Qu’est-ce que l’espace Schengen ?

« Si lesprit de Schengen quitte nos territoires et nos curs, nous perdrons bien plus que lespace Schengen » . Par cette expression, Jean-Claude Juncker met laccent sur une situation qui ne devrait pas être envisagée. Pourtant, si aucun compromis nest trouvé entre le besoin de pallier les crises et le maintien dun espace de libre circulation sans contrôles aux frontières intérieures, il serait possible de voir une dissolution du régime commun de Schengen.

Cette proposition de mettre fin à lespace Schengen ne saurait être adéquate. Le coût de larrêt du fonctionnement de Schengen serait trop conséquent. Surtout, cela affecterait davantage la confiance entre Etats membres puisquil reviendrait à laisser tomber lidée dUnion sans véritablement se battre pour la maintenir en revenant à ses sources.

Il serait subséquemment approprié de conserver Schengen et de le renforcer en retournant à son esprit initial, à savoir la confiance mutuelle et la solidarité. Pour rappel, léchec de la procédure Schengen nétait pas évident 30 ans plus tôt. Il a été considérablement mis en lumière dès 2015 et renforcé par labsence de mise en uvre des conditions du rapport « Revenir à lesprit de Schengen » . Pourtant celui-ci présentait les différentes propositions de la Commission visant à rétablir le fonctionnement normal de lespace Schengen dici fin 2016 en revenant à lesprit de Schengen, solution la plus appropriée puisquil sagit de lidée initial de la mise en place dun tel espace et dune telle union. Ce qui na malheureusement pas été concrètement réalisé.

Il convient de préciser que ce non-respect de lesprit de Schengen ne date pas uniquement de la crise de 2015. Auparavant, dans le cadre du printemps arabe, la commissaire Cecilia Malmström avait estimé que les réactions unilatérales de la France et de lItalie étaient controversées : les mesures étaient certes prises en correspondance avec le droit de lUnion européenne mais lesprit des règles Schengen navait pas été complètement respecté .

Dans un même ordre didée, linstallation de clôtures aux frontières soppose à lessence de laccord de Schengen puisque cela affecte la coopération et la confiance mutuelle, en créant des sentiments de repli national. De même, cela pourrait être contraire à labsence dobstacle pour permettre un trafic fluide , dans le sens où le mur serait considéré comme un obstacle. De même, cela rajoute un sentiment de permanence.

Parallèlement aux impacts de la crise migratoire, les menaces terroristes amènent à approfondir lesprit de Schengen. Lémotion des attaques

et de la menace appellent au besoin de rétablir les postes frontières et de renforcer la coopération policière et judiciaire. Cependant il serait plus louable dencourager un approfondissement des besoins de coopération et de confiance mutuelle . Par conséquent, la seule réponse efficace et conforme à lesprit européen dun espace sans contrôles aux frontières est une politique commune, basée conjointement sur la solidarité entre les Etats membres et la confiance mutuelle. Il incombe ainsi la nécessité dassurer une interprétation et une implémentation cohérente des règles Schengen dans un esprit de solidarité et de confiance mutuelle.

Il est donc primordial de trouver des solutions face aux divers problèmes soulevés par la réintroduction perpétuelle des contrôles aux frontières intérieures qui nuit gravement à lespace Schengen en renforçant les deux critères principaux, à savoir, la confiance mutuelle (Chapitre 1) et la solidarité (Chapitre 2). La confiance mutuelle est essentielle pour garantir le respect de labsence de contrôles aux frontières intérieures, au sens où « chaque État participant aura la volonté et la capacité de mettre en uvre les divers instruments législatifs qui constituent l’acquis de Schengen » .

LUnion est fondée sur des valeurs communes aux Etats dans une « société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes » reposant sur une confiance importante. Lespace Schengen est basé sur un tel sentiment, impliquant de surcroît la capacité des Etats à mettre en place des mesures permettant la réalisation dun espace sans frontières intérieures.

A cet égard, il convient de se référer en guise dexemple aux vérifications aux frontières extérieures effectuées par les Etats membres non dans un double objectif, visant non seulement à protéger ses propres intérêts mais également ceux des autres Etats membres vers lesquels les personnes se dirigeront après avoir traversé la frontière extérieure. Cependant, elle sest retrouvée considérablement affectée par les crises suivant 2015. Lafflux migratoire a démontré une confiance vacillante dans la gestion des arrivées, renforcée par le fait que les frontières extérieures se sont révélées submergées et inefficaces. La menace terroriste et les attaques ont mis en lumière des lacunes dommageables pour lintégrité de lespace.

Ces carences justifient la nécessité de restaurer la liberté de mouvement et de confiance mutuelle au sein de lespace Schengen. Un mécanisme dévaluation de lapplication de lacquis Schengen vise pourtant à maintenir la confiance mutuelle entre les Etats membres dans leur capacité à appliquer efficacement les mesures daccompagnement pour maintenir cet espace sans contrôles aux frontières intérieures. Aspect essentiel de la confiance mutuelle, il serait intéressant de renforcer un tel mécanisme.

Tout particulièrement de renforcer le rôle des Etats membres dans le mécanisme dévaluation. Un mécanisme dévaluation spécifique pour vérifier lapplication de lacquis Schengen est nécessaire pour assurer des standards à un niveau uniforme dans lapplication de lacquis Schengen en pratique et pour maintenir une confiance mutuelle dun niveau élevé entre les Etats membres formant une partie de lespace sans contrôles intérieures. Un tel mécanisme se construirait sur les coopérations étroites entre la Commission et les Etats membres.

Il est indispensable dadapter les évaluations intergouvernementales de Schengen à la structure européenne où la Commission, gardienne des traités, aurait la responsabilité tout en assurant la participation des Etats membres dans le but de maintenir une confiance mutuelle. Ces mécanismes se devraient de favoriser la transparence, corollaire dune confiance en contrôlant la façon dont ils mettent en uvre les différents domaines de lacquis de Schengen .

Il est donc primordial de restaurer cette confiance. Une telle révision ne saurait être suffisante pour répondre efficacement aux lacunes constatées. Ainsi, il serait important daccroître la coopération au sein de lespace Schengen en trouvant un moyen de stopper lincessant maintien de contrôle aux frontières intérieures (Section 1), tout en renforçant la sécurité aux frontières (Section 2).

« La gestion efficace des frontières extérieures de lUnion est une priorité absolue et une condition pour [] préserver lespace de libre circulation de Schengen, qui est lune des principales réussites de lintégration européenne » . Il subsiste une interconnectivité entre la gestion des frontières extérieures et le rétablissement des vérifications aux frontières intérieures comme la été démontré à de nombreuses fois dans les crises suivants 2015.

Pour le moment, le contrôle aux frontières extérieures pâtit de manquements graves, sexpliquant par un défaut de surveillance des frontières et un défaut denregistrement et didentification des migrants en situation irrégulière. Si les États membres ont rétabli les contrôles aux frontières intérieures, cest en conséquence des mouvements secondaires permis par ces carences. Ces manquements graves mettent donc en péril lespace Schengen dans son ensemble et témoignent dune menace pour lordre public ou la sécurité intérieure en son sein.

La Grèce en a été largement affectée. S’il est vrai que cette responsabilité de gérer les frontières extérieures lui incombe en premier lieu, elle relève en dernier ressort de l’Union dans son ensemble, puisque les frontières extérieures de la Grèce sont aussi celles de chaque État membre de l’espace Schengen. A cet égard, larticle 29 du Code frontières Schengen nest pas un moyen détourné dexclure ou de punir lEtat mais de préserver le fonctionnement de lespace. Ces crises ont compromis, outre un espace sans libre circulation, lexercice de contrôles efficaces aux frontières extérieures. L’afflux est d’une telle ampleur qu’il ferait peser une pression considérable sur le contrôle aux frontières extérieures de n’importe quel État membre.

Il est donc primordial dapporter une solution à ces lacunes. Remédier à cette défaillance de la gestion des frontières extérieures a été établi par le mécanisme d’évaluation de Schengen et le code frontières Schengen. Le 24 février 2016, la Commission a adopté une décision d’exécution arrêtant des recommandations sur les mesures spécifiques à prendre en République hellénique , conformément au Code frontières Schengen. La mise en uvre des mesures spécifiques recommandées servirait lobjectif dassurer, dune part, une surveillance appropriée des frontières, y compris la détection et l’appréhension des personnes, et dautre part, lidentification et lenregistrement et laccueil des ressortissants de pays tiers ayant franchi illégalement la frontière extérieure, ainsi que le retour de ceux qui n’ont pas besoin d’une protection internationale.

La gestion intégrée des frontières est un élément fondamental de lespace de libre circulation, permettant la circulation des personnes tout en améliorant la sécurité. La pleine mise en uvre dune telle stratégie est plus quessentielle au bon fonctionnement de lespace Schengen, et donc à empêcher de recourir incessamment aux vérifications aux frontières internes. Il faudrait renforcer cette gestion intégrée : en dautres termes, rééquilibrer le fonctionnement de lespace Schengen vers davantage de sécurité sans nuire à la libre circulation. Cette révision se devra dêtre aussi bien performante en temps calme et en temps de crise.

A cet égard, il pourrait être envisagé leuropéanisation des contrôles aux frontières extérieures, au sens où les normes devraient être communes pour permettre ainsi une réactivité et une assistance amplifiée de la part des institutions européennes qui seraient aptes à gérer de telles situations. De même, cette idée renforcerait la confiance mutuelle puisque les Etats auraient pleinement conscience des normes. Ce dispositif pourrait se concrétiser par la mise en uvre effective du paquet « frontières intelligentes » (A).Parallèlement, il est plus que nécessaire dassurer la protection des frontières extérieures. Cest dans cette optique qua été créé lAgence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres (FRONTEX) .

Pour une meilleure appréciation dun espace sans contrôles aux frontières intérieures, il serait intéressant de renforcer le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. A cet égard, en juin 2018, la France et lAllemagne ont mis laccent sur la nécessité dun contrôle plus efficace des frontières de lUE en renforçant lappui de Frontex et la coopération avec les pays tiers grâce à des ressources accrues tout en instaurant un mandat renforcé (B).