Présentation générale – OHADA

Depuis 2010а, le droit OHADA des fusions-acquisitions s’est profondément modernisé à la suite de deux grandes réformes. Celles-ci sont nées des critiques formulées par les opérateurs économiques à son égard et de l’exigence d’une croissance accrue profitable au développement de l’Afrique sub-saharienne.

En réalité, le droit OHADA des fusions-acquisitions avait perdu de vu l’objectif fixé par le Traité de Port-Louis à savoir •. Une opération de fusion-acquisition impliquant à la fois des considérations d’ingénierie juridique et financière, le législateur OHADA a donc réagi face à ce besoin de modernisation en réformant le droit OHADA des sûretés (Section 1) ainsi que le droit OHADA des sociétés commerciales (Section 2).

LA RÉFORME DU DROIT OHADA DES SÛRETÉS

•. Parce qu’un accès facilité au financement est la condition sine qua non d’un système propice aux affaires économiques, le législateur OHADA a commencé la réforme du droit OHADA par la révision de l’Acte Uniforme portant Organisation des Sûretés (AUS) le 15 décembre 2010 à Lomé. De son entrée en vigueur le 16 mai 2011 jusqu’à la fin de l’année 2015, son impact a permis de générer plus de 3,82 milliards de dollars de crédits d’origine nationale au secteur privé et cela dans sept des pays membres de l’OHADA . Cet impact est d’autant plus positif qu’il a permis d’améliorer l’accès au financement dans les pays touchés par un conflit où il est de facto extrêmement difficile de mobiliser des fonds privés.

•. La réforme de l’AUS poursuit un objectif d’amélioration en termes d’accès au financement des entreprises au sein de l’espace OHADA. Il est donc important de nommer et d’expliquer les caractéristiques principales de la réforme qui ont tout de suite été extrêmement bien accueillies par les grandes entreprises quant à leur perspective de croissance externe en Afrique subsaharienne. En effet, ces caractéristiques sont considérées par la pratique comme étant novatrices et équilibrées, de nature à renforcer davantage les qualités de souplesse, de lisibilité et d’accessibilité du droit OHADA des sûretés . Elles s’articulent autour de l’amélioration du régime juridique applicable aux types de sûretés existants (§1) et de la création de nouveaux types de sûretés assortie de l’avènement de l’agent des sûretés (§2). Il est important de préciser que ne seront ici abordées que certaines sûretés réelles en raison de leur pertinence au regard de la pratique des financement internationaux, les sûretés personnelles n’étant en pratique que très peu utilisées lorsque les bénéficiaires sont situés en dehors

de la zone OHADA .

L’amélioration du régime juridique applicable aux types de sûreté existants

•. L’AUS a été adopté en 1998, largement inspiré par le droit français des sûretés. Cependant, la législation française a été considérablement modernisée depuis 1998. Il était donc logique de revoir cet Acte uniforme. L’AUS révisé montre que l’OHADA a habilement utilisé l’expérience française pour ne pas prendre en compte certaines innovations qui sont avérées infructueuses dans la pratique (par exemple l’hypothèque rechargeable n’a pas été incorporée dans l’AUS révisé), et clarifier d’autres points laissés dans l’ombre par les lois françaises. A certains égards, la droit OHADA des sûretés va donc plus loin que le droit français, et il est intéressant de noter qu’un rapprochement vers le droit anglosaxon a été opéré. Cette modernisation sur les sûretés existantes peut être étudiée en deux temps : l’assouplissement des modalités de constitution des sûretés (A) et l’accroissement de l’efficacité des sûretés (B). L’assouplissement des modalités de constitution des sûretés

•. L’AUS révisé rend les conditions de validité des sûretés moins strictes que celles de l’AUS initial. Conformément au principe de spécialité selon lequel une sûreté doit être fixée et affectée à une dette déterminée, l’AUS révisé exige toujours que chaque sûreté soit créée par un document écrit contenant des informations spécifiques selon la nature de la sûreté, sous peine que celle-ci soit déclarée nulle.

•. Toutefois, l’obligation de mentionner les conditions d’exigibilité de la dette principale et des intérêts dans l’acte de sûreté n’est plus requise. Cet aspect constitue sans aucun doute un des points d’amélioration majeur de la réforme du droit OHADA des sûretés. En effet, la pratique avait rendu cette obligation dépourvue de sens car il était devenu coutume d’assortir à l’acte de sûreté une liste à la Prévert de tous les cas de défaut et de remboursement anticipé du crédit que l’on rencontre dans les conventions de crédit. De plus, lorsque la convention de crédit était rédigée en anglais et que la sûreté afférente devait être constituée, enregistrée ou inscrite dans un État dont la langue officielle n’est pas l’anglais, les opérateurs économiques devaient faire face à des formalités lourdes de traduction et prendre le risque d’une mauvaise interprétation inhérente .

•.Outre une rationalisation des conditions de validité, le législateur OHADA a mis l’accent sur l’extension du champ de constitution des sûretés (1) et également la modernisation du nantissement de créance et de l’hypothèque (2).

L’extension du champ de constitution des sûretés

•. L’article 1 de l’AUS révisé prévoit qu’une sûreté peut venir garantir « l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient pré- sentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ». Le législateur OHADA aménage le principe de spécialité des sûretés avec l’aval sans équivoque de la pratique. Désormais les opérateurs économiques peuvent prévoir dans les conventions constitutives de sûretés une clause qui étendra le champ de la sûreté à toute augmentation des obligations garanties.

•. La réelle avancé réside dans le fait qu’il n’y a plus besoin de réaliser un avenant à la convention constitutive de sûreté ou de constituer une nouvelle sûreté de rang supplémentaire. Cette possibilité permet de prévoir de manière anticipé tous les cas relatifs à une augmentation de la dette à savoir : un refinancement, une restructuration de dette, une extension du terme du crédit, une modification de la marge du taux d’intérêts, ou bien encore une adjonction de nouvelles tranches de dette .

•. Le législateur OHADA a également prévu la possibilité de constituer des sûretés sur des actifs futurs. Cette possibilité découle directement de la disparition en matière de gage de l’exigence de dépossession du bien. L’AUS révisé rend possible désormais la constitution d’un gage sur « un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs » . Concrètement cela signifie que les droits du créancier gagiste porteront sur les actifs dont le constituant deviendra propriétaire tout au long de la vie de la convention constitutive du gage et du crédit .

La modernisation du nantissement de créance et de l’hypothèque

Le nantissement de créance

•. Le nantissement de créance a été profondément modernisé par l’AUS révisé. Son nouveau régime juridique montre une simplification des formalités qui lui sont applicables et procure une plus grande sécurité juridique pour les bailleurs de fonds. Ainsi, le nantissement de créance doit être conclu par écrit sous réserve de nullité et, lorsqu’il porte sur des créances futures, la convention constitutive du nantissement doit permettre leur identification. Classiquement, on retrouvera des informations relatives à l’identité du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur échéance .

•. Le constituant du nantissement a le droit de saisir une partie des créances nanties, sauf si ces dernières sont indivisibles. Cette précision autorise clairement le dimensionnement des créances en différentes tranches pour garantir chaque tranche de dette en différents nantissements et cela en fonction de leur rang.

•. Comme pour toutes les formes de nantissement, le nantissement de créance ne nécessite plus de dépossession et lie les parties à la date de l’exécution de la convention. De plus, les conditions d’inscription du nantissement, qui consistaient à ce que le constituant remette le titre de créance au créancier garanti et informe son propre débiteur de la cession de la créance par exploit d’huissier, ont heureusement été abandonnées par l’AUS révisé. En effet, de telles exigences ne pouvaient être satisfaites lorsque le titre de créance n’était pas régulièrement documenté ou ne pouvait être obtenu, ce qui était en pratique souvent le cas .

•. Une fois que le nantissement est opposable au débiteur, le créancier garanti reçoit seul le paiement du capital et des intérêts de la dette garantie, même s’il n’a pas demandé le paiement direct . Les sommes versées au titre de la dette garantie doivent être imputées sur la dette garantie lorsque cette dernière est exigible. Dans le cas contraire, le créancier garanti doit détenir toutes les sommes versées à titre de garantie sur un compte tenu auprès d’un établissement habilité à les recevoir, à condition que les sommes ainsi versées lui soient restituées à l’exécution de l’obligation garantie.

•. En cas de défaillance du débiteur, et sous réserve d’une mise en demeure de huit jours restée sans effet, le créancier garanti peut affecter les fonds pour le remboursement de sa dette dans la mesure où des sommes restent impayées. Si l’échéance de la créance garantie tombe avant l’échéance des créances nanties, le créancier garanti peut, par l’intermédiaire de la juridiction compétente ou conformément aux dispositions du contrat, devenir le propriétaire effectif des créances .

L’hypothèque

•. Le régime juridique applicable aux hypothèques a été légèrement modifié par l’AUS révisé. Il faut noter que les hypothèques sont principalement régies par aux usages et coutumes locales qui sont spécifiques aux États membres concernés. Il s’agit en effet de la sûreté la moins harmonisée du droit OHADA . Toutefois, l’AUS révisé a apporté certaines modifications nécessaires qui permettent aujourd’hui d’octroyer des hypothèques sur des biens immobiliers à venir et l’inclusion d’une clause de transfert de propriété dans la convention constitutive de l’hypothèque.

•. Par dérogation au principe selon lequel seuls les immeubles existants peuvent être hypothéqués, l’AUS révisé prévoit qu’une hypothèque peut être consentie sur des immeubles futurs dans les circonstances et sous réserve des conditions suivantes : une personne qui ne possède pas d’immeuble existant et non grevé ou qui ne possède pas une quantité suffisante de tels biens pour garantir la dette peut convenir que tous les biens qu’elle peut acquérir par la suite seront affectés au paiement de ces derniers à mesure que les acquisitions se poursuivent ; une personne dont les biens immeubles existants sont grevés d’une hypothèque, ont péri ou se sont détériorés dans la mesure où ils sont devenus insuffisants pour garantir la dette peut faire de même, sans préjudice du droit du créancier d’exécuter à tout moment son remboursement ; et la personne qui possède un droit existant lui permettant de construire à son profit sur le terrain d’autrui, le domaine public ou sur le domaine national, peut hypothéquer les bâtiments dont la construction est commencée ou simplement prévue. En cas de destruction de ces derniers, l’hypothèque s’étendra au droit de faire construire de nouveaux bâtiments sur le même terrain .

•. Le fait que l’hypothèque puisse être désormais constituée sur des constructions érigées sur le domaine public ou national constitue une avancée notable, qui se distingue également du droit français .

•. Tout titre de propriété hypothécaire doit être publié au registre foncier conformément aux règles relatives à la notification des transactions immobilières applicables dans l’État membre concerné. Aussi, toute convention constitutive d’hypothèque doit faire l’objet d’un acte notarié.

•. Enfin, il peut être convenu dans le contrat hypothécaire que le créancier puisse devenir propriétaire du bien hypothéqué, en cas de défaut de paiement du débiteur, sous réserve d’une mise en demeure de 30 jours, à condition que le bien immobilier ne soit pas la résidence principale du débiteur et que le débiteur soit une société ou un particulier inscrit au RCCM . Le transfert du titre de propriété du bien immeuble au créancier garanti peut également être accordé par les tribunaux lorsque le bien immeuble n’est pas la résidence principale du débiteur.

L’accroissement de l’efficacité des sûretés

•. L’efficacité d’une sûreté aux yeux du créancier réside dans deux points essentiels : opposabilité et réalisation. En effet, il faut se placer dans une situation où un débiteur fait défaut, où la question du paiement se pose et cela pour plusieurs créanciers. Il va falloir que la sûreté constituée soit opposable à l’égard des tiers dans un premier temps et que celle-ci permette dans un second temps au créancier de se payer sur l’objet de la sûreté constituée. L’AUS révisé a donc pris en considération la nécessité d’accroitre l’efficacité des sûretés en améliorant l’opposabilité des sûretés (1) ainsi que leur réalisation (2).

L’amélioration de l’opposabilité des sûretés

•. En ce qui concerne l’opposabilité des sûretés, le législateur OHADA a suivi l’idée d’un système par voie d’inscription que l’on retrouve aux articles 50 et suivants de l’AUS révisé . Ce système prévoit que les sûretés sans dépossession sont rendues opposables aux tiers par leur inscription, à des fins publicitaires, au Registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) compétent, laissant les sûretés avec dépossession opposables par la seule dépossession effective du bien, c’est à dire sans avoir à être publiés.

•. L’AUS révisé énonce un principe général selon lequel le RCCM compétent de toute sûreté mobilière est celui dans le ressort duquel le constituant de la sûreté est immatriculé ou, s’il n’est pas soumis à une immatriculation obligatoire, dans le ressort duquel se trouve, le cas échéant, le bureau ou le domicile du constituant . Il convient de mentionner que l’article 4 réaffirme que le constituant d’une sûreté n’est pas nécessairement le débiteur de la dette garantie, car la constitution d’une sûreté pour garantir la dette d’un tiers est autorisée . L’AUS révisé prévoit des règles spécifiques pour déterminer le RCCM compétent pour les autres types de sûretés. S’agissant du nantissement de créance, le RCCM compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur de la créance est immatriculé ou, à défaut, dans le ressort duquel se trouve, selon le cas, le bureau ou le domicile du débiteur. S’agissant du nantissement de compte de titres financiers, le RCCM compétent est celui dans le ressort duquel la société émettrice de ces droits ou valeurs mobilières est immatriculée. Enfin, s’agissant du nantissement de fonds de commerce, le RCCM compétent est celui dans le ressort duquel la société de fonds exploité est inscrite.

•. L’inscription n’est pas seulement importante au regard de la réalisation de la sûreté : elle règle également tout conflit d’intérêts entre créanciers privilégiés lorsqu’un même bien fait l’objet de plusieurs sûretés. Selon le principe prior est tempore, potior est jure, le bénéficiaire d’une sûreté qui a été le premier à l’inscrire au RCCM aura priorité sur les autres au moment de la réalisation de cette dernière.

•. Pour que cette exigence d’inscription ne soit ni trop complexe ni trop lourde pour les opérateurs économiques, l’AUS révisé a apporté plusieurs améliorations qui viennent corriger l’ancien mécanisme. On remarque tout d’abord une extension de la liste des personnes compétentes pour inscrire une sûreté au RCCM, à savoir le créancier garanti, le constituant et l’agent de sûreté . Ensuite, il est à noter la suppression de l’obligation de produire une copie originale de la convention constitutive de sûreté. Celle-ci est remplacée par la simple remise au RCCM d’un formulaire contenant des informations spécifiques énumérées dans l’AUS. On remarque aussi la suppression de l’obligation d’enregistrement des nantissements auprès de l’administration fiscale, qui constituait une des obligations les plus lourdes et onéreuses en pratique . Enfin, la durée de l’effet de la publicité a été allongée de cinq années passant de cinq à dix ans maximum .

L’amélioration de la réalisation des sûretés

•. En ce qui concerne la réalisation des sûretés, l’AUS prévoit traditionnellement qu’un créancier puisse réaliser une sûreté en cas de défaut du débiteur soit par un transfert automatique de propriété des biens garanti lorsque les biens garantis se rapportent à une somme d’argent déposée sur un compte bancaire spécial ou à des titres cotés en bourse, soit par une vente forcée du bien meuble garanti. Dans les deux schémas, la sûreté n’est souvent réalisable qu’après une mise en demeure de huit jours adressée au débiteur ou au constituant de la sûreté.

•. Lorsqu’une vente du bien garanti est autorisée, cette vente est réalisée après la saisie du bien par voie d’adjudication, sauf pour les titres financiers cotés sur un marché réglementé où ces titres sont vendus sur ce même marché .

•. L’AUS révisé prévoit de nouvelles voies de recours qui s’ajoutent à celles évoqués ci-dessus. Il a créé un équilibrage entre les droits du créancier et la protection du débiteur même s’il demeure toutefois favorable aux créanciers. En cas de non-paiement, il est prévu qu’un créancier garanti puissent recourir à l’attribution judiciaire ou encore au pacte commissoire pour l’ensemble des sûretés conventionnelles à l’exception du nantissement de fonds de commerce. Cette diversification est liée au caractère aléatoire, longtemps critiqué, des procédures de réalisation par vente forcée .

•. Conformément à l’alinéa 2 de l’article 104 de l’AUS révisé, un créancier garanti peut désormais se faire attribuer par une juridiction un bien en paiement de sa créance. Cette attribution suppose une évaluation du bien objet de la sûreté. Si le montant de l’évaluation s’avère supérieur au montant de la créance impayée, le différence sera logiquement restituée au constituant. L’AUS révisé prévoit cette modalité de réalisation pour le nantissement de biens meubles corporels, le nantissement de créances, le nantissement de comptes bancaires, le nantissement de comptes de titres financiers, le nantissement des droits de propriété intellectuelle ainsi que l’hypothèque. Il faut préciser sur ce dernier point que l’attribution judiciaire ne peut être demandée lorsque le bien immeuble objet de l’hypothèque est la résidence principale du débiteur .

•. A la différence de ce qui était prévu dans l’AUS initial, l’AUS révisé permet maintenant aux parties d’inclure dans leur convention constitutive de sûreté une clause selon laquelle le créancier deviendra automatiquement propriétaire du bien garanti . Toutefois, dans la mesure où ce mode d’exécution permet aux parties de ne pas saisir les tribunaux, le risque de spoliation du débiteur est considérable . L’AUS révisé limite donc l’utilisation du pacte commissoire et contrôle sa procédure applicable, en fonction de la nature du débiteur et des actifs garantis.

Ces derniers ne peuvent être en effet qu’une somme d’argent ou un bien faisant l’objet d’une cotation officielle. En outre, la dette garantie ne peut qu’être celle d’un « débiteur professionnel » tel qu’il est défini par l’AUS révisé . Quant à l’hypothèque, il est prévu une restriction relative à l’immeuble grevé : le pacte commissoire ne doit pas porter sur un immeuble à usage d’habitation et le constituant doit être une personne morale ou physique dûment inscrite au RCCM .