Essoufflement ou second souffle ? L’analyse des politiques publiques

Afin d’analyser les crises contemporaines de la politique étrangère, il importe de débattre la nature même de ses défis, tout en étant conscient de la relation entre la discipline des relations internationales en tant que domaine de la connaissance et les pratiques de la politique mondiale.

À mon avis, le principal acteur de cette nouvelle dimension internationale est la mondialisation contemporaine, étant un phénomène qui reste essentiellement nouveau, et que l’histoire récente ne réussit pas à narrativiser. Depuis une vingtaine d’années, nous assistons à un changement important dans notre perception de la société et du monde politique, allant jusqu’à le qualifier de «changement de paradigme».

Les études sur la mondialisation contemporaine mettent de l’avant l’ambiguïté et le caractère duel d’un phénomène dont l’expression se partage en une dialectique entre l’un et le multiple, entre l’unicité et la disparité, un dilemme au coeur des relations et de la politique étrangère.La caractérisation de la mondialisation, en tant que terme amorphe du présent ou encore en tant que concept à la fois analytique et suggestif qui lie épistémologie et ontologie est représentée mainte fois comme le successeur d’un autre concept destiné à effectuer des travaux similaires: le postmodernisme. Il est ainsi difficile d’éviter l’idée que la «mondialisation» remplisse la tâche de périodisation autrefois confiée au postmodernisme, avec une attention beaucoup plus grande portée aux réalités matérielles, aux luttes et aux conflits de la vérité contemporaine.

La mondialisation peut donc apparaître comme une version nouvelle et améliorée du postmodernisme, pour laquelle les questions de l’héritage des impérialismes passés et présents jouent un rôle certes constitutif, mais avant tout élusif. Certes, la mondialisation contemporaine est intimement liée aux échanges économiques, mais elle modifie également en profondeur les conditions d’interactions entre les sociétés et leurs cultures, et par conséquent, les différentes politiques et relations internationales.Dans une société caractérisée par un grand déséquilibre, le résultat inévitable de la concurrence qu’amène la mondialisation est que le fort devient plus fort et que le faible devient plus faible.

D’ailleurs, l’effet le plus important de l’économie de marché mondial a été l’apparition d’une nouvelle division dans le cadre international, mettant en relief une nouvelle polarisation des pays. En effet, la polarisation entre les riches et les pauvres devient de plus en plus évidente, plus particulièrement depuis l’avènement du phénomène de la mondialisation, étant propulsée par l’immaculée raison capitaliste.

Au sommet de l’échelle sociale se trouvent «les élites» qui bénéficient du système, et au bas de

l’échelle sociale se trouvent «les exclus» dont le rôle, en ce qui concerne le marché, est limité à celui de spectateur. Ils sont les premiers à se retirer du monde des transactions et à souffrir des conséquences des conflits diplomatiques. Incapables de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, ils payent le coût asocial du développement macro-économique, sur lequel se base plus souvent qu’autre chose les politiques étrangères.

Cela dit, il ne suffit plus de condamner ces politiques, mais bien de remettre en question sa logique fondamentale, pour que la recherche d’alternatives soit l’objectif premier d’un nouvel enseignement social et de politiques évolutives.Ce qui m’amène à me demander si la mondialisation ne serait pas qu’un terme à la mode pour servir d’explication aux problèmes sociétaires qu’on semble incapable de résoudre ? Alors qu’on aborde pratiquement que la dimension économique, il importe de se questionner sur sa dimension culturelle qui est pourtant, significative dans les politiques étrangères.

Contrairement à ce que l’on semble croire, ouverture et échanges ne sont pas forcément synonymes de dissolution et de disparition culturelle. Certes, l’uniformisation du monde est l’un des risques, mais d’un autre côté, la mondialisation a ceci de particulier qu’elle renforce et différencie les cultures fortes. La montée de l’indigénisme, la volonté de défendre et de sauvegarder son patrimoine; autant de concepts qui naissent de la compréhension qu’il faut se défendre pour ne pas disparaître et d’un certain mécanisme de défense contre l\’uniformisation de la mondialisation contemporaine qui est en quelque sorte, un moteur important dans les politiques étrangères actuelles.

Ce phénomène de résurgence des revendications identitaires s’élèvent un peu partout dans le monde contre les structures rigides d’un grand nombre de pays ainsi que dans la politique étrangère de nombreux pays, dont le Canada. Alors que certains l’associe à l’ethnicisation, la tribalisation du monde ou encore la balkanisation, le terme de résurgence suppose un mouvement de balancier entre l\’universel et le particulier. Dans notre monde contemporain, la distinction entre nation et communauté est fondamentale. Ainsi, la mondialisation semble offrir un double visage.

D’une part, elle rapproche les solitudes et efface les différences, mais de l’autre, elle les ravive, les maintient et les oppose. En effet, de plus en plus, les conflits ont non seulement été normalisés, mais également leurs effets: les États n’existent qu’en apparence, les frontières perdent leur sens et l’aide humanitaire perpétuent les tensions. Cette normalisation, cette romanisation et cette dépolitisation d’oppositions identitaires légitiment les inégalités et détournent l’attention de l’État et de sa responsabilité en matière de politiques internationales.La mondialisation culturelle ou encore l’hyper culture globalisante soulève une question critique: comment sommes-nous préparés à comprendre les autres à l’ère de cette mondialisation contemporaine?

Cette question fondamentale est relative à tous, incluant ceux qui se trouvent en position dominante d’un point de vue économique et qui peuvent être tentés d’en tirer avantage pour affirmer la supériorité de leur culture, étant un réel défi en ce qui a trait à la politique étrangère actuelle. Bref, la mondialisation présente de nombreux enjeux à la fois individuels, socioculturels, économiques, politiques et stratégiques. Elle ne marque aucunement l’avènement d’un nouveau millénarisme mais plutôt celui du monde animé par une dynamique inédite qui articule le local et le global.