DÉTERMINANTS DE L’ENDETTEMENT DES ENTREPRISES

La théorie de l\’agence repose sur deux hypothèses comportementales :
La sélection adverse ou anti-sélection : les asymétries d’informations apparaissent avant la signature du contrat de prêt dans la mesure où les prêteurs peuvent difficilement discriminer de manière efficiente parmi les différentes demandes de projets de financement.
Aléa moral : Les asymétries d’information apparaissent pendant le déroulement du contrat. L’emprunteur peut choisir, parmi ses projets d’investissement, un projet plus risqué que le projet effectivement présenté au prêteur et sur la base duquel il avait obtenu son crédit. Si le prêteur observe uniquement le revenu réalisé par l’emprunteur, il ne connaît pas avec exactitude la nature du projet effectivement réalisé. Il doit déterminer si, par exemple, une réduction des revenus réalisés résulte de la mauvaise gestion de la firme par le dirigeant ou d’une réaction normale de l’entreprise aux variations conjoncturelles de son environnement.
Enfin, des asymétries d’information peuvent se révéler ex-post. Le prêteur ne peut alors évaluer avec exactitude le taux de rendement du projet réalisé par l’emprunteur qui peut être incité, pour minimiser ses remboursements, à déclarer un revenu inférieur au revenu effectivement réalisé Williamson (1986), ce qui a été qualifié d’opportunisme.

Les conflits d’intérêt entre les dirigeants et les créanciers :
Selon la théorie de l\’agence, les dirigeants sont les agents des actionnaires au sein de l\’entreprise,
dans ce contexte, la principale demande à l’agent d’agir au vu de ses intérêts en contrepartie d’une rémunération. De son côté, l’agent s’engage dans le cadre d’un contrat, à prendre des décisions qui vont dans le sens des intérêts du principal. Toutefois, les agents qui détient des informations privilégiées est souvent tenté de satisfaire ses propres intérêts. Ils peuvent ainsi préférer la croissance du chiffre d\’affaires à celle du profit, employer plus de personnel que nécessaire. Leur but est de servir l\’intérêt social de l\’entreprise avant de satisfaire les intérêts des actionnaires (distribution de dividendes) ou des salariés. En substance, l\’aspiration du dirigeant consiste à maximiser sa rémunération et à minimiser son effort.
Ce dernier est à la base de conflits entre actionnaires et dirigeants qui peuvent engendrer selon Jensen (1986) des coûts d’agence qui peuvent être de trois types :
• Les coûts de contrôle : il s’agit des dépenses résultant de la nécessité pour le principal de surveiller les actions de l’agent et de l’inciter à agir dans son intérêt.
• Les coûts de justification : qui comportent des dépenses engagées par l’agent pour prouver la qualité des

décisions prises et convaincre le principal qu’il agit bien dans son intérêt.
• Les coûts résiduels : résultant de la volonté des deux parties contractantes de limiter la perte de valeur entraînée par le caractère sous optimal des décisions prises par l’agent.
Par ailleurs, il existe aussi des conflits d’intérêt entre actionnaires et créanciers dont les principales sources sont la substitution d’actifs, le sous-investissement, la dilution des créances et la politique de dividendes. Dans ce contexte, la structure financière est le moyen de résoudre ces différents conflits. La combinaison optimale de dettes et de fonds propres résultera d’un arbitrage entre les coûts d’agence actionnaires-dirigeants et les coûts d’agence dirigeants-créanciers. Il convient donc de voir comment l’endettement permet de réduire les conflits d’agence actionnaires-dirigeants mais génère des conflits d’agence dirigeants-créanciers. Partant de là, nous pouvons mettre en évidence l’existence d’une structure financière optimale qui maximise la valeur de la firme.

Les solutions apportées aux conflits actionnaires-dirigeants :
Les différents types de conflit caractérisant la relation d’agence actionnaires-dirigeants engendrent des coûts de surveillance engagés par les actionnaires, des coûts d’obligation supportés par les dirigeants et des coûts résiduels qui correspondent à des coûts d’opportunité. Plusieurs mécanismes permettent de réduire ces coûts. Ainsi, le système de contrôle interne composé du système d’information comptable, du système de contrôle de gestion et des procédures d’audit, peut limiter le montant de ressources dont dispose les dirigeants. De même, les actionnaires peuvent exercer un contrôle direct sur la politique poursuivie par le dirigeant à travers le conseil d’administration et le droit de vote. Fama (1980) avance que dans un marché de travail efficient, la perte de la valeur de la firme est supportée par le dirigeant qui subit ainsi, la baisse de ses avantages financiers. Dans ce cas, le manager est incité à poursuivre l’objectif de maximisation de la valeur de la firme. Les mécanismes d’incitation que nous venons de voir sont peu efficaces dans la mesure où les données de l’entreprise peuvent toujours être manipulées par le dirigeant et dans la mesure où le degré d’efficience des marchés de travail et de capitaux n’est pas élevé. Norton (1991) soutient cette idée et souligne les limites de la discipline exercée par le marché de travail sur les dirigeants des entreprises. Dans ces conditions, la politique d’endettement se présente comme le moyen le plus efficace de réduire les coûts d’agence des fonds propres. Ainsi, l’endettement a impact positif sur la valeur de la firme parce qu’il incite les dirigeants à être plus performants. En effet, un endettement croissant augmente le risque de faillite et le dirigeant risque de perdre sa position, sa rémunération et ses avantages en nature. Il se trouve menacé et fournira, par conséquent, les efforts nécessaires pour améliorer sa gestion.

Les conflits d’intérêt entre les dirigeants et les créanciers :
Le recours à l’endettement permet de réduire les coûts d’agence des fonds propres en raison de la diminution de la part des actionnaires dans le passif de la firme. Cependant, il créé d’autres coûts liés aux conflits d’intérêt entre les dirigeants (ou les actionnaires) et les créanciers. Ces conflits résultent des modalités de financement des activités d’exploitation et d’investissement de la firme. En effet, lorsqu’une activité est financée par endettement, cette opération peut nuire aux intérêts des prêteurs. Ainsi, lorsqu’une firme émet des obligations et qu’elles sont évaluées sur la base d’une certaine politique de distribution, une augmentation des dividendes versés aux actionnaires réduit leur valeur, notamment si l’accroissement des dividendes se fait au détriment du financement des investissements projetés. Les créanciers subissent alors, un transfert de richesse par faute d’anticipations rationnelles. De même, lorsqu’une firme endettée et mal gérée accorde à ses actionnaires des avantages qui entrainent par la suite des inconvénients, ceux-ci seront supportés par les créanciers de la firme. En effet, les dirigeants peuvent gonfler le résultat et distribuer un dividende élevé en pratiquant des provisions insuffisantes, en supprimant les frais de recherche et développement, en comprimant les frais d’entretien ou encore, en refusant de contracter une assurance risque (Goffin, 2008). Ces mauvaises décisions de gestion nuisent aux intérêts des créanciers car, en cas de faillite, la valeur liquidative de la firme peut être inférieure à la valeur de ses dettes. Par ailleurs, lorsqu’une firme procède à une émission obligataire pour financer un projet d’investissement plus risqué que celui pour lequel l’emprunt est sollicité, la valeur des actions s’élève et celle des obligations diminue. Dans ce cas, il y a eu transfert de richesse des obligataires vers les actionnaires. La substitution de la dette aux fonds propres dans l’investissement est appelée substitution d’actifs qui conduit les actionnaires à sélectionner des projets d’investissement très risqués en raison du supplément de gains dont ils peuvent bénéficier en cas de réussite des projets. En revanche, en cas de faillite, la responsabilité des actionnaires est limitée à leur mise de fonds initiale et les créanciers en subissent les conséquences. Jensen et Meckling (1976) montrent que si les dirigeants-propriétaires ont le choix entre deux projets d’investissement de même espérance de rentabilité mais de variance différente, ils optent, après que le prêt soit accordé, pour le projet qui présente la variance la plus élevée et s’accaparent ainsi une plus grande partie de la valeur de la firme au détriment des obligataires.
Galai et Masulis (1978) obtiennent le même résultat en se basant sur la théorie des options développée par Black et Scholes (1973) et Merton (1973). Dans ce même contexte de conflits d’intérêt entre actionnaires et créanciers, Myers83 (1977) indique qu’une firme endettée peut être amenée à rejeter des projets d’investissement à valeur actuelle nette (VAN) positive si l’augmentation de la valeur qui en résulte est accaparée par les créanciers. En effet, lorsqu’une firme est libre de dettes, elle réalisera tous les projets d’investissement dont le montant initial (I) est inférieur à la valeur actuelle des fonds propres (V). En revanche, une firme endettée ne réalisera que les projets d’investissement dont la VAN est supérieure à la valeur de remboursement de la dette (D), car les actionnaires peuvent rembourser la dette et s’approprier l’excédent de valeur qui s’élève à V- (I+D) > 0. Dans le cas où 0 < VAN < D, les actionnaires renoncent aux projets même s’ils sont profitables aux créanciers. La firme rejette alors des projets rentables économiquement et un conflit d’intérêt, lié au sous-investissement, émerge entre les créanciers et les propriétaires. Les firmes ayant des opportunités de croissance élevées sont les plus touchées par le risque de sous-investissement. Rajan et Zingales (1995) ainsi que Titman et Wessels (1988) affirment que les opportunités de croissance sont positivement corrélées avec le risque de sous-investissement.
Les solutions apportées aux conflits actionnaires-créanciers :
Le recours à l’endettement s’accompagne de coûts d’agence supportés par les créanciers. Il s’agit des coûts liés à la possibilité de détournement par les dirigeants des fonds prêtés par les créanciers à des fins plus risquées que prévus, des coûts de contrôle engagés par les créanciers pour vérifier la qualité de gestion des dirigeants et des coûts d’une éventuelle faillite. Plusieurs mécanismes permettent de réduire ces coûts. Il s’agit essentiellement des clauses de protection des obligataires, qui ont pour but d’empêcher les pratiques égoïstes des actionnaires préjudiciables aux obligataires, et de l’émission d’actifs financiers particuliers qui permettent une certaine convergence d’intérêt entre créanciers et actionnaires.

• La théorie du signal :

A la différence de la théorie d’agence, la théorie du signal affirme qu’il est possible de limiter ces asymétries informationnelles à travers des décisions financières qui ont pour objectif de transmettre de l’information permettant de distinguer les entreprises performantes de celles qui ne le sont pas. Ces décisions sont assimilées à des signaux qui traduisent la volonté des dirigeants, mieux informés sur les bénéfices futurs et les opportunités d’investissement, à faire connaître aux partenaires extérieurs les caractéristiques réelles des firmes qu’ils dirigent. En effet, les investisseurs extérieurs ne peuvent pas se contenter des informations dont ils disposent pour distinguer les bonnes entreprises des mauvaises, d’où la nécessité d’émettre des signaux qui renseignent sur l’état de santé de la société. Ceux-ci doivent être discriminants pour qu’ils ne soient pas imités par les firmes non performantes. Ainsi, le versement des dividendes relativement élevés et régulier renseigne sur la capacité de la firme à générer des cash flows importants et contribue à l’appréciation du cours des actions. Ce signal coûte cher à l’entreprise mais difficile de l’imiter par une entreprise de mauvaise qualité, car les cash flows futurs de celle-ci ne permettent pas de maintenir le dividende à un niveau élevé. De même, l’émission de dette signale au marché une amélioration des cash flows nécessaires à la couverture des charges d’intérêt. Seules les firmes efficaces peuvent supporter un endettement relativement important. Il existe alors, une relation positive entre la valeur de la firme et son niveau d’endettement (Ross, 1977). Par ailleurs, la part du capital détenue par le dirigeant peut servir comme signal de la qualité de la firme qu’il dirige. Ainsi, la valeur de la firme s’accroit avec le pourcentage de la participation qu’il détient (Leland et Pyle, 1977). D’autres signaux peuvent renseigner les investisseurs sur la qualité de la firme et limiter de ce fait, les asymétries d’information. Biais et Gollier (1997) soulignent que dans la mesure où les dettes commerciales ne sont pas privilégiées en cas de liquidation de la firme, leur présence au sein de la structure du capital peut être un signal positif indiquant ainsi la confiance des fournisseurs. Dans le même sens, les prêts des actionnaires peuvent constituer un signal positif qui rassure les créanciers extérieurs et les encourage à prêter leurs fonds à l’entreprise. Vu l’abondance des approches, nous nous limiterons uniquement aux signaux les plus évoqués dans la littérature théorique pour expliquer la structure financière des firmes. Il s’agit du niveau d’endettement introduit par Ross (1977) et de la part du capital détenue par le dirigeant, développé par Leland et Pyle (1977).
Dans cette optique, les dirigeants d’entreprises ayant de bons projets d’investissement doivent se signaler auprès des créanciers pour ne pas souffrir d’une trop forte asymétrie d’information. Dans ce contexte, la structure des capitaux de la firme peut être un signal envoyé aux créanciers, Ross (1977). Dans ce modèle, le dirigeant détenant l’information sur la valeur de son projet d’investissement, engage une part importante des fonds de l’entreprise dans le projet de façon à se signaler auprès de la banque. Le degré de diversification du portefeuille du dirigeant peut également signaler aux créanciers la qualité des projets d’investissement de l’entreprise, Leland et Pyle (1977). Ce raisonnement est particulièrement pertinent dans le cas de petites et moyennes entreprises pour lesquelles la part de richesse personnelle investie par le dirigeant s’avère révélatrice.
Exemples de signaux de la politique d’endettement :
La signalisation par le degré d\’implication du dirigeant : Leland et Pyle (1977) montrent que l\’implication financière du propriétaire dirigeant dans le financement des projets d\’investissement de l\’entreprise est un signal permettant de juger de la qualité de ces deniers. Puisque les créanciers ignorent la rentabilité attendue des projets d\’investissement en raison des asymétries d\’information, ils formulent une anticipation de celle-ci en se basant sur l\’implication financière de leur investigateur, le dirigeant. A ce titre, la structure de propriété et la forme juridique de l\’entreprise apparaissent comme des critères d\’évaluation du degré d\’engagement du dirigeant. Si la propriété de l\’entreprise est fortement concentrée, l\’implication du propriétaire-dirigeant dans le financement de l\’investissement revêt pour les créanciers un caractère signalétique plus fort que dans le cas d\’un actionnariat diffus. Cette logique est renforcée si la richesse personnelle du propriétaire-dirigeant est elle-même concentrée dans l\’entreprise et/ou si sa responsabilité vis-à-vis des dettes est illimitée. Ce raisonnement est particulièrement pertinent dans le cas des petites et moyennes entreprises pour lesquelles le degré d\’engagement du dirigeant s\’avère révélateur pour les apporteurs de capitaux externes.
La signalisation par L’exigence de garanties : L’exigence de garanties peut aussi constituer un mauvais signal. En effet, Rajan et Winton (1995) considèrent qu’une augmentation des garanties exigées par la banque constitue un mauvais signal sur l’entreprise pour les autres prêteurs vu que la banque a généralement plus d’incitation à exiger des garanties lorsque les potentialités de profit futur de l’entreprise sont faibles ou qu’elle est à risque élevé.
La signalisation par l’émission d’un emprunt obligataire : Réussir à lever des fonds par émission d’un emprunt obligataire est un signal révélateur de la bonne qualité de l’entreprise. L’idée que le financement sur le marché obligataire permet d’améliorer la notoriété des entreprises a été confirmée par Santos et Winton (2005) qui concluent que grâce à leurs bonnes notoriétés, les entreprises ayant émis un emprunt obligataire dans le passé, bénéficient de faibles taux d’intérêt chargés sur les prêts bancaires même en période de récession économique.
La signalisation par maturité de la dette : En présence d’asymétrie d’information, la maturité de la dette peut être utilisée pour signaler la qualité de l’entreprise. Les entreprises de meilleure qualité et les plus rentables s’endetteraient à court terme et ce malgré les coûts liés à cette opération. Cependant, les risques de défaillance et de liquidation peuvent présenter une certaine limite à l’utilisation de la dette à court terme comme signal. En effet, ce choix de financement peut augmenter le risque de défaut de l’entreprise et engendrer un processus de liquidation précoce faute d’obtenir un refinancement de la dette à l’échéance. Les entreprises les moins rentables ont un risque de défaut plus élevé et sont plus exposées au problème de refinancement et donc au risque de liquidation.

La variable dépendante :

Les variables indépendantes :
En fait, les variables explicatives de l\’endettement des entreprises sont nombreuses selon la littérature théorique et empirique. Nous retenons les principales variables identifiées par cette littérature à savoir la taille de l’entreprise, le statut juridique, l’âge de l’entreprise, le secteur d’activité, les opportunités de croissance, le risque, rentabilité, la spécificité des actifs et les garanties.
• La taille : Plusieurs arguments conduisent à supposer une relation positive entre la taille et l’endettement. Tout d’abord la probabilité de faillite est réduite dans les entreprises de taille importante car la diversification des activités réduit la volatilité des cash-flows et donc la probabilité de faillite ; Titman et Wessels (1988), Rajan et Zingales (1995). Par ailleurs, Ferri et Jones (1979) notent que les grandes entreprises ont plus d’accès aux marchés financiers et peuvent emprunter à de meilleures conditions. Finalement, pour les petites entreprises, les conflits d’agence entre actionnaires et obligataires peuvent être plus sévères puisque les dirigeants sont souvent des actionnaires importants et que ces firmes disposent de plus de souplesse dans leur choix d’investissement ; Grinblatt et Titman (1998). Ce problème peut être limité en octroyant aux petites entreprises du crédit à court terme.
Néanmoins une approche fondée sur les asymétries d’information peut conduire à supposer une relation négative entre la taille et l’endettement. Il se peut, comme le note Rajan et Zingales (1995), que la taille serve de mesure inverse de l’information obtenue par les investisseurs externes. Toutefois, ils n’observent pas que les grandes entreprises émettent plus de titres sensibles aux asymétries d’information. De plus, la relation négative entre la taille et l’endettement reste spécifique à l’Allemagne. Kremp et al. (1999) notent également l’importance du financement bancaire pour les entreprises de petites tailles. Les caractéristiques du droit de la faillite et du système de la banque principale (Hausbank) allemand offrent une explication à l’exception allemande qui ne repose pas sur les asymétries d’information avec tous les investisseurs externes.
• Le statut juridique : Cette variable est un facteur explicatif du choix financier. En effet, la structure juridique permet d’attirer de nouveaux investissements, si elle ne leur impose pas de lourdes responsabilités et si elle leur offre une liberté de mouvement dans le capital. Par exemple, apporter du capital dans une SARL et plus problématique que dans une SA dans la mesure où la cession des parts sociales est soumise à l’autorisation des autres associés dans la première forme juridique, ce qui n’est pas le cas dans une SA où la vente des parts est libre et le nombre d’actionnaires n’est pas limité. Donc, il est plus facile d’attirer des capitaux dans une SA que dans une SARL. Dans une SA la responsabilité est très limitée ce qui incite à contracter plus des dettes et prendre plus de risques.
• Le secteur d’activité : Le secteur d’activité constitue un indicateur important de la décision d’endettement. En effet, les entreprises du même secteur d’activité sont confrontées aux mêmes risques ; Dubois, (1984) ; Psillaki, Tsolas et Margaritis, (2010). Généralement, les entreprises du secteur de services et de commerce ne recourent que faiblement à l’endettement dans la mesure où ils n’ont pas assez d’actifs à présenter comme garantie aux banques. Inversement, les entreprises du secteur industriel, se caractérisent par une structure d’actif rigide et ont un accès facile aux crédits bancaires. Selon Harris et Raviv (1991), les entreprises du même secteur semblent avoir des structures financières similaires. Riding, Haines et Thomas (1994), montrent que les entreprises non manufacturières ont plus de difficultés à accéder aux découverts bancaires que les entreprises manufacturières. Dans le cadre de cette étude nous anticipons une relation positive entre le taux d’endettement et le secteur d’activité industrie.
• L’Age : Les différentes formes de financement sont aussi liées au cycle de vie de l’entreprise. Selon Achy et Rigar (2005), l’âge d’une entreprise est synonyme de sa pérennité dans les affaires. Il est susceptible d’inspirer la confiance des bailleurs de fonds. Toutefois, l’âge peut être également associé à un certain archaïsme et une résistance à l’adoption de méthodes modernes de gestion financière.
Berger et Udell (2003) affirment que les dirigeants propriétaires des petites et jeunes entreprises ne peuvent compter que sur le financement interne tel que les prêts familiaux et les crédits commerciaux. Collins et Moore (1964) constatent que les premières générations de propriétaires s’opposent plus au financement externe. Ce résultat est tempéré, jusqu’ à un certain point, par d’autres conclusions, qui indiquent que la croissance rapide ne peut être possible que par ce type de financement. Aussi Berger et Udell (2003) trouvent que les petites entreprises dans les secteurs à forte croissance et à risque élevé utilisent plus des capitaux propres, en revanche les petites entreprises dans les secteurs à faible croissance utilisent plus de dettes.
On peut donc conclure que l’âge de l’entreprise affecte la possibilité d’obtention de crédits par l’entreprise dans la mesure où une entreprise âgée a prouvé sa capacité de survivre à la période d’établissement d’une position sur ses marchés et donc a développé des effets de réputation, Diamond (1991).
Selon Bourdieu et Colin-Sedillot (1993) l’âge de l’entreprise a une grande influence sur la réduction des asymétries informationnelles. Les résultats de leurs études en effet, montrent une relation négative entre l’âge de l’entreprise et son degré d’endettement. Le signe négatif de cette relation peut être expliqué par le fait qu’une entreprise plus âgée a pu réussir à accumuler, au cours de son existence, un montant important de fonds propres via l’autofinancement et que, par conséquent, elle doit moins recourir à l’endettement.
D’autres auteurs tels qu’Edwards et Fisher (1994) montrent, par contre, l’existence d’une relation positive entre l’âge de l’entreprise et son degré d’endettement. Ces deux auteurs expliquent cette information via l’intensification de la relation de confiance entre l’entreprise et ses créditeurs. Par conséquent, une entreprise âgée peut faire état d’une relation de confiance de longue durée avec ses créditeurs et dès lors bénéficier de meilleures conditions de crédit.
• La rentabilité : L’impact de la rentabilité sur le niveau d’endettement fait l’objet d’une controverse théorique. Dans une optique d’asymétrie informationnelle, les firmes les plus rentables dégagent plus d’autofinancement, d’où une relation négative entre la rentabilité et l’endettement.
Dans le cadre de la théorie de financement hiérarchique, la relation entre l’endettement et la rentabilité devrait être positive. Une entreprise rentable aura une préférence pour la dette car les intérêts sont déductibles de son résultat fiscal. Par ailleurs, si la rentabilité passée est une bonne approximation de la rentabilité future, une entreprise très rentable aura une probabilité plus forte de rembourser ses dettes Shyam Sunder et Myers (1999).
La théorie statique prédit donc une relation positive entre l’endettement et la rentabilité. Cette prédiction constitue la grande contradiction du modèle de ratio cible.
Fama et French (2000) opposent les deux théories à travers la relation entre l’endettement et la rentabilité selon qu’elle confirme les prédictions de la théorie de financement hiérarchique ou bien de celles de ratio cible. Ils trouvent que les firmes les plus rentables ont moins recours à l’endettement exprimé en valeur comptable. Ces mêmes résultats sont encore soutenus par Graham (2000). Généralement la rentabilité constitue une approximation des ressources internes. En situation d’asymétrie d’information, la rentabilité devrait être positivement corrélée avec l’endettement dans la mesure où elle constitue un signal crédible pour les créanciers.
Plusieurs approches sont utilisées pour mesurer la rentabilité : la rentabilité financière, le résultat d’exploitation et la rentabilité économique. A l’instar de Rajan et zingelas (1995) et Booth et al. (2001), nous utilisons la rentabilité économique mesurée par le ratio résultat avant intérêts et impôts sur total de l’actif.
• Les garanties : Les actifs corporels ont un impact sur le niveau d’endettement car ils sont moins sujets aux asymétries d’informations et perdent, en cas de liquidation, moins de valeur que les actifs incorporels. Ils offrent donc plus de garanties aux créanciers.
Les risques d’aléa moral sont moindres si l’entreprise qui s’endette offre des garanties réelles. On s’attend alors à ce que ce signal soit perçu positivement par les créditeurs lesquels peuvent exercer ces garanties en cas d’insolvabilité. Selon Scott (1977), une entreprise peut augmenter la valeur des actions en émettant de la dette avec des garanties en expropriant de la richesse aux autres créditeurs non garantis. Ainsi les firmes ont une incitation à émettre de la dette garantie et on s’attend à une corrélation positive entre les garanties et le niveau d’endettement.
Les modélisations théoriques des conflits d’agence entre actionnaires et managers sont plus ambiguës quant aux conséquences de l’existence de garanties au bilan. Harris et Raviv (1990) qui modélisent le refus des managers à liquider l’entreprise bien que sa valeur de liquidation soit supérieure à sa valeur, utilisent le défaut de paiement comme outil de résolution du conflit. Leur modèle prédit alors, que les firmes avec le plus d’actifs corporels prendrons plus de dettes car elle permet d’augmenter la probabilité de faillite. Toutefois, en cas de faillite, la valeur résiduelle de l’entreprise reste importante.
Dans le cadre de la POT, les firmes avec peu d’actifs corporels seront les plus sensibles aux asymétries d’informations. Dès lors, elles utiliseront la dette qui est un véhicule de financement externe moins sensible aux asymétries d’information que les actions. Harris et Raviv (1991).
• Les opportunités de croissance : La valeur de l’entreprise et /ou la richesse de ses propriétaires sont composées d’une part, de la valeur actuelle des bénéfices engendrés par les actifs en place et d’autre part, par sa croissance potentielle. Titman et wessels (1988) considèrent les opportunités de croissance d’une entreprise tels des actifs créateurs de valeur pour celle-ci, mais qui ne peuvent être utilisées comme des garanties et ne sont pas toujours clairement identifiées. Ceci en soi peut amener les dirigeants à investir de façon sous optimale et parfois même de s’approprier la richesse des créanciers du fait de la flexibilité dans le choix d’investissement futur. Théoriquement, les opportunités de croissance devraient être négativement corrélées avec l’endettement.
La croissance des actifs reflète les besoins de financement résultant de la politique financière de la firme. Moins cette croissance est forte plus la firme est confrontée au problème de financement.
La théorie de l’agence stipule que dans un contexte d’information imparfaite matérialisant un niveau de risque élevé, une forte croissance devrait se traduire par la réduction sensible de l’endettement. Toujours dans l’optique de la théorie d’agence et selon Myers (1977) ; les coûts d’agence entre actionnaires et créanciers seront d’autant plus élevés que la valeur des opportunités de croissance futures est plus importante par rapport à la valeur actuelle des actifs en place. On doit alors s’attendre à une relation négative entre le niveau d’endettement et les opportunités de croissance. Les coûts d’agence entre actionnaires et créanciers peuvent tout de même être allégés si la firme se finance plutôt par de la dette à court terme ; Titman et wess (1988). De même, des relations privilégiées entre les créanciers et l’entreprise peuvent réduire le problème des asymétries d’informations inhérentes aux options de croissance et favoriser leur financement bancaire.
A contrario, dans une perspective de financement hiérarchique Myers et Majluf (1984), les entreprises avec de fortes options de croissance et un besoin de financement important feront prioritairement appel à l’endettement. Les sources de financement externes les moins sujettes aux asymétries d’information comme par exemple l’endettement à court terme seront privilégiées.
La relation négative entre les options de croissance et l’endettement est confirmée entre autres par Rajan et Zingales (1995). Ces derniers notent toutefois que cette corrélation négative est due en grande partie aux firmes qui émettent des fonds propres. C’est pourquoi ils avancent une explication alternative : les entreprises auraient tendance à émettre des fonds propres lorsque le prix des actions est élevé. Hovakimian et al. (2001) remarquent que ce comportement peut s’expliquer par une diminution du ratio optimal dû à la modification du portefeuille d’actifs de l’entreprise en faveur des options de croissance.
• Le risque : Le risque se décompose du risque financier et du risque économique. Le premier est associé à l’utilisation de l’endettement. Le deuxième est lié à la volatilité du résultat d’exploitation Dubois (1987) et/ou du résultat net ; Titman et Wessels (1988). En effet, le niveau de bénéfice détermine la capacité de l’entreprise à rembourser ses dettes. Un faible bénéfice traduit un risque potentiel de faillite ce qui conduit l’entreprise à réduire son niveau d’endettement. La relation négative entre la variabilité des bénéfices et l’endettement a été prédite par la théorie du ratio cible, la théorie de l’agence et la théorie du financement hiérarchique. Cependant, à cause des problèmes d’aléa moral, surtout le risque de substitution d’actif, la relation entre le risque et le taux d’endettement pourrait être positive.

Section 2 : Résultat des études empirique.
Bourdieu et Colin-Sédillot (1993) analysent les déterminants de la structure du capital en examinant deux ratios d’endettement différents, à savoir l’endettement total par rapport au total du bilan et l’endettement à long terme par rapport à l’endettement à long terme plus les fonds propres, en se fondant sur un échantillon cylindré de 1 309 entreprises françaises sur la période 1986-1990. Utilisant une analyse de la covariance avec des indicatrices relatives au secteur, à l’année et à la taille, ils constatent que les indicatrices sectorielles jouent un rôle important et suggèrent qu’elles reflètent des différences de traitement fiscal ou de l’information des créanciers sur la croissance attendue. Les grandes entreprises de plus de 500 salariés ont un endettement nettement inférieur à celui des entreprises de plus petite taille et/ou plus jeunes, ce qui confirme l’existence de coûts d’accès aux marchés de capitaux. Pour les deux ratios d’endettement, ils trouvent une corrélation positive avec le taux d’investissement et une corrélation négative avec l’autofinancement. Les auteurs y voient l’indication d’une autonomie croissante de l’entreprise vis-à-vis des financements externes. La présence de banques dans le capital de l’entreprise devrait améliorer la qualité de l’information et atténuer les conflits : cette observation est cohérente avec l’impact positif de la participation bancaire sur le ratio d’endettement à long terme. Les entreprises avec un niveau plus élevé de garanties augmentent également leur niveau d’endettement à long terme. En revanche la rentabilité, mesurée par le revenu d’exploitation rapporté aux actifs corporels, est corrélée positivement à l’endettement total, mais la corrélation n’est pas significative avec le ratio d’endettement.
Biais, Hillion et Malécot (1995) étudient le comportement de quelque 2 700 firmes françaises en utilisant des valeurs moyennes calculées sur la période 1987-1989. Ils soulignent qu’il n’existe aucun modèle théorique intégrant l’ensemble des différentes théories relatives à la structure du capital et que le fait de ramener à une équation unique l’ensemble des variables associées à ces différentes théories ne se justifie guère sur le plan théorique. En conséquence, ils testent différentes hypothèses relatives à la structure du capital à l’aide d’un système d’équations simultanées, qui modélise conjointement la dette bancaire, le crédit commercial et les prêts intra-groupe consentis à la firme (crédit entre entreprises affiliées). Ils obtiennent leurs meilleurs résultats avec un système de deux équations (dette bancaire et crédit commercial) tout en étant conscients des problèmes d’ordre économétrique (erreurs de spécification, utilisation d’approximation, colinéarité). Ils trouvent une relation en U entre le crédit bancaire et la taille des entreprises et montrent que les coûts de faillite (signe positif pour les actifs corporels, signe négatif pour le ratio salaires et dette sociale/revenu d’exploitation), les avantages fiscaux non liés à l’endettement (signe négatif) et les coûts d’accès aux sources de financement sont des déterminants importants de la structure du capital. En ce qui concerne la théorie du signal et de la théorie de la hiérarchie des sources de financement, les résultats sont hybrides : signe négatif pour le bénéfice et positif pour le crédit commercial dans l’équation expliquant la dette bancaire.
Rajan et Zingales (1995) présentent une comparaison du comportement d’endettement des entreprises cotées sur plusieurs pays (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Canada). Ils procèdent aux ajustements comptables nécessaires et la partie descriptive comprend une analyse des caractéristiques institutionnelles pertinentes des pays considérés (fiscalité, législation en matière de faillite, système bancaire et concentration de la détention du capital). Ils effectuent une régression en coupe et, en raison de contraintes de données, se limitent aux variables explicatives suivantes : immobilisations corporelles, valeur de marché rapportée à la valeur comptable, taille de l’entreprise et rentabilité. Chose surprenante, les résultats montrent que le ratio d’endettement de l’entreprise (endettement ajusté/valeur comptable du total du bilan ajusté) s’avère relativement identique dans l’ensemble des pays du G7 29. Toutefois, selon les auteurs, les corrélations observées ne peuvent pas toujours être clairement expliquées par des fondements théoriques ou par des « différences d’ordre institutionnel que l’on jugeait auparavant importantes ». (Rajan et Zingales, 1995, p. 1458).
Schwiete et Weigand (1997) analysent le comportement en matière d’endettement de 230 entreprises allemandes faisant publiquement appel à l’épargne. Comme déterminants possibles, ils retiennent la rentabilité, l’investissement incorporel mesuré par les dépenses de R&D, le risque de rendement, la croissance, la taille, la concentration des détenteurs du capital et la participation bancaire. Après prise en compte d’une éventuelle endogénéité du bénéfice (due à l’effet de levier) les estimations avec effets fixes produisent, selon les auteurs, les signes attendus : corrélation positive pour le bénéfice et la concentration du capital, corrélation négative pour la croissance, le risque et la taille. Il subsiste une certaine incertitude quant à la relation positive entre le ratio d’endettement et les dépenses de R&D et l’incidence de la participation bancaire semble ambiguë. Du moins, les résultats ne corroborent pas clairement l’hypothèse théorique selon laquelle la participation bancaire diminue les problèmes d’agence.
L’étude de Ramb (1998) analyse, pour l’année 1993, la structure du passif et ses déterminants pour la Belgique, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas et l’Espagne en fonction de leur forme juridique (entreprises faisant publiquement appel à l’épargne contre entreprises sans appel public à l’épargne). Il effectue une ventilation des dettes totales en dettes bancaires et dettes commerciales et les déterminants sont les garanties, la croissance, la taille et la rentabilité. En Allemagne, en France, en Espagne et aux Pays-Bas les coefficients des déterminants ne font pas apparaître de différences marquées selon la forme juridique, validant ainsi l’hypothèse selon laquelle celle-ci n’entre pas en ligne de compte. Au Royaume-Uni, en Italie et en Belgique, on observe des différences, principalement dans l’amplitude des coefficients. Une explication pourrait être que les problèmes d’asymétrie d’information ne s’avèrent pas d’une importance majeure. De plus, certains résultats semblent corroborer la thèse selon laquelle les banques exigent généralement des garanties plus élevées de la part des entreprises dont la forme juridique n’est pas celle d’une société faisant publiquement appel à l’épargne. Pour l’ensemble des pays considérés, les liens entre la variable « garanties » et les dettes bancaires, d’une part, et entre le total du passif et la rentabilité (respectivement la croissance), d’autre part, semblent relativement stables. En revanche, la corrélation entre la taille des entreprises et l’endettement varie selon les pays.
L’étude de Hakmaoui et Yerrou (2003), analysent les déterminants de la structure de financement sur PME au Maroc, en fonction de leur forme en examinant le ratio d\’endettement total (dette totale par rapport au total du bilan), en se fondant sur un échantillon cylindré de 100 entreprises. Plusieurs facteurs explicatifs ont été testés sur cette étude. Sur la base des résultats obtenus, démontrer le rôle positif de la taille et du secteur d’activité sur l’endettement. Concernant l’influence de la rentabilité, leur modèle montre que l\’endettement est positivement lié à la performance de l’entreprise. Aussi, le niveau des garanties est un élément déterminant pour l’accès au financement. Démontrer également que ce sont les entreprises les « plus âgées » qui tendent en moyenne à s’endetter moins que les plus jeunes. Par ailleurs, pour ce qui est de l’hypothèse d’imposition, ils sont conclus que le taux d’imposition n’est pas une variable explicative de l’endettement.