besoin ou l’obligation d’aider ceux qui les ont aidés ».* Selon Blau (1964), l’échange social est basé sur : « des actions volontaires exécutées par des individus qui espèrent que les acteurs visés leur procurent des bénéfices en retour ».**
Pour récapituler, en recevant de l’aide par des autres personnes, les individus se sentent obligés de rendre ce service ; c’est comme une dette envers eux. D’où naissent des liens sociaux entres les employés grâce à cet échange. Ce qui rend les individus moins susceptibles de commettre des comportements déviants néfastes à leur bonne relation.

*traduction libre : « individuals feels the need to repay those who have helped them » (Hollinger, 1960).
**Traduction libre : « Voluntary actions of individuals that are motivated by the returns they are axpected to bring and typically do in fact bring from others » (Blau, 1964).

1.7.4. Les travaux sur le support social (Cohen et Wills, 1985)

Selon Cohen et Wills (1985), le support social impacterait positivement le bien-être des individus puisqu’ils se sentiraient ayant de la valeur aux yeux des collègues et donc ce sentiment de considération. Le support social procurerait également des « rétributions sociales » que les individus valorisent. De ce fait il jouerait le rôle d’un pare-chocs (Bumper) qui protège contre les événements négatifs en milieu de travail. Il jouerait trois rôles distincts soit le support informationnel « l’information obtenue aide l’individu à définir, comprendre et composer avec l’événement problématique »*, le maintien de l’estime de soi « l’estime de soi de l’individu est amélioré par la communication avec les personnes pour lesquelles il a de la considération »**, et le compagnonnage : « il fait référence à passer du temps avec les autres dans les activités de loisir ou des activités récréatives. Il peut réduire le stress en satisfaisant le besoin d’affiliation et de contact avec les autres, en aidant à distraire l’individu qui s’inquiète de la situation problématique »***
Donc face à une situation problématique, l’individu chercherai à retrouver son estime de soi. D’où le support social lui viendrait en aide pour calmer et atténuer les menaces et lui suggérait une meilleure façon d’agir appropriée à cette situation.
Comme le mentionnent les auteurs, le support social joue un rôle modérateur des réactions des individus face à des situations provocatrices.

*Traduduction libre : « informational support is help to defining, understanding and coping with problematics events » (Cohen et Wills, 1985, p. 3)
**Traduction libre : « self esteem is enhanced by communication to persons that they are valued for their own worldhand experiences and accepted despite any difficulties or personnal fallts » (Cohen et Wills, 1985, p. 313)

Section 2 : Perceptions d’injustice et comportements déviants :

D’après Skarlicki et Folger, 1997, la plupart des salariés qui perçoivent une injustice auprès de leurs entreprises ont tendance à exprimer leur mécontentement en se vengeant de l’organisation à travers les comportements déviants. Ces derniers se manifestent par l’adoption de comportements agressifs (Folger et Baron, 1996 ; Greenberg et Alge, 1998 ; Paetzold , 1998), par des vols (Greenberg, 1990a, 1993 ; Greenberg et Scott, 1996), par le sabotage (Giacalone et Greenberg, 1997 ; Jermier, 1998) et par la tenue de propos mensongers à propos l’entreprise (Depaulo et Depaulo, 1989 ; Grover, 1997).

2.1. Les théories et modèles pouvant expliquer le lien entre la perception d’équité et les CDT

2.1.1. Le modèle de frustration et d’agression au travail (Fox et Spector, 1999)

Dans cette section nous allons présenter les modèles et les théories qui pourraient expliquer le lien entre la perception d’équité et les CDT. Nous allons entamer avec le modèle de frustration et d’agression au travail (Fox et Spector, 1999). Puis, nous allons présenter le modèle centré sur les émotions (Spector et Fox, 2002). En troisième lieu nous aborderont la théorie de la vengeance organisationnelle (Bies et Tripp, 1996- 1998) et finalement nous discuterons la théorie de l’équité d’Adams (1963- 1965).

Ce modèle vise essentiellement à expliquer comment un événement frustrant se traduit par une réponse affective et une réaction comportementale (voir figure).
Fox et Spector (1999) affirmaient qu’un événement frustrant dans le milieu de travail pourrait provoquer chez l’individu une réponse affective négative d’où il adopterait un comportement déviant. Par définition, un événement frustrant fait obstacle à la réalisation des objectifs (manque de ressources, temps limité, accès limité à l’information, etc.). Par conséquent, selon les auteurs, les CDT seraient une solution pour accomplir ces objectifs.
Le modèle de frustration et d’agression repose généralement sur quatre postulats, soit : l’identification d’un événement frustrant qui empêche à la réalisation d’un objectif. Puis la réponse affective négative qui joue un rôle médiateur entre l’événement frustrant et la réponse comportementale. Par la suite, les différences individuelles jouent un rôle modérateur entre la réponse émotionnelle et la réponse comportementale. Et finalement, les CDT sont perçus comme un moyen alternatif d’accomplir l’objectif poursuivi.