UN ÊTRE CONSCIENT PEUT-IL NE PAS ÊTRE RESPONSABLE ?

En 1961, Adolf Eichmann, un criminel de guerre nazi et un des principaux acteurs dans le génocide des juifs a été juge à Jérusalem. Selon Hannah Arendt, Eichmann commettait des crimes dans des circonstances telles qu’il était impossible de savoir ou de sentir qu’il avait fait le mal (Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal). Il n’était donc pas conscient de ses actes. Mais était-il totalement responsable de ses actes s’il était conscient?

On peut donc nous demander la question: Un être conscient peut-il ne pas être responsable? Le problème qui se pose est que l’homme conscient est responsable de son action, car son acte est issu de sa propre volonté et liberté. Sa liberté est donc la cause de sa responsabilité. Cependant sa conscience et sa liberté sont limitées à cause du déterminisme, le désir et le psychisme. L’homme ne sera donc pas entièrement libre et donc pas complétement responsable.

En effet nous verrons dans un premier temps, ce que c’est la conscience et la responsabilité et nous verrons pourquoi un être conscient est responsable; dans un deuxième temps nous examinerons dans quel mesure l’homme peut être libre et conscient et enfin dans un troisième temps nous verrons comment on peut atteindre la conscient et être libre malgré le déterminisme et l’inconscience.

Étymologiquement le mot «conscience» vient du latin «conscientia» composé du préfixe «con-» qui signifie «avec» et de «scientia» qui signifie «science». La conscience est la capacité de représentation de mous- même et du monde extérieur qui nous permets de prendre recul par rapport au monde et nous-même. On distingue trois types de consciences : la conscience réfléchie, la conscience de soi et la conscience morale qui sont associé à trois types de connaissance: la connaissance de soi, la connaissance du monde et la connaissance du bien et du mal. En d’autres termes la conscience est une connaissance particulière et un savoir de nous-même et du monde qui nous entoure. Être responsable ça veut dire être capable de répondre, de justifier et de rendre compte de ses actes ou des personnes dont on a la responsabilité. On peut distinguer la responsabilité juridique qui est l\’obligation de réparer un dommage et responsable est celui à qui on « impute » la charge d’un dommage à l’Age adulte; et la responsabilité morale qui est la nécessité pour une personne de répondre de ses intentions et de ses actes devant son

propre conscience.

L’homme est le sujet pensant et clairvoyant de la conscience; autrement dit, un être conscient sait ce qu’il fait et est conscient de ses actes. La conscience de nos actes affirme que nous sommes l’auteur entièrement volontaire de nos actes car il n’existe pas de pensé qui se réalise en nous sans nous. Une action qui résulte de l’homme conscient et donc de sa volonté est décidé en plein liberté par lui-même. Ainsi toute conscience est un choix volontaire et libre. Un être conscient est ainsi l’auteur d’une action issu d’une décision libre; il doit alors assumer la responsabilité de son acte.

Selon Jean-Paul Sartre « Nous sommes condamnés à être libres », Sartre compare l’homme à un objet technique et conclut que contrairement à l’objet technique que son essence précède son existence c’est-à-dire qui a été conçu avant d’être porté à l’existence et réalisé; chez l’homme l’existence précède l’essence dans l’existentialisme athée de Sartre ou il n’existe pas de Dieu créateur. L’homme invente donc l’homme par la série de ses actes à chaque fois qu’il agit, en conséquence, il n’existe pas de destin fixé dans la nature humaine. La nature humaine est donc caractérisée par une radicale liberté. Si l’homme est radicalement libre, il est toujours responsable de ce qu’il fait et doit assumer ses actes. La nature humaine est donc caractérisée par une radicale responsabilité. Sartre défend donc le unique sujet «je» pensant et conclut que l’homme est responsable car il est libre. D’après Platon « Chacun, parce qu’il pense, est seul responsable de la sagesse ou de la folie de sa vie, c’est-à-dire de sa destinée. »; l’être conscient est donc responsable en effet de sa liberté, ce qui est en accord avec Sartre.

Avant de passer à l’action, l’être conscient fait impérativement appel à sa conscience et passe par la suite à la décision de passer à l’action. On peut donc définir des différents degrés de la conscience : l’être conscient doit dans un premier temps savoir qu’il est l’origine et la cause de son acte; dans un deuxième il doit être conscient de son action et dans un troisième temps doit être conscient des produits et des conséquences de son acte. L’être conscient est donc à la fois responsable de soit de son acte et de ses conséquences. Levinas affirme la proposition de Sartre selon lequel l’homme conscient est libre donc responsable. Pour cela il se pose une double question : « Si je ne réponds pas de moi, qui répondra de moi? Mais si je ne réponds que de moi, suis-je encore moi? ». L’homme libre n’est pas que responsable de soi mais doit aussi répondre face à autrui donc sa liberté fonde sa responsabilité. La notion de responsabilité n’intervient pas dans un monde naturel, et non sociale car il s’agit d’une réponse devant l’autrui et les membres de notre communauté si on est demandé de justifier notre action face aux jugements possible. Alors nous somme pas que seulement responsable de nous-même car nous répondons de nous face à autrui. Selon Kant, de notre plus grande liberté, de la présence de la conscience morale, est le signe de la responsabilité, dont personne d’autre ne peut juger. Kant renverse l’ordre habituel de la proposition: nous somme responsable car on est libre ; Contrairement à la démarche de Sartre selon Kant c’est par prise de responsabilité qu’on devient libre. Cette responsabilité est une exigence de notre vie en société et de notre liberté. Notre conscience morale nous oblige de répondre à nos actions et nos intentions devant notre propre conscience et aussi devant autrui. Dans le pain d’autrui, Chalamov; l’auteur résiste à la tentation de manger le pain de son camarade dans un camp de concentration soviétique car sa conscience morale ne lui permet pas de manger le pain d’autrui et il est donc responsable de son action et doit répondre non seulement à sa propre conscience mais aussi à autrui. En effet notre devoir morale envers l’autrui entraine notre propre bonheur. Ainsi la responsabilité est une des exigences de la conscience.

Nous avons vu que la conscience est le fondement de la liberté. Ainsi l’homme conscient est libre et il est l’auteur d’une action issu d’une décision libre; il doit donc assumer la responsabilité de ses actes et la responsabilité est l’exigence de la conscience. L’animale n’est pas responsable de son acte quand il tue sa proie car il veut satisfaire son instinct; l’homme contrairement à l’animale est un être conscient de son acte, il est donc libre et responsable. Les malades mentaux, ou une personne inconsciente de son acte, sont jugé différemment par la loi car ils ne savent pas ce qu’ils font. Par exemple si un être la peine d’un individu ayant commis un meurtre en pleine conscience est plus important qu’un individu pas étant totalement conscient lors du crime par la loi.
Est-ce que l’absence de la liberté ou l’inconscience sera cause à notre irresponsabilité? Est-ce que nous sommes totalement libres? Car seul un être libre peut être responsable.

Dans son hypothèse, Freud divise notre psychisme en trois parties: Le « Moi », le « Ça » et le «Surmoi ». Freud nous dit qu’il y toujours un combat entre le «Moi» qui est conscient qui s’oppose à le «Ça» inconscient. Car le «Ça» crée des désirs qui ne sont pas morale et acceptable et le «Moi» reçois des désirs moralement acceptables quand le «Ça» constituée de désirs immoraux passe à la censure du « Surmoi ». C’est pourquoi Freud dit dans l’introduction à la psychanalyse que « le moi n\’est pas maître dans sa propre maison ». Pour Freud l’inconscience est l’ensemble de représentations refoulées. C’est à cause d’existence de force de refoulement que certaines représentations sont rejetées en dehors de la conscience. Ces représentations sont jugé incompatibles avec les valeurs morales de l’individu car si ces représentations deviennent conscientes, ils viendraient menacer l’intégrité psychique de l’individu. Donc pour Freud la différence entre le conscient et l’inconscient s’agit d’une différence de nature. Freud affirme son hypothèse en disant que son hypothèse porte un caractère scientifique car son hypothèse permet d’expliquer des phénomènes que sans cette hypothèse resteraient inexpliqué est mystérieux (les rêves par exemple sont des désirs refoulés qui se réalisent selon Freud). Donc son hypothèse a une légitimé théorique. Freud va même plus loin et affirme que son hypothèse doit être admise et a une légitimé pratique car par exemple le traitement psychanalytique peut guérir les névroses. Selon l’hypothèse de Freud, la refoulé fait que nous ne sommes plus responsable de nos actes car certain d’eux sont guidée par ce qu’il nomme «une puissance supérieur». De même pour Nietzche l’être est ce qui nomme un «objet» d’une inconscience car son instinct constitué des désirs qui dirigent sa réflexion et changent le chemin de la réflexion de l’homme. Ainsi l’homme n’est pas complètement conscient et libre comme le disait Sartre. Notre champ de conscience est alors limité parce que toute conscience suppose une forme d’inconscience.
La présence des représentations inconscientes est aussi abordée par Leibniz. Mais contrairement à Freud il existe une infinité de degrés entre inconscience et la conscience. L’inconscience pour Leibniz est ce qui appelle des petites perceptions trop tenue pour être conscient; mais qui contribuent à former une impression consciente quand elles sont produites à grandes nombre (Nouveaux essais sur l’entendement humain). Par exemple quand on entend les bruits de la mer, on n’aperçoit pas le bruit de chacune des vagues qui font contribution au bruit qu’on entend. Cependant en s’additionnant les bruits des vagues qui sont des petites perceptions vont créer en nous une impression consciente. Ces représentations peuvent agir sur la liberté de l’homme sans que l’individu en prenne conscience. Pour Leibniz différence entre le conscient et l’inconscient s’agit d’une différence de degré et pas de nature contrairement à Freud.
De plus, l’homme est instruit dans un système de pensée et élevée dans une structure mentale qu’il hérite de ses parents et de la société dans laquelle il a été élevé. Ainsi un être bien qu’il soit conscient hérite un patrimoine culturel, moral de la société ou il a été élevé choisi en dehors de sa liberté; par exemple notre langue et notre religion nous sont héritées de nos parents et notre société. Nos choix sont aussi imposés par un conformisme par exemple notre société détermine notre code vestimentaire. C’est ainsi que Marx dit dans sa thèse que nos représentations son déterminé par notre société. Pour justifier son affirmation Marx dit que c’est l’infrastructure de la société (sa vie économique par exemple) qui va déterminer sa superstructure (sa vie idéologique par exemple). Ce que l’on pense, répond toujours, sans que l’on s’aperçoive, aux nécessités de la société à laquelle on appartient. Par exemple l’image que les grecs de l’antiquité font de la nature est à l’ origine du manque de moyens techniques de maitriser la nature. C’est pourquoi ils incorporent la nature dans leur mythologie. L’homme hérite donc des caractères qu’il n’a pas choisis librement et qui relèvent du déterminisme comme son patrimoine génétique ou ses parents et sa société. D’autre part si on présente un existentialisme dans lequel Dieu est notre créateur, alors notre essence qui précède notre existence est déjà déterminée; ainsi on n’est pas totalement libre et en conséquence, pas responsable de nos actes car seul un être qui agit de façon libre peut être responsable.

Nous avons vu que l’homme conscient est l’auteur d’une action issu d’une décision libre, en effet il est responsable de son action. Sa liberté est donc la cause de sa responsabilité; paradoxalement on ne choisit pas complétement ce qu’on est, car on hérite le patrimoine génétique de nos parents, et la culture et le morale de la société ou on est né. De plus nos désirs peuvent diriger notre réflexion. On n’est donc par entièrement conscient et libre.

Comme on a dit précédemment chez Sartre l’homme est condamné à être libre et donc responsable de tous ses actes. Selon Sartre il peut être difficile d’assumer sa condition selon laquelle l’homme est responsable de tous ses actes. Sartre dit qu’il est plus facile pour l’homme de se déresponsabiliser. L’homme est donc tenté de rejeter sa responsabilité en niant sa liberté et se mentir pour se convaincre; ce que Sartre nomme la mauvaise foi; qui peut être la cause de l’inconscience. Sartre s’oppose à l’hypothèse de Freud et juge la censure comme absurde car on ne peut pas refouler ce qu’on ne connait pas. Alain à son tour a un regard critique sur l’hypothèse de Freud. D’après Alain l’inconscient au sens de Freud met en cause la liberté et ainsi la responsabilité humaine. La non-responsabilité est le corollaire de l’existence de l’inconscient et L’inconscient crée des hommes irresponsable tendit qu’un être conscient est en même temps morale et responsable car « qu’il n’y a pas un autre moi en moi » et l’homme conscient est libre.
Dans Éthique à Nicomaque, Aristote dit que chacun est toujours responsable de son ignorance; et pour sortir de l’ignorance, il faut d’abord connaitre soit même. D’après Aristote «La connaissance en soi est un grand plaisir, mais très difficile, parce que on ne peut pas se connaitre à partir de soi-même», car l’homme est aveuglé par ses passions et ses désirs et ses caractères et le déterminisme et son indulgence qui peuvent biaiser l’objectivité dans la recherche de la connaissance en soi. Selon Aristote pour avoir une conscience en soit objective, on doit s’arracher de notre subjectivité. On doit donc prendre distance par rapport à nous même, ce qui suppose qu’on se double; on devient en d’autres termes sujets pensant et objet observé. Néanmoins on ne peut jamais se regarder objectivement selon Aristote. Aristote propose donc que la conscience en soi peut être atteinte en posant l’ami comme miroir car l’ami est assez proche de nous connaitre sans être affecté par le déterminisme, la subjectivité et le psychisme et nous juger sans indulgence. La connaissance en soi permet donc de prendre distance par rapport à notre patrimoine hérité et l’inconscience.

On a donc vu dans un premier temps qu’un être conscient est libre, donc il est l’auteur et la cause d’un acte issu d’une décision libre. Il est ainsi responsable. En plus on a vu que notre conscience morale nous oblige de répondre à nos actions et nos intentions devant notre propre conscience et aussi devant autrui. Et on en a déduit que la responsabilité est une exigence de la conscience. Paradoxalement on a vu dans un deuxième temps que toute conscience suppose une forme d’inconscience par limitation du champ de conscience humaine. Et on a analysé l’hypothèse de Freud et on a conclu qu’on est fortement déterminé par un psychisme en dehors de notre volonté. On a puis expliqué pourquoi on ne choisit pas entièrement d’être celui qu’on est (déterminisme sociale et biologique). Ainsi de nombreux déterminismes, nos instincts et désirs s’opposent à notre liberté. Et enfin dans un troisième temps nous avons vu comment on peut être conscient, libre et responsable malgré le déterminisme et l’inconscience.