Indicateurs de performance financière des banques

Un seul mot permet de caractériser les organisations rentables et viables : il s’agit de la performance. Toutes les stratégies menées au sein d’une organisation ont pour point de rechute la performance. Cette notion est au cœur des préoccupations des dirigeants des organisations, surtout les acteurs de la gouvernance chargés de la définition des stratégies et de leur mise en œuvre. Les organisations, comme les firmes classiques, se réfèrent aux mécanismes par lesquels les divers apporteurs de ressources peuvent s’assurer que ces dernières seront utilisées dans la poursuite des objectifs retenus (Labie, 2001). Ce chapitre est subdivisé en deux sections qui parlent respectivement de la performance, la gouvernance et l’impact des mécanismes de gouvernance sur la performance des IMF.
SECTION 1 : La performance
Dans cette section, nous aborderons la notion de la performance, les différentes dimensions de la performance, la performance dans les IMF et leurs outils de mesures.
1.1. Notion et dimensions de la performance
Le concept de performance est couramment utilisé tant dans la littérature que dans les milieux organisationnels pour désigner un certain niveau d’excellence. Il reste, cependant, relativement ambigu dans la mesure où il est très galvaudé dans le langage courant. Par ailleurs, bien qu’il soit largement utilisé, il ne fait pas l’unanimité autour d’une définition et d’une mesure précise ; celles-ci dépendent, en effet, de l’objectif visé, de la perspective d’analyse choisie ainsi que du champ d’intérêt de son utilisateur (Zineb, 2017). Dans le langage courant, la performance renvoie à quatre significations majeures : les résultats de l’action, le succès, l’action (la performance désigne simultanément les résultats et les actions mises en œuvre pour les atteindre) et la capacité (la performance renvoie à un potentiel). Machesnay (1991) va dans le même sens en affirmant que : « la performance de l’entreprise peut se définir comme le degré de réalisation du but recherché ». La performance peut être considérée comme un ‘’attracteur étrange’’ dans sa capacité à absorber plusieurs traductions : économique (compétitivité), financière (rentabilité), juridique (solvabilité), organisationnelle (efficience) ou encore sociale.
La définition de Bourguignon (2000) s’applique autant à l’organisation qu’à l’individu : « est performant(e) celui ou celle qui atteint ses objectifs ». Bouquin (2004) fait intervenir les résultats prévisionnels à comparer aux résultats attendus. Il identifie ainsi trois dimensions pour la mesure de la performance : l’économie (minimisation des coûts), efficience (maximisation des résultats par l’utilisation rationnelle des moyens) et l’efficacité (capacité à produire les résultats attendus).
Figure
1 : Problématique générale de la performance

Source : Bouquin (2004)
Dans la pratique on constate que la performance est un mot-valise, un concept flou et multidimensionnel qui en définitive ne prend de sens que dans le contexte dans lequel il est employé. En fonction du contexte, l’évaluation sur un aspect de la performance pourra être suffisante, alors que dans d’autres cas il sera préférable de travailler sur une notion de performance multicritères qui inclut la performance économique, la performance financière, la performance des processus, la performance sociale, etc…
1.1.1. La performance stratégique
Appelée aussi la performance à long terme, elle est garante de la pérennité, intègre le maintien de la distance avec les concurrents et utilise un système d’excellence comme indicateur de mesure. Les facteurs nécessaires pour sa réalisation sont entre autres : la croissance des activités, une stratégie bien pensée, une culture d’entreprise dynamique, une forte motivation des membres de l’organisation ou système de volonté visant le long terme, la capacité de l’organisation à créer de la valeur pour ses clients, la qualité du management et du produit pour les clients, la maîtrise de l’environnement(Marmurse, 1987 ; barette et bérant, 2000). Saulquinet et Schier (2007) ajoutent à cette liste la prise en compte de la responsabilité sociale de l’entreprise.
1.1.2. La performance concurrentielle
Liée au milieu concurrentiel de l’organisation, elle intègre le développement de nouvelles formes d’avantages concurrentiels par anticipation/construction des règles du jeu qui prévaudront dans l’avenir. Elle matérialise le succès qui résulte non seulement des seules actions de l’organisation, mais aussi de ses capacités à s’adapter, et même à approprier les règles du jeu concurrentiel dans son secteur d’activités. Cette performance repose sur la logique, selon laquelle l’atteinte d’un résultat donné dépend de la nature des systèmes concurrentiels et surtout les modes de compétition et de l’intensité de la lutte concurrentielle entre les forces en présence. Dans cette logique, les entreprises ne peuvent valablement saisir des opportunités de performance que si elles sont capables de déceler de façon claire les caractéristiques changeantes des systèmes concurrentiels et des forces concurrentielles liées à chacune de leurs activités, d’anticiper les changements du jeu concurrentiel par la politique de différenciation, de construire si possible les règles du jeu qui prévaudront dans l’avenir. Guéret-Talon et Lebraty (2006) font remarquer que cette anticipation doit être permanente pour garantir la performance durable de l’entreprise.
1.1.3. La performance organisationnelle
Elle est relative à l’efficacité de la structure organisationnelle (Kalika, 1988 ; Kakplan et Norton, 1992, 1993 ; Morin et al. 1994), elle est la manière dont l’entreprise est organisée pour atteindre ses objectifs et la façon dont elle parvient à les atteindre. Elle intègre des indicateur variés tels que la qualité du produit et du service, la mobilisation des employés, le climat social de travail, la productivité, la satisfaction de la clientèle, etc. Kalika considère la performance organisationnelle comme une performance portant directement sur l’efficacité de la structure organisationnelle et non pas sur ses éventuelles conséquences de nature sociale ou économique. Les facteurs qui permettent d’apprécier cette efficacité organisationnelle sont : le respect de la structure formelle, les relations entre les composantes de l’organisation, la qualité de la circulation de l’information, la flexibilité de la structure. Kombou et Ngokevina (2006) y ajoutent l’influence du pouvoir du dirigeant.
1.1.4. La performance économique et financière
Elle est attribuable à des facteurs non financiers comme la loyauté des clients, la satisfaction des employés, les processus internes et le degré d’innovation de l’entreprise Cumby et Conrod (2001). Elle est relative à la survie de l’entreprise et mesurée par la rentabilité des investissements et des ventes, la profitabilité, la productivité, le rendement des actifs, l’efficacité, etc. Elle intègre la création de valeur pour le client et l’actionnaire et la satisfaction des investisseurs (Chakravarthy, 1986). Ayant trait aux coûts, cette performance est mesurée par des indicateurs quantitatifs. L’aspect économique et financier de la performance est resté pendant longtemps, la référence en matière de performance et d’évaluation d’entreprise. Même si elle facilite une lecture simple du pilotage de l’entreprise, la dimension financière de la performance, elle seule, n’assure plus la compétitivité de l’entreprise.
1.1.5. La performance commerciale
Appelée aussi la performance marketing, elle est liée à la satisfaction des clients de l’entreprise. Il apparait difficile de séparer nettement la performance commerciale des différents types de performance déjà développés. La raison est que ces différents types de performance s’inscrivent, d’une manière ou d’une autre, dans la raison d’être de toute entreprise, c’est-à-dire la satisfaction des clients (Zineb, 2017). Même si les priorités d’objectifs et d’actions diffèrent selon le type de performance privilégié, le but généralement visé par toute entreprise, est de donner satisfaction aux besoins des clients en vue d’en tirer des profits. La satisfaction doit être une préoccupation permanente des dirigeants du fait qu’elle constitue un pilier de la pérennité financière de l’entreprise (bughin, 2006 ; Ngobo et Ramaroson, 2005; Sin et Tse, 2000). La performance commerciale peut être mesurée par des critères quantitatifs tels que la part de marché, le profit, le chiffre d’affaires et qualitatifs tels que la capacité à innover pour le client, la satisfaction des consommateurs, leur fidélité, leur perception de la qualité et de la réputation de l’entreprise (Furrer et Sudharshan, 2003).
1.1.6. La performance humaine et sociale
Elle représente les relations sociales ou humaines dans l’entreprise. Elle résulte pour J.M. Descarpentries du rassemblement de collaborateurs motivés, compétents et communiquant bien entre eux par le moyen d’une langue et de valeurs communes (culture). Elle dépend des politiques de gestion du personnel, concerne l’état des relations sociales ou humaines d’entreprise et traduit la capacité d’attention de l’entreprise au domaine social. Elle est un concept central de la recherche en éthique des affaires (Igalens et Gond, 2003). Facteur déterminant du bon fonctionnement des organisations modernes, cette performance est mesurée selon Marmuse (1997) par la nature des relations sociales. Barraud-Didier et al. (2003) soulignent que la compétitivité de l’entreprise et la recherche de l’excellence passent par la création de structures et de systèmes de gestion favorisant l’initiative et la créativité des ressources humaines.

1.2. La performance des IFI
Dans le cadre de la microfinance, la littérature se focalise sur les dimensions sociale et financière pour expliquer la performance des IFI.
1.2.1. La performance sociale et ses instruments de mesure
La PS est définie par la Social Performance Task Force (SPTF, 2011) comme la traduction effective dans la pratique de la mission d’une institution de finance inclusive en lien avec des valeurs sociales communément acceptées qui fixent de servir un nombre croissant de personnes exclues, d’améliorer la qualité et l’adaptation des produits et service, de créer des bénéfices pour les clients et d’améliorer la responsabilité sociale d’une IFI. Les IFI passent à travers la gestion de la performance sociale, l’utilisation des résultats obtenus afin de mesurer l’atteinte des objectifs.
Les Normes Universelles rassemblent, dans un manuel exhaustif, de bonnes pratiques, qui sont appliquées avec succès, dans l’ensemble du secteur, afin de clarifier et de normaliser la gestion de la performance sociale. Les Normes Universelles se déclinent en six (6) dimensions, chacune d’entre elle regroupant plusieurs indicateurs. Ces Normes énoncent la manière dont une institution devrait gérer sa performance sociale. En autre, chaque norme se concrétise par plusieurs pratiques essentielles, qui décrivent, dans le détail, la façon de la respecter. Les dimensions de la performance sociale selon les normes universelles sont consignées dans le tableau suivant :

Tableau 6 : Dimensions et normes de la performance sociale
D1 : Définir et suivre les objectifs sociaux 1a. Stratégie sociale
1b. Reporting de données sur les clients
D2 : S’assurer de l’engagement du Conseil d’Administration, de la Direction et du Personnel en faveur des objectifs sociaux 2a. Engagement du Conseil d’Administration
2b. Volonté de rendre compte de la mission sociale
2c. Mise en œuvre de la stratégie
D3 : Concevoir des produits, services, modèles de prestations et canaux de distribution qui répondent aux besoins et préférences des clients 3a. Besoins et préférences des clients
3b. Bénéfice pour les clients
D4 : Traiter les clients de manière responsable 4.a Prévention surendettement
4b. Transparence
4c. Traitement équitable et respectueux des clients
4d. Confidentialité des données client
4e. Mécanismes de résolution des plaintes
D5 : Traiter les employés de manière responsable 5a. Politique de Ressource Humaines ( RH)
5b. Communication des conditions d’emploi
5c. Satisfaction des employés
5d. Taux de croissance
D6 : Equilibrer la performance financière et la performance sociale 6a. Taux de croissance
6b. Alignement des objectifs
6c. Bénéfices
6d. Rémunération
Source : Wardle (2014)
Etant axé sur les systèmes et processus organisationnels, l’outil SPI (Social Performance Indicator) crée en 2001 par CERISE et ses partenaires déterminent la couverture des pauvres par des moyens indirects plutôt que par une évaluation au niveau des clients. Il analyse la déclaration de mission, l’engagement du conseil d’administration et du personnel et les méthodes de ciblage pour déterminer approximativement si les clients pauvres sont effectivement servis. Au lieu d’analyser le renforcement de l’autonomie des clients au niveau des ménages et de la communauté, il évalue leur capital social et politique en examinant leur participation à la prise de décisions de l’IMF, et la transparence des opérations financières. L’intérêt de cet outil réside dans le fait qu’il est facile à utiliser et qu’il peut être administré par l’IMF.
L’outil SPA (Social Performance Assessment) de la performance sociale a été élaboré par Woller, avec un financement de l’USAID. Cet outil utilise un tableau de notation comportant une série d’indicateur sur six (6) dimensions de la portée : étendue, degré, viabilité, gamme, coût et valeur pour les clients et la communauté (Schrener, 2002).
Il est plus facile selon Hartarska(2005), Hartarska et Nadolnyak (2007) et Tchuigoua (2012) d’appréhender la performance sociale sur deux dimensions : le ratio de coût par emprunteur ou le nombre d’emprunteurs actifs qui permet de connaître le nombre total des personnes qui ont eu accès au crédit et le montant moyen du crédit encore appelé taille du crédit permettant de se prononcer sur la catégorie sociale (les riches, les pauvres) à laquelle l’IFI accorde plus de crédit. Une IFI performante est celle qui est en mesure de servir au marché des produits financiers de qualité accessibles à un grand nombre de clients au sein de sa clientèle ciblée.
1.2.2. La performance financière et ses instruments de mesure
Pour développer le secteur de la microfinance, l’accent a été porté davantage sur la performance financière. Les indicateurs les plus pertinents qui, pris ensemble donnent une vue d’ensemble raisonnable sur la performance, le niveau de risque et la situation financière d’une institution de microfinance ont été regroupés en quatre catégories principales : qualité du portefeuille, efficacité et productivité, gestion financière et rentabilité.
1.2.2.1. Mesure de la qualité du portefeuille
La source de risque la plus importante pour une institution financière réside dans son portefeuille de crédits. Non seulement le portefeuille de crédit est l’actif le plus important pour une IMF, mais en outre, la qualité de cet actif ou le risque qu’il pose pour l’institution est assez difficile à mesurer. La mesure la plus couramment utilisée pour la qualité du portefeuille dans l’industrie de la microfinance est le Portefeuille à Risque (PaR) qui mesure en fait la partie du portefeuille qui est contaminée par les impayés en pourcentage du portefeuille total.
1.2.2.2. Mesure de l’efficacité et de la productivité
Les indicateurs d’efficacité et de productivité sont des mesures de performance qui montrent la manière dont les institutions rationalisent le traitement de leurs opérations. Les indicateurs de productivité reflètent la quantité d’output par unité d’input, alors que les indicateurs d’efficacité prennent en compte, en plus du coût des inputs, le prix des outputs. Quatre indicateurs ont été retenus pour mesurer la productivité et l’efficacité : le ratio charge d’exploitation, le ratio coût par emprunteur, le ratio productivité du personnel et le ratio productivité des agents de crédit.
1.2.2.3. Mesure de la gestion financière
La gestion financière s’emploie à garantir un niveau de liquidité suffisant, afin de couvrir les obligations d’une IMF, en termes de décaissement des crédits à ses emprunteurs et de remboursements des emprunts à ses créanciers. Même si la gestion financière est une fonction de back-office, les décisions dans ce domaine peuvent directement influer sur le résultat financier d’une institution. Trois indicateurs sont utilisés pour évaluer la gestion financière d’une IMF, à savoir : le ratio charges de financement, le ratio coûts des ressources et le ratio dettes sur fond propres.
1.2.2.4. Mesure de la rentabilité
Les indicateurs de rentabilité, tels que ceux portant sur la rentabilité des fonds propres et la rentabilité sur actifs reflètent la performance de l’ensemble des domaines d’activité de l’institution. Si la qualité du portefeuille ou l’efficacité des opérations est faible, cela reflètera dans la rentabilité. Trois indicateurs pour mesurer la rentabilité ont été relevés, à savoir la rentabilité sur fond propres, la rentabilité des actifs et le rendement de portefeuille.
Pour la zone UMOA, ces indicateurs sont résumés dans le tableau suivant tels que prévus par l’Instruction n°020-12-2010 du 29 décembre 2010, relative aux indicateurs périodiques à transmettre par les Systèmes Financiers Décentralisés, au Ministre chargé des Finances, à la Banque Centrale et à la Commission Bancaire:

Tableau 7: Indicateur de rentabilité
Indicateurs Ratios Normes
Indicateurs de qualité du portefeuille Radio de portefeuille classé à risque (PAR) PaR 30 jours au moins < 5%
PaR 90 jours au moins < 3%
PaR 180 jours ou = 40%
Taux de perte sur créances > 2%

Indicateurs d’activités Montant moyen des crédits décaissés Tendance haussière
Montant moyen de l’épargne par épargnant Idem
Encours moyen des crédits par emprunteurs Idem

Indicateurs d’efficacité/productivité Ratio de productivité des agents de crédit > ou = 130%
Ratio de productivité du personnel > 115
Radio des charges d’exploitation rapportées au portefeuille de crédit > ou = 35%

Ratio des frais généraux rapportés au portefeuille de crédit > 15% pour les structures de crédit direct
< 20% pour les structures d’épargne et de crédit

Ratio des charges de personnel < 5% pour les structures de crédit direct
< 10% pour les structures d’épargne et de crédit

Indicateurs de rentabilité Ratio de rentabilité des fonds propres <15%
Ratio de rendement sur actif < 3%
Ratio d’autosuffisance opérationnelle < 130%
Marge bénéficiaire < 20%
Coefficient d’exploitation

Indicateurs de gestion du bilan Taux de rendement des actifs 2% pour les structures de crédits directs
> 5% pour les d’épargnes et de crédit
Ratio de capitalisation > 15%
Source : Auteur à partir des données de la BCEAO (2007-2013)

La performance dans les IFI est le plus couvent appréciée par les « rentabilités économique » ou le « le return on asset (ROA) » ou encre le « rendement sur actif » et l’autosuffisance opérationnelle. Le ROA permet d’apprécier la gestion des actifs pour l’optimisation de la rentabilité. Il inclut le rendement du portefeuille mais aussi tous les autres produits tirés des placements des autres activités d’exploitation ou parallèles. Ne défavorisant pas les IMF essentiellement financées par fonds propres, le ROA est un bon instrument pour la comparaison des IMF commerciales et non commerciales. La BCEAO recommande un taux minimum de 3%. Cela suppose qu’au-delà 3%, l’IMF assure une bonne rentabilité en terme de gestion d’actif. Le ratio d’autosuffisance opérationnelle constitue la mesure la plus élémentaire de la pérennité indiquant la suffisance ou l’insuffisance des produits d’exploitation à couvrir toutes les charges d’exploitation. Il utilise les seuls produits et charges liés à l’exploitation, laissant de côté les revenus et dépenses hors exploitations et subventions. Une meilleure couverture des coûts traduit la capacité de l’IMF à poursuivre ses opérations sans subventions futures. L’AO est une mesure simple et utile pour les IMF surtout les jeunes qui souhaitent une évolution vers la pérennité. La BCEAO recommande un seuil minimum de 130%. Toute IMF qui dépasse ce seuil est considérée comme opérationnellement viable.
SECTION 2 : Gouvernance et impact des mécanismes de gouvernance sur la performance des institutions de microfinance.
Cette section est réservée à la revue de littérature concernant la gouvernance et l’impact des différents mécanismes de gouvernance sur la performance des IMF.
2.1. Gouvernance des Institutions
L’objectif de la gouvernance est d’assurer la pérennité de l’entreprise en prenant des décisions structurelles partagées et réfléchies. Dans un environnement de bonne gouvernance, les décisions sont prises dans un esprit de concertation et de partage. En matière de gouvernance, l’essentiel est de fédérer les hommes autour de thèmes mobilisateurs pour toute l’entreprise. L’étude de Gompers et al. (2003), révèle une relation positive entre la bonne gouvernance et la performance financière de la firme. La gouvernance repose sur le respect de la réglementation, mais aussi sur l’adoption des mesures efficaces et c’est de là que nait le lien entre les bonnes pratiques de gouvernance et la réputation de l’IMF, la gestion des risques, l’accès aux marchés des capitaux et aux marchés financiers. Cela ne vaut pas uniquement pour les instructions financières, mais s’applique à toutes les organisations (APSFD, 2018).
2.1.1. Notion de gouvernance
Etymologiquement, le mot gouvernance trouve ses racines dans la langue française au 18ème siècle. Ce concept a été repris par la suite par Williamson (1975), où la gouvernance a été associée à la théorie des coûts de transactions. Pour Drucker (1997), la gouvernance d’entreprise consiste à mettre au point et à reporter des règles qui guident et limitent la conduite de ceux qui agissent au nom de l’entreprise. En d’autres termes, la gouvernance est une panoplie de dispositions visant à assurer que l’action des dirigeants de l’entreprise soit engagée conformément aux intérêts des actionnaires. La gouvernance n’est plus l’art de gouverner mais elle devient un grand mot, qui résume le concept englobant l’autorité et le contrôle. La gouvernance signifie exercer une autorité, donner une orientation et assurer un contrôle. Pour Chareaux (2013), la gouvernance est l’ensemble des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter le pouvoir et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire. Un mécanisme de gouvernance est donc un processus par lequel le conseil d’administration, à travers la direction, aide l’institution à remplir sa mission et à protéger ses actifs au cours des temps. Au sujet d’une entreprise, la gouvernance est centrée sur la relation entre les dirigeants et les détenteurs de ressources (Lapeneu, 2002).
2.1.2. Les formes de gouvernance
Nous essaierons d’énumérer ici, à travers la littérature existante, les différentes formes de gouvernance d’entreprise.
2.1.2.1. La gouvernance actionnariale
Constituant l’approche financière de la gouvernance, la théorie actionnariale est axée sur les conflits d’intérêts entre les actionnaires d’un côté et les dirigeants de l’autre. D’un point de vue conceptuel, la théorie actionnariale de la gouvernance repose sur la branche normative de la théorie de l’agence. Le courant dit « principal et agent » ou « actionnaire et dirigeant » qui s’adossent aux postulats du modèle du comportement humain présentés par Jensen et Meckling(1994) dans « The nature of man ». La gouvernance permet donc de mettre en place un certain nombre de mécanismes permettant de discipliner le dirigeant et de réduire son espace discrétionnaire afin de sécuriser l’investissement financier des actionnaires. La création du maximum de valeur passe exclusivement par la discipline du dirigeant. Cette théorie inspirée du fonctionnement de la firme managériale anglo-saxonne présente de nombreuses limites. Pour Charreaux (2004), elle ne permet pas d’expliquer le fonctionnement des systèmes non anglo-saxons, notamment les économies des pays non anglo-saxons où l’Etat et les banques ont un rôle important dans le financement des entreprises. De plus, à son avis, le réalisme de cette théorie est remis en question par le rôle de plus en plus marginal joué par les actionnaires dans le financement des entreprises.
2.1.2.2. La gouvernance partenariale
La gouvernance partenariale est caractérisée par la théorie des parties prenantes. Dans la vision de Freeman (1984), une partie prenante est un individu ou un groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels. La formation de la valeur dans le modèle partenarial se résume, pour l’essentiel, à la résolution des conflits d’intérêts en agissant sur la répartition de la valeur. Dans cette approche, la firme est considérée comme une équipe de facteurs de production dont les synergies sont à l’origine de la création de valeur. La valeur est ainsi créée par convention des efforts de l’ensemble des parties prenantes : c’est une valeur partenariale. Contrairement à l’approche précédente, les actionnaires ne sont pas les seuls concernés par la création et la répartition de la valeur. Mais, comme dans l’approche actionnariale, la création et surtout la répartition de la valeur passent principalement par la discipline du dirigeant. Un autre type de la gouvernance partenariale a été identifié au nom de gouvernance germano – nippon qui privilégie le long terme. Ce modèle est fondé sur une logique de coopération et de partenariat qui se manifeste à plusieurs niveaux : les relations entre les banques et les entreprises, les relations entre les secteurs publics et privé, les relations entre les différents partenaires sociaux et les relations entre les entreprises. Ce modèle est caractérisé par l’approche stakeholder selon lequel, il s’agit de prendre en considération les intérêts des différentes parties prenantes de l’entreprise qui sont susceptibles de contribuer à la formation de la stratégie : les actionnaires, les salariés, les fournisseurs, les clients, les banques, l’Etat, etc.
2.1.2.3. La gouvernance cognitive
Cette théorie rejette l’hypothèse de rationalité substantielle au profit d’une rationalité dite procédurale. La rationalité ne s’apprécie plus en fonction des décisions mais des processus qui les régissent. Dans cette approche théorique de la gouvernance, la création de valeur dépend en priorité de l’identité et des compétences qui sont conçues comme un tout cohérent (Charreaux, 2002). De même, le schéma de création et d’appropriation de la valeur qui la sous-tend diffère de celui sous-jacent aux théories disciplinaires. L’organisation est perçue comme un répertoire de connaissances capables de percevoir les nouvelles opportunités créatrices de valeur de façon durable. Pour Prahalad (1994), Charreaux (2002), la valeur naît de la capacité du management à imaginer, percevoir, construire de nouvelles opportunités productives. Une importance particulière est donc, dans le cadre de cette approche de la gouvernance, accordée à la dimension productive tant du point de vue de l’innovation que de la coordination. Dans une option cognitive, Charreaux (2002) définit la gouvernance des organisations comme l’ensemble des mécanismes permettant d’augmenter le potentiel de création de valeur par l’apprentissage et l’innovation.
2.1.2.4. La gouvernance familiale
L’aspect familial est ce qui différencie les entreprises familiales des autres. Par conséquent, la famille joue un rôle crucial dans la gouvernance de son entreprise. Lorsque la famille en est encore à l’étape de son fondateur initial, très peu de questions liées à la gouvernance familiale peuvent surgir, étant donné que la plupart des décisions sont prises par le fondateur et que la voix de la famille est encore unifiée. A travers le temps, au fur et à mesure que la famille traverse les étapes suivantes de son cycle de vie, des générations plus récentes et davantage de membres rejoignent l’entreprise familiale. Leur arrivée se traduit par des idées et des opinions différentes concernant la manière dont l’entreprise devrait être dirigée et sa stratégie définie. Il devient alors obligatoire d’établir une structure de gouvernance familiale claire qui disciplinera les membres de la famille, empêchera les conflits éventuels et garantira la continuité de l’activité. Bref, la famille impose des codes de conduites pour maintenir la cohésion (Arrègle et al., 2004). Les principaux éléments d’une structure de gouvernance familiale reposent sur : une constitution familiale qui définit clairement la vision, la mission et les valeurs familiales et les politiques régulant la relation qui unit les membres de la famille à l’entreprise, et des institutions familiale, un conseil familial et d’autres comités familiaux.
2.1.2.5. La gouvernance réticulaire
Le modèle réticulaire de gouvernance d’entreprise est régulé par les réseaux interpersonnels et sociaux. Ce type de gouvernance d’entreprise, moins souvent décrit que les précédents, est cependant parmi les plus anciens et les plus répandus dans le monde. Il repose sur un encastrement de l’activité économique dans la société ; un acte économique donné (achat/vente, emprunt/prêt, création d’une société, embouche de personnel…) ne pouvant être dissocié du lien social qui l’entoure. La gouvernance d’entreprise se trouve particulièrement impliquée par une telle posture, fondée sur les relations interpersonnelles et le lien social. Elle permet une vision de long terme des relations de confiance (Sylla, 2015).
2.2. Mécanismes de gouvernance et leurs influences sur la performance des IMF
Au fur et à mesure que la microfinance se développe, la question de la gouvernance est de plus en plus abordée, et le rôle par une gouvernance efficace est encore plus important. La qualité des mécanismes de gouvernance et le bon fonctionnement des organes de gouvernance ne sont pas étrangers aux bonnes performances des organisations. L’efficacité des mécanismes de gouvernance peut donc être considérée comme un levier de création de valeur sociale et financière dans les IMF. Il est aussi évident que le contexte entourant la gestion des IMF est complexe. Cependant, la prise en compte des exigences financières, institutionnelles et sociales, propres aux activités de microfinance, nous amène à considérer que la gouvernance partenariale est la plus adaptée dans ce secteur. Labie (2005) établie une approche partenariale de la gouvernance dans les IMF selon laquelle les IMF sont considérées comme un construit social résultant de l’action de l’ensemble des agents économiques interagissant avec l’organisation : actionnaire, employés, clients ou membres, organisme de financement, organisation de contrôle. Dans le document « principes et pratiques de gouvernance en microfinance », Rock et al (1998) présentent des principes dont le respect par une IMF lui garantirait une gouvernance efficace. Ces auteurs définissent la gouvernance en microfinance comme un processus par lequel le conseil d’administration, à travers la direction, aide l’institution à remplir sa mission et protège ses actifs au cours des temps.
En dépit de la forte volonté affichée pour redorer le blason du secteur de la finance inclusive, un circuit plein d\’embûches doit être parcouru pour sortir la microfinance de l\’ornière. Tant il reste vrai que la gouvernance dans une institution de microfinance implique le respect scrupuleux de normes telles que la gestion du crédit, la gestion de l\’épargne, voire les productions d’états financiers APSFD (2018). Le mode de gouvernance constitue en vérité un facteur de risque et un défi permanent pour les SFD. Si l\’histoire récente de la microfinance fournit des exemples notoires de réussite, il reste constant que les crises et les faillites ont prospéré dans le secteur. La plupart de ces crises sont liées à des problèmes de gouvernance. Ce sont des conflits d\’intérêts entre acteurs, des défaillances au niveau du système de contrôle, des blocages dans le processus de décision.
Le système de gouvernance de toute entreprise et notamment des IMF repose sur un ensemble de mécanismes. Cependant, la gouvernance des institutions de microfinance est plus sensible que celle des entreprises, banques et organisations à trois niveaux : double objectif, responsabilité fiduciaire du CA et structure de propriété. On distingue les mécanismes internes et externes de gouvernance dans les IMF.
2.2.1. Les mécanismes internes de gouvernance et la performance des IMF
Les mécanismes internes de gouvernances sont ceux qui sont internes aux IFI et qui sont susceptibles d’influencer la gouvernance de ces dernières.
2.2.1.1. L’Assemblée Générale
L’assemblée générale est l’instance suprême de l’institution. Elle est constituée de l’ensemble des membres ou actionnaires ou de leurs délégués. Elle a notamment pour compétence de s’assurer de la bonne gestion de l’institution, de fixer et modifier ses statuts et son règlement, et d’élire les membres des organes auxquels elle délègue ses pouvoirs entre deux assemblées. L’assemblée générale ordinaire se réunit au moins une fois par an. Au plus tard dans les six (6) mois qui suivent la clôture de l’exercice financier de l’institution, elle se réunit en vue notamment : d’adopter le rapport d’activités de l’exercice, d’examiner et d’approuver les comptes de l’exercice, de donner quitus aux membres des organes de gestion, de nommer un commissaire aux comptes le cas échéant (décret d’application de la loi portant règlementation des systèmes financiers décentralisés). L’objectivité de l’Assemblée Générale Ordinaire est donc source de création de valeur.
2.2.1.2. Le Conseil d’Administration
Que ce soit dans la théorie de l’agence (Fama, 1980) ou dans la théorie des coûts de transactions (Williamson, 1985), le conseil d’administration, apparaît comme le mécanisme privilégié chargé de discipliner les dirigeants. Le conseil d’administration veille au fonctionnement et à la bonne gestion de l’institution. A cet effet, il est chargé notamment : d’assurer le respect des prescriptions légales, réglementaires et statutaires, de définir la politique de gestion des ressources de l’institution et de rendre compte périodiquement de son mandat à l’assemblée générale, dans les conditions fixées par les statuts et le règlement intérieur, de veiller à ce que les taux d’intérêt applicables se situent dans la limite des plafonds fixés par la loi sur l’usure et d’une manière générale de mettre en application les décisions de l’AG (BCEAO, 2016). Oster (1995) met en évidence le rôle crucial du CA dans le cas spécifique des organisations d’économie sociale. Certains analystes de la gouvernance se focalisent sur la manière dont le CA exerce son contrôle pour s’assurer que les dirigeants prennent des décisions favorables à la réalisation de sa double mission. Campion et Fran- kiewicz (1999) et Mersland et Strøm (2007) ont mis l’accent sur les variables telles que la taille du CA, sa composition, la rotation des principaux dirigeants et la durée de mandat des membres du CA, ainsi que la séparation du pouvoir entre le président du CA et le DG. D’après Jensen (1993), la taille du CA joue un rôle important dans l’efficacité du système de gouvernance d’une organisation. Les conseils d’administration de grande taille peuvent également occasionner des coûts et ouvrir des espaces au comportement de passager clandestin de certains administrateurs. Ces derniers s’investissent très peu dans les activités de contrôle en raison de leurs incompétences et de leur faible assimilation des procédures. Ainsi, Jensen (1993) déduit que pour un bon fonctionnement du CA, il faut un nombre optimal de 8 membres. Mersland et Strøm (2009) ne trouvent pas de relation significative entre la taille du conseil d’administration et la performance financière et sociale des sociétés privées de microfinance. Ils montrent également que le cumul des fonctions de décision et de contrôle ne défavorise pas la rentabilité et viabilité des IMF. Sur le plan empirique, Hartarska (2005) montre que l’efficacité de la taille du CA n’est vérifiée que lorsque la PS est mesurée par la portée. Lorsqu’elle est mesurée par le montant des transactions, aucune influence significative de la taille du conseil n’est trouvée. De plus, il trouve une influence positive et significative de la taille du CA sur la rentabilité, indiquant que les IMF ayant un CA de grande taille sont plus rentables. Il ajoute que les IMF les plus viables sont celles qui disposent d’un CA de plus petite taille. Les travaux d’Andres et Vallelado (2008) montrent que la relation entre la taille du CA et la performance des banques n’est pas linéaire. Le seuil de 19 administrateurs est identifié comme celui à partir duquel le CA n’est plus efficace comme mécanisme de gouvernance.
2.2.1.3. La forme juridique ou statut juridique
Définir sa forme juridique est une décision importante de toute entreprise voulant exercer une activité de microfinance. Les différentes formes juridiques que les institutions de microfinance peuvent avoir sont: association ou ONG, mutuelle ou coopérative, société anonyme. Le choix du statut sera déterminant pour le type d’organisation, pour les modalités de prise de décision et donc pour la gouvernance de l’institution. Les Associations/ONG/Fondations sont des organisations à but non lucratif : ce type d’institution ne collecte pas d’épargne. Dans les cas où la collecte existe, il s’agit d’une tolérance en l’absence du cadre juridique pour la microfinance. Les Mutuelles ou Coopératives sont des institutions détenues par des membres qui sont les bénéficiaires directs des services d’épargne et de crédits proposés. Les sociétés anonymes ont une composition du capital très variable. Certains auteurs (Hardy et al., 2003 ; Jansson et al., 2004 ; Fernando, 2004 ; Ledgerwood et white, 2006) préconisent aux IMF ONG la transformation en sociétés privées car les sociétés sont moins dépendantes des dons et sont plus efficace que IMF non régulées.
2.2.1.4. La Méthodologie du crédit
La méthodologie du crédit est une tâche du comité de crédit. Cuevas et Fischer (2006) considèrent la méthodologie de crédit (crédit de groupe ou crédit individuel) comme un mécanisme de gouvernance permettant de réduire les conflits résultant de la relation de crédit. Les résultats des études empiriques divergent quant à l’influence de ce levier de gouvernance des IMF sur leur performance. Hartarska (2005) ne trouve aucune influence significative de la méthodologie de crédit sur la viabilité et l’efficacité sociale des IMF d’Europe Centrale et de l’Est. Cependant, les IMF les moins rentables sont celles qui adoptent le crédit individuel. La contribution de cette variable reste relativement faible. Mersland et Strøm (2009) montrent que le crédit individuel est positivement associé à des montants de crédit élevé, mais ne trouvent aucune différence significative de performance (rentabilité et viabilité) entre les IMF par la méthodologie de prêt. A contrario, Cull et al. (2007) montrent, sur la base d’un échantillon de 124 IMF, que celles qui accordent des prêts individuels sont plus rentables et plus pérennes.
2.2.1.5. La forme organisationnelle
La littérature sur la théorie des organisations coopératives propose une comparaison des IMF par le mode d’organisation et permet de conclure à l’existence d’une relation entre les formes d’intégration des IMF et leur performance (Fischer, 2000 ; Desrochers et Fischer, 2005 ; Cuevas et Fischer, 2006). Fischer (2000) montre que, sauf en de très rares exceptions, l’ensemble des IMF appartenant à des réseaux stratégiques sont plus performantes que celles qui appartiennent à des réseaux atomisés. Fischer (2005) procède à une comparaison internationale des performances des réseaux d’IMF opérant dans des pays se situant à divers niveaux de développement économique. Ils valident les résultats de Fischer (2000) et montrent en plus que l’intégration dans les réseaux est moins importante dans les IMF des pays en développement et d’Afrique. L’intégration dans les réseaux n’explique pas leur efficacité.
2.2.1.6. Le système de rémunération des ressources humaines
Le système de rémunération des dirigeants est compté aussi parmi les mécanismes disciplinaires internes de l’entreprise. Le choix du système de rémunération « optimal » des dirigeants a fait l’objet de plusieurs études en gouvernance. Ce choix pose, en effet, un problème sérieux, notamment parce que l’agent est averse au risque, et que ni l’effort de celui-ci ni l’état de monde ne sont parfaitement observables pour le CA. La solution générale proposée dans la littérature à ce sujet est de prévoir dans la rémunération une partie fixe, qui vise à réduire le risque du dirigeant, et une partie variable qui lui transmettrait une partie du risque des actionnaires (Rees, 1985). Larcker (1983) présente une analyse intéressante mettant en exergue l’avantage du recours aux options dans la rémunération des dirigeants. En effet, il avance que l’utilisation des options incite les dirigeants à s’engager dans des investissements risqués et à recourir de façon plus importante à l’endettement, puisque la valeur de l’option est d’autant plus importante que le risque est élevé.
2.2.1.7. Contrôle interne
Les contrôles internes correspondent à l\’ensemble des ressources et procédures utilisées par les dirigeants pour contrôler efficacement les activités. Grâce à eux, la direction et le personnel peuvent être raisonnablement certains d\’atteindre les objectifs. Ils aident à corriger les contradictions et à détecter les anomalies survenant entre les différents centres décisionnels (par exemple les chefs d’agence) dotés de niveaux d\’autonomie variés. Un système de contrôle interne efficace permet à l\’IMF d\’assumer des risques supplémentaires de façon mesurée tout en se prémunissant contre des pertes financières, contre l’impact négatif sur les clients et contre la dérive de mission. Les contrôles internes doivent être : préventifs, défectifs, et correctifs (CGAP, 2015).
2.2.1.8. Audit interne
L’audit interne est une appréciation systématique et objective par les auditeurs internes des diverses activités et des contrôles d’une institution.
Ne pas confondre l’audit interne et le contrôle interne : le contrôle interne englobe les mesures de contrôle des risques a priori et a posteriori (c’est- à-dire avant et après les opérations) l’audit interne est une évaluation systématique a posteriori des opérations et des états financiers d’une institution (CGAP, 2015).
2.2.2. Les mécanismes externes de gouvernance et la performance des IMF
Les mécanismes externes de gouvernances sont ceux qui sont externes aux IFI et qui sont susceptibles d’influencer la gouvernance de cette dernière. Hartarska (2005) trouve que les IMF sujettes à la régulation sont moins rentables économiquement. En revanche aucun effet significatif de la supervision et de la notation n’est trouvé sur la viabilité et l’efficacité sociale des IMF. Sur la base d’un échantillon international constitué de 108 IMF, Hartarska (2009) montre que les mécanismes externes de gouvernance n’influencent ni la pérennité des IMF, ni leur efficacité sociale. Sur la base d’un échantillon de 114 IMF, Hartarska et Nadolnyak (2007) parviennent à la même conclusion en ce qui concerne la relation entre la supervision et la viabilité des IMF d’une part, et celle entre la supervision et l’efficacité sociale. Ils trouvent que la régulation n’affecte pas directement la viabilité des IMF. En effet, la régulation donne la possibilité aux IMF d’accroître leur capacité de transformation en accédant aux dépôts et à des lignes de financement extérieures et d’améliorer par conséquent leurs résultats financiers. Dans le même sens, Mersland et Strøm (2009) ne trouvent aucun effet positif de la supervision sur la rentabilité, la viabilité et l’efficacité sociale d’un échantillon de 278 sociétés privées de microfinance.
2.2.2.1. La régulation
La régulation est considérée comme un mécanisme de gouvernance spécifique aux organisations bancaires (Dewatripont et Tirole, 1994 ; Ciancanelli et Reyes, 2001 ; Caprio et Levine, 2002 ; Macey et O’Hara, 2003 ; Comité de Bâle, 2006). Elle passe par les normes prudentielles qui sont des indicateurs de gestion évaluant la capacité́ des dirigeants des IMF à mener sainement l’activité de collecte d’épargne et d’octroi de crédit et certaines prescriptions spécifiques. A l’origine, ces normes font parties des mécanismes de gouvernance spécifiques aux organisations bancaires (Macey et O’Hara, 2003). C’est une réglementation qui tend à̀ maintenir en toutes circonstances des établissements de crédit (banques, entreprises d’investissement) sûrs, sains, solvables et solides (Mishkin, 2013). Au niveau de la microfinance, BCEAO a édité des ratios prudentiels pour les SFD l’UMOA. Les ratios prudentiels sont au nombre de dix (10). Le respect de ces ratios par les IMF togolaises sur la période de 2011 – 2016 est consigné dans le tableau N° 5.
Le ratio de couverture des emplois à moyen et long terme par les ressources stables n’a jamais été respecté sur toute la période. Quelques travaux récents testent la relation entre les mécanismes externes de gouvernance et la performance des IMF. Comme Barth et al. (2004) dans le secteur bancaire, quelques-uns n’établissent pas de lien significatif entre la supervision, la performance financière et l’efficacité sociale des IMF.
2.2.2.2. L’audit externe
Un audit externe est un examen formel et indépendant des états financiers, registres, transactions, et opérations d’une structure par une partie externe en vue d’exprimer une opinion sur les états financiers de l’IMF. Qu’en est-il des aspects sociaux ? L’audit de ces aspects (performance sociale, protection des clients) peut s’intégrer ou non à une mission d’audit externe classique, en fonction des besoins et du profil de l’IMF (CGAP, 2015). Les outils d’audit social mentionnés pour l’audit interne sont également valables pour l’audit externe. Les audits sociaux sont encore rarement conduits par les auditeurs financiers, qui sont le plus souvent spécialistes des risques financiers et opérationnels. Le recours aux services d’un Commissaire aux Comptes pour la certification annuelle concerne deux types de SFD dans le cadre de cette segmentation fonctionnelle : les SFD entrant dans le cadre de l’article 44 de la loi et les SFD ayant adopté une forme SA. Les audits externes des IMF n’ont pas toujours produit des résultats satisfaisants car peu d’auditeurs externes ont de l’expérience en microfinance et ils ne comprennent pas que le risque lié au portefeuille ainsi que les techniques de gestion dans une IMF sont différents de ceux des banques. La direction, le conseil d’administration et les bailleurs d’une IMF ne comprennent pas toujours la fonction de l’audit externe et ne savent pas comment s’assurer que l’audit externe soit pertinent et utile. Hartarska (2005) montre qu’en Europe Centrale et de l’Est, il n’existe pas de différence significative de performance sociale et financière entre les IMF par l’audit.
2.2.2.3. La notation par les agences de rating des IFI
La littérature sur la relation entre les mécanismes de gouvernance et la notation s’enracine dans la théorie positive de l’agence (Jensen et Meckling 1976 ; Fama et Jensen 1983a, 1983b ; Jensen 1993). Selon cette théorie, les mécanismes de gouvernance permettent de minimiser les conflits d’agence, de contrôler la latitude managériale et d’éviter les comportements d’expropriation. Les IMF ayant un système de gouvernance jugé efficace par les agences de notation feraient donc l’objet d’une meilleure notation. Une meilleure notation est davantage associée à une meilleure autosuffisance opérationnelle et à une meilleure portée. Une IMF à but non lucratif a une influence positive et significative sur la notation (Tchuigoua, 2012). À partir de l’étude d’un échantillon international constitué de 70 IMF notées par Planet rating entre 2000 et 2004, Gutierrez-Nieto et Serrano-Cinca (2007) tentent d’expliquer la note obtenue par la performance sociale, financière et organisationnelle, et par la solvabilité. Ils montrent que la profitabilité et la qualité de portefeuille sont déterminantes dans la notation des IMF. En revanche, ils ne trouvent pas d’influence significative de l’efficacité sociale des IMF sur la notation.
La performance d’une IMF ne dépend pas seulement de ses dirigeants mais aussi de l’efficacité de ses mécanismes de gouvernance. Il est alors important de comprendre le rôle de chaque mécanisme de gouvernance adopté et de savoir comment il pourrait impacter positivement ou négativement la performance de l’IMF.
Nous avons abordé dans cette première partie, le cadre théorique qui nous a permis de faire l’historique de la microfinance et de mettre en exergue la notion de la gouvernance et l’importance de ses mécanismes. Il s’avère indispensable de partager la valeur de la bonne gouvernance afin que chaque acteur de la gouvernance, quelle que soit sa position dans le système stratégique de l’IMF, puisse œuvrer efficacement pour l’atteinte des objectifs.

PARTIE II : CADRES METHODOLOGIQUE ET EMPIRIQUE

Cette deuxième partie de notre recherche est consacrée aux cadres méthodologique et empirique. Dans le chapitre 1, nous aborderons le cadre méthodologique et la présentation des résultats. Le chapitre est consacré aux discussions autour des résultats. Ces discussions concerneront les liens entre les mécanismes de gouvernance la performance des IMF de l’échantillon.

CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE
Ce chapitre contient deux sections. La première dédiée à la démarche de la recherche. La deuxième section est relative aux variables et au modèle de recherche.
SECTION 1 : Démarche de la recherche
Primo, les enquêtes ont permis d’identifier les mécanismes de gouvernance et les données liées à la performance. Secundo, nous avons adopté une démarche hypothético – déductive pour tester le lien entre les mécanismes de gouvernance et la performance des SFD au Togo.
1.1. Démarche d’identification des mécanismes de gouvernance et d’étude d’impact
Pour répondre aux objectifs de cette recherche, nous avons utilisé la question spécifique N°1 qui a permis d’identifier les mécanismes de gouvernance que les SFD ont adoptés au Togo. La deuxième question nous a conduit à analyser le lien entre certains mécanismes internes et la performance des SFD au Togo. En effet, nous nous sommes intéressés aux variables :
– composition et fonctionnement du conseil d’administration (sa taille et son nombre de réunions par an),
– système de rémunération variable.
La troisième question nous a aidé à montrer l’influence de certains mécanismes externes sur la performance des SFD au Togo. Nous avons retenu la régulation et plus spécifiquement le ratio de couverture des emplois à moyens et long terme par les ressources stables et la supervision directe par la BCEAO et la Commission Bancaire de l’UMOA.
1.2. Les Hypothèses
Nous avons formulé deux principales hypothèses autour des mécanismes internes et externes de gouvernance. Ces hypothèses sont subdivisées en hypothèses subsidiaires spécifiques liées à l’influence des mécanismes de gouvernance sur les performances financière et sociale séparément. La validation des hypothèses principales passe par celle des hypothèses subsidiaires.
1.2.1. Hypothèse sur les mécanismes internes de gouvernance
Nous sélectionnons à ce niveau la composition et le fonctionnement conseil d’administration (taille et nombre de réunions par an) et le système de rémunération des dirigeants (salaire variable ou rémunération incitative).
Notre Hypothèse principale N° 1 s’intitule comme suit :
H1 : Les mécanismes internes de gouvernance influencent la performance des IMF au Togo.
Cette Hypothèse est déclinée en trois sous hypothèses compte tenu des variables de mécanismes internes retenus :
– H11 : La taille du conseil d’administration influence la performance des IMF au Togo.
Les travaux d’Andres et Vallelado (2008) montrent que la relation entre la taille du conseil d’administration et la performance des banques n’est pas linéaire. La courbe décrivant la relation prend la forme d’un U renversé. Sur le plan empirique, Hartarska (2005) montre que l’efficacité de la taille du CA n’est vérifiée que lorsque la performance sociale est mesurée par la portée. De plus, il trouve une influence positive et significative de la taille du CA sur la rentabilité, indiquant que les IMF ayant des CA de grandes tailles sont plus rentables. La sous Hypothèse H11 est scindée en deux hypothèses subsidiaires :
• H111 : La taille du CA influence toutes les mesures de la performance financière des IMF au Togo.
• H112 : La taille du CA influence toutes les mesures de la performance sociale des IMF au Togo.
– H12 : Le nombre de réunions du conseil d’administration par an influence la performance des IMF au Togo.
Cette sous – hypothèse est subdivisée en deux hypothèses subsidiaires à savoir :
• H121 : Le nombre de réunions du CA influence toutes les mesures de la performance financière.
• H122 : Le nombre de réunions du CA influence toutes les mesures de la performance sociale
– H13 : Le Système de rémunération variable influence la performance des IMF au Togo.
Elle est également scindée en deux hypothèses subsidiaires :
• H131 : Le système de rémunération variable influence toutes les mesures de la performance financière au Togo.
• H132 : Le système de rémunération variable influence toutes les mesures de la performance sociales des IMF au Togo.
1.2.2. Hypothèse sur les mécanismes externes de gouvernance
Nous nous intéressons à la régulation plus précisément à la réglementation et la supervision directe.
Le cadre réglementaire influence la structure financière des IMF en facilitant l’accès aux sources externes de financement (White et Campion 2002 ; Fernando 2004). Il est considéré comme un mécanisme de gouvernance externe destiné à compenser les défaillances des systèmes internes de contrôle (Jensen 1993). Le respect de la réglementation passe par le respect des normes prudentielles (Wélé, 2009). Parmi les ratios prudentiels, nous avons sélectionné le ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables pour l’analyse de l’impact compte tenu de son importance.
La supervision vise le respect de la réglementation. Toutes les institutions qui ont reçu un agrément du Ministre des Finances et de l’Economie présentent leurs rapports à la BCEAO et à la CBU par le truchement de la CASIMEC. Mais les Institutions de l’article 44 ont l’obligation de rendre compte directement à la BCEAO et à la CBU ainsi qu’à la CASIMEC. Nous ainsi analyser l’effet de la supervision directe par la BCEAO et la CBU sur la performance des SFD de grande taille. Nous formulons ainsi l’hypothèse N°2 :
H2 : La régulation influence la performance globale des IMF au Togo.
Elle est subdivisée en deux sous – hypothèse chacune scindée à son tour en deux hypothèses subsidiaires :
– H21 : Le respect du ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables influences la performance des IMF au Togo :
• H211 : Le respect du ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables influence toutes les mesures de la performance financière des IMF au Togo.
• H212 : Le respect Le respect du ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables influence toutes les mesures de la performance sociale des IMF au Togo.
– H22 : La supervision directe par la BCEAO et CBU influence la performance des IMF au Togo.
• H221 : La supervision directe par la BCEAO et CBU influence toutes les mesures de la performance financière des IMF au Togo
• H222 : La supervision directe par la BCEAO et CBU influence toutes les mesures de la performance sociale des IMF au Togo.
SECTION 2 : Les variables et le modèle de recherche.
Les variables de notre étude sont scindées en deux catégories : les variables endogènes et les variables exogènes.
2.1. Les variables endogènes
Les variables endogènes, encore appelées variables dépendantes, sont celles que nous cherchons à évaluer : il s’agit de la performance financière et la performance sociale des SFD.
2.1.1. La performance financière
La performance financière d’une SFD est mesurée par les indicateurs de rentabilité. Parmi ces indicateurs, il faut trouver un indicateur commun ayant la même interprétation (Tchuigoua, 2010) au niveau de toutes les catégories d’IMF et pouvant faciliter les comparaisons. Dans les sociétés privées de microfinance, l’actionnaire n’a qu’un seul but : la maximisation de la rentabilité de ses capitaux investis, mesurée par le ROE (Return On Equity). Dans les coopératives de microfinance et les ONG, l’objectif principal est plutôt la recherche de la performance sociale qui pourrait être évaluée en termes de la qualité des services rendus par les organisations.
Pour mettre les institutions de l’échantillon dans le même panier, nous avons retenu le taux de rentabilité économique ou ROA (Return On Asset) et l’autosuffisance opérationnelle. Contrairement au ROE (Retourn on equity), le ROA mesure la rentabilité quelle que soit la structure de financement sous-jacente de l’institution et permet de comparer les IMF commerciales et non commerciales (Bruett, 2005). L’autosuffisance opérationnelle, quant à elle, juge la viabilité ou la pérennité de l’organisation quelle que soit sa forme.
Le ROA est le rapport entre le résultat net et le total actifs tandis que l’AO est celui entre les produits d’exploitations et les charges d’exploitation. Selon les normes de la BCEAO, un SFD est rentable lorsque son ROA est supérieur à 3% et viable financièrement lorsque son ratio AO est supérieur à 130%.
Les difficultés liées à la collecte des données concernant le portefeuille, la marge bénéficiaire et les autres indicateurs internes de performance nous ont aussi contraint à nous limiter qu’à ces deux variables que plusieurs auteurs ont utilisé pour mesurer la performance financière interne des IMF.
2.1.2. La performance sociale
La performance sociale est mesurée par la portée et la taille du crédit. L’IMF qui octroi à un nombre élevé d’emprunteurs joue un rôle important dans la réduction de la pauvreté (Tchigoua, 2012). Ainsi, lorsque le NEA (nombre d’emprunteurs actifs) est supérieur à 30 000, la portée est jugée forte ; s’il est compris entre 10 000 et 30 000 (10 000≤NEA≤ 30 000), la portée est moyenne et quand il est inférieur à 10 000, la portée est jugée faible.
La taille de crédit vient compléter le NEA car l’atomicité des IMF au Togo peut les empêcher les à atteindre un grand nombre de clients. La taille du crédit est le quotient du rapport entre l’encours de crédits par emprunteur et le revenu national brut par habitant. Une valeur de TC élevée (TC > 1) indique que le SFD prête aux plus riches (Hartarska, 2005 ; Tchigoua, 2012). Le SFD est performant lorsqu’il arrive à mettre sur le marché des produits financiers de qualité accessibles à un grand nombre de clients au sein de la clientèle ciblée (les pauvres).
Nous nous sommes intéressés à ces indicateurs de mesure de la performance sociale cars ils expliquent mieux le rôle fondamental que doivent jouer les IMF quelle que soit leur forme : il s’agit de la finance inclusive ayant pour objectif la fourniture des services financiers aux personnes exclues du système bancaire. Les deux indicateurs, mis en ensemble, permettent d’analyser objectivement la qualité, sous l’aspect social, des produits des institutions de finances inclusives.
2.2. Les variables exogènes
Ce sont des variables qui influencent celles qu’on cherche à mesurer. Dans notre étude, les variables explicatives sont relatives aux mécanismes internes et externes de gouvernance.
Les variables explicatives retenues pour notre étude sont : le CA (sa taille du et son nombre de réunion par an), le système de rémunération des dirigeants, la régulation (réglementation et supervision). Les différentes variables retenues pour l’étude d’impact sont résumées dans le tableau suivant :

Tableau 8 : Description et opérationnalisation des variables retenues pour l’étude
Variables Identités Définitions

Performance financière
Rentabilité économique ou Return On Asset (ROA) Résultat d’exploitation/ total actif.
Capacité de l’IMF à utiliser ses actifs pour générer un rendement

Autosuffisance opérationnelle(OA) Produits financiers / (Charges financières + DAP pour créances douteuses + charges d’exploitation).
Mesure de la Capacité de l’IMF à couvrir ses coûts par ses produits d’exploitation.

Performance sociale
Nombre d’emprunteurs actifs(NEA) Logarithme népérien du nombre d’emprunteurs actifs

Taille du crédit(TC) Encours de crédit moyen par emprunteurs/Revenu national brut par habitant en USD
Conseil d’Administration TCA Nombre de membre du conseil d’administration
NRA Nombre de réunions du CA par année
Système de rémunération
Variable
SRV Variable binaire : 1 si les salaires varient selon le niveau de rendement, 0 Si les salaires sont fixes quel que soit le rendement.

Régulation Ratio de couverture(RC) La capacité de l’IMF à générer du fonds de roulement

Supervision(SU) Variable binaire : 1 si supervisé directement par la BCEAO et la commission bancaire de l’UMOA, 0 si l’IMF n’est pas supervisée directement par la BCEAO.
Source : Tchuigoua (2010) adapté
Dans la microfinance, trois principales missions sont assignées au conseil d’administration (CA) : une mission centrale consistant à contrôler la latitude managériale du dirigeant, une forte implication dans l’orientation stratégique et la définition des politiques institutionnelles et, enfin, une mission d’auto-évaluation (Rock et al. 2001). Pour exercer efficacement ces missions, les membres du conseil d’administration se doivent d’être compétents, motivés et indépendants. Le conseil d’administration est retenu afin de juger son efficacité auprès des IMF Togolaises. Peu d’études se sont intéressées au CA pour l’étude d’impact dans les IMF au Togo.
La raison attribuée au choix de système de rémunération incitative réside dans le fait qu’également, peu d’études se sont intéressées à cette variable dans les recherches de relation entre les mécanismes de gouvernance et la performance des IMF au Togo. Or, cette variable est bel et bien un mécanisme de gouvernance disciplinaire interne. Elle n’est pas adoptée à 100% par les IMF mais nous avons voulu tester son impact sur la performance des IMF au Togo.
Pour la régulation, nous nous sommes fiés au ratio de couverture des emplois à MLT et à la supervision. Le ratio de couverture des emplois à MLT constitue le ratio qui est difficile à respecter par les IMF. Nous avons voulu juger l’effet de son niveau de respect sur la performance des IMF au Togo. Concernant la supervision, nous avons retenu les IMF de grandes tailles qui présentent directement les rapports à la BCEAO et à la commission bancaire. Nous voudrions chercher par-là l’effet de la supervision directe sur la performance des IMF togolaises.
De façon générale, les études d’impact fondées sur les variables de mécanismes internes de gouvernance sont difficilement réalisables compte tenu de la quasi indisponibilité des IMF à donner les informations. A contrario, les IMF sont disposées à donner sans difficultés les informations concernant les variables de mécanismes externes de gouvernance.
2.3. Le modèle de recherche
La finalité de notre recherche est d’identifier les mécanismes de gouvernance adoptés par les SFD au Togo et de montrer le lien qui existe entre ces mécanismes et leurs performances. Pour y arriver nous avons formulé trois hypothèses. Nous avons utilisé la régression des données de panel pour notre étude. Les données de panel possèdent deux dimensions: la dimension temporelle ou longitudinale et la dimension individuelle ou transversale. Ces données rapportent les valeurs des variables considérées relevées pour un ensemble ou un panel d’individus sur une suite de période. Nombreuses études microfinancières ont utilisé cette régression pour parler des déterminants de la performance.
Notre étude s’est inspirée de celle de Tchuigoua (2010) qui a utilisé une régression des données de panel sur une durée de 5 ans pour expliquer l’influence des mécanismes de gouvernance sur les IMF des pays de l’Afrique sub – saharienne. Notre modèle s’illustre comme suit :

Figure 2 : Illustration du modèle de recherche

Source : Auteur à partir des variables retenues

Le modèle se présente sur la forme suivante :
Perfit= β0 + β1TCAit + β2NRAit + β3SRVit+ β4RCit + β5SUit + ԑit
Perfit, représente la performance du SFD i pour l’année t. Cette variable est relative à la performance financière (ROA et AO) et la performance sociale (NEA et TC). Les TCA, NRA, SR, RC et SU représentent respectivement la taille du conseil d’administration, le nombre de réunions du CA par an, le système de rémunération variable, le ratio de couverture des emplois stables et la supervision. β0 représente la constance et ԑit les erreurs du modèle.
Ce chapitre nous a permis d’identifier les variables retenues pour l’étude d’impact. Des hypothèses sont formulées autour de ces variables. Les résultats de recherche et les discussions seront présentés dans le chapitre suivant.

CHAPITRE 2 : RELATION ENTRE LES MECANISMES DE GOUVERNANCE ET LA PERFORMANCE DES IMF, UNE ANALYSE DE LA LITTERATURE
Un seul mot permet de caractériser les organisations rentables et viables : il s’agit de la performance. Toutes les stratégies menées au sein d’une organisation ont pour point de rechute la performance. Cette notion est au cœur des préoccupations des dirigeants des organisations, surtout les acteurs de la gouvernance chargés de la définition des stratégies et de leur mise en œuvre. Les organisations, comme les firmes classiques, se réfèrent aux mécanismes par lesquels les divers apporteurs de ressources peuvent s’assurer que ces dernières seront utilisées dans la poursuite des objectifs retenus (Labie, 2001). Ce chapitre est subdivisé en deux sections qui parlent respectivement de la performance, la gouvernance et l’impact des mécanismes de gouvernance sur la performance des IMF.
SECTION 1 : La performance
Dans cette section, nous aborderons la notion de la performance, les différentes dimensions de la performance, la performance dans les IMF et leurs outils de mesures.
1.1. Notion et dimensions de la performance
Le concept de performance est couramment utilisé tant dans la littérature que dans les milieux organisationnels pour désigner un certain niveau d’excellence. Il reste, cependant, relativement ambigu dans la mesure où il est très galvaudé dans le langage courant. Par ailleurs, bien qu’il soit largement utilisé, il ne fait pas l’unanimité autour d’une définition et d’une mesure précise ; celles-ci dépendent, en effet, de l’objectif visé, de la perspective d’analyse choisie ainsi que du champ d’intérêt de son utilisateur (Zineb, 2017). Dans le langage courant, la performance renvoie à quatre significations majeures : les résultats de l’action, le succès, l’action (la performance désigne simultanément les résultats et les actions mises en œuvre pour les atteindre) et la capacité (la performance renvoie à un potentiel). Machesnay (1991) va dans le même sens en affirmant que : « la performance de l’entreprise peut se définir comme le degré de réalisation du but recherché ». La performance peut être considérée comme un ‘’attracteur étrange’’ dans sa capacité à absorber plusieurs traductions : économique (compétitivité), financière (rentabilité), juridique (solvabilité), organisationnelle (efficience) ou encore sociale.
La définition de Bourguignon (2000) s’applique autant à l’organisation qu’à l’individu : « est performant(e) celui ou celle qui atteint ses objectifs ». Bouquin (2004) fait intervenir les résultats prévisionnels à comparer aux résultats attendus. Il identifie ainsi trois dimensions pour la mesure de la performance : l’économie (minimisation des coûts), efficience (maximisation des résultats par l’utilisation rationnelle des moyens) et l’efficacité (capacité à produire les résultats attendus).
Figure 1 : Problématique générale de la performance

Source : Bouquin (2004)
Dans la pratique on constate que la performance est un mot-valise, un concept flou et multidimensionnel qui en définitive ne prend de sens que dans le contexte dans lequel il est employé. En fonction du contexte, l’évaluation sur un aspect de la performance pourra être suffisante, alors que dans d’autres cas il sera préférable de travailler sur une notion de performance multicritères qui inclut la performance économique, la performance financière, la performance des processus, la performance sociale, etc…
1.1.1. La performance stratégique
Appelée aussi la performance à long terme, elle est garante de la pérennité, intègre le maintien de la distance avec les concurrents et utilise un système d’excellence comme indicateur de mesure. Les facteurs nécessaires pour sa réalisation sont entre autres : la croissance des activités, une stratégie bien pensée, une culture d’entreprise dynamique, une forte motivation des membres de l’organisation ou système de volonté visant le long terme, la capacité de l’organisation à créer de la valeur pour ses clients, la qualité du management et du produit pour les clients, la maîtrise de l’environnement(Marmurse, 1987 ; barette et bérant, 2000). Saulquinet et Schier (2007) ajoutent à cette liste la prise en compte de la responsabilité sociale de l’entreprise.
1.1.2. La performance concurrentielle
Liée au milieu concurrentiel de l’organisation, elle intègre le développement de nouvelles formes d’avantages concurrentiels par anticipation/construction des règles du jeu qui prévaudront dans l’avenir. Elle matérialise le succès qui résulte non seulement des seules actions de l’organisation, mais aussi de ses capacités à s’adapter, et même à approprier les règles du jeu concurrentiel dans son secteur d’activités. Cette performance repose sur la logique, selon laquelle l’atteinte d’un résultat donné dépend de la nature des systèmes concurrentiels et surtout les modes de compétition et de l’intensité de la lutte concurrentielle entre les forces en présence. Dans cette logique, les entreprises ne peuvent valablement saisir des opportunités de performance que si elles sont capables de déceler de façon claire les caractéristiques changeantes des systèmes concurrentiels et des forces concurrentielles liées à chacune de leurs activités, d’anticiper les changements du jeu concurrentiel par la politique de différenciation, de construire si possible les règles du jeu qui prévaudront dans l’avenir. Guéret-Talon et Lebraty (2006) font remarquer que cette anticipation doit être permanente pour garantir la performance durable de l’entreprise.
1.1.3. La performance organisationnelle
Elle est relative à l’efficacité de la structure organisationnelle (Kalika, 1988 ; Kakplan et Norton, 1992, 1993 ; Morin et al. 1994), elle est la manière dont l’entreprise est organisée pour atteindre ses objectifs et la façon dont elle parvient à les atteindre. Elle intègre des indicateur variés tels que la qualité du produit et du service, la mobilisation des employés, le climat social de travail, la productivité, la satisfaction de la clientèle, etc. Kalika considère la performance organisationnelle comme une performance portant directement sur l’efficacité de la structure organisationnelle et non pas sur ses éventuelles conséquences de nature sociale ou économique. Les facteurs qui permettent d’apprécier cette efficacité organisationnelle sont : le respect de la structure formelle, les relations entre les composantes de l’organisation, la qualité de la circulation de l’information, la flexibilité de la structure. Kombou et Ngokevina (2006) y ajoutent l’influence du pouvoir du dirigeant.
1.1.4. La performance économique et financière
Elle est attribuable à des facteurs non financiers comme la loyauté des clients, la satisfaction des employés, les processus internes et le degré d’innovation de l’entreprise Cumby et Conrod (2001). Elle est relative à la survie de l’entreprise et mesurée par la rentabilité des investissements et des ventes, la profitabilité, la productivité, le rendement des actifs, l’efficacité, etc. Elle intègre la création de valeur pour le client et l’actionnaire et la satisfaction des investisseurs (Chakravarthy, 1986). Ayant trait aux coûts, cette performance est mesurée par des indicateurs quantitatifs. L’aspect économique et financier de la performance est resté pendant longtemps, la référence en matière de performance et d’évaluation d’entreprise. Même si elle facilite une lecture simple du pilotage de l’entreprise, la dimension financière de la performance, elle seule, n’assure plus la compétitivité de l’entreprise.
1.1.5. La performance commerciale
Appelée aussi la performance marketing, elle est liée à la satisfaction des clients de l’entreprise. Il apparait difficile de séparer nettement la performance commerciale des différents types de performance déjà développés. La raison est que ces différents types de performance s’inscrivent, d’une manière ou d’une autre, dans la raison d’être de toute entreprise, c’est-à-dire la satisfaction des clients (Zineb, 2017). Même si les priorités d’objectifs et d’actions diffèrent selon le type de performance privilégié, le but généralement visé par toute entreprise, est de donner satisfaction aux besoins des clients en vue d’en tirer des profits. La satisfaction doit être une préoccupation permanente des dirigeants du fait qu’elle constitue un pilier de la pérennité financière de l’entreprise (bughin, 2006 ; Ngobo et Ramaroson, 2005; Sin et Tse, 2000). La performance commerciale peut être mesurée par des critères quantitatifs tels que la part de marché, le profit, le chiffre d’affaires et qualitatifs tels que la capacité à innover pour le client, la satisfaction des consommateurs, leur fidélité, leur perception de la qualité et de la réputation de l’entreprise (Furrer et Sudharshan, 2003).
1.1.6. La performance humaine et sociale
Elle représente les relations sociales ou humaines dans l’entreprise. Elle résulte pour J.M. Descarpentries du rassemblement de collaborateurs motivés, compétents et communiquant bien entre eux par le moyen d’une langue et de valeurs communes (culture). Elle dépend des politiques de gestion du personnel, concerne l’état des relations sociales ou humaines d’entreprise et traduit la capacité d’attention de l’entreprise au domaine social. Elle est un concept central de la recherche en éthique des affaires (Igalens et Gond, 2003). Facteur déterminant du bon fonctionnement des organisations modernes, cette performance est mesurée selon Marmuse (1997) par la nature des relations sociales. Barraud-Didier et al. (2003) soulignent que la compétitivité de l’entreprise et la recherche de l’excellence passent par la création de structures et de systèmes de gestion favorisant l’initiative et la créativité des ressources humaines.

1.2. La performance des IFI
Dans le cadre de la microfinance, la littérature se focalise sur les dimensions sociale et financière pour expliquer la performance des IFI.
1.2.1. La performance sociale et ses instruments de mesure
La PS est définie par la Social Performance Task Force (SPTF, 2011) comme la traduction effective dans la pratique de la mission d’une institution de finance inclusive en lien avec des valeurs sociales communément acceptées qui fixent de servir un nombre croissant de personnes exclues, d’améliorer la qualité et l’adaptation des produits et service, de créer des bénéfices pour les clients et d’améliorer la responsabilité sociale d’une IFI. Les IFI passent à travers la gestion de la performance sociale, l’utilisation des résultats obtenus afin de mesurer l’atteinte des objectifs.
Les Normes Universelles rassemblent, dans un manuel exhaustif, de bonnes pratiques, qui sont appliquées avec succès, dans l’ensemble du secteur, afin de clarifier et de normaliser la gestion de la performance sociale. Les Normes Universelles se déclinent en six (6) dimensions, chacune d’entre elle regroupant plusieurs indicateurs. Ces Normes énoncent la manière dont une institution devrait gérer sa performance sociale. En autre, chaque norme se concrétise par plusieurs pratiques essentielles, qui décrivent, dans le détail, la façon de la respecter. Les dimensions de la performance sociale selon les normes universelles sont consignées dans le tableau suivant :

Tableau 6 : Dimensions et normes de la performance sociale
D1 : Définir et suivre les objectifs sociaux 1a. Stratégie sociale
1b. Reporting de données sur les clients
D2 : S’assurer de l’engagement du Conseil d’Administration, de la Direction et du Personnel en faveur des objectifs sociaux 2a. Engagement du Conseil d’Administration
2b. Volonté de rendre compte de la mission sociale
2c. Mise en œuvre de la stratégie
D3 : Concevoir des produits, services, modèles de prestations et canaux de distribution qui répondent aux besoins et préférences des clients 3a. Besoins et préférences des clients
3b. Bénéfice pour les clients
D4 : Traiter les clients de manière responsable 4.a Prévention surendettement
4b. Transparence
4c. Traitement équitable et respectueux des clients
4d. Confidentialité des données client
4e. Mécanismes de résolution des plaintes
D5 : Traiter les employés de manière responsable 5a. Politique de Ressource Humaines ( RH)
5b. Communication des conditions d’emploi
5c. Satisfaction des employés
5d. Taux de croissance
D6 : Equilibrer la performance financière et la performance sociale 6a. Taux de croissance
6b. Alignement des objectifs
6c. Bénéfices
6d. Rémunération
Source : Wardle (2014)
Etant axé sur les systèmes et processus organisationnels, l’outil SPI (Social Performance Indicator) crée en 2001 par CERISE et ses partenaires déterminent la couverture des pauvres par des moyens indirects plutôt que par une évaluation au niveau des clients. Il analyse la déclaration de mission, l’engagement du conseil d’administration et du personnel et les méthodes de ciblage pour déterminer approximativement si les clients pauvres sont effectivement servis. Au lieu d’analyser le renforcement de l’autonomie des clients au niveau des ménages et de la communauté, il évalue leur capital social et politique en examinant leur participation à la prise de décisions de l’IMF, et la transparence des opérations financières. L’intérêt de cet outil réside dans le fait qu’il est facile à utiliser et qu’il peut être administré par l’IMF.
L’outil SPA (Social Performance Assessment) de la performance sociale a été élaboré par Woller, avec un financement de l’USAID. Cet outil utilise un tableau de notation comportant une série d’indicateur sur six (6) dimensions de la portée : étendue, degré, viabilité, gamme, coût et valeur pour les clients et la communauté (Schrener, 2002).
Il est plus facile selon Hartarska(2005), Hartarska et Nadolnyak (2007) et Tchuigoua (2012) d’appréhender la performance sociale sur deux dimensions : le ratio de coût par emprunteur ou le nombre d’emprunteurs actifs qui permet de connaître le nombre total des personnes qui ont eu accès au crédit et le montant moyen du crédit encore appelé taille du crédit permettant de se prononcer sur la catégorie sociale (les riches, les pauvres) à laquelle l’IFI accorde plus de crédit. Une IFI performante est celle qui est en mesure de servir au marché des produits financiers de qualité accessibles à un grand nombre de clients au sein de sa clientèle ciblée.
1.2.2. La performance financière et ses instruments de mesure
Pour développer le secteur de la microfinance, l’accent a été porté davantage sur la performance financière. Les indicateurs les plus pertinents qui, pris ensemble donnent une vue d’ensemble raisonnable sur la performance, le niveau de risque et la situation financière d’une institution de microfinance ont été regroupés en quatre catégories principales : qualité du portefeuille, efficacité et productivité, gestion financière et rentabilité.
1.2.2.1. Mesure de la qualité du portefeuille
La source de risque la plus importante pour une institution financière réside dans son portefeuille de crédits. Non seulement le portefeuille de crédit est l’actif le plus important pour une IMF, mais en outre, la qualité de cet actif ou le risque qu’il pose pour l’institution est assez difficile à mesurer. La mesure la plus couramment utilisée pour la qualité du portefeuille dans l’industrie de la microfinance est le Portefeuille à Risque (PaR) qui mesure en fait la partie du portefeuille qui est contaminée par les impayés en pourcentage du portefeuille total.
1.2.2.2. Mesure de l’efficacité et de la productivité
Les indicateurs d’efficacité et de productivité sont des mesures de performance qui montrent la manière dont les institutions rationalisent le traitement de leurs opérations. Les indicateurs de productivité reflètent la quantité d’output par unité d’input, alors que les indicateurs d’efficacité prennent en compte, en plus du coût des inputs, le prix des outputs. Quatre indicateurs ont été retenus pour mesurer la productivité et l’efficacité : le ratio charge d’exploitation, le ratio coût par emprunteur, le ratio productivité du personnel et le ratio productivité des agents de crédit.
1.2.2.3. Mesure de la gestion financière
La gestion financière s’emploie à garantir un niveau de liquidité suffisant, afin de couvrir les obligations d’une IMF, en termes de décaissement des crédits à ses emprunteurs et de remboursements des emprunts à ses créanciers. Même si la gestion financière est une fonction de back-office, les décisions dans ce domaine peuvent directement influer sur le résultat financier d’une institution. Trois indicateurs sont utilisés pour évaluer la gestion financière d’une IMF, à savoir : le ratio charges de financement, le ratio coûts des ressources et le ratio dettes sur fond propres.
1.2.2.4. Mesure de la rentabilité
Les indicateurs de rentabilité, tels que ceux portant sur la rentabilité des fonds propres et la rentabilité sur actifs reflètent la performance de l’ensemble des domaines d’activité de l’institution. Si la qualité du portefeuille ou l’efficacité des opérations est faible, cela reflètera dans la rentabilité. Trois indicateurs pour mesurer la rentabilité ont été relevés, à savoir la rentabilité sur fond propres, la rentabilité des actifs et le rendement de portefeuille.
Pour la zone UMOA, ces indicateurs sont résumés dans le tableau suivant tels que prévus par l’Instruction n°020-12-2010 du 29 décembre 2010, relative aux indicateurs périodiques à transmettre par les Systèmes Financiers Décentralisés, au Ministre chargé des Finances, à la Banque Centrale et à la Commission Bancaire:

Tableau 7: Indicateur de rentabilité
Indicateurs Ratios Normes
Indicateurs de qualité du portefeuille Radio de portefeuille classé à risque (PAR) PaR 30 jours au moins < 5%
PaR 90 jours au moins < 3%
PaR 180 jours ou = 40%
Taux de perte sur créances > 2%

Indicateurs d’activités Montant moyen des crédits décaissés Tendance haussière
Montant moyen de l’épargne par épargnant Idem
Encours moyen des crédits par emprunteurs Idem

Indicateurs d’efficacité/productivité Ratio de productivité des agents de crédit > ou = 130%
Ratio de productivité du personnel > 115
Radio des charges d’exploitation rapportées au portefeuille de crédit > ou = 35%

Ratio des frais généraux rapportés au portefeuille de crédit > 15% pour les structures de crédit direct
< 20% pour les structures d’épargne et de crédit

Ratio des charges de personnel < 5% pour les structures de crédit direct
< 10% pour les structures d’épargne et de crédit

Indicateurs de rentabilité Ratio de rentabilité des fonds propres <15%
Ratio de rendement sur actif < 3%
Ratio d’autosuffisance opérationnelle < 130%
Marge bénéficiaire < 20%
Coefficient d’exploitation

Indicateurs de gestion du bilan Taux de rendement des actifs 2% pour les structures de crédits directs
> 5% pour les d’épargnes et de crédit
Ratio de capitalisation > 15%
Source : Auteur à partir des données de la BCEAO (2007-2013)

La performance dans les IFI est le plus couvent appréciée par les « rentabilités économique » ou le « le return on asset (ROA) » ou encre le « rendement sur actif » et l’autosuffisance opérationnelle. Le ROA permet d’apprécier la gestion des actifs pour l’optimisation de la rentabilité. Il inclut le rendement du portefeuille mais aussi tous les autres produits tirés des placements des autres activités d’exploitation ou parallèles. Ne défavorisant pas les IMF essentiellement financées par fonds propres, le ROA est un bon instrument pour la comparaison des IMF commerciales et non commerciales. La BCEAO recommande un taux minimum de 3%. Cela suppose qu’au-delà 3%, l’IMF assure une bonne rentabilité en terme de gestion d’actif. Le ratio d’autosuffisance opérationnelle constitue la mesure la plus élémentaire de la pérennité indiquant la suffisance ou l’insuffisance des produits d’exploitation à couvrir toutes les charges d’exploitation. Il utilise les seuls produits et charges liés à l’exploitation, laissant de côté les revenus et dépenses hors exploitations et subventions. Une meilleure couverture des coûts traduit la capacité de l’IMF à poursuivre ses opérations sans subventions futures. L’AO est une mesure simple et utile pour les IMF surtout les jeunes qui souhaitent une évolution vers la pérennité. La BCEAO recommande un seuil minimum de 130%. Toute IMF qui dépasse ce seuil est considérée comme opérationnellement viable.
SECTION 2 : Gouvernance et impact des mécanismes de gouvernance sur la performance des institutions de microfinance.
Cette section est réservée à la revue de littérature concernant la gouvernance et l’impact des différents mécanismes de gouvernance sur la performance des IMF.
2.1. Gouvernance des Institutions
L’objectif de la gouvernance est d’assurer la pérennité de l’entreprise en prenant des décisions structurelles partagées et réfléchies. Dans un environnement de bonne gouvernance, les décisions sont prises dans un esprit de concertation et de partage. En matière de gouvernance, l’essentiel est de fédérer les hommes autour de thèmes mobilisateurs pour toute l’entreprise. L’étude de Gompers et al. (2003), révèle une relation positive entre la bonne gouvernance et la performance financière de la firme. La gouvernance repose sur le respect de la réglementation, mais aussi sur l’adoption des mesures efficaces et c’est de là que nait le lien entre les bonnes pratiques de gouvernance et la réputation de l’IMF, la gestion des risques, l’accès aux marchés des capitaux et aux marchés financiers. Cela ne vaut pas uniquement pour les instructions financières, mais s’applique à toutes les organisations (APSFD, 2018).
2.1.1. Notion de gouvernance
Etymologiquement, le mot gouvernance trouve ses racines dans la langue française au 18ème siècle. Ce concept a été repris par la suite par Williamson (1975), où la gouvernance a été associée à la théorie des coûts de transactions. Pour Drucker (1997), la gouvernance d’entreprise consiste à mettre au point et à reporter des règles qui guident et limitent la conduite de ceux qui agissent au nom de l’entreprise. En d’autres termes, la gouvernance est une panoplie de dispositions visant à assurer que l’action des dirigeants de l’entreprise soit engagée conformément aux intérêts des actionnaires. La gouvernance n’est plus l’art de gouverner mais elle devient un grand mot, qui résume le concept englobant l’autorité et le contrôle. La gouvernance signifie exercer une autorité, donner une orientation et assurer un contrôle. Pour Chareaux (2013), la gouvernance est l’ensemble des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter le pouvoir et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire. Un mécanisme de gouvernance est donc un processus par lequel le conseil d’administration, à travers la direction, aide l’institution à remplir sa mission et à protéger ses actifs au cours des temps. Au sujet d’une entreprise, la gouvernance est centrée sur la relation entre les dirigeants et les détenteurs de ressources (Lapeneu, 2002).
2.1.2. Les formes de gouvernance
Nous essaierons d’énumérer ici, à travers la littérature existante, les différentes formes de gouvernance d’entreprise.
2.1.2.1. La gouvernance actionnariale
Constituant l’approche financière de la gouvernance, la théorie actionnariale est axée sur les conflits d’intérêts entre les actionnaires d’un côté et les dirigeants de l’autre. D’un point de vue conceptuel, la théorie actionnariale de la gouvernance repose sur la branche normative de la théorie de l’agence. Le courant dit « principal et agent » ou « actionnaire et dirigeant » qui s’adossent aux postulats du modèle du comportement humain présentés par Jensen et Meckling(1994) dans « The nature of man ». La gouvernance permet donc de mettre en place un certain nombre de mécanismes permettant de discipliner le dirigeant et de réduire son espace discrétionnaire afin de sécuriser l’investissement financier des actionnaires. La création du maximum de valeur passe exclusivement par la discipline du dirigeant. Cette théorie inspirée du fonctionnement de la firme managériale anglo-saxonne présente de nombreuses limites. Pour Charreaux (2004), elle ne permet pas d’expliquer le fonctionnement des systèmes non anglo-saxons, notamment les économies des pays non anglo-saxons où l’Etat et les banques ont un rôle important dans le financement des entreprises. De plus, à son avis, le réalisme de cette théorie est remis en question par le rôle de plus en plus marginal joué par les actionnaires dans le financement des entreprises.
2.1.2.2. La gouvernance partenariale
La gouvernance partenariale est caractérisée par la théorie des parties prenantes. Dans la vision de Freeman (1984), une partie prenante est un individu ou un groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels. La formation de la valeur dans le modèle partenarial se résume, pour l’essentiel, à la résolution des conflits d’intérêts en agissant sur la répartition de la valeur. Dans cette approche, la firme est considérée comme une équipe de facteurs de production dont les synergies sont à l’origine de la création de valeur. La valeur est ainsi créée par convention des efforts de l’ensemble des parties prenantes : c’est une valeur partenariale. Contrairement à l’approche précédente, les actionnaires ne sont pas les seuls concernés par la création et la répartition de la valeur. Mais, comme dans l’approche actionnariale, la création et surtout la répartition de la valeur passent principalement par la discipline du dirigeant. Un autre type de la gouvernance partenariale a été identifié au nom de gouvernance germano – nippon qui privilégie le long terme. Ce modèle est fondé sur une logique de coopération et de partenariat qui se manifeste à plusieurs niveaux : les relations entre les banques et les entreprises, les relations entre les secteurs publics et privé, les relations entre les différents partenaires sociaux et les relations entre les entreprises. Ce modèle est caractérisé par l’approche stakeholder selon lequel, il s’agit de prendre en considération les intérêts des différentes parties prenantes de l’entreprise qui sont susceptibles de contribuer à la formation de la stratégie : les actionnaires, les salariés, les fournisseurs, les clients, les banques, l’Etat, etc.
2.1.2.3. La gouvernance cognitive
Cette théorie rejette l’hypothèse de rationalité substantielle au profit d’une rationalité dite procédurale. La rationalité ne s’apprécie plus en fonction des décisions mais des processus qui les régissent. Dans cette approche théorique de la gouvernance, la création de valeur dépend en priorité de l’identité et des compétences qui sont conçues comme un tout cohérent (Charreaux, 2002). De même, le schéma de création et d’appropriation de la valeur qui la sous-tend diffère de celui sous-jacent aux théories disciplinaires. L’organisation est perçue comme un répertoire de connaissances capables de percevoir les nouvelles opportunités créatrices de valeur de façon durable. Pour Prahalad (1994), Charreaux (2002), la valeur naît de la capacité du management à imaginer, percevoir, construire de nouvelles opportunités productives. Une importance particulière est donc, dans le cadre de cette approche de la gouvernance, accordée à la dimension productive tant du point de vue de l’innovation que de la coordination. Dans une option cognitive, Charreaux (2002) définit la gouvernance des organisations comme l’ensemble des mécanismes permettant d’augmenter le potentiel de création de valeur par l’apprentissage et l’innovation.
2.1.2.4. La gouvernance familiale
L’aspect familial est ce qui différencie les entreprises familiales des autres. Par conséquent, la famille joue un rôle crucial dans la gouvernance de son entreprise. Lorsque la famille en est encore à l’étape de son fondateur initial, très peu de questions liées à la gouvernance familiale peuvent surgir, étant donné que la plupart des décisions sont prises par le fondateur et que la voix de la famille est encore unifiée. A travers le temps, au fur et à mesure que la famille traverse les étapes suivantes de son cycle de vie, des générations plus récentes et davantage de membres rejoignent l’entreprise familiale. Leur arrivée se traduit par des idées et des opinions différentes concernant la manière dont l’entreprise devrait être dirigée et sa stratégie définie. Il devient alors obligatoire d’établir une structure de gouvernance familiale claire qui disciplinera les membres de la famille, empêchera les conflits éventuels et garantira la continuité de l’activité. Bref, la famille impose des codes de conduites pour maintenir la cohésion (Arrègle et al., 2004). Les principaux éléments d’une structure de gouvernance familiale reposent sur : une constitution familiale qui définit clairement la vision, la mission et les valeurs familiales et les politiques régulant la relation qui unit les membres de la famille à l’entreprise, et des institutions familiale, un conseil familial et d’autres comités familiaux.
2.1.2.5. La gouvernance réticulaire
Le modèle réticulaire de gouvernance d’entreprise est régulé par les réseaux interpersonnels et sociaux. Ce type de gouvernance d’entreprise, moins souvent décrit que les précédents, est cependant parmi les plus anciens et les plus répandus dans le monde. Il repose sur un encastrement de l’activité économique dans la société ; un acte économique donné (achat/vente, emprunt/prêt, création d’une société, embouche de personnel…) ne pouvant être dissocié du lien social qui l’entoure. La gouvernance d’entreprise se trouve particulièrement impliquée par une telle posture, fondée sur les relations interpersonnelles et le lien social. Elle permet une vision de long terme des relations de confiance (Sylla, 2015).
2.2. Mécanismes de gouvernance et leurs influences sur la performance des IMF
Au fur et à mesure que la microfinance se développe, la question de la gouvernance est de plus en plus abordée, et le rôle par une gouvernance efficace est encore plus important. La qualité des mécanismes de gouvernance et le bon fonctionnement des organes de gouvernance ne sont pas étrangers aux bonnes performances des organisations. L’efficacité des mécanismes de gouvernance peut donc être considérée comme un levier de création de valeur sociale et financière dans les IMF. Il est aussi évident que le contexte entourant la gestion des IMF est complexe. Cependant, la prise en compte des exigences financières, institutionnelles et sociales, propres aux activités de microfinance, nous amène à considérer que la gouvernance partenariale est la plus adaptée dans ce secteur. Labie (2005) établie une approche partenariale de la gouvernance dans les IMF selon laquelle les IMF sont considérées comme un construit social résultant de l’action de l’ensemble des agents économiques interagissant avec l’organisation : actionnaire, employés, clients ou membres, organisme de financement, organisation de contrôle. Dans le document « principes et pratiques de gouvernance en microfinance », Rock et al (1998) présentent des principes dont le respect par une IMF lui garantirait une gouvernance efficace. Ces auteurs définissent la gouvernance en microfinance comme un processus par lequel le conseil d’administration, à travers la direction, aide l’institution à remplir sa mission et protège ses actifs au cours des temps.
En dépit de la forte volonté affichée pour redorer le blason du secteur de la finance inclusive, un circuit plein d\’embûches doit être parcouru pour sortir la microfinance de l\’ornière. Tant il reste vrai que la gouvernance dans une institution de microfinance implique le respect scrupuleux de normes telles que la gestion du crédit, la gestion de l\’épargne, voire les productions d’états financiers APSFD (2018). Le mode de gouvernance constitue en vérité un facteur de risque et un défi permanent pour les SFD. Si l\’histoire récente de la microfinance fournit des exemples notoires de réussite, il reste constant que les crises et les faillites ont prospéré dans le secteur. La plupart de ces crises sont liées à des problèmes de gouvernance. Ce sont des conflits d\’intérêts entre acteurs, des défaillances au niveau du système de contrôle, des blocages dans le processus de décision.
Le système de gouvernance de toute entreprise et notamment des IMF repose sur un ensemble de mécanismes. Cependant, la gouvernance des institutions de microfinance est plus sensible que celle des entreprises, banques et organisations à trois niveaux : double objectif, responsabilité fiduciaire du CA et structure de propriété. On distingue les mécanismes internes et externes de gouvernance dans les IMF.
2.2.1. Les mécanismes internes de gouvernance et la performance des IMF
Les mécanismes internes de gouvernances sont ceux qui sont internes aux IFI et qui sont susceptibles d’influencer la gouvernance de ces dernières.
2.2.1.1. L’Assemblée Générale
L’assemblée générale est l’instance suprême de l’institution. Elle est constituée de l’ensemble des membres ou actionnaires ou de leurs délégués. Elle a notamment pour compétence de s’assurer de la bonne gestion de l’institution, de fixer et modifier ses statuts et son règlement, et d’élire les membres des organes auxquels elle délègue ses pouvoirs entre deux assemblées. L’assemblée générale ordinaire se réunit au moins une fois par an. Au plus tard dans les six (6) mois qui suivent la clôture de l’exercice financier de l’institution, elle se réunit en vue notamment : d’adopter le rapport d’activités de l’exercice, d’examiner et d’approuver les comptes de l’exercice, de donner quitus aux membres des organes de gestion, de nommer un commissaire aux comptes le cas échéant (décret d’application de la loi portant règlementation des systèmes financiers décentralisés). L’objectivité de l’Assemblée Générale Ordinaire est donc source de création de valeur.
2.2.1.2. Le Conseil d’Administration
Que ce soit dans la théorie de l’agence (Fama, 1980) ou dans la théorie des coûts de transactions (Williamson, 1985), le conseil d’administration, apparaît comme le mécanisme privilégié chargé de discipliner les dirigeants. Le conseil d’administration veille au fonctionnement et à la bonne gestion de l’institution. A cet effet, il est chargé notamment : d’assurer le respect des prescriptions légales, réglementaires et statutaires, de définir la politique de gestion des ressources de l’institution et de rendre compte périodiquement de son mandat à l’assemblée générale, dans les conditions fixées par les statuts et le règlement intérieur, de veiller à ce que les taux d’intérêt applicables se situent dans la limite des plafonds fixés par la loi sur l’usure et d’une manière générale de mettre en application les décisions de l’AG (BCEAO, 2016). Oster (1995) met en évidence le rôle crucial du CA dans le cas spécifique des organisations d’économie sociale. Certains analystes de la gouvernance se focalisent sur la manière dont le CA exerce son contrôle pour s’assurer que les dirigeants prennent des décisions favorables à la réalisation de sa double mission. Campion et Fran- kiewicz (1999) et Mersland et Strøm (2007) ont mis l’accent sur les variables telles que la taille du CA, sa composition, la rotation des principaux dirigeants et la durée de mandat des membres du CA, ainsi que la séparation du pouvoir entre le président du CA et le DG. D’après Jensen (1993), la taille du CA joue un rôle important dans l’efficacité du système de gouvernance d’une organisation. Les conseils d’administration de grande taille peuvent également occasionner des coûts et ouvrir des espaces au comportement de passager clandestin de certains administrateurs. Ces derniers s’investissent très peu dans les activités de contrôle en raison de leurs incompétences et de leur faible assimilation des procédures. Ainsi, Jensen (1993) déduit que pour un bon fonctionnement du CA, il faut un nombre optimal de 8 membres. Mersland et Strøm (2009) ne trouvent pas de relation significative entre la taille du conseil d’administration et la performance financière et sociale des sociétés privées de microfinance. Ils montrent également que le cumul des fonctions de décision et de contrôle ne défavorise pas la rentabilité et viabilité des IMF. Sur le plan empirique, Hartarska (2005) montre que l’efficacité de la taille du CA n’est vérifiée que lorsque la PS est mesurée par la portée. Lorsqu’elle est mesurée par le montant des transactions, aucune influence significative de la taille du conseil n’est trouvée. De plus, il trouve une influence positive et significative de la taille du CA sur la rentabilité, indiquant que les IMF ayant un CA de grande taille sont plus rentables. Il ajoute que les IMF les plus viables sont celles qui disposent d’un CA de plus petite taille. Les travaux d’Andres et Vallelado (2008) montrent que la relation entre la taille du CA et la performance des banques n’est pas linéaire. Le seuil de 19 administrateurs est identifié comme celui à partir duquel le CA n’est plus efficace comme mécanisme de gouvernance.
2.2.1.3. La forme juridique ou statut juridique
Définir sa forme juridique est une décision importante de toute entreprise voulant exercer une activité de microfinance. Les différentes formes juridiques que les institutions de microfinance peuvent avoir sont: association ou ONG, mutuelle ou coopérative, société anonyme. Le choix du statut sera déterminant pour le type d’organisation, pour les modalités de prise de décision et donc pour la gouvernance de l’institution. Les Associations/ONG/Fondations sont des organisations à but non lucratif : ce type d’institution ne collecte pas d’épargne. Dans les cas où la collecte existe, il s’agit d’une tolérance en l’absence du cadre juridique pour la microfinance. Les Mutuelles ou Coopératives sont des institutions détenues par des membres qui sont les bénéficiaires directs des services d’épargne et de crédits proposés. Les sociétés anonymes ont une composition du capital très variable. Certains auteurs (Hardy et al., 2003 ; Jansson et al., 2004 ; Fernando, 2004 ; Ledgerwood et white, 2006) préconisent aux IMF ONG la transformation en sociétés privées car les sociétés sont moins dépendantes des dons et sont plus efficace que IMF non régulées.
2.2.1.4. La Méthodologie du crédit
La méthodologie du crédit est une tâche du comité de crédit. Cuevas et Fischer (2006) considèrent la méthodologie de crédit (crédit de groupe ou crédit individuel) comme un mécanisme de gouvernance permettant de réduire les conflits résultant de la relation de crédit. Les résultats des études empiriques divergent quant à l’influence de ce levier de gouvernance des IMF sur leur performance. Hartarska (2005) ne trouve aucune influence significative de la méthodologie de crédit sur la viabilité et l’efficacité sociale des IMF d’Europe Centrale et de l’Est. Cependant, les IMF les moins rentables sont celles qui adoptent le crédit individuel. La contribution de cette variable reste relativement faible. Mersland et Strøm (2009) montrent que le crédit individuel est positivement associé à des montants de crédit élevé, mais ne trouvent aucune différence significative de performance (rentabilité et viabilité) entre les IMF par la méthodologie de prêt. A contrario, Cull et al. (2007) montrent, sur la base d’un échantillon de 124 IMF, que celles qui accordent des prêts individuels sont plus rentables et plus pérennes.
2.2.1.5. La forme organisationnelle
La littérature sur la théorie des organisations coopératives propose une comparaison des IMF par le mode d’organisation et permet de conclure à l’existence d’une relation entre les formes d’intégration des IMF et leur performance (Fischer, 2000 ; Desrochers et Fischer, 2005 ; Cuevas et Fischer, 2006). Fischer (2000) montre que, sauf en de très rares exceptions, l’ensemble des IMF appartenant à des réseaux stratégiques sont plus performantes que celles qui appartiennent à des réseaux atomisés. Fischer (2005) procède à une comparaison internationale des performances des réseaux d’IMF opérant dans des pays se situant à divers niveaux de développement économique. Ils valident les résultats de Fischer (2000) et montrent en plus que l’intégration dans les réseaux est moins importante dans les IMF des pays en développement et d’Afrique. L’intégration dans les réseaux n’explique pas leur efficacité.
2.2.1.6. Le système de rémunération des ressources humaines
Le système de rémunération des dirigeants est compté aussi parmi les mécanismes disciplinaires internes de l’entreprise. Le choix du système de rémunération « optimal » des dirigeants a fait l’objet de plusieurs études en gouvernance. Ce choix pose, en effet, un problème sérieux, notamment parce que l’agent est averse au risque, et que ni l’effort de celui-ci ni l’état de monde ne sont parfaitement observables pour le CA. La solution générale proposée dans la littérature à ce sujet est de prévoir dans la rémunération une partie fixe, qui vise à réduire le risque du dirigeant, et une partie variable qui lui transmettrait une partie du risque des actionnaires (Rees, 1985). Larcker (1983) présente une analyse intéressante mettant en exergue l’avantage du recours aux options dans la rémunération des dirigeants. En effet, il avance que l’utilisation des options incite les dirigeants à s’engager dans des investissements risqués et à recourir de façon plus importante à l’endettement, puisque la valeur de l’option est d’autant plus importante que le risque est élevé.
2.2.1.7. Contrôle interne
Les contrôles internes correspondent à l\’ensemble des ressources et procédures utilisées par les dirigeants pour contrôler efficacement les activités. Grâce à eux, la direction et le personnel peuvent être raisonnablement certains d\’atteindre les objectifs. Ils aident à corriger les contradictions et à détecter les anomalies survenant entre les différents centres décisionnels (par exemple les chefs d’agence) dotés de niveaux d\’autonomie variés. Un système de contrôle interne efficace permet à l\’IMF d\’assumer des risques supplémentaires de façon mesurée tout en se prémunissant contre des pertes financières, contre l’impact négatif sur les clients et contre la dérive de mission. Les contrôles internes doivent être : préventifs, défectifs, et correctifs (CGAP, 2015).
2.2.1.8. Audit interne
L’audit interne est une appréciation systématique et objective par les auditeurs internes des diverses activités et des contrôles d’une institution.
Ne pas confondre l’audit interne et le contrôle interne : le contrôle interne englobe les mesures de contrôle des risques a priori et a posteriori (c’est- à-dire avant et après les opérations) l’audit interne est une évaluation systématique a posteriori des opérations et des états financiers d’une institution (CGAP, 2015).
2.2.2. Les mécanismes externes de gouvernance et la performance des IMF
Les mécanismes externes de gouvernances sont ceux qui sont externes aux IFI et qui sont susceptibles d’influencer la gouvernance de cette dernière. Hartarska (2005) trouve que les IMF sujettes à la régulation sont moins rentables économiquement. En revanche aucun effet significatif de la supervision et de la notation n’est trouvé sur la viabilité et l’efficacité sociale des IMF. Sur la base d’un échantillon international constitué de 108 IMF, Hartarska (2009) montre que les mécanismes externes de gouvernance n’influencent ni la pérennité des IMF, ni leur efficacité sociale. Sur la base d’un échantillon de 114 IMF, Hartarska et Nadolnyak (2007) parviennent à la même conclusion en ce qui concerne la relation entre la supervision et la viabilité des IMF d’une part, et celle entre la supervision et l’efficacité sociale. Ils trouvent que la régulation n’affecte pas directement la viabilité des IMF. En effet, la régulation donne la possibilité aux IMF d’accroître leur capacité de transformation en accédant aux dépôts et à des lignes de financement extérieures et d’améliorer par conséquent leurs résultats financiers. Dans le même sens, Mersland et Strøm (2009) ne trouvent aucun effet positif de la supervision sur la rentabilité, la viabilité et l’efficacité sociale d’un échantillon de 278 sociétés privées de microfinance.
2.2.2.1. La régulation
La régulation est considérée comme un mécanisme de gouvernance spécifique aux organisations bancaires (Dewatripont et Tirole, 1994 ; Ciancanelli et Reyes, 2001 ; Caprio et Levine, 2002 ; Macey et O’Hara, 2003 ; Comité de Bâle, 2006). Elle passe par les normes prudentielles qui sont des indicateurs de gestion évaluant la capacité́ des dirigeants des IMF à mener sainement l’activité de collecte d’épargne et d’octroi de crédit et certaines prescriptions spécifiques. A l’origine, ces normes font parties des mécanismes de gouvernance spécifiques aux organisations bancaires (Macey et O’Hara, 2003). C’est une réglementation qui tend à̀ maintenir en toutes circonstances des établissements de crédit (banques, entreprises d’investissement) sûrs, sains, solvables et solides (Mishkin, 2013). Au niveau de la microfinance, BCEAO a édité des ratios prudentiels pour les SFD l’UMOA. Les ratios prudentiels sont au nombre de dix (10). Le respect de ces ratios par les IMF togolaises sur la période de 2011 – 2016 est consigné dans le tableau N° 5.
Le ratio de couverture des emplois à moyen et long terme par les ressources stables n’a jamais été respecté sur toute la période. Quelques travaux récents testent la relation entre les mécanismes externes de gouvernance et la performance des IMF. Comme Barth et al. (2004) dans le secteur bancaire, quelques-uns n’établissent pas de lien significatif entre la supervision, la performance financière et l’efficacité sociale des IMF.
2.2.2.2. L’audit externe
Un audit externe est un examen formel et indépendant des états financiers, registres, transactions, et opérations d’une structure par une partie externe en vue d’exprimer une opinion sur les états financiers de l’IMF. Qu’en est-il des aspects sociaux ? L’audit de ces aspects (performance sociale, protection des clients) peut s’intégrer ou non à une mission d’audit externe classique, en fonction des besoins et du profil de l’IMF (CGAP, 2015). Les outils d’audit social mentionnés pour l’audit interne sont également valables pour l’audit externe. Les audits sociaux sont encore rarement conduits par les auditeurs financiers, qui sont le plus souvent spécialistes des risques financiers et opérationnels. Le recours aux services d’un Commissaire aux Comptes pour la certification annuelle concerne deux types de SFD dans le cadre de cette segmentation fonctionnelle : les SFD entrant dans le cadre de l’article 44 de la loi et les SFD ayant adopté une forme SA. Les audits externes des IMF n’ont pas toujours produit des résultats satisfaisants car peu d’auditeurs externes ont de l’expérience en microfinance et ils ne comprennent pas que le risque lié au portefeuille ainsi que les techniques de gestion dans une IMF sont différents de ceux des banques. La direction, le conseil d’administration et les bailleurs d’une IMF ne comprennent pas toujours la fonction de l’audit externe et ne savent pas comment s’assurer que l’audit externe soit pertinent et utile. Hartarska (2005) montre qu’en Europe Centrale et de l’Est, il n’existe pas de différence significative de performance sociale et financière entre les IMF par l’audit.
2.2.2.3. La notation par les agences de rating des IFI
La littérature sur la relation entre les mécanismes de gouvernance et la notation s’enracine dans la théorie positive de l’agence (Jensen et Meckling 1976 ; Fama et Jensen 1983a, 1983b ; Jensen 1993). Selon cette théorie, les mécanismes de gouvernance permettent de minimiser les conflits d’agence, de contrôler la latitude managériale et d’éviter les comportements d’expropriation. Les IMF ayant un système de gouvernance jugé efficace par les agences de notation feraient donc l’objet d’une meilleure notation. Une meilleure notation est davantage associée à une meilleure autosuffisance opérationnelle et à une meilleure portée. Une IMF à but non lucratif a une influence positive et significative sur la notation (Tchuigoua, 2012). À partir de l’étude d’un échantillon international constitué de 70 IMF notées par Planet rating entre 2000 et 2004, Gutierrez-Nieto et Serrano-Cinca (2007) tentent d’expliquer la note obtenue par la performance sociale, financière et organisationnelle, et par la solvabilité. Ils montrent que la profitabilité et la qualité de portefeuille sont déterminantes dans la notation des IMF. En revanche, ils ne trouvent pas d’influence significative de l’efficacité sociale des IMF sur la notation.
La performance d’une IMF ne dépend pas seulement de ses dirigeants mais aussi de l’efficacité de ses mécanismes de gouvernance. Il est alors important de comprendre le rôle de chaque mécanisme de gouvernance adopté et de savoir comment il pourrait impacter positivement ou négativement la performance de l’IMF.
Nous avons abordé dans cette première partie, le cadre théorique qui nous a permis de faire l’historique de la microfinance et de mettre en exergue la notion de la gouvernance et l’importance de ses mécanismes. Il s’avère indispensable de partager la valeur de la bonne gouvernance afin que chaque acteur de la gouvernance, quelle que soit sa position dans le système stratégique de l’IMF, puisse œuvrer efficacement pour l’atteinte des objectifs.

PARTIE II : CADRES METHODOLOGIQUE ET EMPIRIQUE

Cette deuxième partie de notre recherche est consacrée aux cadres méthodologique et empirique. Dans le chapitre 1, nous aborderons le cadre méthodologique et la présentation des résultats. Le chapitre est consacré aux discussions autour des résultats. Ces discussions concerneront les liens entre les mécanismes de gouvernance la performance des IMF de l’échantillon.

CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE
Ce chapitre contient deux sections. La première dédiée à la démarche de la recherche. La deuxième section est relative aux variables et au modèle de recherche.
SECTION 1 : Démarche de la recherche
Primo, les enquêtes ont permis d’identifier les mécanismes de gouvernance et les données liées à la performance. Secundo, nous avons adopté une démarche hypothético – déductive pour tester le lien entre les mécanismes de gouvernance et la performance des SFD au Togo.
1.1. Démarche d’identification des mécanismes de gouvernance et d’étude d’impact
Pour répondre aux objectifs de cette recherche, nous avons utilisé la question spécifique N°1 qui a permis d’identifier les mécanismes de gouvernance que les SFD ont adoptés au Togo. La deuxième question nous a conduit à analyser le lien entre certains mécanismes internes et la performance des SFD au Togo. En effet, nous nous sommes intéressés aux variables :
– composition et fonctionnement du conseil d’administration (sa taille et son nombre de réunions par an),
– système de rémunération variable.
La troisième question nous a aidé à montrer l’influence de certains mécanismes externes sur la performance des SFD au Togo. Nous avons retenu la régulation et plus spécifiquement le ratio de couverture des emplois à moyens et long terme par les ressources stables et la supervision directe par la BCEAO et la Commission Bancaire de l’UMOA.
1.2. Les Hypothèses
Nous avons formulé deux principales hypothèses autour des mécanismes internes et externes de gouvernance. Ces hypothèses sont subdivisées en hypothèses subsidiaires spécifiques liées à l’influence des mécanismes de gouvernance sur les performances financière et sociale séparément. La validation des hypothèses principales passe par celle des hypothèses subsidiaires.
1.2.1. Hypothèse sur les mécanismes internes de gouvernance
Nous sélectionnons à ce niveau la composition et le fonctionnement conseil d’administration (taille et nombre de réunions par an) et le système de rémunération des dirigeants (salaire variable ou rémunération incitative).
Notre Hypothèse principale N° 1 s’intitule comme suit :
H1 : Les mécanismes internes de gouvernance influencent la performance des IMF au Togo.
Cette Hypothèse est déclinée en trois sous hypothèses compte tenu des variables de mécanismes internes retenus :
– H11 : La taille du conseil d’administration influence la performance des IMF au Togo.
Les travaux d’Andres et Vallelado (2008) montrent que la relation entre la taille du conseil d’administration et la performance des banques n’est pas linéaire. La courbe décrivant la relation prend la forme d’un U renversé. Sur le plan empirique, Hartarska (2005) montre que l’efficacité de la taille du CA n’est vérifiée que lorsque la performance sociale est mesurée par la portée. De plus, il trouve une influence positive et significative de la taille du CA sur la rentabilité, indiquant que les IMF ayant des CA de grandes tailles sont plus rentables. La sous Hypothèse H11 est scindée en deux hypothèses subsidiaires :
• H111 : La taille du CA influence toutes les mesures de la performance financière des IMF au Togo.
• H112 : La taille du CA influence toutes les mesures de la performance sociale des IMF au Togo.
– H12 : Le nombre de réunions du conseil d’administration par an influence la performance des IMF au Togo.
Cette sous – hypothèse est subdivisée en deux hypothèses subsidiaires à savoir :
• H121 : Le nombre de réunions du CA influence toutes les mesures de la performance financière.
• H122 : Le nombre de réunions du CA influence toutes les mesures de la performance sociale
– H13 : Le Système de rémunération variable influence la performance des IMF au Togo.
Elle est également scindée en deux hypothèses subsidiaires :
• H131 : Le système de rémunération variable influence toutes les mesures de la performance financière au Togo.
• H132 : Le système de rémunération variable influence toutes les mesures de la performance sociales des IMF au Togo.
1.2.2. Hypothèse sur les mécanismes externes de gouvernance
Nous nous intéressons à la régulation plus précisément à la réglementation et la supervision directe.
Le cadre réglementaire influence la structure financière des IMF en facilitant l’accès aux sources externes de financement (White et Campion 2002 ; Fernando 2004). Il est considéré comme un mécanisme de gouvernance externe destiné à compenser les défaillances des systèmes internes de contrôle (Jensen 1993). Le respect de la réglementation passe par le respect des normes prudentielles (Wélé, 2009). Parmi les ratios prudentiels, nous avons sélectionné le ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables pour l’analyse de l’impact compte tenu de son importance.
La supervision vise le respect de la réglementation. Toutes les institutions qui ont reçu un agrément du Ministre des Finances et de l’Economie présentent leurs rapports à la BCEAO et à la CBU par le truchement de la CASIMEC. Mais les Institutions de l’article 44 ont l’obligation de rendre compte directement à la BCEAO et à la CBU ainsi qu’à la CASIMEC. Nous ainsi analyser l’effet de la supervision directe par la BCEAO et la CBU sur la performance des SFD de grande taille. Nous formulons ainsi l’hypothèse N°2 :
H2 : La régulation influence la performance globale des IMF au Togo.
Elle est subdivisée en deux sous – hypothèse chacune scindée à son tour en deux hypothèses subsidiaires :
– H21 : Le respect du ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables influences la performance des IMF au Togo :
• H211 : Le respect du ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables influence toutes les mesures de la performance financière des IMF au Togo.
• H212 : Le respect Le respect du ratio de couverture des emplois à MLT par les ressources stables influence toutes les mesures de la performance sociale des IMF au Togo.
– H22 : La supervision directe par la BCEAO et CBU influence la performance des IMF au Togo.
• H221 : La supervision directe par la BCEAO et CBU influence toutes les mesures de la performance financière des IMF au Togo
• H222 : La supervision directe par la BCEAO et CBU influence toutes les mesures de la performance sociale des IMF au Togo.
SECTION 2 : Les variables et le modèle de recherche.
Les variables de notre étude sont scindées en deux catégories : les variables endogènes et les variables exogènes.
2.1. Les variables endogènes
Les variables endogènes, encore appelées variables dépendantes, sont celles que nous cherchons à évaluer : il s’agit de la performance financière et la performance sociale des SFD.
2.1.1. La performance financière
La performance financière d’une SFD est mesurée par les indicateurs de rentabilité. Parmi ces indicateurs, il faut trouver un indicateur commun ayant la même interprétation (Tchuigoua, 2010) au niveau de toutes les catégories d’IMF et pouvant faciliter les comparaisons. Dans les sociétés privées de microfinance, l’actionnaire n’a qu’un seul but : la maximisation de la rentabilité de ses capitaux investis, mesurée par le ROE (Return On Equity). Dans les coopératives de microfinance et les ONG, l’objectif principal est plutôt la recherche de la performance sociale qui pourrait être évaluée en termes de la qualité des services rendus par les organisations.
Pour mettre les institutions de l’échantillon dans le même panier, nous avons retenu le taux de rentabilité économique ou ROA (Return On Asset) et l’autosuffisance opérationnelle. Contrairement au ROE (Retourn on equity), le ROA mesure la rentabilité quelle que soit la structure de financement sous-jacente de l’institution et permet de comparer les IMF commerciales et non commerciales (Bruett, 2005). L’autosuffisance opérationnelle, quant à elle, juge la viabilité ou la pérennité de l’organisation quelle que soit sa forme.
Le ROA est le rapport entre le résultat net et le total actifs tandis que l’AO est celui entre les produits d’exploitations et les charges d’exploitation. Selon les normes de la BCEAO, un SFD est rentable lorsque son ROA est supérieur à 3% et viable financièrement lorsque son ratio AO est supérieur à 130%.
Les difficultés liées à la collecte des données concernant le portefeuille, la marge bénéficiaire et les autres indicateurs internes de performance nous ont aussi contraint à nous limiter qu’à ces deux variables que plusieurs auteurs ont utilisé pour mesurer la performance financière interne des IMF.
2.1.2. La performance sociale
La performance sociale est mesurée par la portée et la taille du crédit. L’IMF qui octroi à un nombre élevé d’emprunteurs joue un rôle important dans la réduction de la pauvreté (Tchigoua, 2012). Ainsi, lorsque le NEA (nombre d’emprunteurs actifs) est supérieur à 30 000, la portée est jugée forte ; s’il est compris entre 10 000 et 30 000 (10 000≤NEA≤ 30 000), la portée est moyenne et quand il est inférieur à 10 000, la portée est jugée faible.
La taille de crédit vient compléter le NEA car l’atomicité des IMF au Togo peut les empêcher les à atteindre un grand nombre de clients. La taille du crédit est le quotient du rapport entre l’encours de crédits par emprunteur et le revenu national brut par habitant. Une valeur de TC élevée (TC > 1) indique que le SFD prête aux plus riches (Hartarska, 2005 ; Tchigoua, 2012). Le SFD est performant lorsqu’il arrive à mettre sur le marché des produits financiers de qualité accessibles à un grand nombre de clients au sein de la clientèle ciblée (les pauvres).
Nous nous sommes intéressés à ces indicateurs de mesure de la performance sociale cars ils expliquent mieux le rôle fondamental que doivent jouer les IMF quelle que soit leur forme : il s’agit de la finance inclusive ayant pour objectif la fourniture des services financiers aux personnes exclues du système bancaire. Les deux indicateurs, mis en ensemble, permettent d’analyser objectivement la qualité, sous l’aspect social, des produits des institutions de finances inclusives.
2.2. Les variables exogènes
Ce sont des variables qui influencent celles qu’on cherche à mesurer. Dans notre étude, les variables explicatives sont relatives aux mécanismes internes et externes de gouvernance.
Les variables explicatives retenues pour notre étude sont : le CA (sa taille du et son nombre de réunion par an), le système de rémunération des dirigeants, la régulation (réglementation et supervision). Les différentes variables retenues pour l’étude d’impact sont résumées dans le tableau suivant :

Tableau 8 : Description et opérationnalisation des variables retenues pour l’étude
Variables Identités Définitions

Performance financière
Rentabilité économique ou Return On Asset (ROA) Résultat d’exploitation/ total actif.
Capacité de l’IMF à utiliser ses actifs pour générer un rendement

Autosuffisance opérationnelle(OA) Produits financiers / (Charges financières + DAP pour créances douteuses + charges d’exploitation).
Mesure de la Capacité de l’IMF à couvrir ses coûts par ses produits d’exploitation.

Performance sociale
Nombre d’emprunteurs actifs(NEA) Logarithme népérien du nombre d’emprunteurs actifs

Taille du crédit(TC) Encours de crédit moyen par emprunteurs/Revenu national brut par habitant en USD
Conseil d’Administration TCA Nombre de membre du conseil d’administration
NRA Nombre de réunions du CA par année
Système de rémunération
Variable
SRV Variable binaire : 1 si les salaires varient selon le niveau de rendement, 0 Si les salaires sont fixes quel que soit le rendement.

Régulation Ratio de couverture(RC) La capacité de l’IMF à générer du fonds de roulement

Supervision(SU) Variable binaire : 1 si supervisé directement par la BCEAO et la commission bancaire de l’UMOA, 0 si l’IMF n’est pas supervisée directement par la BCEAO.
Source : Tchuigoua (2010) adapté
Dans la microfinance, trois principales missions sont assignées au conseil d’administration (CA) : une mission centrale consistant à contrôler la latitude managériale du dirigeant, une forte implication dans l’orientation stratégique et la définition des politiques institutionnelles et, enfin, une mission d’auto-évaluation (Rock et al. 2001). Pour exercer efficacement ces missions, les membres du conseil d’administration se doivent d’être compétents, motivés et indépendants. Le conseil d’administration est retenu afin de juger son efficacité auprès des IMF Togolaises. Peu d’études se sont intéressées au CA pour l’étude d’impact dans les IMF au Togo.
La raison attribuée au choix de système de rémunération incitative réside dans le fait qu’également, peu d’études se sont intéressées à cette variable dans les recherches de relation entre les mécanismes de gouvernance et la performance des IMF au Togo. Or, cette variable est bel et bien un mécanisme de gouvernance disciplinaire interne. Elle n’est pas adoptée à 100% par les IMF mais nous avons voulu tester son impact sur la performance des IMF au Togo.
Pour la régulation, nous nous sommes fiés au ratio de couverture des emplois à MLT et à la supervision. Le ratio de couverture des emplois à MLT constitue le ratio qui est difficile à respecter par les IMF. Nous avons voulu juger l’effet de son niveau de respect sur la performance des IMF au Togo. Concernant la supervision, nous avons retenu les IMF de grandes tailles qui présentent directement les rapports à la BCEAO et à la commission bancaire. Nous voudrions chercher par-là l’effet de la supervision directe sur la performance des IMF togolaises.
De façon générale, les études d’impact fondées sur les variables de mécanismes internes de gouvernance sont difficilement réalisables compte tenu de la quasi indisponibilité des IMF à donner les informations. A contrario, les IMF sont disposées à donner sans difficultés les informations concernant les variables de mécanismes externes de gouvernance.
2.3. Le modèle de recherche
La finalité de notre recherche est d’identifier les mécanismes de gouvernance adoptés par les SFD au Togo et de montrer le lien qui existe entre ces mécanismes et leurs performances. Pour y arriver nous avons formulé trois hypothèses. Nous avons utilisé la régression des données de panel pour notre étude. Les données de panel possèdent deux dimensions: la dimension temporelle ou longitudinale et la dimension individuelle ou transversale. Ces données rapportent les valeurs des variables considérées relevées pour un ensemble ou un panel d’individus sur une suite de période. Nombreuses études microfinancières ont utilisé cette régression pour parler des déterminants de la performance.
Notre étude s’est inspirée de celle de Tchuigoua (2010) qui a utilisé une régression des données de panel sur une durée de 5 ans pour expliquer l’influence des mécanismes de gouvernance sur les IMF des pays de l’Afrique sub – saharienne. Notre modèle s’illustre comme suit :

Figure 2 : Illustration du modèle de recherche

Source : Auteur à partir des variables retenues

Le modèle se présente sur la forme suivante :
Perfit= β0 + β1TCAit + β2NRAit + β3SRVit+ β4RCit + β5SUit + ԑit
Perfit, représente la performance du SFD i pour l’année t. Cette variable est relative à la performance financière (ROA et AO) et la performance sociale (NEA et TC). Les TCA, NRA, SR, RC et SU représentent respectivement la taille du conseil d’administration, le nombre de réunions du CA par an, le système de rémunération variable, le ratio de couverture des emplois stables et la supervision. β0 représente la constance et ԑit les erreurs du modèle.
Ce chapitre nous a permis d’identifier les variables retenues pour l’étude d’impact. Des hypothèses sont formulées autour de ces variables. Les résultats de recherche et les discussions seront présentés dans le chapitre suivant.