État et société

Au cours de ces dernières décennies le niveau local est redécouvre comme un lieu pertinent de réflexion et d’action économiques et socio-politique. L’émergence de cette idée est venue souligner sur les notions de solidarité et de citoyenneté et surtout de lutter contre les mécanismes de marginalisations et d\’exclusion. Ou comme il le décrit Larochelle « l\’ambition de remettre à l\’individu la maîtrise de son destin et à la communauté la responsabilité de son existence » .
Cette reconnaissance du local, a fait qu\’il sera un élément essentiel et intégrant du développement, surtout que le modèle fordiste du développement du haut vers le bas, marqué par la planification centralisée, a conduit l’état providence à entrer en crise via ses déficits budgétaires . De plus, avec la mondialisation, la solidarité locale est une tentative de réapproprier les ressources locales et de réserver l’identité propre de la communauté .
Selon la littérature sur le développement, deux facteurs clés ont contribué au développement du concept de développement local:
– L’émergence de la théorie de district industriel et des milieux innovateurs ; la première théorie illustre l\’avantage comparatif des régions géographiques, où le développement d\’un groupe de petites et moyennes entreprises opérant dans un petit espace géographique dépend des relations étroites entre ces entreprises, l’intensité de ces relations s’explique par le partage d’une culture commune des relations économiques et sociales considérée comme une ressource propre au territoire . et la deuxième théorie suggère que le développement ne peut avoir lieu qu\’en présence d\’une région dans laquelle les éléments et les facteurs sont capables d\’absorber des connaissances différentes et de s\’adapter aux différentes variables et cela à travers les accumulations historiques dans la région locale .
– Le changement du contexte institutionnel avec l’émergence de nouvelles institutions pour des initiatives sociales et économiques (publiques / communautaires – publiques / privées / communautaires) dans la relation de travail, orientées vers les activités économiques, sociales et revitalisation de collectivités locales .
Compte tenu de ce qui précède, le développement local est une démarche qui vise à mobiliser et d\’organiser des efforts des membres de la société pour les aider à résoudre leurs problèmes et à répondre à leurs besoins, en s’appuyant sur des initiatives locales et les caractéristiques de son local : richesses naturelles, humaines, spécificité de l’espace, organisation sociale propre, tradition culturelle […] . Pour cela, les acteurs locaux apparentés à l’appareil d’État (municipalités, organismes gouvernementaux offrant des services locaux, etc.), au
marché (grandes entreprises implantées localement, petites et moyennes entreprises locales, etc.) et à la société civile (organismes communautaires, syndicats, etc.) sont appelés à se concerter pour assurer une forme de régulation des dynamiques socio-économiques à l’échelle locale.
Le développement local, tel que nous l’avons défini précédemment, doit nécessairement comporter le concept d\’empowerment. Ce terme fait référence à un processus dynamique qui permet aux individus organisés en groupes ou en communautés de développer leur force et leur puissance pour aboutir à l’acquisition d’une capacité d’influence ou de contrôle sur les éléments qui concernent leur vie. Et selon Jouve Bernard « L’empowerment désigne le processus de transfert de ressources politiques et de pouvoirs de l’Etat vers la société civile, la modification du rapport entre, d’une part, l’individu comme sujet politique et social et, d’autre part, l’Etat » .
L’empowerment combine le sens du pouvoir individuel et la capacité d\’influencer le comportement des autres, et il adhère à l\’idée que le pouvoir n\’est pas une denrée rare. Richard Kattz a présenté L’empowerment comme un paradigme synergique où les personnes sont interreliées, où il s’effectue un partage des ressources, et où la collaboration est encouragée. Richard Kattz a suggéré que l’empowerment est une alternative au «paradigme de la rareté», qui suppose que les individus sont en concurrence parce que les ressources sont rares. Dans cette alternative, la communauté distribué équitablement les ressources parmi les membres .
À cet effet, l\’empowerment appelle à la restructuration de la relation entre le gouvernement central et la communauté locale, Et d\’identifier les cadres et les mécanismes nécessaires pour développer et compléter la performance des parties au processus de développement en proposant de nouveaux rôles et devoirs et la possibilité de les utiliser dans une perspective globale qui réalise le développement durable dans tous les aspects, secteurs et niveaux.
On peut dire que l\’empowerment se réfère à la capacité d\’un individu ou d\’un groupe à faire trois choses :
• choisir librement (ce qui requiert la présence d’au moins une alternative);
• transformer son choix en une décision; et
• agir en fonction de sa décision tout en étant prêt à assumer les conséquences de sa décision.
Et L’empowerment communautaire, selon Ninacs, se réalise sur quatre plans :
1- la participation : afin de permettre à tous les membres de la communauté de participer à sa vie et aux systèmes en intégrant, dans les espaces décisionnels, des individus non perçus comme leaders naturels et en assurant l’équité dans la redistribution du pouvoir;
2- les compétences : concernent pour leur part les ressources (humaines, matérielles) déjà présentes et celles à développer, ce qui inclut le développement des réseaux de collaboration;
3- la communication : a trait aux interactions libres et positives entre les membres de la communauté, grâce à un climat de liberté d\’expression et de transparence dans les processus décisionnels et la circulation efficace de l\’information dans la société ; enfin,
4- le capital communautaire : concerne le sentiment d’appartenance et la conscience citoyenne.
Il faut noter que le processus d’empowerment communautaire ne saurait se faire que s’il se réalise dans un processus d’empowerment plus complexe qui inclut les organisations (communautés fonctionnelles) et les individus.
Pour la pluparts des auteurs dans ce domaine, les composantes de l’empowerment communautaire sont les facteurs structurants de l’empowerment individuel. Car l’empowerment individuel comprend une dimension transactionnelle qui se joue aussi au plan social et collectif, qui implique une relation avec les autres. Ils voient que l’empowerment de la communauté se passe simultanément avec l’empowerment individuel, en ce sens que ce sont les personnes qui développent un sentiment de compétence et de confiance, qui se mobilisent et qui finalement, agissent ensemble .
Alors que, Les organisations servent de ponts entre les individus et la communauté. Afin de bien jouer leur rôle sur le plan de l’empowerment, elles doivent garantir l’interaction et être également un lieu qui soutient et encourage la participation de toutes les couches sociales du milieu local . Donc L’empowerment organisationnel se positionne entre l’empowerment individuel et communautaire. Du point de vue de l’individu, l’empowerment organisationnel correspond à un empowerment communautaire, la capacité de l’organisation d’accueillir l’individu, tandis que du point de vue de la communauté, il correspond à un empowerment individuel, c’est-à-dire la capacité de l’organisation d’agir auprès de sa communauté .
Services publics locales
Un service public se réfère aux notions d’intérêt général, d’utilité publique et de droit des citoyens. Il est si important pour la vie économique, sociale et politique d’une société que l’État intervient pour l’organiser ou le réglementer. Au début du XXe siècle ; le juriste Léon Duguit donne la définition suivante: «Relève du service public toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante» .
Du point de vue historique, Les différents courants de la pensée économique, justifient de différentes manières l’existence de services publics. La doctrine classique admet de multiples interventions de l’État, en dehors du domaine régalien (défense, justice, police), pour les activités non rentables, mais aussi là où l’initiative privée est défaillante et dans les situations de monopole .
Ainsi pour les néoclassiques, l\’Etat à l’obligation d’entreprendre la production des services d\’intérêt public et d’assurer la gestion des monopoles dits « naturels », c\’est à dire sur lesquels il ne peut y avoir une multiplicité d\’entrepreneurs (routes, énergies, réseaux ferrés etc.).Des auteurs comme Walras justifient le recours aux services publics par les échecs du marché . Du point de vue néoclassique, Les services publics s\’appuient le plus souvent sur la théorie de l’optimum parétien. C’est lorsque l’équilibre concurrentiel ne coïncide pas avec l’optimum, en raison d’échecs de marché, l’intervention de l’État est nécessaire pour améliorer le bien-être des agents . La raison de la défaillance du marché dans la gestion des services publics est due aux difficultés suivantes:
– L\’incapacité de la plupart des consommateurs, Lorsqu’il s’agit de services publics, de déterminer le niveau d’avantage qu’ils retireront du fait de l’accès et de la consommation du service ;
– La tentative de chacun de dissimuler le fait qu\’il a besoin de ce service, Ainsi que les montants qu\’il est prêt à payer pour ce service, sachant préalablement la possibilité d\’accès et de consommation ce service que ce soit dans le cas de paiement ou non ;
– L\’existence de rendements croissants dans certains secteurs conduit à des monopoles naturels, qui doivent être soit gérés par des entreprises publiques soit confiés à des entreprises privées sous le contrôle de L’état.
L’idée d’un service public peut donc être justifié chaque fois que l’allocation des ressources n’est pas spontanément optimale, ou encore chaque fois qu’un échec de marché doit être corrigé pour que l’efficacité globale soit augmentée
La pensée Keynésienne qui accorde une place importante à « l\’Etat-providence », estime que la demande effective est le principal vecteur de développement de l’économie, et le service public est la fonction et la raison d’être de l’État-providence. Dans cette perspective, l’État est conduit à prendre en charge de plus en plus de « fonctions collectives essentielles » et agit au nom de l’intérêt général pour répondre à un objectif de redistribution, de régulation et de cohésion de la société. En ce sens, s’affirme la distinction entre logique d’action publique et logique d’action privée : c’est l’État, et non pas le marché, qui est le garant de l’intérêt général. Parce que les services publics répondent à des besoins collectifs et à une logique providentielle. Donc l’évolution des services publics dans la pensée keynésienne correspond à une phase d’expansion de la puissance de l’État comme instance de régulation de l’économie et de la société. Galbraith ira même plus loin en inversant la logique néoclassique puisque c\’est le marché qui devrait démontrer, en l\’absence d\’intervention publique, qu\’il pourrait faire mieux que l\’Etat .
La théorie Marxiste, quant à elle analyse le service public à partir de la critique du profit. La baisse tendancielle des taux de profit étant une loi fondamentale du capitalisme, la persistance de ce dernier supposerait une intervention accrue de l’Etat pour socialiser les pertes et privatiser les profits . Dans ce cas, l’Etat-providence est le fruit d\’un compromis de classes légitimant l\’accumulation capitaliste par le développement de la protection sociale et des institutions publiques (écoles, hôpitaux) afin d\’obtenir l\’obéissance des travailleurs à l\’ordre économique . Donc l\’état est perçu comme un appareil de domination au service des intérêts de la classe capitaliste. Le service public, dans ce contexte, a pour fonction de permettre la poursuite de l’accumulation au profit des monopoles privés , et crée les « préconditions » de l\’exploitation capitaliste , à travers :
– les dépenses en capital social, comme les dépenses de l’État pour les routes, réseaux de transports, aménagements urbains, qui sont un élément essentiel d’accumulation de capital indispensable au fonctionnement de secteur privé ;
– les dépenses de consommation sociale, comme les dépenses d’éducation, la santé et les allocations de chômage, qui ont un effet favorable sur le taux de profit en permettant au secteur privé de trouver à des prix convenables des salariés formés et en bonne santé.
Contrairement aux écoles de pensée précédentes, les néolibéraux