Objectivité et subjectivité en science

L’objectivité est, selon le dictionnaire Larousse , une « qualité de ce qui est conforme à la réalité, d\’un jugement qui décrit les faits avec exactitude ». Cependant, on n’est peut-être pas capable de décrire les faits de façon objective puisque, pour être conscient des faits, on ne peut faire autrement que d’observer. De plus, le dictionnaire Larousse définit la notion de la subjectivité comme « état de quelqu’un qui considère la réalité à travers ses seuls états de conscience ». À partir ces deux définitions formelles, la frontière entre la notion de l’objectivité et celle de la subjectivité semble être floue : les deux consistent à décrire la réalité mais il est difficile de juger si l’ « exactitude » approuvée par quelqu’un dans le premier cas ne s’agit que d’une pure « considération de la réalité de ses seuls états de conscience ». Ce texte porte sur l’analyse de la subjectivité présentée dans le roman On n’est pas là pour disparaître de Olivia Rosenthal, de la relation entre l’objectivité et la subjectivité présenté dans le texte La Bibliothèque de Babel de Jorge Luis Borges et de la frontière floue entre ces deux notions à l’aide du premier chapitre du livre La partie et le tout de Werner Heisenberg et de ses pensées philosophiques.

D’abord, il faut avouer que la subjectivité fait partie de notre vie. Autrement dit, on ne peut complètement décortiquer le monde réel par les simples faits objectifs. Dans le roman On n’est pas là pour disparaître de Olivia Rosenthal, la maladie de A. (la maladie d’Alzheimer) est une représentation de cette notion. En effet, l’action ou le crime de Monsieur T. est un fait bien déterminé : il a poignardé sa femme, Madame T., de cinq coups de couteau, le 6 juillet 2014. Cependant, il est impossible de trouver le motif derrière son action car Monsieur T. est atteint de la maladie de A. qui lui enlève la mémoire ainsi que la capacité de bien exprimer. La destruction totale de sa raison est aussi un fait, expliqué scientifiquement par une dégénérescence du cerveau. Étant donné qu’il n’est plus capable d’exprimer correctement ou de nous faire comprendre de ses propres idées, on est toujours ignorant de ses pensées. Cette ignorance ressemble à celle de nous par rapport à la mort : lorsque l’on est encore vivant, on n’est pas capable de décrire la mort de façon empirique;

et lorsque l’on est déjà mort, on n’est plus capable de passer cette description aux autres. En fait, pour comprendre le monde mental des malades d’A., on ne peut faire autrement que d’inventer nous même une explication puis que, comme la mort, la maladie de A. est non-inversible. On soupçonne qu’il a peut-être envie de poignarder sa femme parce qu’il la trouve trop bruyant et que sa raison est complètement détruite de maladie. Or, il est aussi possible que la maladie de A. est une excuse qu’il emploie pour échapper à la culpabilité et cet argument ne peut pas être réfuté car on ne peut connaître la vraie situation de la dégénérescence de son cerveau qu’après sa mort. Même si le comportement du malade, comme le fait du crime de Monsieur T. nous fait signe, son vrai motif reste toujours inconnaissable. Dans ce cas-ci, la réalité existe certainement, mais bien voilée.

L’objectivé est faible et la subjectivité est nécessaire puisque, malgré tout, l’être humain veut avoir une explication.
Ensuite, si on lance le regarde plus loin, au niveau de l’Univers, il semble que la réalité existe indépendamment de notre interprétation. Dans le texte La Bibliothèque de Babel de Jorge Luis Borges, l’auteur nous invite dans la métaphore de la Bibliothèque gigantesque où le but ultime de l’être humain est de trouver un livre qui est le résumé parfait de tous les autres livres. Ce but pourrait être interprété comme le but de l’être humain dans le monde réel qui est de trouver la vérité. Étant donné que la Bibliothèque contient une infinité de livres uniques, on pourrait présumer que le livre existe théoriquement. Cependant, la possibilité de trouver la vérité dans la Bibliothèque gigantesque est presque nulle : on ne peut que l’approcher. Par conséquent, les gens se mettent à travailler de façon méthodique. Ils jettent tous les livres qui n’ont aucun sens pour eux pour éliminer la quantité totale du travail. Or, on finit par comprendre le fait qu’un livre est peut-être non-sens pour quelqu’un qui parle une certaine langue, a un sens logique même complet pour une autre personne parlant d’une langue différente. De plus, si le temps est infini, en tenant compte des langues qui existaient, qui existent et qui existeraient, n’importe quel livre dans la bibliothèque peut être la vérité pour quelqu’un et non-sens pour quelqu’un d’autre en même temps. Dans le fond, tous les livres de la Bibliothèque ainsi que la Bibliothèque elle-même existent ab aeterno . C’est-à-dire qu’ils existent indépendamment de la façon dont on les aperçoit. La vérité est partout présente dans la Bibliothèque. Les humains peuvent la rapproche du peu à peu et ils peuvent également l’éloigner. En effet, en lisant les livres dans la bibliothèque, on fournit un sens aux livres de façon subjective. Par conséquent, la science n’est qu’une des langues parmi les plusieurs qui nous aideraient peut-être à dévoiler la vérité et, certainement, elle n’est pas la seule. Lorsque la science devient impuissante à expliquer le monde que l’on aperçoit, une autre « langue » serait nécessaire. C’est le cas de la littérature, de la musique et des autres formes d’art.

Finalement, après avoir examiné l’existence propre de la subjectivité et de l’objectivité et l’indépendance de leur existence, on pourrait trouver une relation entre ces deux notions en lien avec la vérité. Dans le premier chapitre du livre La partie et le tout de Werner Heisenberg, l’auteur nous illustre une notion de l’intersubjectivité. Comme Robert, le camarade du narrateur dit dans le livre : « Nous ne pouvons pas perçoir les objets directement, nous devons d’abord les transformer en représentation, et finalement former des concepts à partir d’eux » (p.18). En effet, le narrateur dans le livre se questionne sur la représentation des atomes dans son manuel de chimie qui est composée des crochets de des anneaux. En fait, comme Kurt, un autre camarade du narrateur avoue, « [le dessinateur de ce schéma] ne peut évidemment pas savoir la forme exacte des atomes ». Cependant, le schéma peut, malgré tout, permettre à tout le monde de comprendre plus ou moins la disposition des atomes dans l’espace. Alors on accepte cette représentation malgré le fait qu’elle n’est pas la vérité en tant que telle. Par conséquent, si une subjectivité est utilisée pour représenter une vérité et qu’elle se trouve chez plusieurs individus, l’ensemble de la subjectivité de tout le monde forme une intersubjectivité qui est le moyen que l’on peut utiliser pour se rapprocher de l’objectivité le plus proche possible. Néanmoins, comme dans l’expérience de la Bibliothèque de Babel, on peut dévoiler la vérité mais on ne la toucherait pas facilement.

En conclusion, la subjectivité est un moyen pour nous de se rapprocher de l’objectivité ou de la vérité, elle est omniprésente et nécessaire dans notre vie. L’objectivité, quant à elle, existe certainement et indépendamment de la subjectivité. Et l’ensemble de la subjectivité, l’ensemble de notre interprétation commune du monde nous permet d’inventer une objectivité, une existence propre à nous. Le critère pour juger si cette dernière est un résumé parfait de la vérité en tant que telle ou elle ne s’agit qu’une métaphore de nos pensées reste toujours flou. Et si on pousse la pensée plus loin, étant donné que nous faisons également partie de la vérité, la volonté de la trouver ressemblerait-elle comme un chat qui chasse sa queue en tournant en rond? Lorsque l’on essaie de comprendre le monde, il nous faut éventuellement de comprendre nous-mêmes qui se trouve dans ce monde et qui essayons de comprendre le monde… Probablement la clé pour trouver le livre divin dans la Bibliothèque de Babel dont la vérité est de comprendre la source de la compréhension ainsi que la source de la subjectivité. Si cette supposition est vraie, elle pourrait donc être une belle explication de la conclusion qu’a fait August Comte : la sociologie est située la plus haute dans la classification de la science.