Seconde Guerre Mondiale

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Robert Schuman déclare le 9 mai 1950 : « l’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». Un an plus tard, en avril 1951, est signé le traité de Paris, un traité précurseur posant les bases d’une organisation supra-nationale qui mettrait un terme aux siècles de conflits franco-allemands. Le désir d’effectuer une transition entre économie commune et politique supranationale se traduit par les ratifications des traités de Rome en 1957 par l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas malgré l’échec de la Communauté européenne de défense. Cette base solide s’élargit progressivement avec l’adhésion du Royaume-Uni, Danemark et Irlande en 1972, Grèce en 1981 et ainsi de suite.
Définition des termes :
Le droit communautaire prend source dans les deux institutions que sont la Communauté européenne qui prends la suite de la Communauté éco-nomique européenne en 1992 avec le traité de Maastricht, et la Cour européenne des droits de l’Homme. Le droit communautaire se définit ainsi : « Droit de l’Union européenne ; ensemble des règles matérielles uniformes applicables dans les États membres de l’Union dont la source primaire et constituée par les traités d’institution et la partie dérivée par les règles établies par les institutions communautaires en application des traités » (Vocabulaire Juridique de Gérard Cornu)
Enjeux :

1. D’une gouvernance nationale à une gouvernance européenne
Le droit communautaire prend ses sources dans un pouvoir originaire par les traités d’institution (1) ainsi que des sources dérivées par ces institu-tions (2).
1.1 Une concrétisation progressive du projet européen des pères fondateurs
Le droit originaire est le droit suprême de l\’Union européenne constitué des traités fondateurs de l\’Union européenne, des grands traités modifi-catifs de l\’Union européenne, des protocoles annexés à ces traités, des traités complémentaires apportant des modifications sectorielles aux traités fondateurs et des traités d\’adhésion à l\’Union européenne.
1.1.1 Les traités fondateurs
La Communauté Européenne du Charbon et de l\’Acier
Le 9 mai 1950, le ministre des affaires étrangères Robert Schuman pro-nonce un discours au Quai d\’Orsay révélant le projet de Jean Monnet de débuter une mutualisation du charbon et de l\’acier européen régie par des institutions supranationales.
Les négociations entre la République fédérale d\’Allemagne, la France, l\’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas aboutissent au traité de Paris (entré en vigueur le 23 juillet 1952) pour une durée de

50 ans qui instaura un marché commun du charbon et de l\’acier dominé par le prin-cipe de libre circulation des produits (sans droits de douane ni taxes) et qui permis une modernisation du marché et l\’amélioration des conditions pour la main d\’œuvre.
L\’originalité de la Communauté Européenne du Charbon et de l\’Acier instaure des instances supranationales avec :
• La Haute Autorité : organe exécutif destinée à faire respecter l\’intérêt général.
• L\’Assemblée : chargée de contrôler l\’action de la Haute Autorité et qui peut la renverser par un vote.
• Le Conseil des ministres : assure la liaison entre l’Autorité su-pranationale et la politique générale des gouvernements natio-naux.
• La Cour de justice : assure l\’application et l\’interprétation des lois de la CECA.

Les deux traités de Rome
Ces mêmes États signent deux traités de Rome instituant d’une part la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté euro-péenne de l’énergie atomique (Euratom) entrés en vigueur le 14 janvier 1958.
La Communauté économique européenne prend pour base le traité CE-CA pour élargir la coopération supranationale et relancer la construction européenne suite à l’échec de la Communauté européenne de défense (CED). Cette CEE établit un marché commun en 12 ans et institue un triangle institutionnel sur le modèle de la CECA, inchangé à ce jour :
• Commission européenne : remplace la Haute Autorité, propose des mesures et contrôle leur exécution.
• Conseil des ministres : statue le plus souvent à l’unanimité pour approuver les mesures et donc donne de fait à un droit de véto aux Six.
• Assemblée parlementaire européenne : deviens le Parlement eu-ropéen en 1962, représente les citoyens européen, amende et vote les textes proposés par la Commission ainsi que le budget de l’Union européenne.

L’évolution vers l’Union européenne : l’Acte unique
Sur l’initiative de Valéry Giscard d’Estaing et d’Helmut Schmidt, le Conseil européen est instauré en 1974, les chefs d’États se réunissent ainsi pour traiter des enjeux les plus pressants afin de « donner à la cons-truction européenne une impulsion politique générale », il sera consacré dans l’Acte unique européen.
De la libre circulation des capitaux à la libre circulation des personnes avec les accords de Schengen à partir de 1985.
L’Acte unique européen est signé par les Douze en 1986 et instaure une véritable harmonisation d’une Europe politique et passer à un marché unique voulu comme un \”espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée\” (article 7 du traité CEE). De plus, le vote a majorité qualifiée du Conseil de l’Union européenne facilite la prise de décision et met fin à l’unanimité, on évite ainsi la « crise de la chaise vide » de Charles de Gaulle des années 1970. Les pouvoirs du Parlement européen sont élargis et il doit par exemple statuer sur l’adhésion à la Communauté d’un pays. Finalement, une politique étrangère commune est mise en place.
Le traité de Maastricht
Le traité de Maastricht est signé le 7 février 1992 et voit apparaître une citoyenneté européenne (droit de pétition, protection consulaire, droit de vote aux élections municipales et aux élections au Parlement européen dans le pays de résidence) et fonde l’Union européenne sur trois piliers que sont :
1. Les communautés européennes : transfert de souveraineté natio-nale à l’Union européenne et principe de subsidiarité qui protège la capacité des États membres et stipule que dans le cas où des objectifs seraient irréalisables par les États membres, ils le se-raient par l’Union.
2. Une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) : proté-ger les valeurs de l’Union européenne, la paix et la sécurité in-ternationale, la coopération internationale ainsi que la démocra-tie. Les décisions se font à l’unanimité.
3. Coopération policière et judiciaire : lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale, et créé l’Office européen de police (Euro-pol) qui échange les informations entre les polices nationales. Les décisions se font à l’unanimité.
Tout cela a fait l’objet d’un référendum accepté au 51,04% le 20 sep-tembre 1992 afin d’introduire l’Union européenne dans le droit français.
1.1.2 Les traités modificatifs
Les traités d’Amsterdam et de Nice
Le traité d\’Amsterdam est signé le 2 octobre 1997 et affirme les principes de liberté, de démocratie et le respect des droits de l\’Homme. Il propose de mettre en place « un espace de liberté, de sécurité et de justice » à l\’intérieur de l\’Union européenne. Afin de renforcer la protection des droits fondamentaux, ce traité instaure des sanctions politiques contre les États membres qui ne les respecteraient pas. De plus, il concerne également les institutions européennes et renforce considérablement la participation du Parlement européen à la procédure législative de l\’Union, mais aussi au sein du Conseil où l\’unanimité n\’est plus requise que pour les affaires constitutionnelles et les sujets sensibles (fiscalité, règlementation de l\’immigration et des visas).
Le traité de Nice est signé le 26 février 2001 afin de faciliter l\’élargisse-ment de l\’Union européenne grâce à un meilleur fonctionnement institu-tionnel qui passe par une réforme institutionnelle ainsi que le renforce-ment des coopérations internationales.
Le traité de Lisbonne (2009)
Le traité de Lisbonne est signé par le dernier membre le 3 novembre 2009 suite au rejet du traité établissant une constitution européenne et modifie en profondeur les règles des anciens traités pour permettre une meilleure coordination des États membres. Cependant, le Conseil consti-tutionnel dans un communiqué de presse du 20 décembre 2007 disait : « Le traité de Lisbonne comprend des dispositions relatives aux compé-tences et au fonctionnement de l’Union parfois identiques et parfois différentes de celles figurant dans l’ancien TECE. D’une part, certaines de ses dispositions reprennent celles du TECE que le Conseil constitu-tionnel avait jugé contraires à la Constitution dans sa décision 2004-505 DC du 19 novembre 2004. »
Il apporte :
• La personnalité juridique de l’Union européenne qui pourra con-clure des accords internationaux dans ses domaines de compé-tence.
• Facilitation du processus de décision en limitant le droit de véto grâce à la majorité qualifiée étendue.
• Un haut représentant de la politique étrangère européenne qui conduit la politique étrangère de l’Union européenne.
• Une présidence permanente du Conseil européen élu à la majori-té qualifiée pour deux ans et demi et renouvelable une fois.
1.2 Le droit dérivé de l’Union comme outil d’homogénéisation des droits nationaux
Le droit dérivé est la deuxième source principale du droit de l’Union européenne. Il s’agit du droit crée à partir des compétences des institu-tions de l’Union européenne qui prends plusieurs formes : les actes juri-diques à caractère législatif contraignants mais aussi non contraignants, puis les actes juridiques n’ayant pas un caractère législatif, et enfin les actes non juridiques.
1.2.1 Les actes juridiques à caractère législatif contraignants
Les actes juridiques à caractère législatif contraignants le sont pour les institutions, les pays et les particuliers de l’Union européenne auxquels ils s’adressent. Il en existe trois :
• Le règlement qui introduit une règle uniforme, est à portée géné-rale et obligatoire et est directement applicable dans tous les pays de l’Union européenne. Il est adopté par une procédure lé-gislative ordinaire ou spéciale comme le Règlement général sur la protection des données (RGPD) applicable depuis le 25 mai 2018.
• La directive qui fixe des objectifs à atteindre, est à portée géné-rale mais qui n’est pas directement applicable et doit être trans-posée dans un délai fixe en droit national par les pays de l’Union européenne. Elle est adoptée par une procédure législative ordi-naire ou spéciale comme la Directive Seveso 3 applicable depuis le 1er juin 2015.
• La décision qui réglemente des situations particulières, est direc-tement applicable et peut être adressée à un ou plusieurs destina-taires, voir aucuns depuis l’entrée en vigueur du traité de Lis-bonne. Elle est adoptée par une procédure législative ordinaire ou spéciale comme la Décision n ° 445/2014/UE du Parlement euro-péen et du Conseil du 16 avril 2014 instituant une action de l\’Union en faveur des capitales européennes de la culture pour les années 2020 à 2033.
1.2.1 Les actes juridiques non contraignants
Les actes juridiques sans obligation ont un but politique de régler la vie interne des institutions de l’Union européenne sans obligation légale. Il en existe deux :
• La recommandation qui incite les États membre à adopter une politique particulière. Elle est émise par le Conseil de l’Union européenne ou la Commission européenne comme la Recomman-dation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2018.
• L’avis qui exprime le point de vue d’une institution de l’Union européenne, des organes consultatifs ou des parlements natio-naux des États membre.
1.2.3 Les actes juridiques non législatif
• L’acte délégué qui est juridiquement contraignant et permet à la Commission, habilitée par un acte législatif, de compléter ou de modifier des éléments non essentiels des actes législatifs.
• L’acte d’exécution qui est juridiquement contraignant et permet à la Commission de fixer les conditions d’application des actes législatifs.
1.2.4 Les actes non juridiques
• La résolution qui peut provenir du Conseil, du Conseil européen ou du Parlement européen et est une expression de la politique commune voulue ainsi qu’une orientation pour les travaux futurs du Conseil.
• La déclaration qui a la même valeur qu’une résolution dans le cadre du développement de l’Union européenne, ou bien dans le cadre des décisions du Conseil servent à exprimer le point de vue d’un ou des membres du Conseil sur ces décisions.
• Le programme d’action qui donne une orientation et démontre la volonté des institutions de le réaliser.
• Le livre blanc publié par la Commission qui contient des mesures de l’Union européenne dans un domaine précis et qui peut deve-nir un programme d’action. Le livre vert incite à réfléchir sur un sujet politique qui pourrait devenir un ensemble de normes juri-diques qui seront contenues dans un livre blanc.
2. Un dialogue parfois difficile avec le droit national des États membres
2.1 La montée en puissance des institutions de l’Union européenne
2.1.1 Les institutions de l’Union européenne
L’Union européenne est composée d’institutions qui peuvent être orga-nisées en deux parties avec d’une part les organes de directions et d’autre part les organes de contrôles.
Les organes de direction
La Commission européenne est située à Bruxelles et représente l’organe exécutif de l’Union européenne. Cette institution indépendante est com-posée d’un collège d’un commissaire par État membre désigné pour 5 ans. Elle est responsable devant le Parlement qui possède un droit de regard sur ses activités et peut aller jusqu’à la censurer. La Commission européenne exerce quatre fonctions principales qui sont de présenter des propositions législatives à l’organe législatif et des programmes d’actions. De plus, en vrai gardienne des traités, elle exécute les déci-sions du Conseil et du Parlement et veille à l’application du droit. Fina-lement, elle représente l’Union européenne sur la scène internationale.
Le Conseil de l’Union européenne siège à Bruxelles et est composé d’un ministre de chaque État membre. Il défini la politique économique et la politique de sécurité commune, mais adopte aussi la législation. La com-position de ce Conseil varie en fonction des sujets abordés avec par exemple une composition de ministres de l’environnement lors d’une réunion sur l’environnement.
Le Conseil européen siège à Bruxelles et se réuni au minimum deux fois par semestre. Les membres qui le composent sont les présidents ou premiers ministres des États membres, ainsi que le président du Conseil européen et celui de la Commission. Le Conseil européen n’a qu’une fonction de définition des orientations politiques.
En plus des organes de direction, l’Union européenne dispose d’organes de contrôle.
Les organes de contrôle
Le Parlement européen élu au suffrage universel direct tous les 5 ans et dont les prochaines élections auront lieu le 23 mai 2019 est composé de députés européens équivalent à la proportion de la population de l’État membre. Il a pour rôle principale un rôle législatif, c’est-à-dire qu’avec le Conseil de l’Union européenne ils adoptent la législation proposée par la Commission européenne. En plus d’établir le budget de l’Union euro-péenne, le Parlement européen a un rôle de surveillance : il exerce un contrôle sur les institutions de l’Union, notamment la Commission contre laquelle il peut voter une motion de censure. Il est possible pour les citoyens d’un État membre de l’Union européenne à l’aide d’une pétition de demander au Parlement d’agir sur une question précise, comme par exemple l’agriculture, les transports ou encore l’environnement. Il s’agit de « l’initiative citoyenne européenne » qui est un instrument de démocratie participative
La Cour de justice de l’Union européenne siège au Luxembourg et est composée d’un juge par État membre et de huit avocat généraux élus pour 6 ans. Celle-ci veille à l’application et à l’interprétation du droit de l’Union européenne par les États membres sur leur territoire national. La Cour de justice de l’Union européenne peut être saisie par les juridic-tions des États membres sous forme de questions préjudicielles sur l’interprétation d’un traité mais aussi d’un acte de droit dérivé. L’arrêt rendu par la Cour de justice est applicable non seulement pour l’État à l’origine de la saisine, mais aussi pour toute l’Union européenne. Celle-ci peut ainsi condamner un État s’il manque à son obligation d’appliquer une directive européenne par une amende ou une astreinte. La Cour de justice européenne est à cet effet épaulée par les premières instances judiciaires du Tribunal de l’Union européenne (1988), et par le Tribunal de la fonction publique (2004).
2.1.2 Le dialogue des juges
La Cour de justice de l’Union européenne veille à ce que l’ordre juri-dique de l’Union européenne soit intégré à l’ordre interne des États membres et impose de facto une primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national à travers son contrôle d’interprétation et d’application de ce droit. Les juges administratifs et judiciaires doivent faire prévaloir la primauté du droit de l’Union européenne, selon les trai-tés de l’Union européenne.
Nous avons vu avec la montée en puissance de la Cour de justice euro-péenne arriver un conflit entre les souverainetés, en effet, l’Arrêt Costa contre ENEL de 1964 vit affirmer le principe de primauté du droit com-munautaire sur le droit national, alors que les États souhaitaient protéger leur identité constitutionnelle. La place de la Constitution est ainsi re-mise en cause face à l’Union européenne une acceptation progressive d’un système moniste fut de rigueur, cela est notamment affirmé par l’Arrêt Solange I & II de 1986 en Allemagne qui mène à l’Arrêt Tanja Kreil de 2000 allant à l’encontre du droit fondamental allemand et autorisant une femme à s’engager dans l’armée en adéquation avec une directive européenne.
La montée en puissance des cours européennes a fait naître le besoin de voir instaurer un dialogue entre les cours européennes, les juridictions nationales, et les cours suprêmes des pays. Le renvoi préjudiciel est l’exemple même d’un cas où le juge national vient demander l’appui de la Cour de justice européenne sur l’application et l’interprétation d’une norme européenne dans le cadre d’un litige. Ce même dialogue peut tou-tefois être source de tension entre les États membre, en effet, l’Arrêt du Consiglio di Stato italien de 2006 vit opposer la vision italienne et alle-mande de la laïcité. Le droit national prend alors de plus en plus d’importance dans l’interprétation du droit de l’Union européenne au travers du dialogue des juges.
2.2 Les crises modernes comme vecteur de fragilisation de l’Union européenne