Séparation des pouvoirs

« Pour qu\’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » De l’esprit des lois, Montesquieu (1689 – 1755)
Montesquieu qui avait prédit la révolution et l’avènement des États Unis comme nation de premier rang, ne se doutait pas que les idées développées dans ses écrits et notamment De l’esprit des lois en 1748 deviendraient la base idéologique de la Constitution américaine.
Acceptée le 17 septembre 1787 et effectivement en vigueur depuis le 4 mars 1789 la constitution des États Unis est la plus ancienne et la plus efficace des constitutions en vigueur (en effet elle n’a subi que 27 amendements depuis sa création).
La constitution américaine se fonde sur deux piliers pour structurer le pays et maintenir une séparation des pouvoirs telle que pensée par Locke (1632-1704) et Montesquieu et empêcher l’arbitraire et l’abus, caractéristiques de l’Ancien régime : le fédéralisme et le système des « Checks and Balances ».
D’un côté le fédéralisme, défini dans le Lexique des termes juridiques de Dalloz comme un État composé, par opposition à un État unitaire, et reposant sur trois principes dont la superposition (l’État fédéral se superpose aux états fédérés), la participation (les États fédérés participent à la révision de la constitution fédérale et bénéficient d’une représentation leur permettant de participer à la législation fédérale) et l’autonomie (comme dit précédemment, les États fédérés disposent d’une constitution, ainsi que d’une large autonomie législative, dans les domaines déterminés par la constitution fédérale) permet une séparation des pouvoirs verticale.
De l’autre, l’organisation en régime présidentiel, défini comme un régime politique apparu avec la constitution des États Unis et dans lequel l’équilibre des pouvoirs est obtenu par leur séparation (à la fois organique et fonctionnelle), i.e. que le pouvoir exécutif est détenu par un président élu par le peuple et irresponsable devant le Congrès composé de 2 chambre (organisation bicaméral), celle des représentants (chambre basse) des citoyens et le Sénat représentant les États fédérés, qui de son coté, ne peut être dissous par le président et permet une séparation des pouvoirs horizontale. Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, il est surplombé par la cour Suprême dont le rôle est de veiller au respect de la constitution fédérale.
C’est ce mécanisme de collaboration et d’équilibre des pouvoirs ou encore de contrôle et contrepoids entre les trois branches, typiquement américain que l’on appelle « Checks and Balances ».

Malgré cette base théorique

de séparation des pouvoirs, la pratique constitutionnelle a vu une prédominance de l’un ou l’autre des trois selon les époques. En effet une constitution est sujette à interprétation durant les différentes périodes de l’histoire du pays (par exemple la constitution ne pouvait pas prévoir l’invention de la bombe nucléaire et décider qui en serait responsable) et victime de son manque d’exhaustivité.
Ainsi, sur la base du vide juridique laissée par la constitution sur le contrôle de constitutionalité, avec l’arrêt Madison v. Marbury rendu par la Cour Suprême des États Unis le 24 février 1803, le pouvoir judiciaire fait un grand pas en avant puisque la cour s’attribue, et attribue aux tribunaux, la capacité de juger de la constitutionnalité des lois et de les écarter dans le cas contraire. C’est ainsi que la Cour Suprême des États Unis devient la première Cour Constitutionnelle au monde.
Cette auto-attribution de compétence par la Cour Suprême sera critiquée par le président Thomas Jefferson selon lequel l’Amérique se retrouve « sous le despotisme d’une oligarchie ». Dans la même lignée, Franklin Delano Roosevelt s’opposera à la Cour Suprême dans les années 1930 qui verront se répandre l’expression de « gouvernement des juges ». Lors du New Deal on assiste à une farouche opposition de la Cour Suprême aux réformes prévues par Franklin Roosevelt. Se servant de son statut de Cour constitutionnelle, la Cour Suprême invalide plusieurs des projets du New Deal. Une véritable guerre entre l’exécutif (rallié par le législatif puisque la majorité au Congrès est acquise au président) et la justice a lieu. Après la réélection de Roosevelt en novembre 1936, avec une victoire écrasante et la présence d’une majorité démocrate au Congrès la Cour Suprême tempère ses décisions et suite au remplacement de plusieurs juges de la Cour celle-ci rend les armes face à l’exécutif.
Suivant la même logique, on verra au cours de l’histoire des États Unis une opposition entre le pouvoir législatif (Congrès) et le pouvoir exécutif (le Président). Le Congrès était au départ vu comme la branche la plus forte des trois (notamment après la démonstration de force par l’impeachment d’Andrew Johnson en 1868). Dans le fond, dans son esprit, la Constitution de 1787 ne prévoyait pas pour le président un rôle de premier ordre mais déjà à cette époque, les trois premiers présidents (George Washington, John Adams et Thomas Jefferson) par leurs personnalités fortes et leur pratique du pouvoir ont amorcé la montée en puissance de cette institution. A la fin du 19éme le président Grover Cleveland avait tenté d’instaurer l’influence de l’exécutif en opposant son veto sur environ 400 propositions de loi) mais ce n’est réellement qu’à partir du 20éme siècle et notamment après la 2nde guerre mondiale que le président devient l’acteur principal de la vie politique.
Cette mise en perspective historique nous amène à nous demander ce qu’il en est aujourd’hui des pouvoirs législatifs et exécutifs.
Alors malgré la séparation stricte des pouvoirs dans le régime présidentiel des États Unis assiste-t-on à la prédominance et à un empiétement du pouvoir exécutif incarné principalement par le président sur le Congrès ?

Cette interrogation trouve sa pertinence dans le fait est que pour évaluer la valeur d’une chose il peut être intéressant de se demander quel était l’objectif, quels ont été les moyens déployés pour l’atteindre et si finalement cet objectif a été atteint. Pour ce qui est de l’objectif, il se trouve énoncé dans la constitution.
La constitution est selon le Lexique des termes juridiques Dalloz, l’acte juridique suprême de l’État. C’est un ensemble de règles écrites ou coutumières qui déterminent la forme de l’État (unitaire ou fédéral notamment), l’organisation de ses institutions, la dévolution et les conditions d’exercice du pouvoir compris le respect des droits fondamentaux. Chaque constitution a son « esprit », une ADN propre souvent issus de l’histoire du pays (on peut prendre l’exemple de la Constitution allemande, la Loi fondamentale, portant les stigmates du nazisme, qui tend à éviter la résurgence d’un parti politique surpuissant et centralisateur : caractère fédéral inviolable de l’État etc…).
La constitution américaine, elle, trouve son ADN dans la théorie de séparation et de coopération des pouvoirs telle que développée par Montesquieu, Locke et dans le concept de « checks and balances ». C’est cette constitution qui a créé les institutions de « Président des États Unis » et de « Congrès des États Unis » (en ajoutant la Cour Suprême on trouve les moyens déployés) et qui leur a attribué des compétences propres pour exercer dans leur domaine respectif mais aussi pour se surveiller mutuellement. Il peut donc être pertinent de se demander comment ont évolué ces institutions et voir si la pratique et l’interprétation de la Constitution (notamment dans ce qu’elle n’a pas prévu) à influencer le concept de Checks and Balances (si l’objectif a été atteint).
Ces deux institutions, le Congrès et le Président, telles que prévues par la Constitution sont séparés dans le cadre des
Checks and Balances, néanmoins la pratique et l’interprétation de la Constitution démontrent un dépassement de la
théorie et une tendance à la prépondérance du Président.
I – Des institutions séparées en vertu des Checks and Balances
Dans le cadre des checks and balances la constitution américaine prévoit non seulement une répartition de compétences distinctes mais aussi des mécanismes de contrôle réciproque. Ainsi le Congrès incarnant le pouvoir législatif est-il chargé de surveiller, tempérer voire sanctionner l’exécutif si ce dernier, incarné par le président, déborde du cadre que lui impose la Constitution.
A – Une répartition constitutionnelle des compétences
C’est l’Article 2 de la constitution américaine qui traite des pouvoirs du Président. Lors de la rédaction, les constituants qui n’avaient pas prévu le destin exceptionnel de cette institution, ne prêtèrent pas beaucoup d’attention aux pouvoirs du Président et cette partie fut vite achevée pour se concentrer sur les pouvoirs du Congrès, voilà pourquoi elle est si concise. En effet seuls quatre pouvoirs sont évoqués dans la Constitution. Ainsi le Président est chef des armées (les constituants avaient compris l’importance d’un armée forte mais voulaient évité de placer un militaire à un rang trop élevé), chef de la diplomatie (néanmoins ce pouvoir est soumis au conseil et à l’approbation du Sénat, 2/3 des sénateurs doivent donner leur accords pour la signature de tout traité à l’international), chef de l’administratif (il peut nommer les ambassadeurs et notamment les juges de la cour suprême, mais toujours après consentement du Sénat) et enfin législateur en chef (il peut en effet opposer son veto à toute proposition de loi, néanmoins le Congrès peut contourner son véto par le vote des 2/3 de chaque chambre, ce qui supposerait une domination du Congrès par un parti).
Les pouvoirs du Congrès quant à eux sont beaucoup plus fournies dans la Constitution à l’Article 1Section 8.
En plus du pouvoir législatif et celui de confirmer les nominations de fonctionnaire du Président, le Congrès a la main mise sur plusieurs domaines de première importance dans le pays. Ainsi il est responsable du budget et de la fiscalité du pays, de la révision constitutionnelle. Le Congrès dispose aussi de larges compétences dans la Défense nationale (cf. le War Powers Act de 1973 disposant que le président doit avant d’engager les troupes nationales pendant plus de 60 jours à l’étranger obtenir l’accord du Congrès) puisque le Président doit mettre au courant le Congrès sous 48h de toute intervention militaire.
De plus, comme dit précédemment, le Président doit soumettre au contreseing du Sénat toute signature de traité.
On constate donc à priori une harmonie entre les deux pouvoirs qui disposent chacun de compétences propres mais aussi
d’un certain contrôle l’un sur l’autre.
En effet le système américain met entre les mains du Congrès différents outils, formels ou non, en vue de l’aider à surveiller et tempérer l’exécutif.
B – Un contrôle de l’exécutif par le législatif
C’est par les commissions parlementaires que le Congrès peut surveiller l’action de l’exécutif.
Leur rôle est d’investiguer sur les actions des membres de l’exécutif. Ce rôle de la branche législative avait déjà été
envisagé par James Madison avant même la création du Congrès. Non explicitement écrit dans la constitution, la capacité
du Congrès à enquêter est garantie informellement par l’Article 1 Section 1selon l’interprétation de la Cour Suprême.
La plupart des enquêtes sont menées par des commissions permanentes mais l’une des deux branches peut tout à fait créer une commission ad hoc pour enquêter sur un sujet en particulier. Les principales commissions sont celles d’agriculture, de finances, des forces armées, du budget, de l’éducation et du travail, de l’énergie et du commerce, des services financiers, des affaires étrangères, de la sécurité intérieure, de l’administration du congrès, de la justice, des ressources naturelles, de la réforme de l\’État, de la réglementation, de science et de technologie, des petites et moyennes entreprises, du comité d\’éthique, des transport et infrastructures, des anciens combattants et des mœurs.
On a récemment pu assister aux investigations de l’un de ces commissions sur l’affaire de l’ingérence russe dans les élections présidentielles américaine notamment la commission du renseignement de la Chambre des représentants (le président Donald Trump étant soupçonné de collusion avec la Russie). De même dans le scandale du Watergate (avant d’en arriver aux éléments déclencheurs du scandale pour être précis) une commission d’enquête sénatoriale (nommée United States Senate Watergate Committe) avait été créé pour enquêter sur la campagne électorale de 1972 des républicains. Ces enquêtes déboucheront indirectement sur la décision de mise en route de la procédure d’impeachment à l’encontre du président Richard Nixon.
Donc si ses enquêtes l’amènent à constater une défaillance grave, le Congrès peut aller jusqu’à sanctionner l’exécutif.
Au-delà de ses prérogatives législatives, le Congrès dispose d’un part de pouvoir judiciaire. Cela ne constitue pas en soi une atteinte à la séparation des pouvoirs puisque cette « empiètement » est très cadré et s’inscrit dans la logique de contrôle, des checks and balances.
Ainsi à travers de la procédure d’impeachment le Congrès peut, en cas de concussion ou de trahison, destituer le président
ou tout autre haut fonctionnaire. La conduite de cette procédure est répartie entre la Chambre des Représentants qui, à une majorité simple, décide de la mise en accusation et le Sénat qui lui se prononce sur la condamnation à une majorité des 2/3.
Pour autant cette procédure est restée assez rarement utilisé puisque durant toute l’histoire des États Unis seulement un sénateur et 14 fonctionnaires ont été touché. Néanmoins, même si la procédure n’a pas abouti, de par sa gravité a fait démissionner Richard Nixon en 1973 (deux autres présidents ont été atteint, Andrew Johnson et Bill Clinton ont été tous deux acquittés).
A ces outils de surveillance et de contrôle plus ou moins formalisés s’ajoutent d’autres issus de la pratique politique.
Dans le cadre d’une logique partisane, si la majorité des juges de la Cour Suprême est du bord politique opposé à celui du président, on peut voir une alliance entre cette majorité et les opposants au président dans le congrès pour limiter l’action de l’exécutif. En effet les juges de la Cour Suprême peuvent, par un vote à la majorité, bloquer sans possibilité d’appel une loi votée par l’un des cinquante États américains ou par le gouvernement fédéral.
La logique partisane peut aussi s’appliquer en interne au Congrès. Tel est le cas de l’obstruction parlementaire ou « filibustering ». Certes c’est un outil qui n’a pas de visé productive et pour finalité le bien commun mais plutôt une logique d’opposition partisane mais cela ne l’empêche pas d’être un moyen d’entraver un exécutif qui se servirait de la logique partisane pour faire passer des lois par ses sympathisants au Congrès.
Ainsi un « filibuster » consiste à prolonger exagérément le débat sur une proposition de loi par un flux constant et ininterrompu de parole (accordée par le règlement à chaque représentant sans limite de temps) dans le but de retarder son adoption ou l’empêcher tout simplement.
Le record va au sénateur Strom Thurmond qui pratiqua un « filibuster » long de 24h et 18 minutes contre le Civil Rights
Act de 1957, lisant entre autres les articles de la Constitution, le Bill of Rights et d’autres textes historiques (au total, l’enchainement des « fillibuster » des différents sénateurs contre cette loi a duré 57 jours).
II – Une séparation dépassée par la pratique des institutions Comme on vient de le voir le Congrès peut souffrir de faiblesses intrinsèques notamment son fonctionnement lourd et peu pratique. En effet lorsque les constituants ont élaboré la Constitution les temps étaient particuliers, les déplacements nécessitaient beaucoup plus de temps, l’information circulait moins vite et les États Unis n’étaient encore qu’une petite nation. C’est pourquoi, en parallèle des évolutions du monde, la pratique présidentielle a développé de nouveaux outils et mécanismes dans les domaines ou la Constitution est restée silencieuse.
A – Un Congrès dominé par le parti du Président
Certes la Constitution est un élément incontournable pour comprendre les rapports de force entre les différentes branches mais la pratique des acteurs est la seconde facette, permettant une analyse plus profonde.
En effet la pratique montre que les logiques partisanes peuvent passer outre la séparation des pouvoirs et que l’unité créée par l’appartenance à un même parti peut s’avérer plus forte que la séparation qu’engendre l’exercice de fonctions par nature opposé (fonctions législatives et exécutives dans notre cas).
Ainsi, dans le cas où le président appartient au même parti que la majorité au Congrès tous les mécanismes de
surveillance et de contrôle se voient potentiellement nul et non avenus puisque rien n’empêche part l’alliance de l’exécutif et du législatif sous l’égide du président. Il suffit que la Cour Suprême elle aussi soit composé par une majorité de partisan du président pour lui donner les quasi pleins pouvoirs. Il reste toujours la force d’opposition que peuvent représenter les États fédérés mais l’on voit bien que la séparation des pouvoirs et le concept de « Checks and Balances » perd de son sens.
On a été dans ce cas récemment (avant les midterms) avec une majorité républicaine tant au Congrès (Chambre des
représentants et Sénat) qu’a la Cour Suprême. Donald Trump a ainsi pu, entre autres, procéder à la nomination de Brett
Kavanaugh à la Cour Suprême malgré la controverse. De même, on a pu voir une opposition de la majorité républicaine au Congrès contre les projets de loi de lutte contre les « fake news » laissant la voie libre au président pour légiférer par décret mais sous les conditions qui lui sont favorables.
Néanmoins, cette domination connait une limite puisque les citoyens américains peuvent sanctionner la politique de l’exécutif lors des élections de mi-mandat, les midterms, qui se déroulent comme leur nom l’indique au milieu du mandat présidentiel. C’est une occasion de rebattre les cartes puisque la « tradition » montre que (et cela s’est confirmé avec les récents midterms puisque la Chambre des représentants a basculé du côté Démocrate, le Sénat quant à lui, de par des modalités d’élection différentes entre autres, reste républicain) que le parti majoritaire est renversé. Ainsi Nancy Pelosi, leader démocrate à la Chambre des représentants, a réagi à ce résultat en déclarant la \”restauration des pouvoirs et contre- pouvoirs constitutionnels\”.
De plus la Chambre des représentants est victime d’une forte indiscipline partisane. En effet les élus le sont pour deux ans ce qui les pousses plus à œuvrer pour se faire réélire plutôt qu’à suivre les directives du parti. Les deux arrêts des activités gouvernementales, ou shutdowns (échec du Congrès à se mettre d’accord sur les fonds suffisant à autoriser pour les opérations gouvernementales) sont un exemple de cette indiscipline (au sens large et non seulement en termes de carriérisme) puisque le Congrès était à la majorité du même bord politique que le président.
Ainsi il ne suffit pas toujours d’être du même parti pour pouvoir compter sur la majorité au Congrès, un certain charisme
et la personnalité joue beaucoup dans ce jeu de pouvoir.
B – Les pouvoirs informels du Président
Le Président en tant qu’institution a certes eu depuis sa création des pouvoirs débordant légèrement de sa branche initiale (telle est le cas des décrets par exemple, dont Obama c’est largement servi pour passer outre la Chambre des représentants lorsqu’il l’a perdu), mais au cours de l’histoire ces empiètements n’ont fait que s’aggraver.
Aujourd’hui les citoyens attendent du président de résoudre la totalité de leurs problèmes en un temps record. Aujourd’hui le président ne se contente pas de veiller à la bonne exécution des lois voter par la Congrès ou de simplement le conseiller mais exerce bel et bien une pression pour faire voter certains « bills ». C’est notamment le cas lors de l’annuel Discours sur l’état de l’Union lors duquel le président expose ses projets devant le Congrès en entier au capitole des États Unis à Washington. Certaines parties du discours, volontairement écrite de façon très précise sont reprises telles quelles par les élus pour être ensuite proposées et votés.
De plus, par la pratique on s’est rendu compte que les pouvoirs accordés par la Constitution au président étaient incomplets i.e. que pour exercer ceux que la Constitution liste il en faut d’autres sous-entendus, d’où la notion « d’implied powers ».
Ce sont des pouvoirs non explicitement cités dans la constitution ou par une loi. Par exemple le président a le pouvoir constitutionnel de nommer les membres de son Cabinet mais pas de les virer, ainsi il a été décidé que ce dernier allait avec le premier même s’il n’est pas expressément listé dans la Constitution. De même le président a développé la compétence de négocier des traités en évitant la contrainte du Sénat, via l’Executive Agreement, qui à la différence d’un traité ordinaire n’a pas besoin d’être signé par 2/3 des sénateurs mais se contente d’une majorité simple dans les deux chambres.
Le président n’hésite pas non plus à se servir de « tour de passe-passe ». On retrouve un peu l’équivalent « spirituel » du filibustering du côté du président avec le véto de poche ou pocket veto, qui consiste à ne pas promulguer une loi dans les 10 derniers jours de la session parlementaire, obligeant le Congrès à recommencer tout le processus à la séance suivante.
De même le président peut mettre en place une stratégie d’alliance. Une alliance des branches est possible entre le président et la Cour Suprême s’ils sont du même parti politique pour faire bloquer des lois du Congrès, qui lui, serait opposé au président comme c’est le cas en ce moment. Cependant on peut aussi assister à une alliance de la Cour Suprême avec le Congrès contre le président (la Cour Suprême étant à une forte et solide majorité républicaine, puisque les juges sont nommés à vie, peut être que pour les prochaines élections présidentielles on verrait arriver un démocrate élu et pour les prochains midterms, une majorité républicaine à la Chambre des représentants comme le veut la tradition).

Enfin il ne faut pas oublier le privilège de l’exécutif qui ne se trouve pas dans la Constitution mais est en vigueur. C’est
l’aptitude du président de garder secrètes les conversations et les notes échangées avec ses conseillers. Ce privilège qui est apparu en 1792 sous le président Georges Washington qui souhaitait dissimuler certaines informations suite à une défaite militaire est apparu aux yeux du grand public avec l’affaire Watergate. Ce genre de privilège met en danger les « Checks and Balances » puisqu’il permet de dissimuler des informations à la surveillance du Congrès sur l’Exécutif (lors de commissions d’enquête par exemple).
Il ressort de ces éléments que malgré des stratégies parfois à la limite de l’inconstitutionnalité (notamment avec les
alliances entre différentes branches selon la logique partisane, ou une interprétation extensive de la Constitution et des
pouvoirs qu’elle accorde, notamment avec les pouvoirs implicites du Président) et une montée en force du Président, tout
comme le Congrès ou la Cour Suprême a leur époques, dans le fond la séparation des pouvoirs et le concept de « checks and balances » restent d’actualité avec un système bien pensé qui arrive à se réguler avec par exemple la double séparation des pouvoirs tant verticale à travers le fédéralisme qu’horizontale, et un peuple au cœur du pouvoir (à travers l’élection du président et les élections de mi-mandat).