L’image corporelle, un concept de soins

Comme l’explique Françoise CAUGANT, psychologue clinicienne dans sa conférence Psychologie et Stomie, « Non seulement dans le temps de l’intervention il faut en quelque sorte abandonner son corps au regard et aux mains d’autrui, mais encore c’est pour dévoiler des zones corporelles intimes qui mettent plus ou moins en état de malaise ».

Selon les auteurs de Les stratégies d’adaptation des patients colostomisés qui vivent une perturbation de l’image de soi après un mois de chirurgie, les patients, pour contrer leur souffrance et aspirer à un retour à la « normale », n’ont pas d’autres choix que d’adopter des stratégies d’adaptation, aidés par les soignants dont le rôle est crucial. En se basant sur le modèle d’adaptation de Callista Roy, l’infirmier vise une prise en soins holistique en prenant en compte le mode physiologique, le concept de soi, la fonction de rôle et l’interdépendance. L’Homme est un être bio-psycho-social. L’adaptation signifie donc retrouver sa place dans tous les aspects qui constituent l’être, en prenant conscience et connaissance des phénomènes qui sont en jeu durant la phase pré et post opératoire.

Marie-Claude Dolléans, psychologue clinicienne, dans son article intitulé Les répercussions psychologiques du cancer du côlon , non seulement le patient fait face à la maladie, dans de nombreux cas (Crohn, cancers colorectaux, …), mais il doit également se confronter à une chirurgie qui modifie le corps, physiologiquement et symboliquement. Elle précise qu’une stomie digestive perturbe les repères acquis durant l’enfance : « l’ éducation de la propreté, mêlant préceptes d’hygiène et valeurs morales de pudeur et d’intimité, a des répercussions psychologiques particulières. » De ce fait, les patients souffrant de pathologies telles que le cancer colorectal stomisé « peuvent se percevoir comme objets de répulsion et de rejet. Le regard sur le corps renvoie alors, sur le plan narcissique, à la perte et à l’atteinte de l’intégrité en relation avec l’estime de soi. »

Le concept d’image corporelle sera développé davantage dans le cadre conceptuel de ce travail.

La pudeur et l’intimité est mise à mal, non seulement dans la phase d’hospitalisation avec des soins intrusifs et portant atteinte à ce que l’on cache d’ordinaire, mais aussi au quotidien, lors du retour à domicile. Car si , pour certains patients, la stomie peut être provisoire, elle n’en est pas moins présente pour un laps de temps parfois long, et nécessite des soins pluriquotidiens, donc une confrontation quotidienne pour le patient avec ce nouveau dispositif,

avec une partie de ses organes extériorisée, et un impact sur ses activités quotidiennes. Dans leur article Honte et image spéculaire : l’expérience de la stomie dans le cancer colorectal, les auteurs évoquent le lien entre pudeur et honte, sentiment répandu chez les patients porteurs de stomie :
« Comme Jeanroy-Beretta a pris soin de distinguer la pudeur de la honte, puis de rapprocher les deux concepts, il apparaît que la frontière est floue entre eux, et il semble pertinent de désigner la honte comme affect majeur dans les cas présentés : « Selon les dires des patients, la pudeur peut être envisagée comme un sentiment pouvant voiler, comme ériger des défenses afin de protéger le sujet contre les risques d’une intrusion d’autrui dans la sphère intime, et la honte comme l’expression du sentiment que l’intrusion a déjà envahi le champ de la conscience ». » Les auteurs de l’article Le dedans mis au-dehors : parcours de patients atteints d’un cancer du péritoine parlent même d’ « extimité » Le dedans mis au-dehors : parcours de patients atteints d’un cancer du péritoine, à l’opposé de l’intimité, pour définir la stomie et son retentissement sur les patients. Un accompagnement psychologique de la personne stomisée et de son entourage devrait, compte tenu de ces éléments, être proposé de manière systématique. Pourtant, la réalité hospitalière peut faire que le nombre de psychologues et psychanalystes soit bien insuffisant pour répondre aux besoins des patients… La triade image du corps, estime de soi et anxiété étant étroitement liés, comme le précisent les auteurs de l’article Impact psychologique de la stomie sur la qualité de vie des patients atteints d’un cancer colorectal : rôle de l’image du corps, l’estime de soi et l’anxiété, les conséquences de la stomie peuvent engendrer des troubles tels que la dépression ainsi que des répercussions sociales et spirituelles.
Le rôle des soignants, des infirmiers en particulier, est donc crucial en termes de soins relationnels.

La stomie a un impact majeur sur le patient, mais aussi sur sa vie sociale. Je me suis donc intéressée à la dimension sociologique de la maladie, en particulier la maladie impliquant une chirurgie telle qu’une stomie digestive, les représentations de la maladie mais également des selles et des conséquences de ces représentations sur la relation à l’autre et à soi.