Peut-on vivre ensemble ? : Neutralité de l’Etat face à la diversité culturelle

L’euphorie et l’optimisme qui avaient suivi la fin de la guerre froide, en un avenir meilleur et profitable pour tous, se sont rapidement évaporés devant l’ampleur et l’intensité des événements qu’a connu le monde ces dernières décennies, laissant la place à un sentiment de confusion et d’incertitude, notamment après le choc du 11 septembre 2011. Une situation qui a mobilisé la solidarité des sociétés occidentales et ouvert la voix à certains dessins et schémas politiques plus au moins contestables, qui dans bien des cas, s’inscrivent selon des observateurs à l’opposé des fondements de la démocratie libérale, essentiellement son engagement envers les droits, les libertés et la justice. On avance souvent comme argument, que l’interdépendance résultant de la globalisation, l’intensification des relations transnationales et les conséquences sociopolitiques qui en découlent, notamment avec le retrait progressif de l’Etat de la gestion des affaires publiques, défient les normes et les valeurs occidentales et risquent de mettre en péril la stabilité et l’ordre établi au sein de ces sociétés.

L’Essai que j’envisage produire s’inscrit dans cet ordre d’idées et tentera d’aborder de façon distincte la problématique de « vivre ensemble », notamment le regain d’intérêt pour la question de la laïcité, supposée résolue dans les sociétés démocratiques. Une question qui a ravivé de nouveau ces derniers temps le débat sur le rôle de l’Etat vis à vis la religion ou précisément selon certains le retour de la religion. Un nouveau débat qui porte particulièrement sur les défis que pose la diversité culturelle et reflète selon un nombre d’observateurs, un malaise dans certaines sociétés occidentales, suscité par des craintes déchainées et parfois exagérées contre les communautés de migrants et leurs cultures, supposées selon des thèses pessimistes, comme des intégrateurs négatifs visant à terme à affaiblir la culture majoritaire et à remodeler les sociétés d’accueil.

Une situation qui s’est illustrée ces deux dernières décennies à travers un débat houleux qui continue à diviser les sociétés occidentales, autour des questions des libertés individuelles et de sécularisation de l’espace publique. Une question qui remet en cause dans certaines mesures les principes de tolérance, d’ouverture à l’autres et de « vivre ensemble », supposés comme fondement et des démocraties libérales. Même si la diversité culturelle a toujours été considérée en Occident comme une richesse pour les sociétés modernes, elle est de plus en plus perçue ces derniers temps, si on se réfère à titre d’exemple à certains cas, par certains cercles

et classes politiques comme un réel embarras que l’Etat et la société doivent intervenir pour l’appréhender.

Ainsi, peut-on admettre que la diversité culturelle représente un défi réel à la société occidentale et à ses valeurs, qu’on devrait appréhender et exclure ou bien devrions nous l’assumer comme une réalité et une richesse à intégrer et à inclure ?
L’Essai, s’intitule « Peut-on vivre ensemble ? : Neutralité de l’Etat face à la diversité culturelle » et s’intéressera à la dimension culturelle de certains phénomènes induits par le processus de globalisation et à leurs influences supposées sur le devenir des sociétés occidentales, notamment aux communautés transnationales, au multiculturalisme et aux polémiques autour des politiques d’intégration et de laïcisation. Son objet est de revoir les liens entre certains concepts abordés de façon séparée durant le Cours en vue de mieux comprendre d’une part les origines et les enjeux de certains phénomènes actuels qui président le débat dans la plupart des sociétés occidentales et d’autre part pour pouvoir interpréter la dimension culturelle de certaines positions politiques vis-à-vis de ces phénomènes.

En effet, la diversité culturelle résultant des mouvements migratoires et de la prolifération des communautés transnationales ces derniers temps, suscitent des inquiétudes au sein des sociétés occidentales qui s’expriment à travers un débat politique sur le projet de transition social dans les pays d’accueil, essentiellement en France et dans certaines contrées francophones. Un débat qui s’alarme notamment sur le retour supposé de la religion à travers certaines minorités culturelles et appelle à un affermissement de l’action de l’Etat pour contrer toute forme d’expression religieuse dans l’espace publique. La « diversité culturelle » se définit comme étant toute différence de croyance, de langues et de modes de vie reconnues dans une société à un groupe social par rapport à d’autres. Cependant, pour le besoin de ce travail, je l’utiliserai pour designer essentiellement la différence de croyance et de religion.

Ma critique s’articulera sur une hypothèse supposant que l’immigration et le phénomène des communautés transnationales n’est pas d’une telle ampleur au point où il constitut un défis qui menace l’ordre et le devenir des sociétés d’accueil et que le problème pour moi réside dans la gestion du projet de transition de certaines sociétés occidentales vers un modèle multiculturel, particulièrement la résistance de certaine parties à la diversité culturelle à travers des positions politiques qui consacrent la division et entrave la cohésion sociale, notamment à travers l’instrumentalisation des principes de laïcité, qui, à l’origine, ont été institués et constitutionalisés dans les sociétés modernes pour garantir les liberté et promouvoir la tolérance.

Ainsi, l’Essai sera composé de trois parties essentielles. La première sera consacrée à la question de la migration et aux supposés enjeux socio-culturels qu’elle induit dans les sociétés d’accueil. Il sera question de voir si ce phénomène est réellement sur le plan culturel est un facteur favorisant l’instabilité politique et sociale ? La deuxième partie portera sur l’analyse des différents projets initié dans les sociétés d’accueil pour gérer la question de la diversité culturelle, notamment leurs pertinences et leur faiblesse. Il sera question de voir les vrais enjeux culturels et de société, leur objectivité et subjectivités. La troisième partie sera réservée au dernier débat sur la laïcité les différentes interprétations de ces principes, notamment son instrumentalisation à des fins discriminatoires.
Enfin pour les besoins de cet Essai, j’ai sélectionné une liste préliminaire de références bibliographique que je compléterai au fur et à mesure, en avançant dans la recherche.

Elle comporte les ouvrages suivants :

1. C. Withol de Wenden « La globalisation humaine », Editions PUF, Paris 2009.
L’ouvrage s’intéresse aux mouvements d’immigration et aux communautés transnationales et relate les causes et la portée démographique et sociale de ce phénomène, qui transforme les sociétés traditionnelles. Il met en exergue de façon explicite les enjeux que représente ce phénomène, lieu d’affrontement d’objectifs politiques entre les pays d’accueil et d’origine et aborde de manière critique au chapitre 4, les politiques d’assimilation et de multiculturalisme.

2. Chaubet, Francois « La mondialisation culturelle », Editions PUF, Paris 2018
L’ouvrage dresse un tableau global de ce qui est la mondialisation culturelle, dans ces dimensions de la haute ou de la basse sphère et présente dans l’ensemble une critique à certaines analyses essentialistes et culturalistes basée sur l’idée d’un monde unifiée et en même temps fragmenté. Il intéresse mon Essai sur le plan des questions de l’immigration et des effets culturels induits, essentiellement les interprétations faites en termes de convergence, de choc de civilisation et d’impérialisme culturel.

3. Lachapelle, Guy « Diversité culturelle, identités et mondialisation », Editions Prisme, 2008.
L’ouvrage offre une réflexion sur les enjeux qui ont entouré la ratification de la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles est entrée en vigueur. Un outil pour les États leur permettant de mieux protéger leur identité culturelle. Il contribuera à me procurer une vision sur la prise en charge de la question de la gestion de la diversité culturelle par l’introduction de mécanismes juridiques et leur ancrage à des régimes internationaux.

4. Bouchard, Gérard « L’intérculturalisme, Un point de vue québécois », Éditions Boréal, 2012.
L’ouvrage présente la perspective politique d’aménagement du pluralisme tel que perçu au Québec et à l’échelle internationale, connu par l’intérculturalisme, qui se veut un modèle d’intégration et de gestion de la diversité ethnoculturelle sous toutes ses formes, notamment la diversité de l’immigration, des minorités et aussi du groupe majoritaire. Un ouvrage auquel s’apparentent certaines idées de l’Essai, comme l’ouvert du multiculturalisme au pluralisme.

5. Nootens, Genèviève « Souveraineté démocratique, justice et mondialisation », Liber, 2010.
L’ouvrage relève du domaine de la philosophie politique et s’intéresse plus particulièrement au projets et modèles de démocratie cosmopolitique, toutefois il aborde dans plusieurs chapitres des questions très enrichissantes pour la compréhension de la problématique et pour la recherche, notamment les questions liées au pluralisme (chapitre1) et à la dimension culturelle des enjeux de la mondialisation, notamment celles des sociétés plurinationales, comme le mythe de la neutralité de l’Etat et la politique de reconnaissance.
6. Denis Jeffrey et autres « Laïcité et signes religieux à l’Ecole », P.U. Laval, 2015.

L’ouvrage est récent et de fait aborde les différentes questions suscitées par le dernier débat au Québec, au Canada et ailleurs, sur la conception de modèles et régimes de laïcité et présente une analyse et des réflexions d’horizon. Il aborde sous différentes facette la question de la neutralité de l’Etat face au port de signes religieux ostentatoires dans les lieux publics, notamment à l’Ecole et propose une analyse comparative entre les visions prohibitionniste et inclusive. Il est important pour enrichir en arguments la critique de mon Essai.
7. Maclure, J et Taylor, C « Laïcité et liberté de conscience », Éditions Boréal, 2012.

L’ouvrage aborde la question de laïcité comme composante essentielle de la démocratie libérale et comme un mode de gouvernance. Il présente et analyse les principes de la laïcité pour une meilleure compréhension de ses finalités dans un cadre plus large de la diversité des croyances et des valeurs, notamment pour surpasser le clivage qui autours de la question de la diversité culturelle. Les auteurs proposent une réflexion qui intéresse mon sujet à savoir la promotion d’une coopération sociale dans les sociétés marquées par une diversité profonde selon leurs termes.