IDE et commerce international: un lien de substituabilité et de complémentarité 

D’autres approches ne sont pas d’accord avec la substituabilité parfaite de Mundell et démontrent aussi bien une substituabilité partielle qu’une complémentarité parfaite (Jones, 1971 ; Samuelson, 1973 ; Helmberger et Schmitz, 1970 ; Kojima, 1978 ; et Markusen, 1983). D’après les modèles à facteurs spécifiques développés par Jones (1971) et Samuelson (1973), l’existence de facteurs de production spécifiques à chaque secteur (par exemple, le facteur capital pour l’industrie alimentaire et pour l’industrie manufacturière) peut interdire la convergence internationale des revenus des facteurs de production dans le cas d’une ouverture des échanges, alors que les différences du coût du facteur travail qui existent entre un pays en développement et un pays développé inciteront les détenteurs de capital spécifique au secteur intensif en travail à investir dans le pays à bas coût du facteur travail. Le flux de capital renforce alors les avantages comparatifs des pays et par conséquent le volume du commerce international. Ainsi, les facteurs spécifiques sont en faveur d’une complémentarité entre les IDE et le commerce international (Crozet, 2005).

À travers une comparaison entre le cas où le capital est parfaitement mobile et le cas où il est immobile, Helmberger et Schmitz (1970) démontrent que les flux de facteurs de production et de produits peuvent être substituables comme complémentaires. En effet, le commerce se développe lorsque les facteurs de production sont mobiles entre pays. Les mouvements de facteurs de production et de produits sont complémentaires et non pas substituables dans un cadre d’ouverture des échanges. Helmberger et Schmitz (1970) relègue la question de la nature de la relation entre les IDE et le commerce international aux études empiriques et considèrent que cette relation dépend du cadre analytique et des hypothèses de base.

Kojima (1978) met en évidence une complémentarité conditionnée entre les IDE et le commerce international. En effet, lorsque l’IDE porte sur des industries pour lesquelles le pays d’origine est désavantagé par rapport au pays hôte, il renforce le commerce international. Dans cette situation, les deux pays tirent profit et le commerce entre eux se trouve stimulé. À l’inverse, lorsque l’IDE porte sur des industries pour lesquelles le pays d’origine a un avantage comparatif par rapport au pays d’accueil, l’IDE devient destructeur du commerce international. Markusen (1983) signale que la mobilité des facteurs de production stimule la croissance du commerce international. Il considère que le modèle de Mundell (1957), qui est en faveur de la substitution entre l’IDE et le

commerce international, n’est qu’un cas particulier et ne peut être vrai que si l’échange est basé sur une différence de proportions relatives de facteurs de production entre pays.

Au-delà des deux stratégies d’internationalisation: l’exportation ou la multinationalisation, les firmes peuvent aussi exploiter la diversité des avantages comparatifs pour gagner en compétitivité à travers l’investissement vertical. L’investissement horizontal consiste à produire le même bien dans plusieurs pays, alors que l’investissement vertical consiste à fragmenter le processus de production en différentes activités et localiser chaque fonction de l’entreprise dans le pays offrant les meilleures conditions de production. Le développement de l’investissement vertical génère de nouveaux flux de commerce et illustre le cas d’une relation de complémentarité entre commerce international et IDE (Crozet, 2005). Par conséquent, il y a complémentarité entre IDE et commerce international dans le cas de l’IDE vertical et il y a substituabilité entre IDE et commerce international dans le cas de l’IDE horizontal. D’une part, l’ouverture des échanges réduit les motivations des investissements directs horizontaux qui limitent à leur tour la croissance des échanges internationaux. D’autre part, la réduction des barrières douanières favorise l’essor des IDE verticaux qui accroissent le commerce international (Crozet, 2005).

Outre les théories avancées ci-dessus et qui sont soit en faveur de la substituabilité soit en faveur de la complémentarité entre de l’IDE et le commerce extérieur, il existe une théorie intermédiaire qui regroupe l’hypothèse de substituabilité et de complémentarité de l’IDE développée par Purvis (1972). Certes, le cadre d’analyse du modèle de Purvis (1972) ressemble à celui de Mundell (1957). Néanmoins, il abandonne l’hypothèse de l’identité des fonctions de production entre pays coéchangistes. Il démontre que lorsque cette hypothèse ne se réalise pas, on peut vérifier la complémentarité ainsi que la substitution entre les IDE et le commerce international.

En effet, l’impact des IDE sur la croissance du commerce international dépend de la différence des fonctions de production entre les pays coéchangistes. Dans le cas où cette différence est grande, le commerce international se trouve dynamisé sous l’impulsion de l’IDE. Dans le cas où les fonctions de production sont proches, l’IDE devient un substitut au commerce international. Étant donné l’ambiguïté théorique qui caractérise la relation entre l’IDE et le commerce international, il est primordial de reléguer cette question de la relation entre investissement et échange au niveau empirique.