La migration fait partie de l’histoire de l’humanité

Pourtant, la question des flux migratoires internationaux reste complexe et constitue probablement l’un des défis majeurs de notre société actuelle. Selon les chiffres de l’OIM, « plus de 214 millions de personnes vivent aujourd’hui hors de leur pays d’origine » . Les raisons qui poussent ces individus à quitter leur foyer sont diverses : conflit, catastrophe naturelle, oppression politique, pauvreté, discrimination, changement climatique, regroupement familial, éducation, et bien d’autres. Chaque migrant a sa propre histoire. Ceux qui tentent de gagner le territoire européen le font par différents moyens, souvent au péril de leur vie.
Au-delà de cette tendance migratoire, la gestion des migrations représente depuis quelques temps un enjeu politique important étant donné l’ampleur et l’évolution du phénomène. Par conséquent, la question migratoire entraîne de profonds débats sur les politiques migratoires au niveau national, mais également au niveau européen et international. Par « gestion des migrations », je fais référence à « [l’] ensemble des décisions et des moyens destinés à la réalisation d’objectifs déterminés dans le domaine de l’admission et du séjour des étrangers ainsi que dans le domaine de l’asile et de la protection des réfugiés et autres personnes ayant besoin de protection » (OIM, 2007).
Le phénomène migratoire a toujours existé mais il s’est intensifié en 2015 dans l’Union européenne et a dès lors transformé la gestion efficace des migrations et de l’asile en une priorité absolue. L’Union européenne doit faire face à la plus grave crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale et s’efforce d’apporter une réponse et des solutions au travers d’une approche globale. Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études, j’ai en effet décidé de me concentrer sur la gestion des migrations à l’échelle européenne. Compte tenu du climat politique actuel, j’éprouve un certain intérêt personnel pour la question migratoire puisque cela représente un élément majeur tant dans la politique nationale qu’européenne. Je suis pleinement consciente des défis auxquels de nombreux pays doivent faire face pour gérer ces flux migratoires et pour remédier aux drames que les traversées peuvent parfois engendrer. Par conséquent, une politique commune au niveau européen est plus que nécessaire pour une gestion humaine, coordonnée et solidaire des migrations. Pour alimenter et approfondir ma recherche, j’ai eu l’immense chance de réaliser un stage d’intégration professionnelle au Parlement européen, et plus précisément au sein du cabinet du Député européen Louis Michel (Groupe ALDE).

II. Objectifs généraux et spécifiques
D’une part, l’objectif général de

ce travail de recherche est de comprendre les raisons du dysfonctionnement de la politique migratoire commune au sein de l’Union européenne après avoir présenté l’état de l’art et analysé l’évolution de cette politique européenne commune de l’asile et de l’immigration ces dernières années au travers des acquis et des échecs.
L’objectif spécifique est de présenter un état des lieux de la situation actuelle en soulignant -les orientations politiques au sein du Parlement européen et en étudiant l’état d’avancement des réformes en cours. À partir des analyses qui seront menées tout au long de ce travail de recherche, j’ai pour intention de dégager des perspectives d’avenir pour une politique migratoire à l’échelle européenne plus actuelle par rapport aux travaux déjà existants.

III. Moyens
Pour atteindre ces divers objectifs initialement fixés, je me suis basée principalement sur les études menées par le Service de recherche du Parlement européen, mais également sur des ouvrages et des articles publiés par des experts politiques. J’explore les cadres règlementaires et les instruments existants, sans déborder sur l’aspect juridique qui relève plutôt du domaine du droit. La recherche documentaire présentée dans la première partie s’inscrit pleinement dans le cadre du master de spécialisation.
En ce qui concerne la deuxième partie dédiée à l’analyse, les chapitres relatifs au Parlement européen découle directement de mon expérience professionnelle durant mon stage effectué du 28 janvier 2019 au 05 avril 2019. Ce stage d’intégration professionnelle m’a permis d’agrémenter mon analyse pratique et d’établir un lien précis avec mon mémoire de fin d’études. Je présente également divers points clés abordés au sein de la Commission parlementaire « Libertés civiles, justice et affaires intérieures » (LIBE), qui traite des dossiers en lien avec la migration.
Pour mettre en lumière la situation actuelle, je me sers également de la recherche documentaire tout en allant plus loin car je mets en lumière, en fin de deuxième partie, des perspectives d’avenir fondées sur la théorie et l’analyse de positions politiques. Afin de rédiger mes arguments sur la perspective d’avenir de la politique migratoire européenne, j’ai analysé l’orientation politiques des trois organes qui interviennent dans le processus décisionnel de l’UE, à savoir le Parlement européen, le Conseil de l’UE et la Commission.

IV. Cadre disciplinaire
Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre du master de spécialisation en Sciences du Langage, finalité communication interculturelle et interlinguistique. Le cadre disciplinaire s’articule principalement autour des institutions internationales et des relations internationales. De manière générale, il s’agit de la discipline des sciences politiques regroupant divers aspects tels que la négociation, le droit international public et les traités. Ce travail présente une approche multidisciplinaire, mais je me suis principalement concentrée sur les aspects liés au master de spécialisation, tels que décrits précédemment, sans approfondir la discipline juridique, privilégiée quant à elle, pour le master en droit.

PREMIÈRE PARTIE : L’ÉTAT DE L’ART

I. Définitions
Avant d’entamer la partie théorique de ce travail de recherche, il convient de préciser la signification et la distinction de plusieurs termes s’articulant autour de la migration. La migration est un concept complexe. Souvent, dans l’opinion publique, aucune distinction n’est faite entre les migrations internes au sein de l’UE, l’émigration vers l’UE, la migration légale, la migration illégale, etc. Les personnes qui émigrent vers l\’UE sont classées dans diverses catégories et les appellations « réfugiés », « migrants », « demandeurs d’asile » et bien d’autres sont souvent confondues. Par ailleurs, l’Union européenne est confrontée à des flux migratoires mêlant réfugiés qui fuient les persécutions et les conflits et les personnes désignées comme migrants.
Il n’existe pas réellement de définition juridique universellement acceptée pour le terme « migrant ». Dans ce travail, ce terme sera principalement utilisé pour désigner « toute personne qui, quittant son lieu de résidence habituelle, franchit ou a franchi une frontière internationale ou se déplace ou s’est déplacée à l’intérieur d’un État, quels que soient : 1) le statut juridique de la personne ; 2) le caractère, volontaire ou involontaire, du déplacement ; 3) les causes du déplacement ; ou 4) la durée du séjour » , comme nous l’indique l’Organisation internationale pour les migrations. Ce terme fera donc référence à toute personne se déplaçant d’un pays vers un autre, à la recherche de meilleures conditions de vie.

Un réfugié est défini par l’Organisation internationale pour les migrations comme « Personne qui, « craignant avec raison d\’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n\’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » (Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, art. 1er a, § 2).
Compte tenu du contexte de politique européenne dans lequel s’inscrit ce mémoire, j’évoquerai également les « demandeurs d’asile ». Selon l’Organisation internationale pour les migrations, un demandeur d’asile s’applique pour toute « Personne demandant à obtenir son admission sur le territoire d’un État en qualité de réfugié et attendant que les autorités compétentes statuent sur sa requête. En cas de décision de rejet, le demandeur débouté doit quitter le territoire de l\’État considéré ; il est susceptible de faire l\’objet d’une mesure d\’expulsion au même titre que tout étranger en situation irrégulière, à moins qu’une autorisation de séjour lui soit accordée pour des raisons humanitaires ou sur un autre fondement ». (Glossaire OIM, 2007).

Enfin, puisque ce travail de recherche s’inscrit dans un contexte de migration internationale avec des individus provenant de pays tiers, je traiterai également des migrants en situation régulière « dont l\’entrée et le séjour sur le territoire d\’un État étranger sont conformes au droit applicable » (Glossaire OIM, 2007). D’autres individus cherchent à atteindre le continent européen mais de manière irrégulière, c’est-à-dire soit parce qu’ils ne disposent pas du droit pour entrer sur le territoire européen, soit parce qu’ils séjournent au-delà de la durée de validité de son titre de séjour (Glossaire OIM, 2007). Il s’agit dans ce cas-ci de migrants en situation irrégulière.

Les migrants économiques, définis selon l’Organisation internationale pour les migrations comme : « Migrants quittant leur pays d\’origine pour s\’installer sur le territoire d\’un Etat étranger afin d’améliorer leurs conditions d\’existence. Ce terme peut être utilisé pour distinguer ces personnes des réfugiés fuyant les persécutions. » Cependant, l’Union européenne n’a pas encore défini de cadre légal pour la migration économique. C’est pourquoi, je n’analyserai pas vraiment cette forme de migration, mais j’en discuterai néanmoins dans le cadre des perspectives d’avenir de la politique migratoire.

II. Contexte
La question migratoire sera sans aucun doute au cœur des débats en marge des élections européennes de mai 2019 et constituera l’un des dossiers majeurs de la prochaine législature. L’instabilité politique dans les environs de l’Union européenne et l’intensification des conflits, et notamment celui en Syrie, a entraîné un nombre record de réfugiés et de migrants vers l’Union européenne. Ce phénomène a rapidement été qualifié de « crise » en 2015. Des centaines de milliers d’individus se sont alors lancés dans un voyage périlleux en vue d’atteindre le territoire européen. La gestion des migrations est apparue comme une préoccupation majeure des citoyens et une priorité urgente dans l’agenda politique européen. La crise migratoire a nécessité une réponse européenne efficace et rapide. Toutefois, l’UE a eu du mal à trouver le juste équilibre entre la promotion de ses valeurs, telles que les droits de l’homme et la solidarité entre ses États membres, et sa capacité à accueillir dignement les demandeurs d’asile (Wihtol de Wenden, 2016).
À l’heure actuelle, on compte environ 258 millions de migrants internationaux dans le monde, soit 3,1% de la population mondiale. Dans l’Union européenne, ils ne sont pas moins de 21,6 millions de ressortissants de pays tiers, soit 4,2% de la population européenne (Eurostat, 2018). L’Organisation internationale pour les migrations a développé un outil très performant pour visualiser les mouvements migratoires, à savoir les entrées et les sorties. Il s’agit d’un système de contrôle qui nous permet d’obtenir une vue globale sur le flux migratoire mondial. On peut facilement naviguer sur le schéma au travers des onglets proposées pour obtenir les informations souhaitées par année, par mois, par jour, … L’illustration ci-dessous représente le territoire européen.