Dissertation sur les Fables de La Fontaine

A l’epoque du Classissime, période artistiquement riche, les créateurs se trouvent sous le règne de Louis XIV qui n’autorise aucune liberté d’expression et se voient contraints de manier leur art pour être entretenus. C’est dans ce contexte que naît Jean de La Fontaine. Inspiré des fables de l’antiquité et du moyen âge, de l’art de l’apologue en général, l’auteur reprend ce genre populaire en écrivant Les Fables de 1668 à 1694, repartis en douze livres. Ces “fictions animales et humaines”, mettant en scène végétaux, humains, animaux et parfois objets, rencontrent à la fois admiration, succès mais aussi critiques. Le fabuliste dépeins à sa manière la nature humaine, ses vices et névroses. Il écrit : « Les fables contiennent des vérités qui servent de leçons ». Mais les fables ont-elles uniquement une visée didactique et moraliste ? Nous nous demanderons alors quel était le but de La Fontaine en écrivant et publiant ses fables. Selon le principe du « placere docere » nous prouverons, Dans un premier temps, l’apprentissage apporté par les fables, puis, nous aborderons le rôle de divertissement que présente le recueil pour enfin, en dernier temps, apporter un commentaire sur la notion de vérité décrite dans récits du fabuliste.

La visée didactique des fables est tout d’abord marquée par la vision satirique de la société et de la nature humaine. Dans Les obsèques de la lionne, La Fontaine dénonce le système de cour. Cette critique implicite est visible dès les premiers vers par le verbe « s’acquitter ». L’auteur décrit la désolation des courtisans comme un devoir et insiste sur leur exagération de la tristesse par l’emploi du mot « surcroît ». Par l’adverbe « aussitôt » placé en tête de phrase, La Fontaine met en doute leur sincérité. L’exemple précis du cerf symbolise le changement soudain de comportement de la cour. L’animal est sauvé par l’hypocrisie aux derniers vers. Dans Les grenouilles qui demandent un roi, La Fontaine critique de nouveau les courtisans en leur prêtant l’image de grenouilles. L’auteur reproche ici les critiques et les dénonciations de la cour au premier vers « se lassant de l’Etat démocratique ». Le monarque est aussi blâmé au vers 5 « Un roi tout pacifiste » et au vers 14 « c’était un soliveau ».

Mais l’apprentissage des fables est aussi apporté par les conseils donnés par l’auteur. En effet, par la critique des vices humains, La Fontaine montre l’attitude à adopter. Il montre la

voie aux lecteurs par diverses interventions tout au long de son discours. Dans Les obsèques de la lionne, l’auteur pointe du doigt l’antithèse aux vers 19-20 : « être » rime avec « paraître ». Il met en avant le problème de distance entre ressenti et extériorisé. Au vers 18 l’auteur montre par l’antithèse « triste, gai » et le chiasme le changement d’attitude. Le rythme binaire marque bipolarité du comportement de la cour. La présence de la morale détachée marque aussi la volonté de La Fontaine de conseiller le lecteur. Dans L’Avantage de la science, ce rôle de conseiller est marqué dans la morale par la présence de l’impératif « laissez » et du rythme binaire. L’asyndète et le présent de vérité générale « a » montrent la loi énoncée comme une évidence. Dans Les obsèques de la lionne, la certitude de La Fontaine est marquée aux vers 53 à 55 par l’adresse directe au lecteur par le pronom « vous » et l’utilisation de l’impératif et du futur « flattez », « ils goberont ».

La visée didactique des fables est donc marquée par différentes manières de critiquer la société et la nature humaine. Ces critiques sont des exemples à ne pas suivre. La Fontaine conseille et montre la bonne voie aux lecteurs dans la morale. Mais les fables ne sont pas écrites seulement dans un but didactique, elles possèdent aussi une fonction esthétique et divertissante.

La Fontaine n’est pas un donneur de leçons. Les fables n’ont d’ailleurs pas l’allure d’une sorte de parénèse : En recourant au comique, et afin de ne pas ennuyer le lecteur , il tourne les obligations et bonnes mœurs societales en ridicule. C’est grâce à la confusion entre differents mondes (animal, végétal, etc), qui peut sembler compliquer le récit, que La Fontaine élargira le champ des possibles quant au jeu de l’usage des mots et de ce qu’ils revêtent . Ainsi, il pourra s’attaquer aux vices. En prenant pour exemple les caricatures descriptives comme celles du Renard «serrant la queue, et portant bas l’oreille» ou encore celle du Héron « au long bec emmanché d’un long cou» ainsi que l’usage du comique gestuel avec L’âne «se vautrant, grattant, et frottant», mais aussi la description caractèrielle satirique comme la colère du Roi Lion ou les minauderies du « peuple singe », il affirmera sa pensée et son désir de plaire, revendiqué dans sa préface : «On ne considère en France que ce qui plaît ; c’est la grande règle et pour ainsi dire la seule», tout en n’abimant pas sa situation, sa place. C’est donc la manière de dire les choses qui les rend légères ou sérieuses.  Aussi, contrairement aux fables initiées par Esope, le dialogue est présent dans les fables de la fontaine comme dans le corbeau et le renard : «Le renard s’en saisit et dit : Mon bon Monsieur…». Le lecteur, directement impliqué dans le récit aux airs de contes, découvre alors intimement les divers personnages, leurs particularites physiques, psychiques ou encore sociales et peut alors epprouver quelques sentiments envers ces acteurs, qu’ils soient de l’ordre du rejet, de l’identification ou de la complicité. La distraction à travers l’apparente fiction se fraye alors un chemin au sein de la réflexion humaine.

Les fables possèdent donc une double fonction ; didactique mais aussi plaisante. Cet enrichissement rend les fables moins arides et permet d’avertir les hommes sur leurs possibles travers. Mais la morale des fables est-elle sous la coupe de la bienséance ou, au contraire, propre à l’humain et donc soumise, elle aussi, au dépend d’une vérité totale ?

Afin d’apporter la réflexion à la visée moraliste des fables, nous noterons que l’auteur ne prend pas toujours le parti du considéré bien. Dans Le corbeau et le renard, La Fontaine prend le parti du renard qui flatte le corbeau dans la morale : « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Ainsi, dans Les obsèques de la lionne, La Fontaine conseille la « sage » hypocrisie par l’exemple du cerf sauvé car sachant jouer avec les signes extérieurs.
L’auteur dans cette même fable va pratiqement prôner le mensonge, ici utilisé par le cerf qui imite le discours du roi : le mot « mensonge » rime avec « songe », montrant une valorisation de cette action. Il pourrait presque etre comparé à une arme avec pour qualificatif « appat ». Les vices humains, mis en exergues dans la morale, sont eux même utilisés pour dicter cette morale.

Pour conclure, en ayant pour fondement le « placere docere », c’est à dire la manière de guider, d’enseigner tout en divertissant, à l’aide des mots, d’incarnations du réel à travers l’allégorie et du maniement du songe, La Fontaine apporte une morale à la morale. Si les vices sont à remettre en question, il ne sont pas forcement à absoudre mais plutôt à intégrer et conscientiser afin d’apporter l’honneteté en soi. Cette adaptation au réel fait cause commune avec le theatre de Molière et ses représentaions du rôle tyrannique de l’amour-propre et de sa complaisance.