Politiquement correct

Le \”politiquement correct\” est une expression moralisatrice du langage introduite aux États-Unis dans les années soixante par des universitaires et des partis de gauche dans l\’intention de rectifier les préjugés de langage et de culture de l\’homme blanc contre les minorités et les opprimés, c\’est-à-dire, au départ, les Noirs et les Amérindiens (le PC dit les Afro-Américains et les Américains de souche), et par la suite, les femmes, les handicapés, les homosexuels… Les partisans et les pourfendeurs du PC sont nombreux. (Farid, (Printemps 2009)) De nos jours l\’expression \”politiquement correct\” est utilisée dans presque tout ce que nous faisons. Il serait donc important d\’en rappeler le sens. Il s’agit ici de notre façon de parler, et de la façon dont on devrait se comporter les uns avec les autres.
Selon le Larousse, Politiquement correct, se dit d\’un discours, d\’un comportement visant à bannir tout ce qui pourrait blesser les membres de catégories ou de groupes minoritaires en leur faisant sentir leur différence comme une infériorité ou un motif d\’exclusion. C\’est-à-dire que cette expression se situe sur des personnes, des paroles ou des actes qui visent à ne pas déplaire aux groupes minoritaires, se distinguant par leur race, leur religion, leur nationalité, leur orientation sexuelle, etc.
Dans ce travail de recherche nous allons nous pencher sur le cas du Canada ; en particulier sur le Québec, afin de savoir si dans cette diversité culturelle, la culture du politiquement correct canadien nuit à la cohabitation interculturelle. Il revient des lors de se poser un certain nombre de question. Mais de quoi ce « politiquement correct » est-il le nom ? D’un réel contrôle du langage et de la pensée ? D’une hypocrisie destinée à flatter les identités diverses et variées sans que rien ne change vraiment dans le quotidien des personnes discriminées ? D’un néo-conformisme visant à prendre le dessus sur les débats au profit d’une certaine catégorie de personnes? Ou bien d’une conviction que le langage peut contribuer à la transformation des mentalités ? Et que l’inclusion passe par la précision dans la reconnaissance des identités ? Est-il pertinent de chercher et d’éventuellement trouver d’autres manières de désigner les personnes d’origine étrangère ? Alors, faut-il prendre des pincettes ou mettre des guillemets dès lors qu’on parle des autres ?
I- Contexte
Les Canadiens en particulier les Québécois, ont une façon très consensuelle de dialoguer, d\’échanger et de régler les problèmes. Ce n\’est pas toujours facile
à comprendre, surtout lorsqu\’on vient d\’arriver.
Les Québécois sont réputés pour leur sens de l\’accueil, leur gentillesse et leur serviabilité. De manière générale, ils s\’attendent à ce que les échanges avec les uns et les autres soient polis et respectueux. La plupart des problèmes peuvent se régler avec un sourire et sans hausser le ton. Il faut mieux éviter de comparer sans cesse Montréal avec sa ville d\’origine car cela pourrait être ressenti comme une critique de votre ville d\’accueil. Le Québec prône des valeurs du vivre-ensemble et de l\’interculturel, à savoir que chacun est invité à s\’intégrer dans la société en respectant des valeurs communément établies.
Il fait partie des mœurs du Québec. Il s’établit en fonction de l’âge et de la fonction sociale. Vouvoyer quelqu’un est souvent vu comme un besoin d’afficher un certain respect. Les gens de même génération se tutoient, tout comme les personnes de moins de 30 ans. Il n’est pas rare qu’un employé du service public tutoie son interlocuteur, ou un employé son patron. Cependant, ne confondez pas le tutoiement avec une envie de nouer amitié, c’est juste une manière d’être typiquement nord-américaine.
Au Québec, le politiquement correct est de mise dans les rencontres sociales. Souvent difficile à comprendre pour un nouvel arrivant, ce mélange de retenue, d’idées simples, de thèmes fédérateurs et de sourires faciles alimentera pourtant vos premières discussions avec les habitants de la province, de votre voisin à votre collègue de bureau. Il ne faut surtout pas prendre cela pour de l’hypocrisie ou un manque d’intérêt pour vous, mais plus comme un respect de vos idées et de votre espace vital. Ce n’est qu’après avoir gagné la confiance des Québécois que vous pourrez avoir des discussions plus profondes, plus animées. De façon générale, les Québécois évitent la controverse, surtout en public. Par exemple les relations entre les hommes et les femmes sont plus égalitaires et plus affirmés que dans la plupart des pays au monde. Les femmes ont conquis leur liberté et leur indépendance, deux valeurs désormais bien implantées dans la société. Elles travaillent et occupent des postes à tous les niveaux de la hiérarchie. Dans les relations personnelles et professionnelles, la prudence est de bon ton en matière de remarques, de compliments ou d’humour sur une attitude ou une tenue vestimentaire, qui pourraient passer pour du sexisme, sans que vous vous en rendiez compte.
II- Le « politiquement correct » comme force de transformation

Est-ce qu’interroger (sinon surveiller) son langage ne pourrait pas aussi contribuer à transformer positivement le réel ? La puissance performative du langage est connue depuis les travaux de (Austin, John Langshaw, 1991) auteur de Quand dire, c’est faire : « nommer n’est pas un acte neutre, cela participe à faire exister les choses, les gens, les situations. » Si l’on prend acte avec Camus que « mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde », considérons que désigner avec précision, c’est facteur de justesse… Et peut-être de justice. Par exemple dire d’une « personne en situation de handicap », ça peut paraître plus exagéré que de dire tout simplement « handicapé », mais ça veut dire que le handicap est une situation, à laquelle chacun d’entre nous peut être confronté, dès la naissance ou plus tard dans la vie, de façon permanente ou au cours d’un moment de l’existence (comme lorsque par exemple, une grosse fracture nous met en situation de « personne à mobilité réduite » ou une dépression en situation de personne ayant un trouble psychique). Dire « agent d’entretien » plutôt que « femme de ménage », c’est d’une part professionnaliser la fonction et d’autre part la dégenrer. Parler de « droits humains » plutôt que de « droits de l’homme », c’est sortir de la confusion entre l’homme de genre masculin et l’Homme en tant que représentation de l’universel etc. L’inclusion passe par la précision !

1- La bienveillance dans le politiquement correct

L’inclusion passe aussi par la bienveillance, celle-ci peut être active, c’est-à-dire par une attention portée à l’autre, de façon singulière et unique. Elle est présentée au monde selon son histoire, son tempérament, sa sensibilité, sa culture, son vécu, sa situation dans la société… Les personnes faisant plus souvent l’objet de discriminations sont possiblement plus « susceptibles », ou à tout le moins vigilantes à la façon dont on les traite que celles qui ont une position plus favorable dans la société. Pourtant, l’expression de cette vigilance n’est pas nécessairement une agression dirigée contre celles et ceux qui, le plus souvent inconsciemment, les stigmatisent ou leur manquent de considération.
Celle ou celui qui dénonce une attitude ou une situation sexiste, homophobe, raciste, grossophobe…demande d’abord une prise en compte de son ressenti et des impacts sur sa condition des inégalités de traitement ordinaires. Lui rétorquer qu’elle est victimaire ou simplement qu’elle casse les pieds de tout le monde avec ses revendications, c’est lui refuser cette prise en considération. C’est aussi peut-être se refuser à soi-même une opportunité d’interroger ses propres biais, ses propres conditionnements, sa posture, son rapport aux autres, sa place dans la société. C’est rater une occasion d’exercer son empathie, son esprit critique, son écologie relationnelle aussi…

2- Le politiquement correct comme réducteur de l’espace d’expression ?

Le « politiquement correct » nuit-il à la liberté d’expression ? Quand il est présenté et perçu comme une « police du langage » voire une « police de la pensée », on entrevoit dans un frisson advenir le pire des « meilleurs des mondes » imaginé par (George Orwell, 1949), un monde totalitaire, régulé par l’autocensure et appelé à la destruction de toute forme de créativité.
C’est néanmoins faire une lecture déformée d’Orwell de voir dans le « politiquement correct » l’avènement d’une « novlangue » digne de 1984, car dans le livre, la « novlangue » est un lexique restrictif qui supprime des mots et simplifie à l’extrême les discours… Tandis que la logique du « politiquement correct » est plutôt extensive : elle tend à ajouter des mots et notions pour rendre compte de la diversité et de la complexité du réel. A ce titre, on peut lui reconnaître une forme de puissance créative.

3- Le « politiquement correct » comme levier de créativité ?

Néanmoins, la rhétorique du politiquement correct est aussi celle d’une vigilance sur les formes expressives… Intuitivement, on a du mal à imaginer que la créativité, qui a besoin de toutes les autorisations pour s’exercer, supporte telle contrainte. C’est le cas d’une étude menée par les universités de Cornell, de Californie et de Saint-Louis. Ou, quatre groupes d’étudiants ont été conviés à participer à un exercice de créativité : le premier, mixte, n’a reçu aucune autre consigne que celle de produire des idées nouvelles pour repenser le commerce ; le second et le troisième, démixtés (garçons d’un côté, filles de l’autre) a reçu la même consigne et a été sensibilisé au « politiquement correct » ; le quatrième, mixte, a bénéficié de la même sensibilisation que les deux précédents. Résultats : le premier groupe, non sensibilisé, s’est avéré le moins créatif : il a essentiellement reproduit des modèles existants avec des variations à la marge. Le second et le troisième groupe, non mixtes et sensibilisés au « politiquement correct » a produit des propositions plus disruptives sur le papier, mais peu applicables. Et c’est le quatrième groupe, mixte et sensibilisé à la diversité des sensibilités, qui s’est révélé le plus créatif, proposant des idées innovantes, à fort potentiel d’appropriation et de mise en œuvre.

III- Etudes de cas
Quand nous parlons, nous exprimons notre opinion et notre vision de la réalité. Indépendamment du fait que notre expression peut ne pas être fidèle à notre pensée, nous exerçons souvent notre pouvoir de transformer la réalité en utilisant des euphémismes. L’euphémisme consiste à exprimer une idée ou un sentiment lié à une réalité difficile ou choquante en utilisant une expression atténuante, une appellation adoucie. Par exemple au lieu de dire « il est mort », nous disons plus facilement il est parti, il s’en est allé, il nous a quittés …
1- En politique
Depuis quelques années, l’emploi massif d’euphémismes notamment en politique a donné naissance à l’expression de politiquement correct. On nous explique que le politiquement correct cherche à protéger les gens contre les stéréotypes injustes, empêche les gens d\’offenser les autres et protège les droits des citoyens. Par exemple il est politiquement correct de parler de : personne de couleur, défavorisée, du 3ème âge, à mobilité réduite, handicapée, non voyante ; ou de demandeur d’emploi, technicien de surface, SDF, disparition suite à une longue maladie… ; ou de dommages collatéraux, frappe chirurgicale, théâtre des opérations … ; ou de rationalisation du personnel, réorientation de carrière, contre-performance, de tarif qui évolue … ; ou de pays émergents … À noter que les expressions politiquement correctes sont très volatiles, et s’usent très vite.
2- En cas de conflit
Le politiquement correct est massivement utilisé en temps de guerre, notamment comme composante de la propagande, dans ce cas, les euphémismes ont pour effet de diminuer l\’impact d\’une information sur le moral de la population afin de conserver son soutien. Cependant en temps de paix le politiquement correct, souvent non seulement bride l’expression, mais voit souvent les propos pourchassés par des ayatollahs de la pensée normée, par la maréchaussée médiatique et in fine notre perception, notre connaissance des faits sont limitées, tout cela nous conduisant à une perte de vue de la réalité. La police de la parole correcte, conduit à imposer aux gens ce qu\’ils peuvent penser en les limitant à ce qu\’ils peuvent dire. Par exemple dans les quartiers, il n’y a plus de délinquants relevant de la justice, mais des sauvageons devant être éduqués et il n’y a pas de gangs, mais des groupes de jeunes, des personnes involontairement oisives …
3- Au quotidien
Dans la vie de tous les jours, une majorité de personnes voit le politiquement correct comme un gadget de communication qui n’est pas très gênant, mais n’a pas non plus un effet positif global sur notre société. Cependant certains pensent que le politiquement correct relève d’une forme de totalitarisme qui au nom du « collectif » déformerait la vérité, limiterait la libre expression, et imposerait une conscience formatée. Sans peut-être aller jusque-là, force est de constater que le politiquement correct est un anesthésiant puissant et que notre retour à la réalité risque d’être brutal. À moins que, comme Saint Augustin l’a écrit : « À force de tout voir, on finit par tout supporter… À force de tout supporter, on finit par tout tolérer… À force de tout tolérer, on finit par tout accepter… À force de tout accepter, on finit par tout approuver ».
4- Au travail
Pour Corinne Fernandez-Handelsman, consultante chez Progress, on est de moins en moins autorisé à parler vrai dans les entreprises : « Elles se conforment de plus en plus à un modèle anglo-saxon dans lequel on n\’a pas le droit de dire des choses négatives. On est dans le politiquement correct. »
Et le rompre peut choquer : « Dans ce contexte, critiquer ou dire \”non\” peut attirer de sérieux problèmes : vous risquez d\’être considéré comme quelqu\’un ne sachant pas prendre des responsabilités, pas apte à faire avancer les choses. »
L\’humour peut être utile : « Il peut être un bon exutoire, un bon moyen de faire passer les choses. C\’est d\’ailleurs aujourd\’hui le seul moyen d\’exprimer une critique ou un mal-être, ce que l\’on ressent et qu\’on ne peut pas dire. C\’est important, car sourire en permanence peut provoquer des nœuds à l\’estomac. »
Mais il faut utiliser l\’ironie ou l\’humour avec parcimonie : « Cela peut être mal pris par l\’interlocuteur. Si celui-ci a le visage qui se ferme ou s\’il dit \”Tu as un sacré franc-parler\”, c\’est qu\’il a parfaitement compris que derrière le sourire se cache un message critique. » (Rédaction L\’Usine Nouvelle, 23/11/2006)
Supposons que \”J\’ai un esprit contestataire qui n\’est pas très répandu au Québec; cela implique une grande différence culturelle. Parfois, j\’ai voulu remettre en question des choses au travail, les collègues avaient l\’impression que je contestais alors que pour moi c\’était juste une discussion. Une critique est toujours précédée ici de quelque chose de positif. \”On aborde jamais un problème de but en blanc. Il faut toujours commencer par du positif et critiquer de façon constructive en commençant par des phrases telles que: Qu\’est-ce que tu penses de… Je t\’encourage à…
IV- Avantage et inconvénients du politiquement correct
1- Avantages
Il agréable de vivre au Québec, car, y a très peu de tension entre les gens. Les rapports entre les cultures sont beaucoup plus cordiaux et respectueux. C\’est une société qui fonctionne beaucoup plus sur la valorisation de la personne. Au Québec, on va se concentrer sur ce que tu fais de bien. Alors qu\’en France par exemple, on va mettre en évidence ce que tu fais de mal.\” Mais, toujours est-il qu’il y aussi les côtés négatifs. \”Parfois, les choses ne sont pas dites comme elles devraient l\’être. Ça empêche la progression de certaines personnes ou le déblocage de situations problématiques. Si quelqu\’un a des difficultés qu\’il ignore, on ne va rien lui dire.\”
2- Inconvénients
En effet, il y a peu de conflits, on évite la confrontation directe avec une personne et on garde le sourire en toutes circonstances. Or, parfois cela ne ferait pas de mal de mettre les choses au point avec les personnes qui devraient être recadrées. Certaines situations peuvent s\’envenimer et on a peur de dire les choses qui ne vont pas. Je crois que même si on doit le dire d\’une façon courtoise et polie, il est nécessaire de le faire. Personnellement, quand je vais au Québec je fais comme eux. Je ne veux pas choquer, je tente de présenter les choses de façon posée mais ferme.
Quant à la confrontation, comme il faut absolument l\’éviter. \”Au Québec, on n\’affronte pas les gens directement. Plus tu y passes du temps là-bas, plus tu apprends à exprimer les choses de façon moins brutale.\” Même si ça peut parfois énerver, il faut considérer que c\’est tout de même une façon plus respectueuse d\’échanger. C’est une culture de l\’évitement absolu de la confrontation.
Conclusion
Une majorité de Canadiens croit que l’avènement du « politiquement correct » empiète trop sur leur liberté d’expression.
Les Canadiens adoptent généralement un comportement de rectitude politique (politiquement correct) et accordent beaucoup d’importance au principe d’équité, quoique cela varie d’une région à une autre. Vous devrez présenter votre point de vue avec beaucoup de prudence lors des discussions portant sur les classes sociales, la discrimination raciale et autre, ainsi que le régime de soins de santé. Les Canadiens considèrent que leur société est très tolérante et qu’elle est davantage concernée par les questions sociales que la société américaine.
Avec le politiquement correct, certaines choses ne peuvent plus être formulées, certains problèmes ne peuvent plus être caractérisés, des situations restent inexpliquées. Les problèmes mal posés sont sans solution et deviennent inextricables (cf. la délinquance). Les gouvernements se disent impuissants sur de nombreux sujets clés pour les citoyens et pour faire bonne figure cherchent constamment à nous leurrer avec la défense politiquement correcte d’innombrables nouvelles minorités qui obtiennent des avantages.
Le politiquement correct crée un environnement qui n’est pas favorable aux échanges d’idées, par ses manipulations, il donne le mauvais exemple et favorise le développement de toutes les tares de notre société en matière communication