Résolution de problèmes et apprentissages

Pour conclure, le BO emploi le terme de problème arithmétique sans en proposer une définition précise. Il reprend cependant l’idée selon laquelle un problème n’en est un qu’à un moment donné, pour un niveau donné quand il dit, je cite : « Les procédures de traitement de ces problèmes […] peuvent évoluer en fonction des nombres en jeu. », vision partagée par toutes les définitions citées jusqu’à présent. L’objectif d’apprentissage poursuivi au sein de cet objet-même d’apprentissage (la résolution de problème) serait donc le développement simultanée « chez les élèves des aptitudes de calcul et des aptitudes » méthodologiques. Les programmes closent la question de résolution en concluant que « le travail sur la technique et sur le sens [doivent] se nourrir l’un l’autre », comprenons ici méthodologie et sens, en omettant l’aspect « connaissances » (Annexe du BO 2018 pour le cycle 3, p.29) mais incitant sur la mémoire de problème que prône Julo (1995).

1.1.4) Résolution de problèmes et apprentissages

La notion de problème est omniprésente au sein du Bulletin officiel n° 30 du 26.07.2018, à tel point qu’on l’y trouve plus d’une quarantaine de fois. Si la définition du problème mathématique y est absente, les objectifs qu’il vise (ou plus largement sa résolution), y sont eux, nombreux.

En effet, selon les programmes, « la résolution de problèmes permet [d’une part] de montrer [aux élèves] comment des notions mathématiques peuvent être des outils pertinents pour résoudre certaines situations. ». Une recette peut résister à la compréhension de celui qui la lit s’il n’a pas les connaissances nécessaires au sujet des proportions par exemple. De ce fait, Coppé et Houdement s’accordent à dire à la suite des travaux de Bachelard, Piaget et Vygotski que « la résolution de problèmes est le moteur des apprentissages » (Coppé et Houdement, 2014, p. 21) bien que son enseignement soit encore sibyllin à l’heure actuelle. En effet d’après ces dernières, la question « de savoir comment se fait cet apprentissage et sur quels objets ils portent vraiment » n’est pas résolue (Coppé et Houdement, 2014, p. 21).
A contrario, Douady R. (1992) elle, ne perçoit qu’un enjeu communicationnel des savoirs mathématiques au sein de la pratique de résolution de problèmes. Or, s’il ne s’agit que du seul objectif visé lorsqu’un enseignant propose de résoudre un problème, pourquoi soumettre aux élèves des problèmes complexes et de ce fait résistants à la compréhension et à la résolution ? Il semblerait qu’un problème résistant puisse être un obstacle à la compréhension et donc à

la résolution du problème, ce qui ne signifie pas que l’élève ne dispose pas des savoirs mathématiques intrinsèques à la résolution du problème.
Charnay (1992) classe lui les apprentissages en fonction du type de problème travaillé (cf. 2) Les types de problèmes). Passant d’une constitution de nouvelles connaissances, à du réinvestissement, à du transfert de connaissances vers une complexité accrue ou bien l’utilisation simultanée de connaissances issues de catégories multiples, la mise en situation de recherche et de fait le développement des compétences méthodologiques est l’objet d’apprentissage priorisé par les manuels. Il semblerait d’après Julo (2002) en accord avec Houdement (1998) que la pratique des manuels scolaires, très fortement axée sur l’apprentissage méthodologique des problèmes, comporte le risque d’annihiler les apprentissages intrinsèques à la résolution au profit « de la résolution de problème pour de la résolution de problèmes » (Julo, 2002, p.34). Toutefois cela ne répond toujours pas à la question des apprentissages spécifiques. Ainsi, Julo (2002, p.33) comme pour répondre en un sens aux interrogations de Polya (1945), a soulevé l’idée selon laquelle coexistent des « notions importantes [comprenons apprentissages] comme celles de représentation, de schéma, de stratégie, de planification, de contrôle », de schémas de problèmes au sein de la pratique de résolution de problèmes.
Coppé et Houdement (2014) précisent également que dès lors que le contexte mathématique offre des « perspectives historiques », la résolution de problèmes contribue « à enrichir [leur] culture scientifique ». Les estimations de mesures par le biais d’étalons usités autrefois pour certains et encore aujourd’hui pour d’autres répond aux attentes institutionnelles. Enfin, en vue de permettre « une évolution des procédures de traitement des problèmes et un enrichissement des connaissances » il est indiqué de proposer aux élèves des problèmes résistants. Multiples solutions et/ou opérations, recherches par tâtonnements ou encore problèmes non directement reliés « à la notion en cours d’étude » sont tout autant de moyens pour apprendre aux élèves à chercher. Nous pouvons relier la nécessité d’apprendre à chercher à l’idée de Pluvinage (1990) qui lui, conçoit l’enjeu du problème non pas comme l’acquisition d’un nouvel objet d’apprentissage mais comme étant une mise en œuvre de compétences outrepassant de loin les contenus mathématiques (cf. Définition ci-dessus). La pratique de résolution de problèmes n’est partant pas un enjeu en soi. Il ne s’agit pas selon lui « d\’apprendre à résoudre des problèmes, mais de viser des apprentissages propres à différentes phases de la résolution, envisagées séparément les unes des autres. » (Pluvinage, 1992-1993, p.6).
Les traitements possibles d’un problème résultent de multiples phases, elles sont selon lui inhibées a posteriori au profit du résultat final. Cela ne l’a pas empêché d’énumérer puis d’analyser ces étapes successives du point de vue de l’enseignant (Pluvinage, 1990, p.12), tandis que son prédécesseur Polya (1945) lui, l’a fait suivant la perspective de l’élève :

La phase 1 qu’évoque Pluvinage (1990, p. 12) « correspond à la prise en compte des données de l\’énoncé pour aboutir à des choix de traitements. La phase 2 est celle de la mise en œuvre de
Traitement d’un problème d’après Pluvinage :

Entrer dans le problème
Rechercher une réponse
Rédiger une réponse traitements avec recours aux résultats à utiliser. La
Traitement d’un problème selon Polya :

Le comprendre
Dresser un plan
Le mettre à exécution
Revenir en arrière phase 3, de rédaction, a été notamment l\’objet d\’études spécifiques à propos de démonstrations. »
Jean Julo (1995) s’est partant, attaché à démêler les mécanismes cognitifs en jeu au sein de la résolution de problèmes et répond donc en un sens aux pensées de Polya (1945) et de Pluvinage (1990). Pour lui, se construire une représentation (comprenons symbolique) est nécessaire à la compréhension, la représentation étant « un ensemble d’éléments solidaires et constituant un tout qui a son fonctionnement et sa logique propre » (Julo, 1995, cité par Monnier, 2003, p.25). De plus, la compréhension de la résolution de problèmes étant enrichie par la notion de mémoire des problèmes (Julo, 1995, 2002), deux solutions s’offrent à un élève qui y est confronté. « Soit il active dès la lecture un schéma [entendons : représentation mentale] adéquat qu’il associe, voire adapte au problème à résoudre, soit en l’absence d’instanciation d’un tel schéma, l’élève doit construire « de toutes pièces » une représentation ad hoc du problème. » explique Houdement (2017, p.6).
Pour étayer son propos, il s’appuie sur des éléments intrinsèques à la recherche en psychologie cognitive pour affirmer que le processus de représentation (mentale) n’est autre qu’une élaboration issue d’un ensemble de processus en perpétuelle interaction.
« Le processus d’interprétation du contexte et de sélection des informations » permet le décodage des informations, « en fonction du contexte sémantique » et du bagage de connaissances propre à chacun.
Il est donc nécessaire de comprendre ici que l’étayage exhaustif du contexte et des informations intrinsèques à l’énoncé, participe à l’accompagnement des élèves dans la construction d’une telle représentation.

« Le processus de structuration » qui « au fur et à mesure de l’analyse du problème […] structure la représentation » que l’on s’en fait.
Pourquoi ne pas trouver avec les élèves un moyen de représenter visuellement les étapes et relations qui régissent le problème ?

« Le processus d’opérationnalisation » qui lui habilite le passage à une mise en œuvre, effective ou mentale, par le biais de ses connaissances opératoires antérieures. « La mise en œuvre opératoire, par l’action qu’elle engage, peut [par ailleurs] avoir un effet structurant en transformant la situation initiale, par la mobilisation de nouvelles connaissances ou la prise en compte d’éléments nouveaux. » (Julo, 1995 cité par Monnier, 2003, p.26).

En effet, ces démarches, évoluant simultanément, visent à comprendre la situation et la tâche à opérer autant que de s’engager dans un cheminement de résolution. En conséquence, nous devons penser la représentation symbolique et la résolution de problème telle une co-construction. L’un n’est pas antérieur à l’autre d’après Duval (1995).

Pour rebondir sur le processus d’interprétation développé par Julo (1995), la compréhension de l’énoncé est primordiale en vue de résoudre le problème et fait davantage sens au sein des problèmes d’application selon Douady (1992). Force est de constater que bien qu’il ne s’agisse pas d’une question de compétences en lecture, l’opinion générale semble le penser (Monnier, 2003). Il est cependant question d’interprétation et plus spécifiquement de l’interprétation du contexte sémantique. Ceci étant, elle est possible et de ce fait orientée par les bagages personnels de chacun (« connaissances antérieures et habitudes acquises »). La question à se poser du point de vue de l’enseignant est donc de savoir quand et comment intervenir de la manière la plus bénéfique possible, notamment lors du processus de structuration, pour veiller à la bonne représentation (symbolique) du problème traité. Il s’agit en un sens de l’idée de mémoire de problèmes prégnante au sein des recherches de Julo (1995, 2002) et donc est un objet d’apprentissages spécifiques selon lui que de travailler cette dernière.
L’idée suivant laquelle la compréhension de l’énoncé est primordiale, est une des conditions sine qua non pour que le problème soit un objet d’apprentissage (Douady, 1992, p.142).

Elles sont les suivantes :
Compréhension de l’énoncé avec la possibilité de mobiliser des connaissances
Résolution partielle qui induit une recherche et sont une adaptabilité des procédures des élèves.
La réponse exhaustive au problème soulevé ne pourra être effective qu’avec la mise en place de nouveaux moyens (reformulation, notions plus adaptées) qui permettront de « traduire les informations nouvelles » auxquelles l’enseignant « donnera un statut de nouvelle connaissance ».

3. Le problème peut prendre plusieurs dimensions : numérique et graphique par exemple.
4. Confrontation d’abord implicite puis explicite de l’objet d’apprentissage.

Ainsi, un problème naît-il d’une interaction entre plusieurs domaines en vue d’une meilleure compréhension et de fait une meilleure perméabilité aux nouveaux apprentissages. Une « conception différente » sera donc le facteur principal qui permettra un « rapport fonctionnel » entre le cadre et les notions.

Ceci nous amène à déterminer comment le schéma peut-il contribuer aux apprentissages au travers de la résolution de problèmes. Autrement dit, le schéma peut-il avoir un rôle pour la compréhension de l’énoncé, sa résolution, l’articulation entre différentes dimensions, et à quelles conditions, sur les types de problèmes ?
Afin d’aborder ces questions, nous allons tout d’abord préciser ce qu’est un schéma pour la résolution de problèmes en mathématiques. Dans un deuxième temps, en appui sur des travaux menés en didactique des mathématiques, nous aborderons les difficultés d’enseignement apprentissage autour des schémas.

1.2) Le schéma

1.2.1) Qu’est-ce qu’un schéma ?

Le terme « schéma » tire son origine étymologique du grec skhêma qui signifie manière d’être, forme, figure.
Si l’on regarde la définition du Larousse, trois points s’en dégage :
« Dessin, tracé figurant les éléments essentiels d\’un objet, d\’un ensemble complexe, d\’un phénomène, d\’un processus et destinés à faire comprendre sa conformation et/ou son fonctionnement ; plan : Schéma du moteur à explosion. » ;
« Grandes lignes, points principaux qui permettent de comprendre un projet, un ouvrage, etc. : Schéma de la réorganisation d\’un service. » ;
« Système, processus selon lequel un phénomène se produit : Cet homme se comporte selon un schéma relativement simple. »

Nous comprenons donc que ce terme est complexe à définir selon le domaine dans lequel il est employé. Pour des élèves de cycle 3, schéma, dessin et croquis sont utilisés indifféremment sans prendre en compte la nuance que cela requiert. En sciences par exemple, un dessin est une représentation la plus fidèle possible de la réalité. Il exige plus de précisions qu’un schéma. Le schéma est souvent plus difficile à construire par les élèves car il est abstrait. Sur le plan mathématique, en géométrie, on différencie également la figure géométrique, du dessin géométrique même s’ils apparaissent liés. La figure représente l’objet défini par ses propriétés (carré, rectangle, triangle…) alors que le dessin géométrique traduit la représentation de l’objet dans l’espace géométrique selon une approche plus codée et instrumentée. La résolution d’un programme de construction qui vise la production d’un dessin géométrique mobilise l’image mentale d’une figure.

Selon M. Adam (2000, cité par Monnier, 2003, p.26), le schéma (entendons la représentation graphique) est une étape intermédiaire ayant une fonction structurante voire organisationnelle pour les élèves en difficultés. Il ne s’agirait pour lui que d’une traduction ou d’une modélisation de l’énoncé, objectivant dès lors le raisonnement sur les informations que le schéma contiendrait. Le schéma apparaît donc comme une représentation simplifiée permettant d’effectuer un tri en faisant ressortir les informations importantes des informations inutiles d’un énoncé.

Dans notre contexte de résolution de problème arithmétique, nous considérons le schéma, à l’instar de Monnier (2003), comme une trace matérielle qui « permet de représenter les relations existantes entre les informations essentielles de l’énoncé et leur organisation entre elles ». (Monnier, 2003, p. 27)

Dans son ouvrage, A. Descaves (1992), énonce que « certains problèmes ne peuvent être résolus par les élèves, que s’ils les représentent graphiquement » (Descaves, 1992, p. 34). Il met en évidence qu’une représentation schématique permet d’alléger la mémoire de travail en présentant autrement les données que de façon linéaire.
Il souligne donc l’importance d’outiller les élèves de différents types de représentations schématiques afin qu’ils puissent les réinvestir dans d’autres situations-problèmes. Parmi ces représentations, on retrouve la droite numérique, le quadrillage, les représentations ensemblistes, les représentations liées au système de numération décimale (barres et carrés) et les représentations graphiques (graphiques cartésiens, diagrammes circulaires ou en barres, tableaux).

Toutefois dans le cadre de notre mémoire, nous allons nous centrer sur des représentations qui ne sont pas propres à la gestion de données, ou au système de numération. Autrement dit, nous faisons le choix de nous attacher à des représentations dont nous faisons l’hypothèse qu’elles sont à la fois moins présentes dans les manuels voire dans les classes, et peut être plus porteuses pour donner des relations entre les données d’un énoncé comme la relation d’inclusion par exemple, et ce en amont de la production d’un calcul.
Ces schémas renvoient à ce que Monnier (2003) nomme les représentations iconiques. Ce sont d’une part, des représentations proches de la réalité sous forme de dessins personnels appelés « dessins à caractère figuratif » (Monnier, 2003, p.27). Ces représentations ont été étudiées dans de nombreux travaux que nous ne présenterons pas ici mais il apparaît qu’ils sont les plus utilisés par les élèves jusqu’au cycle 2 qui procèdent par analogie pour représenter la situation. Dès la maternelle, les élèves dessinent ce qu’ils voient. La capacité d’abstraction que requiert le schéma se construit de manière progressive au cours de la scolarité par les élèves et par la fréquence d’exposition à cet outil de schématisation pour montrer un concept.
Ce sont d’autre part, des représentations du réel sous une forme plus codée, plus mathématique. On peut mentionner les représentations graphiques d’un ensemble comme le « diagramme (en) patate » ou encore la droite numérique. Ce sont ces outils qui doivent faire l’objet d’un apprentissage spécifique auprès des élèves.

Jean Julo (1995), insiste quant à lui sur le caractère bien plus complexe de la construction de la représentation quelle qu’elle soit. Outre le processus d’interprétation, le psychologue cognitiviste insiste sur l’intervention de tous les processus cognitifs qui entrent en jeu pour cette élaboration.

Les travaux de Laparra et Margolinas (2009) montrent par ailleurs que le schéma n’est pas pensé comme « un écrit de savoir ». Elles observent comment, au lieu d’apporter une aide à des élèves dans une classe de CP confrontés à la résolution d’un problème en appui sur des schématisations, le schéma gêne le travail, et engendre même des difficultés spécifiques à son usage.

Ceci nous amène à interroger la nature de ces difficultés, du côté de l’enseignant comme pour l’élève. C’est ce que nous abordons maintenant.