De la presse écrite

La presse écrite est aujourd’hui un des produits les plus répandus de la société industrielle, touchant l’ensemble de la population mondiale : c’est la lecture quasi-quotidienne des actualités proches et lointaines qui est « consommée » par des millions de personnes. Le terme « presse » vient du latin « pressus » qui signifie, pressé, comprimé. La « presse écrite » tire son origine de l’utilisation de l’imprimerie où l’on pressait les feuilles de papier pour imprimer. Elle désigne alors, tous les moyens de diffusion écrite de l’information.

I. Définition de la presse écrite :
La presse écrite est d’une manière générale, l’ensemble des moyens de diffusion de l’information «écrite », ce qui englobe notamment les journaux quotidiens, les publications périodiques et les organismes professionnels liés à la diffusion de l’information. Elle regroupe différentes catégories de publications qui peuvent être classées en fonction de leur rythme de parution (quotidiens, hebdomadaires, mensuels…).
II. Historique de la presse écrite au Mali :
– Les régimes politiques et la presse écrite au Mali :
Au Mali peut-être plus que n’importe où ailleurs en Afrique francophone, la presse et les journalistes ont été les acteurs directs d’une rupture radicale dans l’ordre politique : la chute de Moussa Traoré, en mars 1991, conséquence d’une mobilisation populaire de grande ampleur, a constitué un événement sans équivalent, quand, dans d’autres pays d’Afrique francophone, la vague des transitions démocratiques donnait lieu à des compromis et des ajustements plus ou moins importants. En 1992, Alpha Oumar Konaré était élu président de la République : au pouvoir pourune décennie, il a été non seulement un des animateurs du mouvement démocratique, mais aussi le principal artisan du renouveau de la presse malienne, dont le rôle fut décisif dans la montée de la contestation. Avec de telles prémices, il est clair que les médias maliens ont eu, et continuent à occuper, une place privilégiée dans le contexte national. Leur situation, aujourd’hui décevante à certains égards, est indissociable de l’acclimatation de la pratique démocratique dans un pays à l’identité historique fortement marquée.

Un contexte peu propice au développement des médias
Si tout au Mali semble renvoyer à l’espace et à l’histoire, il faut convenir que ni l’un ni l’autre ne constituaient un berceau particulièrement favorable à l’éclosion de médias libres et démocratiques. Le territoire malien est caractérisé par son étendue, dédiée pour une large portion aux étendues désertiques, avec une population majoritairement rurale d’un peu moins de 12 millions d’habitants

dont plus de 60 % vivent en dessous du seuil de pauvreté. Industrialisation faible, infrastructures peu développées, agriculture de subsistance et élevage traditionnel, activités de commerce dominées par le secteur informel : tout ici est marqué par la précarité, qui maintient la population dans un état de dénuement que reflètent une forte mortalité, l’analphabétisme et les carences des systèmes de santé et d’éducation.
Quant à l’histoire, elle a conféré au Mali une identité forte, influencée par l’héritage des grands empires d’Afrique de l’Ouest dont la mémoire est soigneusement entretenue, et une société hautement hiérarchisée où les rapports humains sont strictement codifiés et où se déploie une culture du consensus qui est tout autant un élément efficace de régulation qu’un puissant facteur d’inertie. Avec des variantes, les régimes politiques qui se sont succédé depuis l’indépendance n’ont donc pas eu de grandes difficultés à s’orienter vers une gestion autoritaire de la société, laquelle offrait peu de prises à l’expression des revendications individuelles.
C’est pourtant ce pays, a priori mal doté pour susciter en son sein des changements radicaux, qui a amorcé, au début des années 1990, une expérience de libéralisation politique plus radicale que partout ailleurs en Afrique francophone, processus dont l’expansion de la presse fut l’une des manifestations inattendues.
– La presse écrite à l’approche des indépendances au Mali
Au Mali, l’approche des indépendances avait donné lieu à une fermentation politique se traduisant par la publication de feuilles propagandistes, phénomène bien insuffisant pour constituer un secteur de la presse digne de ce nom. Le tarissement de la source en fut d’autant plus aisé dès lors que les États nouvellement constitués entendaient s’arroger le monopole de moyens d’information alors entièrement à créer.
Pour la plupart des leaders de l’indépendance, l’information était une affaire sérieuse, et il fallait que l’État se préoccupe de former les agents chargés de la produire. Mais la pénurie en professionnels resta longtemps la règle. Moins favorisés que beaucoup d’autres sur ce plan, les premiers journalistes maliens formés firent leurs débuts dans les organes officiels à partir des années 1970, après le renversement de Modibo Keita en 1968 par de jeunes officiers. Ces journalistes exerçaient à L’Essor, le quotidien national héritier de l’ancien bulletin de l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (US-RDA), ou à la Radiotélévision malienne, reprenant progressivement les commandes aux militants politiques et aux diplômés, souvent des instituteurs, qui occupaient la scène. L’expression était bien sûr rigoureusement encadrée.
– L’envol de la presse écrite au Mali au début des années 1990 :
L’envol de la presse au début des années 1990 : une expansion conjoncturelle
Mais, sous la surface lisse de l’information d’État, une grande fermentation était à l’œuvre. Depuis la période de Modibo Keita, le Mali est un pays fortement politisé. Sous le régime du lieutenant Moussa Traoré, devenu général, qui avait pourtant réduit à néant l’activité politique, les partis issus de la mouvance socialiste ont continué clandestinement à entretenir un idéal révolutionnaire, nourri au fil des années par les nouvelles promotions d’intellectuels marqués par le marxisme, membres de groupuscules plus ou moins actifs, et que l’on rencontre à tous les niveaux de l’administration, y compris dans le secteur de l’information. Nombre de journalistes entretiennent des liens avec les formations clandestines d’opposition, à commencer par le Parti malien du travail (PMT), qui comptera notamment dans ses rangs Cheick Moctary Diarra, directeur de l’Agence malienne de presse (Amap) éditrice de L’Essor, ou des jeunes comme Soumeylou Boubeye Maïga, rédacteur en chef de Soundiata, un magazine axé sur la société et la culture, sorti pendant une brève période des presses officielles. On les retrouve aux côtés d’Alpha Oumar Konaré, lui aussi membre du PMT, lorsqu’il crée la coopérative culturelle d’édition et de diffusion Jamana, future matrice de la presse contestataire.
Historien réputé, militant syndical, Alpha Oumar Konaré est ministre des Sports, des Arts et de la Culture de 1979 à 1980. Lorsqu’il quitte le pouvoir, c’est pour lancer avec l’aval des autorités une revue culturelle : le trimestriel Jamana, du même nom que la coopérative, fondé en 1983. Consacrée aux sujets de société et de culture, la revue est animée par des universitaires et des journalistes travaillant dans les organes officiels et diversifie rapidement ses activités dans l’édition, sous l’égide de la coopérative : en 1986, un périodique pour les jeunes est créé et des livres en langues nationales, des livres-cassettes, etc., sont publiés.
Alpha Oumar Konaré, alors enseignant à l’École normale supérieure, est le principal animateur et un des rédacteurs les plus prolifiques de la revue. Déjà les quelque 15 collaborateurs réguliers de Jamana songent à créer un journal d’informations générales. Le moment propice se présente lorsqu’en 1989 Moussa Traoré se retrouve coopté à la présidence annuelle de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le premier numéro des Échos paraît le 17 mars de la même année, en mettant l’administration devant le fait accompli [1]. Le bimensuel, bientôt hebdomadaire, puis quotidien en 1995, se présente comme « la voix des sans-voix », touche progressivement, à côté des sujets de société, à la politique et, surtout, ouvre largement ses colonnes à des débats qui reflètent, dans les années 1990-1991, la radicalisation de l’opinion, alors que s’exprime ouvertement la revendication en faveur du multipartisme et de la tenue d’une Conférence nationale. D’autres journaux privés sont entre-temps apparus : La Roue, de Boubacar Keita, est la résurgence en juillet 1989 d’un titre créé avant l’indépendance, dont le rédacteur en chef fondateur (et principal journaliste) se lance dans de violentes diatribes contre le pouvoir en place. En février 1990 naît L’Aurore, animé par de jeunes journalistes, qui s’oriente aussi vers une vive critique du régime. Un quatrième périodique paraît en juin 1990, davantage axé sur l’analyse socioéconomique : le mensuel Cauris que dirige le sociologue Cheibane Coulibaly.
Le succès de ces publications est immédiat : tirés à 2 000 exemplaires au début, Les Échos passent rapidement la barre des 10 000 exemplaires. Ces organes sont le porte-voix des revendications politiques, lesquelles s’affirment tout au long de l’année 1990 jusqu’à la création des associations du mouvement démocratique : l’Adema (Alliance pour la démocratie au Mali, une émanation du PMT, élargie à d’autres groupuscules) et le CNID (Comité national d’initiatives démocratiques) qui deviendront les principaux partis politiques de la transition, aux côtés de groupements de jeunes telles l’Association des diplômés initiateurs et demandeurs d’emploi (Adide) et, bien sûr, fer de lance des manifestations urbaines, l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Toutes ces forces, et d’autres encore, ont leurs propres publications, mais ce sont les journaux indépendants qui donnent le plus large écho aux revendications démocratiques : ainsi, lorsque Les Échos publient, le 7 août 1990, une « Lettre ouverte au président Moussa Traoré », qui est aussi l’acte de naissance de l’Adema, Renaud de la Brosse note que la presse indépendante, au moins jusqu’en octobre 1990 – date de la création des associations politiques –, est « la seule structure organisée de l’opposition au régime, capable de porter publiquement la contradiction à ce dernier [2] ». Le pouvoir tente de s’opposer à cette poussée contestataire qui est relayée dans la rue, la répression s’abat sur les journalistes, mais les événements s’emballent et, le 22 mars 1991, Les Échos peuvent consacrer leur « une » à la chute de Moussa Traoré. Trente mille exemplaires sont alors tirés, tous sont vendus.
– La presse écrite et la période de transition démocratique au Mali :
La période de transition démocratique est une phase d’épanouissement des médias. La presse est aux premières loges pour rendre compte du déroulement de la Conférence nationale (juillet-août 1991) et participer aux grands débats sur l’éducation, l’économie, l’emploi ; elle s’attache aussi à aborder la question du Nord où il s’agit de mettre fin à la rébellion touareg, ou à suivre les grands procès intentés aux dignitaires de l’ancien régime. Elle jouit par ailleurs d’un statut privilégié : de nouvelles lois sur la communication et la presse sont rapidement adoptées, qui, avec la Constitution de 1992, lui garantissent une liberté presque totale. C’est une période faste, trop peut-être puisque, entre 1990 et 1993, une cinquantaine au moins de titres de presse écrite voient le jour [3] : parmi les initiatives appelées à durer, citons Le Scorpion, un périodique satirique lancé en mai 1991 par Mahamane Hamèye Cissé, Le Républicain, dirigé par Saouti Haïdara, un journaliste qui a acquis une expérience au Sénégal, L’Observateur et Nouvel Horizon, créés par d’anciens journalistes de L’Aurore, ou encore des gazettes de faits divers comme Kabako et L’Inspecteur. Ces quelques titres, auxquels il faut ajouter le quotidien Info-Matin créé en 1998 par Sambi Touré, forment la composante la plus stable d’une presse écrite où les déperditions seront par ailleurs nombreuses.
La période voit aussi l’avènement de la radio privée, marqué par la création, sans autorisation, en septembre 1991 de Radio Bamakan, radio associative proche du parti de l’Adema, suivie un mois plus tard par la première radio commerciale, Radio Liberté. Dès lors que la liberté hertzienne est officiellement décrétée, début 1992, beaucoup d’autres voient le jour, à Bamako (Radio Kayira et Radio Klédu), puis dans toutes les villes secondaires du pays. La floraison est impressionnante, dans un contexte où la réglementation est conçue a minima tellement la liberté médiatique fait partie désormais du dogme.
– La liberté accordée à la presse sous le régime d’Alpha Oumar Konaré Président élu démocratiquement au Mali :
Élu chef de l’État en avril 1992, réélu en 1997, Alpha Oumar Konaré n’entend pas revenir sur les acquis de la révolution médiatique. Plus que le cadre juridique, il est vrai favorable, c’est cette option qui donne à la presse malienne son espace de liberté, rarement égalé en Afrique francophone. À quelques exceptions près (telle la détention en 1994 de Sambi Touré, alors directeur de publication du Nouvel Horizon, ou le sabotage dont est victime en 1997 Radio Kayira, proche de l’opposition), le pouvoir se refuse à réprimer les journaux qui s’attaquent, souvent avec violence, à sa politique. Alors que se faisait entendre le concert habituel des récriminations contre les dérapages éditoriaux et l’irresponsabilité des journalistes et que, par ailleurs, les bonnes dispositions du régime n’empêchaient pas la presse d’avoir souvent maille à partir avec la justice, le point de vue défendu par A. O. Konaré se voulait optimiste : il suffisait de laisser faire, en considérant que la presse allait se réguler d’elle-même et qu’une décantation progressive du secteur mettrait fin aux pratiques les moins louables.
Dans un tel climat, la presse et les radios prospèrent. Au début des années 2000, une quarantaine de titres réguliers de presse écrite étaient recensés par le ministère de la Communication et le Conseil supérieur de la communication, dont 7 quotidiens, et près de 140 radios FM, commerciales ou associatives. Les chiffres semblent considérables, mais rapportés, par exemple, au nombre de partis politiques (quelque 80 partis à l’existence plus ou moins effective), ils dénotent un climat général où le degré de démocratie se mesure d’abord par la quantité.(Source : article de presse fourni)
III. Le rôle de la presse écrite au Mali :
Le rôle de la presse écrite dans les pays démocratiques a toujours été important, à tel point qu’on a appelé cette presse « le quatrième pouvoir » dont une des fonctions principales à part « d’informer » est d’observer de manière critique les trois pouvoirs : le législatif (les parlements), l’exécutif (le gouvernement) et le judiciaire (les tribunaux). Au mali, où le rôle de l’Etat dans les affaires publiques du pays a toujours été considérable, le rôle de la presse comme instrument critique du pouvoir a été d’autant plus grand. Ensuite, elle intervient également dans le cadre de la consolidation de l’Etat concernant ses secteurs politico-socio-économiques, de la défense de l’intérêt supérieur, de la paix et du développement proprement dit de la Nation malienne.(Source : entretien tenu avec le directeur de publication du journal : le focus, et chef du bureau de coordination à la maison de la presse de Bamako : M. Abdoul Madjid Thiam).

IV. L’organisation ou le système de régulation des domaines de la presse écrite au Mali
Un effort de structuration de la profession a néanmoins pu s’observer. En 1992, les radios maliennes se sont dotées d’une instance unique, l’Union des radios et télévisions libres (Urtel). En novembre 1995, une Maison de la presse a été mise sur pied, qui, après des débuts difficiles, a su s’ériger en un lieu de rencontre, d’échange et de formation. L’Observatoire pour l’éthique et la déontologie de la presse (ODEP), créé en 2001, s’efforce quant à lui de sensibiliser les journalistes au respect des règles de base de la profession. Il existe donc une certaine animation du milieu journalistique malien, soutenue d’ailleurs par l’État qui affecte des ressources aux associations professionnelles dans le cadre de l’aide publique à la presse, à quoi il faut ajouter la tenue, en 1991 et 1996, de grandes assises, les Journées nationales de l’information et de la communication, qui ont permis de diagnostiquer les faiblesses du secteur et de proposer des réformes consensuelles. Mais on observe aussi une difficulté réelle à mettre en pratique les résolutions adoptées ici et là, ce qui indique les limites de l’autorégulation. (Source : article de presse fourni)
V. La régulation institutionnelle de la presse au Mali :
Quant à la régulation institutionnelle, elle a connu bien des aléas. Si les pouvoirs publics ont assez tôt affiché leur volonté de transférer à une instance de régulation l’essentiel du contrôle et de l’encadrement des médias, à commencer par ce qui relève du secteur audiovisuel, l’évolution a été plutôt ambigu. Déjà, les textes sur la presse et l’audiovisuel se sont révélés, à l’expérience, trop flous et insuffisamment contraignants pour les opérateurs des médias. Ensuite, la création du Conseil supérieur de la communication n’a pas clairement abouti à un transfert de prérogatives, ce que l’ancien président de l’instance, Mamadou Kaba, déplorait, tout en soulignant les faibles ressources humaines et matérielles consenties au Conseil. Par ailleurs, facteur à ses yeux aggravant, aux termes de la Constitution de 1991, une autre instance, le Comité national d’égal accès aux médias d’État (Cneame), surtout active en période électorale et seule à pouvoir exercer un contrôle sur les médias publics, lui dispute le champ de la régulation. Dès lors, le CSC pouvait dénoncer dans ses rapports une législation qui n’était selon lui qu’« une coquille vide », parler d’« un cadre juridique émasculé, anémiant… une loi proprement inopérante, en tout cas sans âme où ne figure guère l’essentiel des attributions d’un organe de régulation moderne [11] ». Le choix souvent contesté des hommes chargés de mettre en œuvre la régulation, la méfiance de l’autorité administrative à leur égard et une bonne dose d’inertie ont fait le reste. Le Mali est donc resté jusqu’à ces dernières années un pays de cocagne de l’anarchie médiatique, quand ailleurs, au Bénin ou au Burkina Faso, des avancées parfois appréciables étaient enregistrées en matière de régulation.
Toutefois, la nomination par le nouveau chef de l’État, Amadou Toumani Touré, d’un professionnel reconnu à la tête du ministère de la Communication – à savoir l’ancien directeur de l’Agence malienne de presse, Gaoussou Drabo – a permis de restaurer la confiance entre la tutelle et la profession. Dossier sensible, le mécanisme très critiqué d’octroi de l’aide à la presse (une enveloppe de 200 millions de francs CFA est consentie annuellement) a été revu. C’est une commission paritaire comprenant pouvoirs publics, instance de régulation, associations et Maison de la presse, qui est désormais chargée de son attribution sur la base de critères plus rigoureux: les entreprises de presse sont notamment censées tenir une comptabilité et affilier leurs employés au système de prévoyance sociale avant de pouvoir y prétendre.
En matière d’audiovisuel, sur la question contestée de l’attribution des fréquences, et en attendant une révision complète de la législation, le ministère a tranché et s’est ressaisi de cette prérogative. Si cette option fragilise la position du régulateur, elle devrait du moins permettre une remise en ordre dans un secteur très peu régulé, en poussant les clandestins et autres opérateurs pirates à se mettre aux normes ou à disparaître. Cependant, la révision constitutionnelle, souvent annoncée, devrait régler d’ici 2006 la question de l’uniformisation de la régulation, avec la création d’une instance unique dotée de pouvoirs mieux définis.(Source : article de presse fourni)

VI. La démocratisation ou la politisation de la presse écrite au Mali :
La presse, miroir de la démocratie ?
L’exploration des conditions d’exercice du journalisme permet de revenir à ce qui constitue le facteur réellement pertinent de toute évolution de la presse et des médias : l’environnement politique. En Afrique francophone, le Mali offre depuis 1991, avec le Bénin ou le Sénégal, l’image d’une démocratie certainement encore imparfaite, mais où, globalement, sont respectés le pluralisme et la liberté d’expression. Néanmoins, les critiques n’ont pas manqué à l’encontre d’un système politique caractérisé pendant dix ans par la domination d’un « parti-État » (l’Adema), par la perpétuation du clientélisme et des phénomènes de corruption, tandis que la marche vers l’État de droit restait entravée par les défaillances de l’administration et de la justice. Quant au développement économique, malgré plusieurs années de croissance positive, il demeure faible, avec une persistance importante de l’économie informelle [12].
Tous ces éléments pèsent sur l’exercice de l’activité du journaliste, qui n’est, après tout, qu’un citoyen parmi d’autres. Sa situation matérielle, en définitive, n’est pas différente de celle de la grande masse de la population. La débrouillardise et la chasse aux ressources, si modestes soient-elles, participent de comportements sociaux généralisés, peu soucieux de respecter les formes réglementaires et où tout est affaire de petits arrangements quotidiens. Mal payés, peu protégés, les journalistes aussi bien que leurs employeurs demeurent dans une logique de survie et, de ce fait, ont de leur métier une perception plus alimentaire que déontologique. Leurs interlocuteurs et partenaires principaux, les hommes politiques, ne fonctionnent d’ailleurs guère autrement : la politique, essentiellement conçue comme un champ plus ouvert que naguère de captation des ressources, n’est pas elle-même un jeu fort sophistiqué où l’on aurait à faire preuve de formalisme ? Enfin, l’État malien, théoriquement le grand régulateur, n’apporte-t-il pas lui-même chaque jour la preuve qu’ici règnent l’informel et ses expédients ?
Au Mali, dans un contexte à bien des égards défavorable, la démocratisation a toutefois enregistré des acquis incontestables, et la liberté de la presse figure au premier rang de ceux-ci, comme le souligne aujourd’hui encore A. O. Konaré : « La liberté de la presse conditionne toutes les libertés, ici et ailleurs… c’est l’éveil des consciences qui est… le fondement de la démocratie [13]. »Notons que les médias maliens, s’ils se signalent par la médiocrité de leur contenu, leur caractère partisan et volontiers diffamatoire, s’ils semblent d’un faible apport à la consolidation de la démocratie, n’atteignent pas cependant les excès constatés dans d’autres pays, notamment en matière de discrimination ethnique ou d’incitation à la haine. D’autre part, le rôle des médias n’est sûrement pas négligeable dans l’évolution progressive des mœurs politiques. Certes, au cours des périodes électorales, le comportement de la presse malienne a souvent été contesté en raison de son manque d’équilibre et de professionnalisme. Toutefois, elle a largement relayé, en 1997, les accusations de fraude à l’encontre du pouvoir ou de l’administration, même si le ton partisan et polémique d’une bonne partie des titres de la presse privée n’a pas aidé à crédibiliser ses démonstrations. Tenues dans un climat beaucoup plus apaisé, les élections de 2002 ont permis à la presse privée, tout en affichant assez ouvertement ses préférences pour tel ou tel camp, d’adopter un ton un peu plus responsable [14]. Lors des législatives, une polémique a éclaté sur l’attitude de certains membres de la Cour constitutionnelle, accusés d’avoir truqué les résultats de plusieurs circonscriptions. La presse, même si elle se contentait surtout de relayer les prises de position des diverses formations politiques, a donné un tour très spectaculaire à une dénonciation qui s’est résorbée dans le consensus, autour d’un partage du pouvoir proposé par le nouveau chef de l’État aux forces politiques. Un épisode qui montre toute l’ambivalence propre à la fonction d’une presse à la fois jugée peu indépendante et redoutée pour son impact sur l’opinion. Une dernière illustration peut être trouvée dans la campagne de presse déclenchée à la suite d’une plainte, émanant du Syndicat autonome de la magistrature à l’encontre du directeur général de l’Office national de radio-télévision, en mai 2001, qui avait abouti à une forte condamnation. Ce jugement a été dénoncé comme inique par les journalistes, pour une fois tous d’accord, et leur réaction vigoureuse a conduit le plaignant à se désister.
Nonobstant leurs grandes imperfections, la promotion par les médias de la culture de la démocratie et des droits de l’homme n’est donc pas nulle. Tous exercent une fonction critique, qui, pour être peu mesurée, n’est pas sans influence sur la société. Leur fonction d’alerte et d’information peut être importante. Les échéances électorales mettent bien en relief cette contribution, lorsqu’il s’agit d’expliquer à l’électeur les procédures de vote ou d’observer le fonctionnement des institutions de contrôle et de l’administration, soumises à des pressions médiatiques non négligeables. Les violations les plus flagrantes des droits de l’homme, les cas les plus notoires de corruption, les carences les plus graves des pouvoirs publics donnent lieu à des campagnes coordonnées des médias dont l’impact est manifeste. Mais on ne peut dissocier leur évolution du cadre dans lequel elle s’accomplit et où les repères qui constituent l’État de droit restent eux-mêmes instables. L’erreur – et elle est fréquente, car elle est commode – consiste dès lors à considérer la presse comme un phénomène autonome qui devrait suivre une loi d’amélioration interne de son processus, toutes choses étant égales par ailleurs. L’exemple malien montre suffisamment que la presse est née ici au nom de la démocratie, mais son faible épanouissement rend parfaitement compte des grandes difficultés rencontrées pour sa consolidation [15].(Source : article de presse fourni)
VII. Les conditions de travail des agents de la presse écrite au Mali :
Un journalisme sans statut, ou les aléas de la « débrouille »
Les journalistes font figure de combattants sans solde, réduits à vivre d’expédients. Les rémunérations, lorsqu’elles existent, sont faibles. Une enquête menée auprès de la presse écrite en 2000 [8] faisait apparaître que le salaire de base appliqué dans le secteur public s’élevait à 70 000 francs CFA [9] par mois, seuls quelques titres privés (Info-Matin, Les Échos) pouvant rétribuer à ce niveau leurs permanents, la moyenne des salaires ne dépassant pas en réalité 50 000 francs CFA. Reste que la majorité des journaux de la place fonctionne à cette époque avec un ou deux permanents, voire aucun salarié, et emploie essentiellement des pigistes. Ceux-ci peuvent être rétribués 5 000 francs CFA la page environ (1 000 francs CFA la colonne) et, là encore, peu de critères stables, la rémunération étant le plus souvent négociée de gré à gré. De plus, les journaux ont tendance à abuser de la formule des stages, à l’attention des étudiants en journalisme comme du tout-venant des amateurs. D’une manière générale, la faiblesse ou l’absence de rétribution explique que la sélection soit quasi inexistante et que tout volontaire « sachant écrire » soit le bienvenu.
Payés ou non, les journalistes disposent de moyens de travail dérisoires. Accès à l’ordinateur, au téléphone, déplacements et reportages constituent autant de difficultés. Ainsi, très peu de journaux bénéficient de voitures de service ou, dans le cas le plus fréquent, de mobylettes, et ne défrayent pas davantage leurs journalistes partis enquêter sur le terrain. Lorsqu’ils n’ont pas de mobylette ou, cas rarissime, de véhicule personnel, ils « se débrouillent » pour trouver un moyen de déplacement, usant des transports en commun ou circulant à pied. Il est alors tentant, voire nécessaire dans ces conditions, de solliciter un véhicule ou un défraiement auprès des personnes interviewées, des organisateurs de conférences de presse, etc. Aussi, d’une manière générale, la faiblesse des moyens financiers rend la profession très sensible aux sollicitations et à une corruption de plus ou moins grande ampleur.
Dès lors, qu’est-ce qui peut pousser les jeunes Maliens à devenir journalistes dans un contexte matériel si peu stimulant ? « Le chômage ! » assure sans hésiter les journalistes interrogés. La presse fait figure de secteur ouvert offrant quelques ressources, quoique sporadiques, et servant parfois de tremplin ou de transition à des jeunes en quête d’emploi stable ; on note, par exemple, qu’à chacune de leurs sessions les concours de la fonction publique peuvent entraîner la fuite de journalistes vers d’autres horizons. Ce phénomène de « fuite » constitue un vrai casse-tête pour les éditeurs de presse. Tout appoint en formation peut, de ce fait, encourager la mobilité des journalistes, qui, lestés d’un diplôme ou faisant valoir un stage à l’étranger, sont davantage sollicités. Les patrons peinent à enrayer ce phénomène de déperdition permanente.
Cette situation est bien connue des principaux acteurs [10], qui se disent conscients de la nécessité de consolider le statut matériel et professionnel des journalistes. La solution la plus souvent évoquée consiste en l’adoption d’une convention collective, dont le principe, en effet, semble louable : en même temps que sont définis les critères de reconnaissance des journalistes professionnels, doit être créé un cadre réglementaire précisant leurs conditions d’exercice du métier. La mise au point d’une convention collective mettrait fin à la situation illégale dans laquelle œuvrent la plupart des journalistes de la presse privée : ceux-ci devront disposer de contrats de travail, être assurés d’un salaire garanti et d’un minimum de protection sociale, et, en retour, verraient spécifiées leurs obligations à l’égard de l’entreprise.
Mais la convention collective ainsi définie est perçue à tort comme un simple instrument de fixation de salaires minimaux permettant aux journalistes d’accéder à des rémunérations décentes. Or, elle est bien plus car il s’agit d’un système sophistiqué et contraignant dont la mise en œuvre ne signifie rien d’autre qu’un passage du stade informel actuellement en vigueur dans la presse à une étape décisive de structuration. Et c’est bien pourquoi les conventions collectives ont tant de mal à voir le jour au Mali et, d’une manière générale, en Afrique francophone. Le principe de mise en place d’une telle convention a bien été inscrit dans la loi sur la presse malienne et la réflexion est engagée depuis plusieurs années, mais des doutes émanent déjà sur l’applicabilité réelle des exigences posées par le document en chantier.(Source : article de presse)
VIII. Les difficultés auxquelles la presse malienne fait face de l’indépendance à nos jours :
Les médias, entre « laisser-faire » et politisation à outrance
Érigés à l’origine comme des porte-voix de la contestation, les médias maliens restent marqués par cette genèse ; ils conservent un profil militant et leur extrême politisation est souvent dénoncée. Créé en 1992 et installé en 1994, le Conseil supérieur de la communication (CSC) n’a cessé de pointer dans ses rapports les « conséquences souvent fâcheuses [d’un] libéralisme inconditionnel ». « Certains journaux et radios n’hésitent pas à tenir des propos injurieux, à faire des appréciations diffamatoires et à s’ingérer dans la vie privée des autorités et des personnalités publiques. Ce groupe […] a carrément opté pour la relation partisane des faits, l’amalgame tendancieux et même l’incitation des forces armées à accomplir le pronunciamiento [4]. » Le CSC constate « le parti pris flagrant et exagéré, le verbe haut et incendiaire, l’appréciation tordue des faits et volontiers subjective… » de publications qui « n’envient absolument rien aux propos d’hommes politiques bien identifiés. Chaque jour des interviews, mais des interviews sur mesure, des interviews de promotion de certaines personnalités… tant et tant de choses ahurissantes qu’on se croit sous le régime du laisser-faire et du bon vouloir [5]… ». Le laisser-faire est en l’occurrence, comme on l’a vu, une option politique, mais le diagnostic semble faire consensus. « Dans la sous-région, nos journaux sont les plus mal écrits et nos journalistes sont ceux-là qui parlent le moins bien français… avec en toile de fond le risque majeur d’une mainmise occulte des puissances financières et partisanes sur les médias privés », signale de son côté Mamadou Lamine Traoré, ancien leader du mouvement démocratique et chef d’un parti politique, le Miria, devenu par la suite ministre de l’Éducation [6]. Et, c’est un fait, passé l’heure des grands combats, les journaux comme les radios se livrent à une concurrence acharnée sur un marché saturé, où de nouveaux arrivants se lancent du jour au lendemain en n’ayant du journalisme qu’une conception partielle, voire erronée : un média, c’est de l’influence, accessoirement nourrie par le (grand) chantage ou les petits marchandages. Aucune hiérarchie n’apparaît très stable, la situation financière des journaux étant essentiellement fluctuante et largement conditionnée par les aides ponctuelles puisées auprès des partis politiques ou de personnalités. Dans la presse écrite, les rédactions d’origine, où l’on comptait une certaine proportion de journalistes formés, se disloquent, la profession est envahie par des amateurs aux qualifications approximatives. Autant de handicaps qui entraînent une baisse sensible du niveau des journaux et une désaffection du lectorat : difficile à évaluer, la stagnation des ventes est cependant attestée par tous les acteurs concernés.
La radio, qui touche les auditeurs dans l’ensemble du pays et diffuse largement en langues nationales, fait preuve, quant à elle, de tous les défauts perceptibles ailleurs en Afrique francophone: faible maîtrise technique, absence de journalistes formés, fonctionnement empirique reposant sur la bonne volonté de jeunes animateurs bénévoles, tentés de marchander une antenne volontiers « louée » à des particuliers, à des associations (notamment religieuses) et, bien sûr, aux partis politiques qui diffusent leurs messages sans contrôle. Paradoxalement, alors que leur environnement devrait être plus stimulant, c’est du côté des radios urbaines que l’on observe les comportements les moins satisfaisants, tandis que les stations rurales remplissent souvent bien mieux une fonction sociale, dictée par la proximité avec leur public.
Cette situation a conduit à un rééquilibrage singulier en faveur des médias d’État. C’est surtout vrai pour ce qui concerne le quotidien national, L’Essor, qui a connu une mutation éditoriale positive. Grâce à une large ouverture éditoriale, qui tient compte des différentes sensibilités politiques, grâce aussi à une grande retenue dans l’illustration des actions gouvernementales et à un souci constant de délivrer des informations factuelles, il est redevenu – en dépit de son faible volume pour un organe gouvernemental – le quotidien de référence.
La Radio-Télévision malienne a suivi, par comparaison, un parcours beaucoup plus chaotique. Outil privilégié de propagande sous Moussa Traoré, l’ORTM a abordé en 1991 la transition politique avec un fort discrédit. La culture d’allégeance au pouvoir en place s’y est ensuite perpétuée sans grand changement, ce qui peut s’expliquer par le fort degré d’exposition des médias audiovisuels. Des efforts d’ouverture ont toutefois été notés : lancement d’émissions de débat, couverture politique plus équilibrée, souci d’une certaine neutralité (sous le contrôle des organes administratifs ad hoc) lors des périodes électorales.
En considérant ce tableau, on peut se demander si l’essor, au début des années 1990, de la presse malienne, dans un contexte exceptionnel, ne relevait pas de la simple conjoncture politique. Les contraintes du milieu ont déjà été évoquées : faible lectorat (on estimait en 1997 qu’il se composait de 57 000 lecteurs potentiels, essentiellement masculins [7]) ; diffusion réduite, en l’absence de services de messageries, à Bamako et à quelques centres urbains importants, et se heurtant ailleurs aux difficultés de transport et à l’enclavement ; faiblesse, enfin, d’un marché publicitaire dont l’essentiel est capté par les médias publics. Autant de désavantages qui favorisent en retour un mode de gestion sans grandes perspectives, par des responsables de publication eux-mêmes peu conscients des capacités de développement d’une presse plus professionnelle, mieux organisée, dotée d’un savoir-faire commercial. L’image du patron de presse dont le siège social se trouve « dans son attaché-case » est, dans certains cas, à peine exagérée.(Source : article de presse)
IX. La question de formation des agents de la presse écrite au Mali :

La formation des journalistes en question
Au Mali, pays victime de son enclavement et de sa situation économique précaire, on vient au journalisme souvent sans formation, après des études de toute nature. Faute d’école spécialisée locale, il a fallu longtemps envoyer les futurs journalistes se former à l’étranger, le plus souvent au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) de Dakar, accessoirement à Abidjan, une formation généralement conditionnée par l’obtention de bourses d’études, de moins en moins nombreuses au fil des années. Pour remédier à cette difficulté, le Mali a eu droit comme les autres pays africains à la sollicitude désordonnée des bailleurs de fonds dans l’organisation sur place de nombreux séminaires et ateliers de formation ; certains journalistes les ont suivis avec un bénéfice réduit tant l’orientation de ces formations à cycle court correspond peu à leurs besoins réels et fait l’objet, de la part des responsables de publication, d’attributions erratiques. Depuis quelques années, des écoles locales de formation généraliste ont ouvert des filières de communication où est enseigné le journalisme, cela sans grande rigueur pédagogique, avec un matériel didactique réduit au minimum et en faisant appel pour leurs enseignements à des professionnels locaux dont l’expérience peut laisser perplexe.
Dans l’ensemble, les journalistes maliens sont donc formés sur le tas, affluant dans des rédactions peu structurées où l’encadrement par des confrères chevronnés est rare. Ainsi est-il fréquent de voir de jeunes recrues être amenées, sans préparation aucune, à réaliser une enquête ou rédiger un commentaire politique. La situation n’est pas plus enviable dans le domaine de la radio, où des animateurs sans aucune base professionnelle, parfois illettrés en français, assurent des tâches d’information. Les seuls organes de presse à plus ou moins bien assurer formation ou perfectionnement interne sont les médias publics, qui recrutent sur diplômes ou par réaffectation au sein de la fonction publique et peuvent compter sur une plus grande stabilité de leurs personnels.