Bhoutan (Kingdom of Bhutan)

Le Bhoutan, de son nom local Brug-yul « Terre du dragon », est une petit confetti monarchiste coincée entre les deux géants, que sont la Chine et l’Inde. En 2018, sa superficie est de 38 394 km², sa population dépasse les 812 000 habitants et sa devise est « Une nation, un peuple ». Dans les années 70, ce pays a préconisé via son roi un nouvel indicateur de performance : le BNB Bonheur National Brut.

Au-delà de son appellation originale et amusante, le Bonheur national brut est un indice de richesse sérieux. Cet indicateur, instauré par le roi Jigme Singye Wangchuck en 1972, se base sur quatre principes fondamentaux, qui sont des piliers du développement durable :
• La protection de l’environnement
• Une bonne gouvernance qui se doit responsable
• Un développement économique durable, corrélée à une croissance économique responsable
• La préservation de la culture (conservation et promotion de la culture bhoutanaise)

Il s’agit donc d’associer à une croissance traditionnelle des notions de durabilité et de bien-être, afin de vivre en harmonie avec les valeurs bouddhistes et de ne pas prendre uniquement en compte les éléments économiques d’un pays (comme c’est essentiellement le cas pour le PIB). Aucun autre pays ne mesure son BNB, c’est une spécificité. Toutefois, la volonté de développer un indicateur du bonheur propre à tous les pays est progressivement apparue, et, en 2011, l’OCDE a créé le BIB (Bonheur Intérieur Brut).

Au Bhoutan, le bien-être spirituel et émotionnel est donc une priorité, c’est le fondement du BNB.
Le Bouddhisme n\’est pas seulement une religion, c\’est une manière de vivre et d\’agir au quotidien. Concrètement, le mode de vie est donc totalement différent de ce à quoi nous sommes habitués.
Tout d’abord, concernant le 1e pilier, ils ont une doctrine : Vivre en harmonie avec la nature.
La constitution bhoutanaise, avec l’appui de la Commission pour l\’Environnement (NEC), stipule clairement que 60 % du Royaume doit rester « boisé pour l’éternité ». Comme on peut le voir dans le reportage Arte sur le Bhoutan, les habitants doivent respecter des normes très strictes quand ils construisent une maison : un nombre maximal d’arbres à abattre, la variété d’arbres à utiliser qui diffère selon l’utilisation (chauffage, construction, etc.). Tous les parcs nationaux dans lesquels vivent les populations sont protégés, même celui qui abriterait le fameux Yéti, ou abominable homme des neiges, auquel les Bhoutanais croient fermement. Les paysans utilisent du compost ou des feuilles comme fertilisant

naturel. De même, rien ne se boit ni ne se mange sans avoir fait auparavant une offrande aux dieux. Enfin chaque aliment est choisi de façon éthique. Ensuite, le 2nd et le 3e pilier s’illustrent par les mesures importantes prises par les autorités : elles imposent un jour piéton (jeudi) pour interdire les voitures en ville et inciter la population à faire de l’exercice. Le pays se protège aussi du tourisme de masse. Les autorités avec le TAB (Tourism Authority of Bhutan) ont instauré un quota de 100.000 touristes par an. Et chaque touriste doit obligatoirement dépenser 250 dollars par jour. Il s’y engage et doit même régler cette somme d’avance. Les villes sont préservées des influences extérieures. Même dans la capitale Timphou, il n’y a rien qui dénature le paysage ou le patrimoine : aucun building, panneau publicitaire ou sac de plastique, aucun Mac Donald, pas de stade, une interdiction totale de vendre des cigarettes, etc. Enfin, on constate une croissance économique responsable avec l’ouverture aux échanges internationaux : 85% de l’hydroélectricité, grande richesse du pays, est ainsi exporté en Inde.
La prudence et la mesure qui caractérisent les orientations politiques bhoutanaises se retrouvent aussi dans la défense de la culture. Ainsi le patrimoine culturel du pays est fortement valorisé par ses artistes qui s\’expriment librement. D’ailleurs, beaucoup de bhoutanais étudient et vivent d’une profession artistique. Une des caractéristiques les plus surprenantes sont les phallus géants qui ornent les maisons, afin d’encourager la prospérité et la fertilité et d\’éloigner le \”mauvais œil\”. Ensuite, les maisons nouvellement construites doivent présenter des caractères architecturaux qui s\’accorde avec le style du pays. Pour finir, l\’arrivée de la technologie a permis l\’informatisation de l\’inventaires des biens culturels et religieux ainsi que du catalogue de la bibliothèque nationale. Un logiciel de dzongkha, la langue nationale, existe même. On voit donc que le défi de vouloir l\’équilibre entre développement et traditions caractérise aujourd\’hui le Bhoutan.
Partie 2 : Justification personnelle (10 % de la note)

Depuis que j’ai eu connaissance de cette petite monarchie et de leur fameux indicateur de BNB, dont on ne parle que trop peu, je rêve de découvrir cette culture si particulière et ce pays si fascinant.
Non seulement c’est un pays à très forte identité culturelle mais en plus, en se démarquant ainsi, il apporte un nouveau regard sur le monde et donne à tous les autres pays une belle leçon de vie.

Le Bhoutan est un véritable modèle : un exemple de vertu avec des valeurs nobles telles que le respect de la nature, le partage, l’entraide, la joie de vivre ; un modèle humaniste avec une pensée qui place l’humain au centre des priorités et non l’économie, et un parfait exemple de non conformisme : ils adoptent une toute autre perspective pour appréhender le monde. C’est une approche originale de la richesse, centrée sur la protection de l\’environnement et le bien-être. On peut également dire que c’est un modèle d’audace : Qu’un si petit pays, coincé entre deux grandes puissances, ose se différencier considérablement de tous les autres États, est chose admirable !

Enfin le Bhoutan parvient à concilier une vision traditionnelle qui s’exprime par la volonté de protéger la culture bhoutanaise et de vivre heureux dans un environnement préservé, avec une approche visionnaire et consciente des problématiques actuelles. Ils se sont par exemple fixé l’objectif de vivre en 2020 d\’une agriculture \”100 % biologique\”, en supprimant progressivement tous les produits chimiques.
Le Bhoutan souhaiterait également développer les véhicules électriques. De même, c’est le seul pays au monde au bilan carbone négatif, c’est à dire qu’il dégage moins de CO2 qu’il n’en consomme ! Cette vision innovante apporte un souffle nouveau et bouleverse nos cadres mentaux habituels et nos certitudes.

Ainsi, rares sont les pays qui arrivent à la cheville de singularité du Bhoutan. Et c’est pourquoi je souhaite mettre sous le feu des projecteurs ce pays inconnu et si ravissant, qui a longtemps évolué en vase clos. Un pays dorénavant riche en bonheur et en idées (BNB) et où modernité et tradition s’entrechoquent.

Partie 3 : Analyse objective et argumentée (60 %)

Le Bhoutan peut aisément s’analyser par le biais des approches théorique vues en cours.
Tout d’abord, commençons par l’approche d’Hofstede et ses 4 principales grilles d’analyse.

Distance hiérarchique : 94 Le Bhoutan a une structure sociétale très hiérarchisée. Cela signifie que les gens acceptent un ordre hiérarchique dans lequel tout le monde a sa place et qui ne nécessite aucune justification.
En effet, le pays connaît des inégalités, cependant elles ne sont pas perçues comme des injustices par la population. Les Bhoutanais attendent et acceptent que le pouvoir soit distribué de manière inégale car pour eux, les choses sont ainsi. Par exemple, les bhoutanais craignent la démocratie, cela leur semble étrange et dangereux vis à vis de leurs acquis. Ils idolâtrent leur roi et leur reine et ne voudraient en aucun cas les destituer de leur pouvoir. Pour preuve, toutes les jeunes filles suivent leur reine sur Instagram et la considèrent comme le modèle à suivre !! De même, dans le monde du travail, les subordonnés ont une attitude plutôt passive et s’attendent à être informés de ce qu’ils doivent faire. Enfin, la religion qui est un système de renforcement des valeurs, est partout présente dans la société. Ce qui accentue cette distance hiérarchique. Par exemple, dans les entreprises, les employés s’habillent avec le vêtement traditionnel.

Masculinité : 32 Une société très féminine. Tout d’abord, on retrouve énormément de valeurs féminines dans la société bhoutanaise telles que : l’éducation et les soins pour tous (en effet, l’ensemble de la population a accès gratuitement aux hôpitaux et à l’école publique), l’accès au travail pour les femmes, l’écoute, le respect des autres et le partage, le goût de la médiation et de la concertation. Par exemple, chaque journée d’école débute par une séance de méditation matinale. On retrouve également une valeur très féminine qui est l’empathie avec l’environnement naturel. Cette valeur est véritablement ancrée dans leurs us et coutumes et toute leur vie est organisée autour du respect de la flore et de la faune.
En revanche, les valeurs masculines telles que l’ambition, l’indépendance, la compétitivité sont vraiment en infériorité. En second lieu, on constate que les rôles sont peu différenciés et interchangeables. Hommes et femmes sont égaux. D’ailleurs il n\’y a pas de système de dot et les femmes héritent au même titre que les hommes. Elles gardent leur nom et leurs biens après le mariage. Pour les bhoutanais, il est même préférable de mettre au monde une fille qu’un garçon, car ces dernières ont la réputation de mieux s’occuper de leurs parents en fin de vie. L\’indépendance et la force de caractère des femmes bhoutanaises sont d’ailleurs une caractéristique très intéressante de cette société.

Collectivisme : 52 : Cette dimension concerne le degré d\’interdépendance entre les membres du Bhoutan, s’ils raisonnent en termes de « je » ou de « nous ». Or on voit que le Bhoutan est en situation ambiguë. On retrouve des aspects collectifs tels que l’importance de l’État qui paye les services de soins et d’éducation, le respect des anciens, ainsi que l’importance des rassemblements collectifs, notamment lors des compétitions de tirs à l’arc. En effet ce sport n’est pas uniquement un passe-temps, il est aussi une véritable activité sociale. Les hommes se défient entre villages voisins et les femmes dansent et chantent pour encourager leurs équipes. Elles n’hésitent pas non plus à se moquer des adversaires pour les déstabiliser. Mais on retrouve également des aspects individualistes avec la philosophie que chaque individu est libre, qu’il ne doit rien à sa famille, qu’il a sa propre personnalité et ses aspirations personnelles. On constate que cela dépend aussi du niveau d’urbanisme. En effet, à la campagne, on vit en famille élargie tandis que dans les villes, la tendance est à la famille nucléaire. Le Bhoutan est un pays au système matrimonial et familial très tolérant. Le mariage peut prendre des formes diverses : monogamie, polygamie, polyandrie… En effet, le mariage n\’est pas un sacrement et le divorce a toujours existé.

Contrôle de l’incertitude : 28 Les bhoutanais veulent préserver leurs traditions, mais ils ne sont pas du tout inquiets vis à vis de l’avenir, ils ne cherchent pas à contrôler leur destinée car ils vivent l’instant présent. C’est d’ailleurs dans la quête du bonheur instantané que le bouddhisme prend tout son sens : les habitants ne possèdent presque rien mais ils ne manquent de rien. Et ils ont conscience que tant qu\’ils ne voudront pas trop de choses, ils n\’auront à s’inquiéter de rien… ce qui est totalement à l\’opposé de notre culture et de notre propre vision du bonheur, essentiellement basé sur la consommation et le matérialisme. Dans un reportage de l’émission « Faut pas rêver » une none explique : \”Si vous avez la chance d\’étudier les écritures comme nous l\’enseigne Bouddha, si vous pratiquez, alors vous ne serez jamais en peine ou en manque de quoi que ce soit, de nourriture ou des autres nécessités de la vie, c\’est la vérité et je crois que je ne manquerai jamais de rien\”.

Ensuite pour compléter notre analyse de la société bhoutanaise, nous allons sélectionner deux dimensions complémentaires développées par Trompenaars :

Culture totalement diffuse : Les bhoutanais n’ont pas tendance à compartimenter leur vie, il n’y a pas de séparation hermétique entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Bien au contraire, ils s’investissent pleinement dans leurs relations, quelles qu’elles soient. Par exemple, la religion est partout présente, aussi bien sur le plan personnel, que professionnel ou amical. Le paysage est rempli de références à leurs croyances, l’atmosphère en est imbibée. C’est très différent des pays occidentaux, où la religion est restreinte à la sphère privée et aux institutions appropriées. De plus, les rituels ne sont pas uniquement adressés aux êtres humains, ils le sont aussi à l’environnement car si la nature est heureuse, le dieu le sera aussi : tous les éléments sont diffus et ils dépendent tous les uns des autres.

Affectivité : la société bhoutanaise encourage l’expression des émotions et on voit que les habitants sont très expressifs, ils respirent la joie de vivre. Les Bhoutanais sont d’ailleurs des bons vivants qui ont un sens de l\’humour aiguisé et paillard. Par exemple, la consommation d\’alcool est très importante aussi bien chez les hommes que chez les femmes. De même de grandes fêtes religieuses ont souvent lieu. C’est l’occasion de renouveler sa foi en regardant les danses sacrées mais aussi de rire aux pitreries obscènes des clowns. Sacré et obscène coexistent toujours au Bhoutan et les gens ne se cachent pas de s’en amuser. Ces fêtes sont même l’occasion pour les jeunes de se rencontrer et de flirter devant des parents amusées et indulgents.
Enfin, nous allons tenter d’analyser le Bhoutan et son modèle du BNB par l’approche de D’Iribarne. Selon moi, le Bhoutan est trop spécifique pour se cantonner à l’une des trois logiques. Cependant celle qui serait la plus appropriée au modèle bhoutanais serait celle de l’honneur. Comme mentionné auparavant, c’est la religion bouddhiste, religion d’État, qui dicte le système hiérarchique. Ainsi chacun est guidé par le respect de ces valeurs et la volonté d’agir noblement. Les bhoutanais sont ainsi d’une douceur et d’une gentillesse incroyable au quotidien. De même, pour exprimer, leur attachement aux valeurs bouddhistes, les écoliers portent tous l’habit traditionnel et d’innombrables adultes continuent à le porter aussi.