Madame Bovary Critique de Roman

« L’auteur, dans ses œuvres, doit être comme Dieu dans l’univers, présent partout et visible nulle part » : cette formule de Flaubert, très connue, pour parler de la narration dans son œuvre Madame Bovary, explique la volonté de l’auteur quant à sa narration particulière. En plus de vouloir écrire un livre « sur rien », ce nouveau type de narration fait de Madame Bovary une œuvre unique en son genre.

Flaubert voulait, en effet, un roman totalement impersonnel, avec une objectivité totale ; il voulait, surtout, se faire le miroir d’une réalité. Muni de cette information, il est évident que le lecteur, en choisissant spécifiquement, Madame Bovary, s’attend à cette impersonnalité qui caractérise cette œuvre. Une impersonnalité qui ne devrait laisser aucune trace du narrateur ou de l’auteur : un lecteur simplement spectateur. Flaubert a soif d’authenticité et pense donc, ainsi, donner un sens caché à son œuvre en y racontant simplement la vie d’Emma Bovary, car la vie elle-même possède un sens caché. Ce livre est composé de trois grandes parties distinctes : la première relate l’union de Charles et Emma Bovary, la deuxième l’adultère dont se rend coupable Madame Bovary, et enfin, la troisième partie a pour sujet central : la déchéance et la mort de l’héroïne. Pour avoir écrit ce livre, Flaubert est trainé en justice ; l’accusation portée fut « outrage à la morale publique et religieuse », mais également « outrages aux bonnes mœurs ».

Il est intéressant de se souvenir que l’avocat de Flaubert n’eut de cesse de prouver que l’auteur condamnait l’adultère de son personnage, alors que Flaubert avait choisi de ne pas apparaitre dans ce premier roman. Cela soulève donc une question importante, Flaubert a-t-il réussi son projet d’un narrateur totalement effacé ? La réponse semble déjà se dessiner à cause du procès mais il est intéressant de se pencher sur les différents procédés qui mènent à l’échec relatif, du projet narratif flaubertien. L’histoire, tout d’abord, sera étudiée, dans le but de montrer que, la trame narrative même de l’histoire, choisie par Flaubert, laisse entrevoir les points de vue de l’auteur. Ensuite, il en sera fait de même avec les personnages, qui sont chacun, pour Flaubert, une fenêtre où ce dernier peut, ainsi, y montrer ses points de vue, sans que le lecteur ne le perçoive comme une intrusion dans l’histoire ; ceci pour mieux comprendre la complexité de la volonté première

de Flaubert de n’apparaitre nulle part. Enfin, le style même de l’œuvre, ainsi que cette narration se voulant impersonnelle montreront que, malheureusement, la volonté de Flaubert d’écrire un roman sur rien avec un narrateur invisible n’a pas été atteinte, mais est sûrement inatteignable.

L’histoire de Madame Bovary est tirée d’un fait divers qui a eu lieu en Normandie : l’affaire Delphine Delamare. Cette affaire a secoué la Normandie et les historiens de Flaubert s’accordent, volontiers, sur le fait que la vraie Emma Bovary est en réalité Delphine Delamare. Il est vrai que les rapprochements entre les deux histoires sont tels qu’il est facile de voir le lien. Delphine Delamare était une jeune femme, mariée et mère d’une petite fille, qui se suicida après avoir commis un adultère ; son mari mourut l’année suivante. Les coïncidences de l’œuvre versus ce fait divers s’accordent parfaitement à la démarche de Flaubert. En effet, il voulait se faire l’historien de son roman, et quoi de mieux qu’un fait divers pour garder un œil objectif tout le long de l’œuvre. Cet œil critique et invisible est maintenu tout le long du roman, comme nous le verrons plus tard.

Mais, dès à présent, il faut remarquer le « nous », utilisé par le narrateur dans les premières pages du récit, qui peut troubler le lecteur. Ce « nous » ne sera jamais expliqué et le lecteur ignorera toujours son identité. Ce « nous » peut être, également, un moyen pour Flaubert, de créer une sorte d’intimité avec le personnage de Charles, tout en gardant la distance du narrateur invisible ou méconnu. Cependant, dans la trame narrative, bien que Flaubert jure dans sa correspondance, ne pas vouloir transmettre quoi que ce soit de personnel au lecteur, quelques traits biographiques sont identifiables. Dans cette œuvre, le sujet de la petite bourgeoisie de campagne est omniprésent ; sans vouloir tomber dans la surinterprétation, le lecteur peut aisément faire un lien entre cette répulsion des petits bourgeois et l’enfance difficile de Flaubert qui, lui aussi, a vécu dans cette petite bourgeoisie de province, avec un père absent et une mère peu affectueuse.

Le fait que son personnage soit médecin de campagne peut être relié au fait divers évoqué un peu plus haut, mais également à son père qui était médecin, tout comme son grand-père maternel. En plus des quelques éléments autobiographiques glissés, quelques passages du roman mettent à mal la volonté de Flaubert de créer un roman « objectif et historique ». En effet, les évènements dans ce roman sont, pour la plupart, chronologiques ; le lecteur suit donc l’histoire, dans l’ordre dans lequel se déroulent les évènements. Cependant, le chapitre 6 par exemple, qui traite de l’enfance d’Emma, « lorsqu’elle eut treize ans… » , est une sorte de parenthèse dans le récit chronologique, un retour dans le passé. Ce chapitre ne met pas à mal la volonté d’un narrateur invisible, dans le sens où, il ne se fond pas dans un des personnages, ou n’apporte pas de jugements. Cependant, cela reste une intrusion de l’auteur dans l’histoire, qui transporte le lecteur dans un temps révolu. De plus, la chronologie des Bovary s’insère à la fois dans le ton chronologique du récit, mais également dans la modernité narrative flaubertienne. La pluralité des Bovary se retrouve au nombre de trois : Madame Bovary (mère), Emma, et finalement sa fille.

Ce qui est intéressant, c’est que cette filiation, très « historique et chronologique » semble presque être une métaphore de la définition de « modernité » faite par Jauss. Aucune de ces Bovary ne semble tirer d’enseignement de l’expérience de la précédente. Elles souhaitent avancer et se fondre dans leur propre époque. Le sujet de la filiation est très contemporain, mais cela ne constitue pas le seul sujet moderne de cette œuvre. D’autres sujets comme la ville, là où Emma commet la plupart de ses adultères, sont évoqués dans cette œuvre.

Sur ce point, Flaubert s’accorde avec Baudelaire, qui traitait, lui aussi, la ville comme un sujet d’une grande modernité ; les parallèles sont donc nombreux, entre Madame Bovary et le poème de Baudelaire « A une passante », qu’il s’agisse de la ville ou de la foule, ce sont des sujets communs aux deux œuvres. Toutefois, Baudelaire voulait « extraire la beauté du mal » ; ces mots accordés à Baudelaire, concernant son recueil Les Fleurs du Mal, sont toutefois en désaccord avec la volonté de Flaubert qui ne souhaite pas extraire la beauté, il veut montrer une vérité, qu’elle soit belle ou bien laide. C’est le souci permanent du réalisme de Flaubert. Mais, malgré cette volonté, la réalité en est autrement. L’un des propulseurs, sur le devant de la scène littéraire de ce roman, reste : le procès du 31 Janvier 1857. C’est pour outrage aux bonnes mœurs que Flaubert est condamné dans ce procès. Il est reproché à Flaubert de ne pas assez condamner l’adultère de son héroïne ; les avocats de l’accusation font part de leur peur que certaines femmes ne soient donc plus réticentes à commettre un adultère.

Ce qui est étrange, c’est que, malgré le fait que cette accusation semble aller totalement dans le sens de la volonté de Flaubert : un narrateur tellement absent que l’on ne sait pas si l’auteur condamne ou non les actions de Emma Bovary, la ligne de défense de l’avocat de Flaubert provoque la surprise. En effet, ce dernier a décidé de prouver que Flaubert condamne bien son héroïne et cela en total désaccord avec la thèse du narrateur invisible. L’avocat de Flaubert base sa défense sur la mort de Emma et avance la thèse suivante : l’auteur qu’est Flaubert a décidé de condamner Emma Bovary, la femme adultère, à une mort solitaire et pathétique ; Flaubert n’a donc, en aucun cas, choisi de laisser l’adultère impuni. ; c’est donc une condamnation de l’auteur.

A partir de cette démonstration et autres interventions de son avocat, Flaubert ne fut pas condamné lourdement. Les pages qui décrivent la mort d’Emma Bovary sont tintées de sarcasme et du pathos. A la lumière de cette nouvelle thèse, on peut faire quelques liens entre Madame Bovary et les grandes tragédies grecques. Ces dernières mettent en scène un héros, ou une héroïne, pris dans une machine infernale, quelque chose qui le dépasse, une volonté, un jeu des dieux dont ne sortiront que souffrance et mort certaine. Dans Madame Bovary, ce sont les dettes qui incarnent la machine infernale ; Emma meurt seule, par suicide, laissant son mari et sa fille, livrés à eux même. Flaubert va même, plus loin, dans le malheur en condamnant Charles à une mort pathétique, elle aussi, ce qui accentue le sentiment chez le lecteur que le jugement de Dieu, ou ici de l’auteur, s’abat sur cette famille.

La présence de l’auteur dans Madame Bovary n’est pas seulement visible dans la trame narrative. En effet, cette dernière est également visible dans la description des personnages présents dans cette œuvre. La correspondance personnelle de Flaubert, qui est par ailleurs de presque 300 lettres, traite essentiellement du sujet de « la-Bovary », et aide beaucoup à la compréhension de la difficulté pour un auteur de ne pas s’investir, ou du moins, de ne pas porter un jugement de valeur sur ses personnages.

Il est compliqué de traiter d’un échec narratif sans passer par les personnages mais, il est également difficile d’interpréter les descriptions et les actions de personnages, sans tomber dans la surinterprétation. Ce n’est, cependant pas, surinterpréter que de s’intéresser aux noms et prénoms des personnages. On peut, rapidement, déceler un premier jugement de valeur de la part de Flaubert dans « Emma et Charles Bovary » ; en effet, en y prêtant attention, on remarque que le nom de Bovary a une certaine connotation avec « bovin » qui laisse percevoir, le peu d’estime, porté à ce couple, de la part de Flaubert. C’est d’autant plus le cas, lorsque l’on étudie le personnage de Charles, qui est l’incarnation même de la médiocrité. Quant à Emma, son nom, d’après la correspondance de Flaubert, a été choisi en connaissance de cause : Emma étant un prénom d’héroïne courant pour les personnages à l’eau de rose. Cette héroïne est d’ailleurs absente, comme beaucoup l’on remarqué, du prologue et de l’épilogue. Cette absence permet de faire connaissance avec un autre personnage, Charles ; l’histoire basculera, ensuite, vers Emma, lors de leur rencontre. Ce basculement est rendu possible grâce au point de vue central utilisé par Flaubert. En effet, ce dernier a choisi un point de vue dans lequel le lecteur se pose en tant que spectateur d’une réalité peinte par Flaubert.

Ce point de vue ne permet, en aucun cas, de connaitre les sentiments ou les volontés des protagonistes, ou du moins, en théorie. Là aussi, on remarque qu’il est très compliqué de tenir tout le livre sans jamais trahir cette approche très théorique, voir scientifique de la vie. Flaubert tente de voir ses personnages comme des personnages-objets, contrairement à Balzac qui en fait un portrait totalement sentimental ; Flaubert ne souhaite pas s’attarder sur cet aspect. De plus, le début et la fin de cette œuvre montrent très bien que Flaubert n’a pas su retenir ses sentiments à l’égard de ses personnages. En effet, les premières pages ont un ton pathétique, quelque peu niais, tout comme l’est le personnage de Charles, d’après Flaubert. Ces pages sont pleines d’ironie et de sarcasme. Nous n’en sommes pas loin, également, pour ce qui en est de la fin. Un ton pathétique est aussi utilisé lorsque, pour la mort de Carles, seules quelques phrases sont nécessaires « Il tomba à terre. Il était mort. Trente-six heures après, sur la demande de l’apothicaire, M. Canivet accourut. Il l’ouvrit et ne trouva rien. » .

Le lecteur pourrait d’abord penser que ce ton est celui scientifique que Flaubert se targue d’utiliser dans le romane ; cependant, le lecteur se rend, facilement compte, de la pointe de sarcasme dont fait preuve Flaubert en décrivant aussi crument la mort de son personnage. Pourtant, bien que Flaubert soit heureux d’avouer, dans ses lettres, que Madame Bovary est une esquisse de la bêtise humaine, plusieurs historiens lui accordent volontiers la formule « Madame Bovary, c’est moi ». On ne peut s’arrêter aux personnages principaux de cette œuvre, deux personnages secondaires sont également très importants pour comprendre l’ambiguïté de cette étude. En effet, ces personnages ont des traits de caractère de société si marqués qu’on ne peut s’empêcher de voir le jugement de Flaubert sur la société bourgeoise, ce qui constituerait donc, encore une fois, une preuve de l’échec relatif du projet narratif de Flaubert. Le personnage du pharmacien, monsieur Homais, par exemple, s’inscrit totalement dans cette œuvre sous-titrée « mœurs de province ». Monsieur Homais incarne tout ce que Flaubert déteste, à savoir, la petite bourgeoisie. Homais est décrit comme un personnage vil, prétentieux et méprisable.

Il est au premier abord étrange, d’ailleurs, que ce soit sur ce personnage que se clôture cette œuvre. Mais en y regardant plus attentivement, on retrouve encore une fois cette sorte de sarcasme qui tend à s’incruster dans cette fin, bien loin du regard neutre tant cher à Flaubert, semblant se laisser pousser par ses sentiments. Flaubert termine par la phrase « Il vient de recevoir la croix d’honneur » , en parlant de Homais qui est la cause de la morte de Emma Bovary et l’échec de l’installation de plusieurs médecins. La répulsion de Flaubert, à l’égard des personnages comme Homais, semble s’étendre en une courte critique de la société en y adjoignant « l’opinion publique » qui protège ce personnage rendu détestable. Mais on peut se demander si de tels traits de caractère ne sont pas une sorte d’opinion de l’auteur. Cette hypothèse d’une volonté de l’auteur cachée derrière des traits si vils peut être appuyée par une lettre de Flaubert à Louise Colet, poétesse française, datée du 10 Avril 1853, dans laquelle il lui explique attendre avec impatience la réaction des lecteurs à son roman. Il souhaite avoir le retour des normands, habitants de la région où se déroule cette histoire ; il souhaite une sorte de vengeance et attend de voir les normands scandalisés devant la réalité qu’il dépeint. A la lumière de cette explication personnelle de Flaubert, on se rend rapidement compte que l’auteur n’est jamais loin de la narration et ne peut s’empêcher d’y incorporer des éléments personnels et non objectifs. Un autre personnage qui prend vie pour servir les desseins de Flaubert semble être Berthe, fille de Emma Bovary. Cette jeune fille est plus présente pour mettre en valeur certains traits de la société que pour son personnage propre. En effet, la relation mère-fille de Emma et Berthe n’est en rien la relation idéalisée de l’époque qui se voulait être un amour tendre entre deux personnes du même sang. La relation peinte dans le roman en est toute autre. Emma Bovary n’aime pas sa fille.

C’est un fait qui n’est en rien caché dans le roman et il est intéressant de faire un parallèle avec une œuvre qui arrivera bien plus tard « Sublime, forcément Sublime, Christine V. » de Marguerite Duras. Elle aussi, met en évidence qu’être mère n’est pas quelque chose de simple et que certaines femmes ne savent pas comment réagir devant cette nouvelle responsabilité. Ces deux auteurs, de deux époques différentes, semblent pourtant s’accorder sur le fait que la place de la femme dans la société n’est pas celle qu’elle devrait être. Cette relation met en relief toute la place de Emma dans la société : celle qu’elle chercher à prendre et celle qu’on attend d’elle. Là, également, réside la modernité de cette œuvre puisque c’est une sorte de pré-naissance de la psychanalyse. Freud vient de naitre en 1856 et Flaubert publie dès 1857 une œuvre avec un schéma psychanalytique pour chaque personnage.

Au regard des deux parties précédentes, on comprend facilement qu’être tel Dieu « présent partout et visible nulle part », est une chose infaisable et Flaubert, malheureusement, n’a pas réussi cette tâche. Dans une narration, être totalement objectif est chose presque impossible ; chaque mot, chaque adjectif qui n’est pas simplement descriptif, constitue un chamboulement du récit strictement historique et fait tomber le récit dans le subjectif. Chaque jugement de valeur des personnages, ou chaque évènement trahi la finalité objective. Ce « nous », analysé maintes fois, au début du roman semble être la première interjection dans la narration. Qui est ce « nous » ? Un « nous » qui se transforme et disparait en quelques pages. Ce « nous » semble faire écho au « il » de Kafka dans ses fragments de journal ; Flaubert avait pour idéal d’écrire le roman comme un historien écrit l’histoire, sans aucun parti pris, sans essayer d’amener le lecteur à des conclusions, simplement en énonçant des faits et des actions. Il voulait totalement supprimer l’image du narrateur. Bien que cette volonté ne soit pas tenue dès les premières pages avec le « nous » narrateur et les différentes explications données dans les paragraphes précédents, cette volonté est atteinte dans certaines scènes. Le roman entier ne suit pas cette volonté mais les scènes ; par exemple, celle du curé est une des scènes qui est totalement objective : elle respecte la chronologie des actes et n’est qu’une succession de descriptions, d’actes totalement neutres. La difficulté réside également dans l’interprétation qu’en fera le lecteur ; en effet, ce dernier est confronté à sa propre interprétation et surinterprétation. Plusieurs études montrent, en effet, Madame Bovary comme un roman n’ayant, en aucun cas, atteint ce regard objectif, neutre, presque scientifique. Mais le lecteur doit faire attention au style utilisé par Flaubert qui rend l’interprétation compliquée. En effet, l’auteur a choisi le style du discours indirect libre.

Ce mode de discours emprunte des éléments au discours direct et au discours indirect. Il permet à l’auteur de passer des paroles d’un personnage à un passage narré, en une transition subtile, sans avoir besoin de le spécifier. Grâce au style indirect libre, Flaubert a donc réussi à masquer au maximum ces passages où le narrateur prend la parole d’un air arbitraire. Toutefois, il y a également des inconvénients à ce style indirect libre. En effet, puisqu’il n’y a que des liens ténus entre paroles, pensées de personnages et narrateur, le lecteur peut, certainement fois, assimiler des envolées lyriques d’Emma Bovary, aux pensées de Flaubert lui-même par exemple. La modernité se tient, en plus d’être présente dans les sujets, dans les personnages et dans la narration, dans le désenchantement dont fait preuve Flaubert. Ce style n’est plus du tout le romantisme de Victor Hugo ou de Musset.

Les descriptions sont simples, précises et vraies. Flaubert ne cherche pas le beau, ni le bien, mais a un souci de la réalité et du vrai. La façon d’écrire de Flaubert est moderne car cet auteur ne peut pas être classé dans un mouvement littéraire particulier. Flaubert peut également être vu comme faisant partie du réalisme puisqu’il chercher la réalité. Il semble également en avance sur d’autres mouvements tels que le naturalisme lorsqu’il écrit sur des lieux qui lui sont familiers et que sa trame narrative est tirée d’un fait divers qu’il a longuement étudié. Dans le projet narratif flaubertien, la place du narrateur demeure inconnue, tout comme son identité. Le narrateur ne peut être désigné clairement, il n’est ni Flaubert lui-même, ni un personnage à part entière. D’ailleurs, dans une de ses lettres, Flaubert écrivait : « Le public ne doit rien savoir de nous…Les prostitutions personnelles en art me révoltent » . Pourtant, plusieurs éléments biographiques et plusieurs jugements de valeurs à l’égard des personnages sont présents. La modernité de l’œuvre se retrouve également dans le mélange des tons. Cette hybridité de l’œuvre pousse le lecteur à accorder de l’importance à plusieurs détails. En effet, en plus du discours indirect libre qui est un style moderne pour l’époque, l’ironie, le sarcasme, la description neutre, sont des genres qui se mélangent pour former la narration de Madame Bovary ; ce mélange empêche le lecteur de s’attarder sur la question de savoir si le narrateur est visible ou non. Pourtant, plusieurs tons, comme le sarcasme ou le grotesque, poussent le lecteur à penser qu’il s’agit bien, d’un jugement de l’auteur.

En conclusion

En conclusion, l’échec de Flaubert est relatif. Sa volonté d’une narration totalement neutre n’est pas atteinte. Plusieurs aspects, dans la trame narrative de l’histoire ou bien, dans les personnages, nous laisse entrevoir l’auteur au-delà des mots. Peut-être Flaubert, sans le vouloir, incarnait-il cette modernité absolue dont parlait Rimbaud. En effet ses sujets, ses personnages et son style sont modernes, et cette volonté inachevée d’une narration neutre renvoie au concept lui-même de la modernité, qui est un mouvement en perpétuel changement, un mouvement inachevé. Flaubert a fait de cette œuvre un exercice de style : celui de vouloir rendre « toute ressemblance avec des personnages vivants ou ayant existés » fortuite, afin qu’on ne puisse déceler ses propres prises de positions ou ressentiments. Aucun autre auteur ne s’est confronté à cet exercice flaubertien. Au contraire, cette volonté d’un narrateur invisible, sans aucune intrusion dans le récit semble être à rude épreuve, dans une société où des auteurs choisissent un pseudonyme pour être libre de leurs parties pris. Est-ce se tourner vers la facilité ou, le projet flaubertien est-il irréalisable ?