Marina Abramović

Partie 1
Marina Abramović est une artiste née à Belgrade en Serbie en 1946. Elle débute dans le domaine des arts en étudiant à l’académie des beaux-arts de 1965 à 1970. Elle est reconnue par la suite comme étant une artiste pionnière qui offre de nouvelles formes artistiques postmodernes et contemporaines. Mme Abramović propose des performances, c’est-à-dire une œuvre qui est une série de gestes et d’actions qui se déroule en temps réel devant un public où le spectateur est souvent apporté à participer. Pour elle, le performeur et l’audience deviennent un tout et c’est ce qui définit pour elle une performance. Ces œuvres sont pour la plupart perturbantes, car le but de l’artiste est de constamment repousser ses limites et les limites du public, elle veut voir jusqu’où le public est prêt à intervenir. Elle utilise son corps comme médium, il est donc une partie intégrante dans ses performances. Grâce à l’énergie du public, elle pousse son corps à la limite ce qui s’avère être souvent dangereux pour sa propre vie. Dans ces moments, elle mentionne que ce n’est pas réellement son corps qu’elle pousse le plus, mais bien son esprit.
En 1974, Marina Abramović performe Rythme 0 à la Galleria Studio Morra à Naples. Sa performance consiste à être physiquement présente debout et immobile dans une salle du musée avec une table où l’on retrouve 72 objets. Certains sont bénins et inoffensifs tels que des plumes, du parfum, des fleurs, du vin, du pain, des raisins, etc. D’autres objets sont plutôt dangereux et considérés comme des objets de destructions comme des couteaux, des ciseaux, des lames de rasoir, une barre de métal et le plus alarmant : un pistolet chargé d’une cartouche. On retrouve aussi une affiche où il est écrite que durant 6 heures soit de 20h à 2h, le public peut faire ce qu’il désire avec Mme Abramović et ces 72 objets puisque dans le contexte de sa performance, elle se considère comme un de ses objets. Elle mentionne aussi qu’elle prend l’ensemble de la responsabilité sur tous les actes durant la durée de la performance. Pendant la première partie de l’œuvre, soit dans les trois premières œuvres, le public n’intervient pas beaucoup : ils jouent avec elle, lui donnent des fleurs, l’embrassent, la regardent. Ensuite dans la deuxième partie de la performance, les spectateurs vont de plus en plus loin, il la blesse, l’attache, lui découpe ses
vêtements, lui dispose des épines de roses sur le corps et lui met finalement le pistolet dans la main et le pointe vers sa tête. Une bataille éclate dans l’audience à ce moment entre ceux qui posaient cet acte et un groupe de gens « protecteurs » qui l’observaient. Finalement, à cet instant un garde du musée vient saisir l’arme et le jette par la fenêtre. À 2h du matin, lorsque la performance est terminée, un employé vient avertir Marina dans la salle et elle commence à reprendre possession de son corps. À ce moment, l’ensemble des spectateurs restant s’enfuient en courant.
À cette époque, la performance était une nouvelle forme d’art qui était énormément critiqué par le public. Celui-ci trouvait que ces artistes étaient ridicules, malades, exhibitionnistes et qu’ils manquaient juste d’attention. Face à ses critiques, Mme Abramović était embêtée et était curieuse de voir jusqu’où le public pouvait aller lorsque l’artiste offrait une performance où elle était simplement immobile. Elle souhaitait pousser l’énergie du corps humain à la limite et son esprit à un extrême que nous ne pouvons pas imaginer. Elle tenait à prendre le risque de mettre sa vie en danger en laissant un pistolet à la disposition de l’audience, elle voulait voir ce que le public allait faire dans cette situation. Les gens ont souvent peur de la souffrance, de la douleur, de la mortalité, elle met donc en scène ces peurs devant l’audience et utilise l’énergie du public pour pousser son corps le plus loin qu’elle peut. Elle offre donc un miroir aux spectateurs, elle montre que si elle peut le faire, le public peut aussi. Les intentions de cette artiste pour cette performance sont simples, elle veut pousser son corps et son esprit personnel à la limite et elle veut voir la réaction des spectateurs. Elle veut voir s’ils peuvent se prêter au jeu et oublier qu’elle est un être humain et non simplement un objet.
La performance Rythme 0 est certainement bouleversante lorsque l’on regarde les actions posées par certains individus dans cette salle de musée en 1974. Marina Abramović voulait voir de quelle manière le public allait participer à sa performance considérant qu’elle prenait l’ensemble des responsabilités pendant ce laps de temps. Durant la performance, personnellement, je trouve que l’on peut dresser un portrait des différentes réactions de la société face à la douleur, la souffrance et la mort. Mme Abramovic a réussi à créer son effet miroir désiré et montrer au public quelles seraient leurs réactions dans une situation délicate ou même critique. Certains spectateurs ont participé sans malveillance à la performance tandis que d’autres se sont lancés sans se poser de questions et sans réfléchir aux conséquences de leurs gestes posées sur un être humain. Un certain groupe de personnes étaient inquiètes lorsqu’ils ont vu que Mme Abramović demeurait dans son rôle. Ils sont donc restés en observateurs pour être prêts à réagir si le moment devenait critique et c’est ce qu’ils ont fait lorsque le pistolet est entré en jeu. Le garde du musée était la personne qui était prête à interagir pour assurer la sécurité de l’artiste. Les performances réalistes de Marina est une forme d’art intéressante, car elle nous offre la possibilité de mettre en situation des individus et de capter leurs réactions réelles ce qui ramène l’être humain à un état instinctif. Certains interprètent que nous pouvons en déduire que l’être humain conservera toujours sa nature instinctive, animale et féroce et que lorsqu’on lève les règles établies dans notre société, cet instinct peut refaire surface.
Partie 2
Multidisciplinaire et interdisciplinaire
L’art de la performance permet à l’artiste de jouer avec une certaine liberté et de mélanger plusieurs disciplines selon ces intentions. Cette œuvre est multidisciplinaire et interdisciplinaire principalement parce qu’elle fait appel à plusieurs objets de différents domaines. Le public est amené à participer à la performance en utilisant 72 objets certains inoffensifs et certains dangereux tels que de la nourriture, des boissons, des plumes, du parfum, des fleurs, des souliers, des objets de torture, des couteaux, des lames de rasoir, un pistolet, etc. Plusieurs de ces objets sont de domaines différents ce qui permet aux spectateurs d’avoir une variété de choix et cela leur permet d’agir selon leurs désirs en fonction de qui ils sont. Par exemple, dans cette performance, surtout dans les trois premières heures, certains spectateurs étaient à l’aise de participer sans malice en jouant avec les objets inoffensifs tandis que plus tard certains s’aventurent dans les objets de torture. En fournissant plusieurs objets de domaines différents, l’artiste permet à plus d’un « public cible » de participer à sa performance.

Importance du processus et de l’expérience créative
Dans la plupart des performances de Marina Abramović dont Rythme 0, l’artiste a des intentions claires et utilise la performance comme un médium pour réaliser une « expérience » et offrir un miroir aux spectateurs. Le produit final n’est pas réellement la partie importante de son œuvre, mais bien l’ensemble du processus, la réaction du public et jusqu’où elle pourra pousser son corps et son esprit. Toutes les actions posées individuellement des spectateurs sont aussi importantes les unes que les autres. Les spectateurs sont totalement libres de poser n’importe quelles actions et Marina tient à prendre ce risque pour réellement voir les intentions des spectateurs et jusqu’où ils peuvent aller. Elle se demande s’ils sont vraiment prêts à blesser, à violer physiquement et psychologiquement une femme simplement, car elle leur donne la permission.
Sollicitation de la participation du spectateur
Dans la performance Rythme 0, la sollicitation de la participation du spectateur est capitale. L’artiste se présente au début de sa performance, immobile, vulnérable, sans voix et demande au public de participer afin de créer sa performance. La présence du public est importante, car les intentions de l’artiste sont de voir comment ils réagissent dans une situation où ils sont confrontés à la présence physique de l’artiste. Dans le cas de cette performance, les spectateurs peuvent contribuer à celle-ci seulement par leur présence, ils ne seraient pas obligés de prendre des objets et y inclure Mme Abramović. Cela démonterait tout simplement que certains spectateurs ne préfèrent pas agir devant l’artiste impassible, mais bien juste de jouer le rôle d’observateur. Dans ce cas en particulier, sans public, la performance n’aurait pas raison d’être.

Recherche nouveauté, imprévu, inédit, de l’incongru
Marina Abramović est considérée comme une des premières à cette époque à réaliser des performances. Cette forme d’art était très critiquée à l’époque et le public ne la considérait pas vraiment comme de l’art. Certains peuvent être troublés ou choqués par la performance de Mme Abramović, car elle met en scène réellement des peurs que les gens éprouvent. Dans une conférence elle mentionna que la différence entre la performance et le théâtre est énorme : « Au théâtre, le couteau n’est pas réellement un couteau et le sang est seulement du ketchup. Dans la performance, le sang est le matériel et les lames de rasoir, les couteaux sont des outils. » Le réalisme de ces situations exécutées devant le public est une nouvelle pratique inédite et surprenante pour le monde artistique.
Relation ambiguë avec le marché de l’art
Les nouvelles formes artistiques comme la performance apportent une certaine interrogation du public au début de l’art contemporain en 1960. Ces nouvelles formes artistiques révolutionnent le monde de l’art notamment en créant une relation ambigüe avec le marché de l’art. Les œuvres que propose Marina Abramović sont des performances qui résultent d’une série de gestes qui se déroulent dans un laps de temps donné. Les spectateurs peuvent assister à cette œuvre, mais ils ne peuvent pas acheter la prestation en tant que telle comme un tableau, une sculpture, un collage ou une photographie. Afin de pouvoir amasser de l’argent, les artistes proposent dans ce cas des dérivés de l’œuvre comme des photographies. Ces dérivés sont aussi un moyen que la performance perdure dans le temps. Dans le cas de Rythme 0 réalisé en 1974, il nous reste un vidéo où l’artiste témoigne et explique sa performance avec des photographies en noir et blanc pour appuyer ces propos. De plus, nous retrouvons quelques photographies à vendre de l’œuvre. Dans l’art contemporain le public n’achète plus nécessairement un œuvre seulement pour exposer sa beauté, mais bien, car il veut soutenir les intentions, les valeurs de l’artiste ou encore le thème qui en découle.