L’évolution des chaînes de valeur mondiales

Depuis les années 1990, les chaines de valeur mondiales se sont intensifiées et ont permis l’essor du
commerce international. Avant de comprendre ce que signifie les chaines de valeur mondiales, nous
allons commencer par définir le concept plus général de « chaine de valeur ».

Crée par Michael Porter, la chaine de valeur sert à évaluer les activités spécifiques d’une entreprise
pour lesquelles ces activités peuvent générer de la valeur en interne et/ou externe. Chaque étape
correspond à la chaine de valeur permettant d’ajouter un surplus de valeur, une plus-value ce qui va
permettre à l’entreprise d’avoir un avantage concurrentiel par rapport aux entreprises concurrentes.

La notion de chaine d’activité décrit une séquence d’opération qui conduit à la production d’un bien
final. Une chaine d’activité se mondialise quand ses activités sont réparties entre des filiales ou des
sous-traitants qui sont établis dans plusieurs pays. Les activités traditionnelles d’une chaine de valeur
correspondent à l’achat, la production, l’emballage, le transport, l’entreposage et la distribution de
biens.

Pour mener à bien ces activités dans les pays internationaux, les entreprises ou organisations créent
une chaine de valeurs mondiales. Cela correspond au fait que la production mondiale est fragmentée.

C’est-à-dire que chaque pays va se spécialiser dans la production de certaines taches au lieu de
fabriquer l’ensemble du produit dans un seul et même pays. La seule production de certaines taches
permet un cout moindre pour les entreprises par rapport au cout qu’elles auraient dû supporter si elles
produisaient le produit en entier. Chaque étape ajoute de la valeur et de manière générale au moins
deux étapes se déroulent dans des pays différents.

Comment fonctionnent ces chaines de valeurs ? Et comment sont-elles fractionnées ?

Il faut d’abord différencier externalisation et délocalisation qui correspond donc au fractionnement
des CVM. En effet les étapes de production, qui commence par la conception d’un produit à sa livraison
au consommateur, sont effectuées dans différents pays. Et cela peut passer par l’externalisation
(« outsourcing ») ou la délocalisation (« offshoring »).

De manière simple et très schématique, le fonctionnement des chaines de valeurs mondiales s’effectue
de la façon suivante. Les entreprises construisent des produits dans un pays, ces entreprises achètent
des pièces secondaires ou des composants dans plusieurs autres pays. Ces produits sont assemblés
dans un autre pays. Voilà le fonctionnement général des chaines de valeurs.

Le système de fragmentation peut être appelés de plusieurs façons : découpage, dégroupage,
délocalisation, etc. La fragmentation désigne tout simplement le fait que la production de valeur
ajoutée ne se réalise pas dans un seul endroit. Par exemple : un vélo peut

être assemblée en Norvège
avec des pièces détachés venant d’Espagne, du Brésil et exporté vers l’Autriche.

La chaine de valeur mondiale peut se réaliser par une seule et même firme, entre sa maison-mère et
ses filiales ou autrement la chaine de valeur mondiale peut être réaliser par plusieurs firmes. C’est
pourquoi le commerce international et les flux d’investissements ont amplement augmenté. Le flux
d’investissement correspond à la somme des dépenses nécessaires à la réalisation d’un projet par une
entreprise. Les pièces et les composants des produits circulent entre pays ; peu importe la nature de
la chaine de valeur, qu’elle soit simple ou complexe.

On peut dissocier deux activités qu’exerce les chaines de valeur mondiales :
Activités primaires des CVM : ces activités primaires agissent directement sur la création de
valeur ajoutée du produit final. Plusieurs services constituent ces activités principales. On
distingue le service logistique, le service production et le service commercial et marketing.

Le service logistique correspond au fait que la chaine de valeur commence dès à la réception
des matières premières, les fournitures utiles pour le cycle de production et utile à son
organisation. Le service production signifie que les matières premières sont transformées en
produits finis et à destination de la cible. Et enfin le service commercial et
marketing correspond au processus stratégique de commercialisation du produit fini.

Activités secondaires des CVM sont les activités qui sont en parallèles des activités principales
et qui forment l’infrastructure globale de la société. Contrairement aux activités de base, elles
créent indirectement de la valeur ajoutée aux produits. Elles correspondent au service
ressources humaines, au service administratif, au service de recherche et développement et
enfin le service achat/approvisionnement.

Figure 1 – Schéma d’une chaine de valeur d’une entreprise dans son ensemble

La fragmentation des chaines de valeur mondiales s’inscrit dans la division internationale des
processus productifs. Cela signifie que les firmes transnationales (entreprises internationales
implantées dans plusieurs pays grâce aux filiales qu’elle détient) envoient leurs filiales dans les pays en
fonction de la capacité de chaque pays à effectuer au moindre cout le sous-ensemble/la partie du
produit qui lui a été confié de produire.

Comme nous l’avons dit précédemment, l’entreprise peut opérer de deux façons, par l’externalisation
ou par la délocalisation. C’est ce que nous allons voir maintenant.

L’externalisation fonctionne par le fait que l’entreprise va confier une partie secondaire de sa
production à des entreprises qui ne sont pas ses filiales et qui peuvent se situer à l’étranger. En confiant
une partie de sa production, l’objectif de l’entreprise sera d’augmenter sa rentabilité, augmenter son
rendement. Cette augmentation de rentabilité est obtenue grâce :
A la qualité qui peut être meilleure car on estime que le sous-traitant choisi sera spécialisé
dans la conception d’une partie de mon produit

Au fait que les coûts de production sont plus faibles. En effet, le sous-traitant bénéficie
d’économie d’échelle (l’entreprise baisse son cout unitaire en augmentant la quantité de sa
production) et le cout salarial est peu élevé.

La seconde solution possible est la délocalisation. Elle peut prendre 2 formes :
La première forme : elle correspond à l’acquisition par les entreprises de biens et services
intermédiaires auprès de fournisseurs étrangers. On parlera donc d’externalisation à
l’étranger = commerce inter firmes.

La seconde forme : l’entreprise peut transférer à l’étranger certaines de ses tâches. Dans ce
cas-là c’est une internalisation ou un développement d’un marché interne propre = commerce
intra firmes.

C’est pour cela qu’il faut faire la différence entre la délocalisation au sens stricte qui correspond à la
suppression d’activités dans le pays pour créer des filiales à l’étranger. Et la délocalisation au sens large
qui correspond au fait qu’il n’y a pas forcément de fermetures dans le pays d’origine. Ainsi cette
délocalisation au sens large peut être :
− Externalisation internationale : les activités dites comme sous-traitées n’ont jamais été
produite sur le territoire nationale
− Approvisionnement interne international : les activités qui ont été transféré sont maintenant
confiées aux filiales étrangères.

Pourquoi les pays participent à ces chaines de valeur mondiales ? Il s’agit pour les firmes d’augmenter
leur productivité, d’augmenter leur compétitivité que ce soit sur les pratiques de prix et/ou sur la
qualité des produits.

Déterminants du processus de fragmentation des chaines de valeurs :
Le processus de fragmentation est basé sur une logique d’optimisation c’est-à-dire que les entreprises
ont intérêt à se tourner vers des sources d’approvisionnement international notamment à cause ou
grâce au progrès technologique dans le domaine des transports, de l’information et de la
communication. La réduction des barrières tarifaires et/ou non tarifaires facilite également la
fragmentation de ces chaines de valeurs mondiales.

Le but est donc de réaliser des gains d’efficacité en spécialisant au maximum les entreprises. Elles vont
s’approvisionner auprès de producteurs qui bénéficieront d’économies d’échelles. Les entreprises
auront également pour but d’obtenir des couts relativement plus bas par rapport aux autres
entreprises. Pour cela, elles vont devoir se spécialiser en fonction de leurs dotations en facteurs (le
capital qui est relativement plus abondants dans leur entreprise).

Par conséquent, les entreprises attendent d’avoir des retours positifs sur la fragmentation des chaines
de valeur. Elles attendent particulièrement une baisse de couts de production. Mais aussi elles
souhaitent élargir leurs produits, leurs gammes et ainsi gagner en compétitivité.

Les entreprises vont également trouver ce qu’on appelle la « courbe du sourire » : les firmes
fragmentent de plus en plus leur chaine de valeur pour pouvoir conserver les étapes qui sont les plus
créatrices de valeur ajoutée dans leur entreprise. Et, les entreprises choisissent des sous-traitent issus
des pays en développement qui vont réaliser des tâches de production qui nécessitent beaucoup de
main-d’œuvre à faible cout. La « courbe du sourire » n’est pas répartie de façon homogène le long des
chaines de valeur mondiales. Les activités à forte valeur ajoutée se concentrent avant tout, sur la
recherche et le développement et la conception des produits. Puis par la suite se concentrent sur les
services de commercialisation et le service après-vente. Entre les deux, la production et l’assemblage
sont les plus pauvres en valeur ajoutée, l’entreprise est moins focalisée là-dessus.

Mais la logique d’optimisation peut entraîner des conséquences négatives pour ces entreprises. Il peut
y avoir des défauts ou des retards de production. Ou encore à cause de la crise du Covid, certains pays
sont plus touchés que d’autres et ferment leurs usines ou leurs frontières. Ce qui rend difficile toutes
formes de chaines de valeur mondiales.

La fragmentation internationale des différents processus de production a permis de percevoir
d’importants gains d’efficacité. Mais malheureusement percevoir d’important gains induit également
une indépendance de plus en plus forte avec les pays étrangers.

Quelles sont les indicateurs qui montre le développement des chaines de valeur ?

Traditionnellement, ce sont les statistiques du commerce international qui nous dit l’évolution de ces
indicateurs. Elles sont calculées à partir des exportations et des importations. Mais il y a un problème,
à cause du développement de ces chaines, la comptabilisation est inadaptée. En effet, ces calculs
comptabilisent plusieurs fois les exportations. Elles les comptabilisent au moment de l’exportation du
produit intermédiaire et également au moment de l’exportation du produit fini.
C’est pour cela que l’indicateur le plus utilisé et le plus fiable est le commerce en valeur ajoutée. Il
permet de mesurer l’intensité des chaines de valeur mondiales. On le calcul en prenant la valeur des
exportations diminuée de la valeur des importations de produits intermédiaires.

Les chaines de valeur mondiales sont menacées. Comment ? Par qui ? Pour quoi ?

Alors que les chaines de valeur mondiales représentent près de la moitié des échanges internationaux,
leur avenir est menacé par la montée des tensions commerciales et de la crise du Covid-19 qui nous
touche. Cette crise a relancé le débat sur les dépendances de la production française ou nationale en
générale par rapport aux approvisionnements depuis l’étranger. Nous pouvons aussi voir que les
chaines de valeur mondiales peuvent être limitées par des obstacles inenlevables qui réduit donc leur
expansion. La distance entre deux pays est une des plus grandes barrières à l’expansion de ces CVM.
Nous ne parlons pas ici que de la distance physique qui a une relation inverse avec les volumes
exportés. Plus les pays sont loin géographiquement, moins ils s’échangent entre eux des volumes de
production. Nous pouvons aussi voir que les distances culturelles peuvent influencer une entreprise
de produire dans une autre. En effet, une entreprise va s’implanter dans un pays où elle partage les
mêmes valeurs, les mêmes droits, les mêmes lois pour que cela facilite sa production et son entente
avec le pays en question. Les couts de transport peuvent également être un frein à l’expansion. Le
facteur temps est aussi déterminant et pousse les entreprises à sous-traiter dans des pays où elles
partagent le même fuseau horaire et où sa production sera à proximité de son marché.

Nous pouvons prendre l’exemple de New Balance, une entreprise américaine. En 2005, Evans et
Harrigan ont démontré le faut que certaines entreprises étaient prêtes à renoncer à l’avantage
comparatif de l’Asie concernant les bas coûts de production et sa main-d’œuvre pas cher et de se
rapprocher du marché américain. Le but de se rapprocher des Etats-Unis est de réduire les délais de
production et donc avoir des délais de livraison très court. Cette entreprise américaine s’est donc
implantée dans les pays proches d’Amérique latine.

Les tensions commerciales et géopolitique entre les pays sont également une source de
préoccupation. Les principales causes sont les régimes et les règles protectionnistes de certains pays
qui réduit l’accès aux chaines de valeur pour les pays en développement.

Comment la crise du Covid-19 a-t-elle impacté les chaines de valeur mondiales ?

Nous pouvons imaginer que la crise a énormément impacté le mode d’organisation de production de
ces chaines de valeur. En effet, avec les nombreuses mesures sanitaires mis en place dans les différents
pays, les entreprises ont dû ralentir ou arrêter leur production. Ceci a eu un impact sur les
consommateurs mais aussi sur les fournisseurs. Les entreprises ont donc vu leurs exportations
diminuer plus ou moins fortement selon le degré de sévérité du confinement des différents pays.
Pour la France où les restrictions ont été stricte lors du confinement au printemps 2020, on observe
une forte baisse de la valeur des exportations. Contrairement aux pays comme la Suède où ces
restrictions étaient beaucoup plus souples. Fin 2020, les entreprises se sont adaptées et elles ont pu
s’approvisionner et donc exportés leurs productions dans les pays malgré les confinements.
Le covid a encore une fois démontré à quel point les pays sont dépendants les uns des autres.

Politiques qui pourraient réduire ces incertitudes ?

Les pays doivent fournir un effort de coordination massif pour modifier les règles de la fiscalité
internationale par exemple. Les différences de politiques environnementales dans chaque pays sont
également une source d’incertitude. En effet, elles ne sont pas incitatives pour les entreprises car elles
peuvent tout simplement se localiser dans des pays où ces règlementations sont plus laxistes.

Conclusion :

Nous pouvons dire que les chaines de valeur mondiales ont pris de l’importance ces dernières années
contribuant notamment à l’intégration de certains pays en développement dans le commerce
international. Les chaines de valeurs mondiales permettent aux entreprises d’avoir des gains, de
profiter du savoir-faire des travailleurs des pays sous-traités et de réduire ses couts de production.

Cependant de nombreux facteurs amènent les entreprises à s’adapter face aux nombreuses difficultés
qu’elles rencontrent comme la crise sanitaire et les différences de règlementation entre les pays ce
qui rend très largement vulnérable la continuité de la production des chaines de valeurs mondiales.