L’integration des jeunes professionnels infirmiers

Les infirmières novices Selon Benner (1982), une infirmière novice est une infirmière qui a moins de trois ans d’expérience et qui est considérée comme étant une infirmière qui n’a aucune expérience des situations auxquelles elle risque d’être confrontée. Pour les permettre d’acquérir l’expérience nécessaire au développement de leurs habilités cliniques, on décrit les situations de soins en termes objectifs clairs et quantifiables. La pratique de ces infirmières novices se restreint à gérer des paramètres mesurables et à appliquer les règles standards ainsi que les normes sans prendre en compte la situation. Ainsi, les interventions de ces infirmières novices peuvent être limitées, rigides, inutiles ou non adaptées à la situation de soins. Toutefois, ces infirmières novices ont une période de formation et d’orientation sur leur milieu de soins. De plus, elles sont dirigées et soutenues dans leur processus d’apprentissage par des préceptrices et des conseillères en soins infirmiers. Ces personnes ressources les aident à acquérir les compétences essentielles pour donner des soins de qualité
ACCUEIL :
Aborder le sujet de l’accueil, c’est tout d’abord chercher à définir celui-ci comme objet d’une action et résultante de celle-ci.
L’accueil est un mot polysémique, cette seule approche ne nous permet pas d’objectiver ce concept pour agir sur lui. Si l’on fait de l’accueil le résultat du management, il faut instrumenter ce concept afin de le rendre opérationnel. Nous est ainsi apparue la nécessité, à partir de nos pratiques mais aussi de nos lectures, d’appréhender l’organisation comme interface entre la perception de l’accueil par le jeune professionnel et l’équipe soignante et les soignants eux-mêmes quitte à mettre en évidence des dysfonctionnements dans l’organisation. L’organisation devient alors la condition nécessaire mais pas suffisante pour que le soignant puisse s’investir dans le sens souhaité ou attendu.
Comme le dit P. VALERY (1920) « L’organisation, la chose organisée, le produit de cette organisation et l’organisant sont inséparables »
S’interroger sur l’organisation, c’est essayer d’élaborer un mode de raisonnement permettant d’analyser et de comprendre la nature et les difficultés de l’action collective.
Qu’est-ce qu’accueillir ?
Pour le Petit Larousse, l’accueil c’est:
-la réception que l’on fait à quelqu’un, accueil chaleureux,
-accueil le lieu où l’on accueille les visiteurs dans une entreprise glacial,
Ces définitions indiquent toute l’ambiguïté du mot accueil envisagé à la fois comme objet, lieu et mode d’être.
Pour Rosette POLETTI accueillir est « un acte ou une attitude capitale qui permet à celui qui vient d’entrer en contact avec celui qui est déjà là ».
Pour le Littré,
« l’accueil est la réception que l’on fait à quelqu’un. Tout l’accueil qu’il lui fit, ce fut de lui tendre la main ».
Walter HESBEEN définit ainsi l’accueil de l’étudiant: « Etre accueilli c’est être attendu en vue de réaliser quelque chose, bénéficier d’un sourire, capter de la chaleur, bénéficier d’une démarche personnalisée dans laquelle le nom des personnes accueillies est utilisé, être présenté aux autres membres de l’équipe, percevoir de la disponibilité en termes de moment, de lieu, de personnes (..), être aidé pour découvrir et apprendre å connaître l’environnement notamment en termes de locaux, d’organisation, de fonction des autres services (…), être aidé pour identifier sa place dans le groupe et percevoir que chacun connait cette place, son étendue et ses limites, avoir recours à une personne référente, avoir l’occasion d’exprimer ses attentes, ainsi que ses éventuelles craintes ou difficultés, prendre conscience des attentes du service, de ses limites de ses exigences fortes »
+HESBEEN W.BONNET H. Prendre soin a l’hôpital inscrire le soin dans une perspective soignante PARIS Inter Editions, Masson, 1997. (195 p.)

1.2.2.3 L’accueil, un concept

A l’hôpital, le concept d’accueil peut se décomposer selon trois dimensions
*Organisationnelle

*Matérielle

* comportementale

La dimension organisationnelle de l’accueil sous-entend la prise en charge du jeune professionnel dans la dimension personnelle, professionnelle et administrative On peut décrire l’accueil comme un processus

La dimension matérielle se situe autour de la réception que l’on réserve à la personne tant sur le plan des équipements, de l’hôtellerie que de l’environnement au travail

La dimension comportementale est la réponse que nous apportons à chacune des attentes des demandes de la personne et le climat dans lequel nous communiquons La condition première d’une borne ambiance est la satisfaction du besoin chez l’individu ou le groupe de participer à la réalisation d’un objectif collectif
Afin de pouvoir évaluer la dimension organisationnelle du processus d’accueil, il nous faut préciser ses composantes

-l’anticipation pour avoir une vue de l’avenir qui se caractérise par la définition d’un plan d’action ou l’élaboration d’un projet qui va indiquer le cadre pour les actions à entreprendre. Il s’agit de communiquer clairement sur ce que l’on veut faire et de créer les conditions pour le faire
– l’action : mieux accueillir pour favoriser l’intégration du jeune professionnel dans l’œuvre collective qu’est l’activité de soins, l’équipe et l’établissement.
La connaissance du système va nous permettre d’agir sur lui en tenant compte

-des connaissances et des compétences des équipes, d’où le rôle important du management qui devra faire en sorte que chacun trouve sa place dans l’institution que chacun puisse exprimer ses potentiels et développer ses compétences
– de l’organisation du travail: lorsque le professionnel arrive dans l’équipe, il doit se sentir attendu, ses fonctions et celles des autres membres de l’équipe doivent être définies, ainsi que les modalités d’évaluation des pratiques
-de l’information nécessaire à la connaissance de l’organisation du service, à la communication et à la coordination avec l’ensemble des intervenants autour de la prise en charge du patient

Mieux accueillit suppose la prise en compte de l’interaction permanente de ces trois dimensions (organisationnelle matérielle et humaine) qui composent l’accueil

1.2.2.4 L’accueil des jeunes professionnels infirmiers

Notre recherche porte sur les jeunes professionnels infirmiers, il est intéressant de s’interroger sur le contexte spécifique lié à la sortie du système de formation et à l’entrée dans la vie professionnelle.

En effet le passage du statut d’étudiant à celui de professionnel présente un fort enjeu
Identitaire comme le décrit Claude DUBAR

« Parmi les évènements les plus importants pour l’identité sociale, la sortie du système scolaire et la confrontation du marché du travail constituent désormais un moment essentiel de la construction d’une identité autonome ( .. ) »

Il ajoute aussi a Mais c’est de son issue que dépend a la fois l’identification par autrui de ses compétences de son statut et de sa carrière possible et la construction par soi de son projet. de ses aspirations et de son identité possible (C’est de l’issue de cette première confrontation que vont dépendre les modalités de construction d’une identité professionnelle de base qui constitue non seulement une identité au travail mais aussi et surtout une projection de soi dans l’avenir l’anticipation d’une trajectoire d emploi et la mise en œuvre d’une logique d’apprentissage ou mieux de formation ».
10 DUBAR C., La socialisation construction des identités sociales et professionnelles, Paris: Armand Colin 1998. (276p.)

C’est sous cet angle qu’il faut analyser le problème de l’intégration de la personne dans et par le travail : quelles sont les conditions qui pour chacun vont permettre le passage des « savoirs » aux « savoir-agir » et « savoir-être »?
S’interroger sur le processus d’intégration nous conduit dans un premier temps à définir l’intégration, puis à décliner le processus en trois étapes, l’intégration des compétences, l’intégration dans l’équipe, l’intégration dans l’établissement.
1.2.2.5 L’intégration

Pour définir l’intégration nous nous référons au lexique des sciences sociales, selon Madeleine GRAWITZ l’intégration peut être appréhendée sous plusieurs angles de lecture :
L’approche sociologique garde une certaine ambiguïté: « partie ou groupe s’insérant dans un tout (collectivité sociale plus vaste), mais à des degrés divers et de façon différente suivant les domaines ». 11 GRAWITZ M., Lexique des sciences sociales. Dalloz, 1994, p. 225
L’approche psychosociologique nous semble plus précise par rapport au champ étudié « à l’intérieur d’un groupe, l’intégration s’exprime par l’ensemble des interactions entre les membres, provoque un sentiment d’identification au groupe et à ses valeurs. La difficulté consiste à concilier ces intégrations, chaque citoyen pouvant appartenir à plusieurs groupes. Ici encore, c’est le degré de cohésion de l’ensemble qu’il s’agit de mesurer. »12 GRAWITZ M., ibidem
Le jeune professionnel reçoit de l’environnement un certain nombre de modèles, de stimulations auxquels il réagit avec sa personnalité, il se structure à la fois par identification au groupe mais aussi par opposition aux membres du groupe. L’accueil et l’intégration sont donc des enjeux essentiels pour les agents en termes de bien être personnel et professionnel, de motivation et d’implication dans le travail.
1.2.2.6 L’intégration des compétences

La compétence est un processus dynamique continu « Elle n’est pas un état ou une connaissance possédée. Elle n’est pas assimilable à un acquis de formation. C’est un processus à valeur ajoutée (…) Elle est finalisée et contextualisée. C’est un savoir agir en situation ». 13 Le BOTERF G.. De la compétence à la Navigation. Les Editions d’Organisation, Paris.1998, p.25 (208p).
Les soins infirmiers nécessitent un « ensemble de connaissances, de compétences et de techniques relatives à la conception et à la mise en œuvre d’actes infirmiers. Ils ont pour but de répondre aux besoins de santé d’une personne et /ou d’une collectivité et font l’objet de la discipline enseignée au personnel infirmier. » MAGRON R. , G.DECHANOZ, Dictionnaire des soins infirmier, AMIEC p.193.
Les caractéristiques de processus de soins concernent l’ensemble des interventions infirmières auprès de la personne soignée et /ou de ses proches. Il s’agit du diagnostic, de l’analyse et des actions relevant de la compétence et de la responsabilité infirmière
Selon LE BOTERF, « La compétence est une combinaison de ressources savoirs, savoir faire, aptitudes et expériences » LE BOTERF G. ,op cit.p.27
Une autre définition est proposée par Guy GILBERT et Monique PARLIER «La compétence est l’ensemble des connaissances, des capacités d’actions et de comportements structurés en fonction d’un but, dans une situation donnée. » GIBERT G.,PARLIER M. , La gestion des compétences , personnel ,Paris 1989 n 330, p.42
1.2.2.8 L’intégration dans l’équipe
L’intégration dans l’équipe constitue une étape importante car l’identité de l’individu est en partie construite par son groupe d’appartenance. Selon SAINSAULIEU l’espace de reconnaissance des identités est inséparable des espaces de légitimation des savoirs et compétences associés aux identités.
Les attitudes, l’ambiance, le climat qui règne dans l’équipe vont avoir une incidence sur la qualité relationnelle, la capacité du jeune à être en confiance et à s’exprimer sur le plan professionnel car selon SEYRIEX, « le développement de la personne dépend essentiellement de la capacité d’échange avec le milieu, du volume des échanges, mais aussi de la qualité et de la cohérence de ces échanges entre la personnalité et les différents milieux » H. SEYRIEX, zéro mépris ,Paris ,Inter editions. 19 Tout changement de collaborateur génère de l’incertitude au sein de l’équipe, le jeune professionnel apporte une vision et des logiques différentes qu’il faut prendre en considération, ce regard neuf peut interpeller les modes d’organisation en place.
Pour PARSONS (1966) dans une théorie de la socialisation élaborée avec BALES (1955) la socialisation repose sur une conception fonctionnelle du système social structuré autour de quatre impératifs :

*« la fonction de stabilité normative signifie que le système social doit assurer le maintien et la stabilité des valeurs et des normes et faire en sorte que celles-ci soient connues des acteurs et intériorisées par eux ». Elle assure le lien entre les valeurs culturelles et les normes régulant l’action.
*« la fonction d’intégration signifie que le système social doit assurer la coordination nécessaires entre les acteurs, membres du système ».
*« la fonction de « poursuite des buts > signifie que le système social doit permettre la définition et mise en œuvre des objectifs de l’action ».
*« la fonction d’adaptation doit assurer l’adéquation des moyens aux buts poursuivis et donc une adaptation efficace au milieu environnant », DUBAR C.,La socialisation : construction des identités social et professionnelles , Paris : Editions Armand Colin, 1998. (208p).
L’intégration assure la cohésion interne du système social dans le respect des normes et une recherche d’efficacité.
Selon Philippe d’IRIBARNE, « le besoin d’intégrer des actions individuelles dans une marche collective est un impératif universel de gestion (…) il faut coordonner, mais sans étouffer pour autant, sans casser l’enthousiasme de chacun, ses désirs d’aller de l’avant, d’innover, de créer, sans le “démotiver” » D’IRIBARNE P ., La logique de l’honneur : gestion des entreprises et traditions nationales . Paris : Editions du Seuil, 1989 (283p).
L’accueil crée les conditions favorables à une intégration dans la structure hospitalière, représente une opportunité pour l’établissement de communiquer sur sa culture, ses valeurs, son organisation, ses réalisations et ses projets. Gérer l’hôpital demande de faire coopérer des hommes et des femmes à une œuvre commune, dans un champ de contraintes, internes et externes très divers. Mais chacune de ces personnes a sa vie propre, ses propres désirs, ses objectifs, sa stratégie, qu’aucune magie ne met spontanément en harmonie avec la capacité de l’ensemble à travailler efficacement.
La manière dont l’action collective est à la fois pensée et mise en pratique requiert un ensemble de représentations partagées par les membres d’une organisation qui leur permet d’échanger et de communiquer.
Cette communication doit pouvoir suffisamment entrer en résonance avec le système de valeurs de chacun des acteurs pour que ceux-ci souhaitent et puissent agir pour organiser leurs pratiques collectives et ce en conformité avec les buts et la dynamique de l’organisation.
L’intégration du personnel passe par la communication afin de lui permettre de s’inscrire dans un système de valeurs, de projets, de donner du sens et construire des finalités partagées. « Les hommes et les femmes de l’entreprise doivent être associés au maximum a cet effort prospectif, car ce qui importe dans l’univers complexe de l’entreprise, c’est que chacun soit porteur du tout, à l’image d’un hologramme. » GENELOT D., Manager dans la complexité, Paris : INSEP Editions, 1992
2/ Les connaissances incluses dans la pratique infirmière
La théorie (les connaissances, le savoir) est un excellent outil pour expliquer et prévoir. La théorie offre ce qui peut être formalisé et explicité. Elle guide les infirmières et leur permet de se poser les bonnes questions.
L’expertise, par contre, ne peut se développer que lorsque le clinicien confronte à des situations réelles les propositions, les hypothèses, ou les attentes fondées sur les principes.
On peut donc parler d’expérience lorsque les notions et les attentes préconçues sont remises en question, mises au point ou infirmées par la réalité. L’expérience est l’amélioration des théories et des notions préconçues par la confrontation à de nombreuses situations réelles qui ajoutent des nuances ou des différences subtiles à la théorie.
⮴ L’expérience est nécessaire à l’expertise.
⮴ La compétence se nourrit de savoir-faire (connaissance pratique), et non pas de savoir (connaissance théorique), même si ce savoir est un préalable, puisqu’il constitue le point de départ de l’acquisition de l’expérience.
Patricia BENNER – De Novice à
Expert (Excellence en soins infirmiers)

3/ Les six domaines de connaissances pratiques
La formalisation du savoir-faire, son développement, son amélioration,
passe par des stratégies de transmission dont l’infirmière n’a
généralement pas conscience. Six domaines de connaissances ont été
décrits :
– La hiérarchisation des différences qualitatives résulte de la capacité à
reconnaître, à décrire le contexte, les significations, les caractéristiques,
les tenants et aboutissants de leur savoir, le plus souvent lorsque les
infirmières comparent leur point de vue pendant qu’elles soignent un
patient en situation réelle.
– Les significations courantes résultent de l’acquisition au contact des
malades et de leur famille de tout un éventail de réponses, de
significations et de comportements. Ces significations forment une
tradition partagée par les infirmières leur permettant de développer le
sens du possible auprès de leurs patients.
– Les suppositions, attentes et comportements types se décrivent comme
des prédispositions à agir d’une certaine manière dans des situations
bien précises. Pour une même situation, il est montré que ces
comportements varient d’une culture à une autre.
– Les cas modèles (paradigmes) et les connaissances personnelles sont
de nature à développer la connaissance clinique qui est elle-même le
fruit de la confrontation entre connaissances théoriques brutes (qui
décrivent des comportements stéréotypés dans des situations données)
et les connaissances pratiques simples (acquises en situation réelle de
soins). Une expérience particulière peut avoir suffisamment de force
pour servir de modèle. Ces modèles se substituent peu à peu aux
connaissances théoriques initiales et alimentent l’expérience de
l’infirmière par l’acquisition de connaissances personnelles.
– Les maximes sont des instructions codées qui n’ont de sens que pour
des professionnelles ayant déjà une bonne compréhension de la
situation. De fait, ce type de transmission du savoir est hermétique aux
débutants bien que source d’une information parcellaire réutilisable
ultérieurement.
– Les pratiques non codifiées sont le résultat d’actes infirmiers non
traditionnels (nouveaux traitements, nouvelle approche diagnostique) qui
génèrent des connaissances hors du champ habituel d’intervention de
l’infirmière. Parce qu’elle n’est pas décrite, étudiée, ou confrontée à des
connaissances théoriques, l’expérience acquise ne peut constituer un
savoir-faire.