Histoire de la cryptographie – L’émergence d’une cryptographie militaire en France

Idée: jeu de rôle où on est un time traveller qui voyage entre époques et dimensions
Url de la vidéo cryptée

Introduction: Campagne de Russie
Présentation de la campagne : Au printemps 1812, l’empire napoléonien est à son apogée avec quasiment toute l’Europe continentale sous son contrôle. Accompagné de 600 000 soldats, dont une bonne partie viennent de ses pays vassaux, il se lance à la conquête de la Russie. Mais l’empereur arrive à Moscou sans aucuns succès décisifs et une armée gangrenée par la maladie et la désertion : cela fait planer un vent de révolte, soufflé par les “grognards”. Un gigantesque incendie causé par des sabotages russes, motivé par la “politique de la terre brûlée”, anéantit les ressources françaises, amenant l’empereur à considérer la retraite. Après un mois d’hésitation, Napoléon décide en octobre 1812 de rebrousser chemin mais il est trop tard : l’hiver est là. Les troupes françaises franchissent finalement la Berezina fin novembre mais seulement 100 000 hommes parviennent à rentrer.
Présentation de la crypto pendant la campagne : Durant cette campagne de Russie, les armées de Napoléon faisaient l’usage d’une variante du code de Vigenère(système de chiffrement élaboré par Blaise de Vigenère (1523-1596), diplomate français du XVIe siècle) afin de communiquer. Ce chiffrement relativement basique (même pour l’époque) permettait de dissimuler des informations aux ennemis -voire même aux alliés- de façon limitée en raison de sa simplicité. Il y avait donc plusieurs clés pour déchiffrer les correspondances, une pour chaque destinataire ou groupe de destinataire. Ces clés changeaient fréquemment pour des raisons de sécurité évidentes.
Histoire de la cryptographie: La cryptographie désigne l’ensemble des procédés visant à crypter (encoder) des informations pour en assurer la confidentialité entre l\’émetteur et le destinataire. Cette technique de dissimulation est utilisée depuis l’antiquité (chiffre de César). On a retrouvé aussi des traces d’une recette officieuse de poterie, datant du XVIe siècle avant J.C., en Irak; cela s’apparente à une utilisation archaïque de la cryptographie. Au fil des siècles, la cryptographie passe d’un art à une science exacte, notamment avec le carré de Vigenère utilisé par les armées napoléoniennes.

Problématique, Annonce du plan : Nous verrons donc les impacts de la cryptographie à travers la campagne napoléonienne.
En premier lieu, nous nous appuierons sur la victorieuse, campagne d’Espagne, pour en souligner son apport.
En second lieu, on évoquera la tragique campagne de Russie, illustrant ses impacts négatifs dès lors qu’elle est négligée.

Revenons quelques années en arrière
Nous sommes en

Espagne, 1808

La cryptographie pendant la campagne d’Espagne (novembre 1808 – janvier 1809)

Influence de la campagne d’Espagne sur l’Empire
Contexte: En 1808, l’armée française enchaîne les grandes victoires, comme Wagram et Friedland, qui constitueront ses dernières victoires franches. En parallèle, la monarchie espagnole est en crise. Le roi Charles IV manque d’énergie et est largement tributaire des décisions de son premier ministre, Godoÿ. Dans la nuit du 17 au 18 mars 1817 une émeute populaire éclate, l’émeute d’Aranjuez, et pousse le roi à abdiquer, le 19 mars. C’est un prétexte pour Napoléon, qui place son frère à la tête du pays. Cependant, et contre toute attente de l’empereur, les espagnols n’acceptent pas ce « diktat » et veulent conserver leur liberté. Le soulèvement du « dos de mayo » marque pour les espagnols le début de la guerre. En outre, ce n’est qu’après la défaite de Bailén en juillet et de Vimeiro en août, que Napoléon décide d’intervenir.
Déroulement de la campagne : Napoléon se voit donc contraint d\’intervenir lui-même en Espagne. À cet effet, il renforce considérablement l\’armée d\’Espagne avec une partie de la Grande Armée venue de l’Allemagne et en prend la tête. Celle-ci est donc constituée de 8 corps d\’armée, de la réserve de cavalerie et de La Garde impériale, soit, au total environ 200 000 hommes, dont 120 000 immédiatement disponibles pour les opérations actives que va diriger l\’Empereur. Il entend profiter de la faiblesse du dispositif ennemi et des fautes tactiques des Espagnols pour en finir dans les plus brefs délais. De plus, par excès d’optimisme, l’armée espagnole constituée de seulement 125 000 hommes, compte appliquer une stratégie offensive. Ainsi, à cause de l’insuffisance numérique des forces espagnoles et à des manœuvres habiles, l’armée française avance vite et atteint rapidement Madrid. Cela lui permet de rétablir sa domination sur les régions centrales de la péninsule ibérique.

Transition : Après l’installation d’un prince français à la tête de l’Espagne, et les premières manifestations de la colère populaire, l’armée française doit communiquer de manière sûre pour rétablir son emprise. On verra donc l’impact positif qu’a eu l’utilisation de la discipline.

2. Choix de la méthode de cryptage
Contexte : La guerre étant faite de mouvements de troupes incessants, il est bien difficile de transmettre de façon sûre d\’encombrantes tables chiffrées à chaque État-major. De plus, alors que l\’armée impériale utilisait la télégraphie optique (chaque relais étant visible du suivant) pour ses campagnes précédentes, elle ne peut le faire en Espagne : ces relais seraient bien trop susceptibles d\’être attaqués par la guérilla. Les courriers sont donc transmis par des messagers à cheval; tantôt livrés en clair, tantôt chiffrés à l\’aide d’un code appelé “petit chiffre”: il autorise une cinquantaine de substitutions et ne peut assurer l\’intimité d’un secret au-delà de quelques heures. La mise au point d’un chiffre fut assez rapide grâce à l\’avancée technique due aux découvertes des frères Rossignol durant le règne de Louis XIV, et le chiffre mis au point par leurs soins. Les français avaient donc d\’emblée une bonne maîtrise des procédés de chiffrement.

Explication de cette technique
Le « petit chiffre », plus connu sous le nom de “chiffre de César”, est une technique de chiffrement par décalage. Cette technique est très simple car elle consiste simplement a remplacer chaque lettre du texte clair original par une lettre à distance fixe, toujours du même côté, dans l\’ordre de l\’alphabet. Cette distance fixe est un nombre qui devient la clé de chiffrement. Par exemple, en utilisant une clé de 4, “TPE” devient “XTI”. Les troupes françaises de l\’époque pouvaient utiliser une clé par mot voir une clé par groupe de lettres. Toutes les variables faisaient partie de la clé de chiffrement et il revenait à l\’expéditeur de trouver des moyens ingénieux pour chiffrer son courrier de la meilleure façon possible.
Les raisons de son utilisations sont relativement simple. Premièrement, le petit chiffre était à la pointe de la technologie en terme de cryptographie. C\’était tout simplement une des méthodes de cryptographie les plus avancées de l\’époque. Deuxièmement, c’est une technique avec une rapidité d\’exécution très intéressante. En effet, il suffisait d’utiliser un seul code pour chiffrer puis déchiffrer le message pour en extraire le contenu. C\’était donc une méthode pratique pour des petites correspondances qui doivent tout de même rester secrètes. Le problème surgit donc lorsqu’il s’agit de transmettre un courrier d’une importance capitale.
Les historiens n’ont pas énormément d’informations à propos des effets et impacts du choix de chiffrement durant la campagne. Cela témoigne du fait que la cryptographie a tout simplement fonctionne comme elle le devrait. On sait cependant que, pendant la guerre d’Espagne, un Espagnol trouva moyen de dérober le chiffre de Suchet, et s’en servit pour faciliter à ses compatriotes la reprise de Mequinenza et de Lerida. C’est peut être bien cela qui a fait que Napoléon ne réussit pas à vaincre la résistance espagnole. Il serait logique de supposer que le manque de vitesse des messagers et la simplicité du code ont pu compromettre le transit d’informations.

Conclusion de la partie : Napoléon confessait dans sa cellule à saint Hélène : “Cette malheureuse guerre d\’Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France. J\’embarquai fort mal toute cette affaire, je le confesse ». Bien qu’en 1808, Napoléon réussisse un coup de maître, en établissant un prince français à la tête de la péninsule ibérique sans faire la guerre, jamais il ne réussit à vaincre la résistance espagnole. Accélérée par la défaite de Napoléon en Russie, la chute de l’empire est en partie dûe à la campagne d’Espagne qui dura jusqu’en 1814.

-Transition sur à quoi ressemblerait le monde dans le prolongement de cette campagne

Transition sous forme de vidéo

i. on écrit : « pour voir comment notre monde serait si la campagne napoléonienne était achevée sur ce succès, il vous faut décrypter un URL caché sur le site www.site.com » avec l’accès à une triche qui souligne les indices, et une deuxième triche qui donne directement le lien
ii. Vidéo mettant bout à bout les deux campagnes et qui casse avec l’aspect très textuel du contenu

II. Campagne de Russie (24 juin – 14 décembre 1812)

Influence de la campagne de Russie sur l’empire
Contexte : La campagne de Russie tire ses origines du traité de Tilsit. Napoléon, ayant remporté une bataille décisive à Friedland le 14 juin 1807, rencontre le Tsar Alexandre le 7 juillet pour signer ce qui s’avèrera être une bombe à retardement : alors que la frontière de l’empire russe était atteinte, et qu’aucune armée n’était plus en mesure de la défendre, le vainqueur n’enlève au vaincu aucun territoire et n’exige même pas d’indemnité de guerre. Cela s’apparente à un pari : pour prix de cette paix blanche, Alexandre adhèrera au blocus continental et déclarera la guerre à l’Angleterre si elle s’obstine à refuser tout compromis avec la France. Mais les affaires d’Espagne modifient la situation ; la défaite de Baylen et le soulèvement du peuple espagnol laissent espérer quelques embarras prolongés, de nature à affaiblir Napoléon. C’est ainsi que, petit à petit, les relations franco-russes s’effritent et laissent place à la guerre à partir du 24 juin 1812, et la traversée du Niémen, à l’heure où l\’empire napoléonien est à son apogée avec quasiment toute l’Europe continentale sous son contrôle et 134 départements.
Déroulement de la campagne : A la suite du passage du Niémen, débute une traque de l’ennemi russe par l’armée française, composée de 600 000 hommes et dont la moitié provient de pays vassaux. Évitant soigneusement l’affrontement, le tsar laisse Napoléon s’enfoncer dans les terres jusqu’à Moscou. L’empereur arrive donc dans la capitale sans succès décisifs et une armée gangrenée par la maladie et la désertion à cause d’orages, de canicules, des poux, de la faim, la fatigue (150 000 hommes décédés) : cela fait planer un vent de révolte du côté français, soufflé par les “grognards”. De plus, un gigantesque incendie causé par des sabotages russes et motivé par la “politique de la terre brûlée”, consistant à détruire les ressources, moyens de production, infrastructures, ou nature environnante, anéantit les ressources françaises, amenant l’empereur à considérer la retraite. Après un mois d’hésitation, Napoléon décide en octobre 1812 de rebrousser chemin mais il est trop tard : l’hiver est là. Les troupes françaises franchissent finalement la Berezina fin novembre mais seulement 100 000 hommes parviennent à rentrer.

Transition: Napoléon disait que que le seul moyen d’arrêter une charge de cavalerie serait de leur demander de chiffrer ou déchiffrer des messages.
Pendant cette campagne, la cryptographie tient effectivement un rôle primordial pour garder sa stratégie secrète. De plus, dès lors que la guerre devient une guerre de position, la cryptographie devient d’autant plus incontournable. On verra donc quelle utilisation l’armée française en fit.

2. Cryptographie en Russie

Contexte : On lit dans les Recherches historiques sur l’art militaire du général Bardin que l’usage des chiffres s’était éteint au milieu de la conflagration de 1814, et que, lorsque Napoléon voulut réunir au coeur de l’armée toutes ses garnisons de l’étranger et plusieurs grandes garnisons françaises, c’est en clair français que Feltre et Berthier expédient ses ordres ; aussi, peu de correspondances parviennent à destination, car l’ennemi s’empare de la plupart. Les armées de Napoléon utilisent la variante du code de Vigenère pour communiquer. Le chiffrement permettait de dissimuler des informations aux adversaires, dans une certaine mesure. Mais il faut parfois également dissimuler les mêmes informations à des alliés. Il y avait ainsi plusieurs clés, une pour chaque destinataire. De plus, pour des raisons de sécurité, les clés changeaient de façon régulière. Très vite un problème se posa quand il fallu transmettre les nombreuses clés très souvent .

Explication de cette technique
C’est un jeune conseiller de Napoléon qui proposa une méthode afin de limiter le nombre de clés à transmettre après chaque changement et augmenter la sécurité en cas d’interception de la clé. Cette prouesse lui valu le surnom de « le brave » par l’Empereur! Sa méthode utilisait 2 clés de chiffrement: une clé générale, connue de tous et changée régulièrement, la clé de la variante de Vigenère ; Et une clé spécifique, connue seulement des destinataires concernés, pour chiffrer le Carré de Vigenère. Une seule clé était alors diffusée à chaque changement, mais cette clé seule est insuffisante pour déchiffrer un message. Le fonctionnement du carré de Vigenère était le suivant: La lettre chiffrée se situe à l\’intersection entre la colonne de la lettre “clef” et de la ligne de la lettre claire; par exemple:

Effets/impacts ; Le baron Fain, secrétaire de Napoléon Premier, confie que pendant la guerre de Russie, son supérieur entretenait des correspondances chiffrées avec ses maréchaux. Le tsar Alexandre Premier ne s’en cachait même pas : en 1812, pendant la campagne de Russie, ses services de renseignements interceptent et décryptent extrêmement facilement les correspondances qu’échangeaient Napoléon et ses destinataires. Selon Jacques Patarin, Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines:
“Napoléon Ier n’a pas fait un usage très impressionnant de la Cryptographie.” Napoleon dit, un jour, que le seul moyen d’arrêter une charge de cavalerie est de leur demander de chiffrer ou déchiffrer des messages. Cela lui a parfois causé des problèmes, comme lors de la campagne de Russie, où les Russes pouvaient lire les messages français puisqu’ils étaient bien souvent non ou mal codés.

Conclusion de la partie : La Bérézina marque donc un tournant pour Napoléon et on ne peut pas nier l’influence de la cryptographie dans ce qui marqua une étape cruciale dans la chute de l’empire.

Conclusion
Cryptographie rôle majeure dans les campagnes militaires
À l’instar de campagne d’Espagne ; issue positive quand utilisation consciencieuse et précautionneuse dans laquelle les techniques et clés ne finissent pas entre les mains des ennemis
A l’instar de campagne de Russie ; issue négative quand utilisation négligente, qui dévoile les stratégies et mène à la déroute
Son utilisation s’étend du domaine militaire, à la vie privée en passant par le commerce. On assiste à une démocratisation extrêmement rapide avec le XXe siècle et le développement de l’informatique, sans parler de l’avancée fulgurante des méthodes durant le XXIe siècle. Aujourd’hui, la cryptographie est une science très avancée, exacte et automatisée comparée à la cryptographie de Napoléon manuelle, lente et moins sécurisée.

« Peut-être, le sort de la France et la face de l’Europe ont-ils dépendu de la désuétude de la cryptographie ! » dit Bardin dans son Dictionnaire de l’Armée de Terre. Dans ses recherches historiques sur l’art militaire, le général pointe du doigt cette utilisation négligée et nous laisse nous interroger sur le découpage de l’Europe qu’aurait impliquée une victoire française en Russie…