Le sourire gingival chez l’adulte : Apport de la chirurgie

Les dents s’organisent de part et d’autre du milieu inter-incisif, qui par définition représente la ligne verticale passant entre les 2 incisives centrales. D’où, la notion de symétrie, conférant une certaine harmonie à la beauté et au sourire.
Les différentes études élaborées confirment la coïncidence de ce milieu inter-incisif, chez 70% de la population, avec la ligne médiane sagittale du visage. On s’intéresse au milieu inter-incisif maxillaire, pas mandibulaire : Ceci est dû à la visibilité importante des dents antérieures maxillaires lors du sourire et de la fonction.
Quant à la correspondance entre le milieu inter-incisif maxillaire et celui mandibulaire, elle n’est trouvée que chez 25% de la population.

A titre d’exemple, Kokich s’est intéressé à la coïncidence de la ligne médiane dentaire avec celle faciale et a conclu qu’elle ne représente pas un critère déterminant pour l’esthétique du sourire : Si l’écart entre ces 2 lignes est inférieur à 4mm, il est alors non perçu, ni par le patient, ni par le chirurgien-dentiste. Contrairement à toute obliquité par rapport à la ligne médiane faciale, de la ligne inter-incisive, ou de l’axe d’une incisive centrale, qui est rapidement décelable et considérée comme disgracieuse.

En guise de conclusion, il faut privilégier la verticalité des milieux inter-incisifs que leur exacte correspondance.
En ce qui concerne l’alignement axial des dents, par rapport à la ligne médiane, des légères asymétries sont acceptées, à condition qu’elles ne mettent pas en péril l’harmonie générale du sourire. On décrit ainsi :
• LE TIP : C’est l’angulation mésio-distale des dents dans le sens corono-apical. Elle est corono-mésiale pour les dents du bloc antéro-supérieur, et accroit en allant de l’incisive centrale à la canine, qui parait plus inclinée (vue partielle en vue frontale).

• LE TORQUE : Définit l’angulation vestibulo-linguale des dents antéro-supérieures.
 Angulation corono-vestibulaire pour l’incisive centrale (+17°)
 Angulation corono-vestibulaire, moins intense, pour l’incisive latérale (+10°)
 Angulation corono-palatine pour la canine (-7°)

ii. Morphologie et composition dentaire :
En observant les dents des différents patients, on peut retenir 3 formes de base. Chaque dent résulte du panachage de ces 3 formes élémentaires : carrée, ovoïde et triangulaire.
On s’intéresse généralement à la forme de 2 incisives centrales maxillaires, dominant tout sourire et constituant ainsi le centre d’intérêt.

Plusieurs théories sont évoquées dans la littérature, à savoir : la correspondance de la forme de l’incisive centrale maxillaire à la forme du visage inversée, le lien entre la forme des dents et le sexe, etc… Mais aucune corrélation significative n’ait

pu être prouvée.
Woffart, dans son étude basée sur 204 photographies des dents antérieures d’étudiants en odontologie, confirme l’absence de tout lien significatif entre la forme du visage avec la morphologie de l’incisive centrale maxillaire.
De même concernant la relation sexe – forme de l’incisive centrale maxillaire, certains stéréotypes nous amènent ou bien à une morphologie ovale, féminine, aux bords adoucis, ou bien à une morphologie masculine aux bords vifs et tranchants, reflétant un caractère fort. Cependant, aucune corrélation absolue n’a pu être établie : Dans l’étude de Woffart, en se référant à 4 photographies :
• Plus de 90% des participants ont associé le bon sexe aux figures A et B.
• Moins de 10% des participants ont associé le bon sexe aux figures C et D.

 Il s’agit plutôt des tendances, grâce auxquelles on pourra soit féminiser soit masculiniser un sourire, indépendamment du sexe. Par conséquent, ce paramètre morphologique doit s’intégrer avec les autres caractères du visage, ainsi qu’avec la personnalité.
• Les incisives centrales :
Comme précédemment décrit, elles constituent les éléments principaux du sourire dont toute la composition s’articule autour de ce duo.
Un sourire idéal présente à décrire deux incisives centrales maxillaires symétriques par rapport à la ligne inter-incisive. Ceci n’est observable que dans 14% des cas, seulement.
En effet, des asymétries légères du diamètre mésio-distal, inférieures à 4mm, peuvent passer inaperçues. Mais au-delà, on détectera une asymétrie disgracieuse et inesthétique.
En addition au rôle esthétique primordial des incisives centrales, elles jouent un rôle fonctionnel important dans le guidage antérieur.
• Les incisives latérales :
Elles sont moins volumineuses que les incisives centrales et présentent des angles plus arrondis. En contrepartie, elles décrivent la même teinte que les incisives centrales.
Les incisives latérales se caractérisent par la variation de leur forme, d’un sujet à l’autre, et parfois chez le même sujet, offrant ainsi une certaine liberté de jouer sur leur largeur mésio-distale lors des restaurations prothétiques, pour la gestion de l’espace.
• Les canines :
Ce sont les éléments dentaires de transition entre le secteur antérieur et postérieur.
Elles présentent une saturation plus importante que les incisives. Ceci est dû à la quantité proportionnelle dentinaire plus importante.
Sur le plan esthétique, les canines constituent un élément déterminant du caractère agressif ou non du sourire : elles présentent à décrire une pointe cuspidienne en « V » avec 2 versants. Son usure est liée à la physiologie masticatoire, avec l’âge.
En outre, elles présentent un rôle fonctionnel important lors du mouvement de diduction.

iii. Dimensions des dents :
Maints sont les peintres et les sculpteurs qu’ont fait appel à une formule mathématique universelle, pour assurer une harmonie globale de leurs créations : C’est le « nombre d’or ».
Cette règle était appliquée pour la première fois en dentisterie en 1973, par Lombardi, puis revisitée par Levin en 1978, ayant pour but la détermination des tailles idéales des diamètres mésio-distaux des dents antérieurs maxillaires, d’où la beauté et l’harmonie du sourire.
Elle consiste en une observation des largeurs des dents antérieures maxillaires d’une hémi-arcade, en vue de face : La largeur de chaque dent représente 61.8% de celle de la dent antérieure. Autrement dit, le rapport (Incisive latérale / Incisive centrale) doit être égal à 1/1.618, alors que le rapport (Incisive latérale / Canine) doit être égal à 1/0.618.
Levin a établi un outil de calcul, à partir de la largeur de l’hémi-sourire, pour déterminer la largeur idéale du bloc incisivo-canin maxillaire et par la suite, celle de l’incisive centrale, de l’incisive latérale et de la canine.

Cette règle du nombre d’or n’est trouvée que dans 17% de la population, selon l’étude de Preston. Par contre, on reconnait plus que 17% de sourires agréables et harmonieux dans la nature. De ce fait, elle représente un outil d’aide au rétablissement d’un sourire esthétique, qui ne doit pas être appliqué systématiquement, à tout prix. Le praticien doit visualiser le sourire dans son cadre facial, avec ses modifications morphologiques et dimensionnelles propres à chaque individu. Il doit également associer ces informations aux souhaits initiaux du patient : Il n’y a pas un seul sourire idéal. Ceci permet donc d’éviter la nature irréaliste du sourire se manifestant par une étroitesse excessive de l’arcade dentaire maxillaire avec compression des secteurs latéraux, affirmée par Preston.

Les études concernant le nombre d’or précédemment décrites sont allées au-delà de la notion de symétrie, en intéressant seulement l’hémi-sourire. Cependant, l’étude de Snow consiste en une analyse bilatérale du sourire et utilisant la ligne inter-incisive comme axe de symétrie : La largeur de chaque dent correspond à un pourcentage précis de la largeur totale du segment inter-canin. Si chaque dent du bloc incisivo-canin maxillaire porte un nombre d’or parfait, la somme des pourcentages de largeurs qu’elles présentent correspond à 100%, donc à la largeur du bloc incisivo-canin maxillaire. Il s’agit alors à un outil supplémentaire pour l’établissement d’un beau sourire, tout en prenant en considération la notion de symétrie.

Différents facteurs interfèrent sur la perception des dimensions et de la situation des dents, comme la luminosité. Un élément sombre paraîtra toujours plus fin qu\’un élément en pleine lumière qui semblera plus proche de l\’observateur, et donc paraîtra plus « gros ».
Il existe également une relation directe entre les dimensions des incisives centrales maxillaires et celles des incisives mandibulaires. Ainsi, quand le dentiste doit restaurer les incisives centrales maxillaires, il peut se baser sur les incisives mandibulaires, souvent intactes. Il ajoute le plus grand diamètre mésio-distal de l\’incisive centrale mandibulaire à la moitié de celui de l\’incisive latérale adjacente, le total correspondant au diamètre de l\’incisive centrale maxillaire.
iv. La couleur des dents :
La couleur des dents est une composante esthétique extrêmement complexe. Elle naît de l’interaction entre un rayonnement lumineux et la matière : La dent, composée de plusieurs tissus ayant des propriétés optiques différentes.
Elle résulte de 3 paramètres qui sont :
• La luminosité : C’est le facteur le plus important dans la détermination de la couleur, et correspond à la quantité de lumière réfléchie par un objet. Si la valeur de luminosité d’une dent est trop faible, alors elle apparaît grise ou noire, si elle est trop forte elle apparaît au contraire blanche. Plus la lumière est transmise, plus l\’objet est clair.
Dans une dent c\’est la quantité et la qualité d\’émail qui déterminent la luminosité de celle-ci. Au sein d\’une même couronne dentaire, on peut observer d\’énormes variations de luminosité : le tiers moyen est en général le plus clair, alors que le tiers le plus foncé, avec la plus grande absorption de lumière et la plus grande transparence, est le bord incisif.
• La saturation (pureté ou intensité) : C’est la variation de la densité chromatique correspondant à la quantité de pigments purs contenue dans une couleur.
• La tonalité chromatique (teinte) : Elle est considérée comme un espace de couleur entre le rouge clair et le jaune clair. Elle est essentiellement déterminée par la dentine qui conditionne la couleur de base de la dent.
Cependant, ces trois composants ne suffisent pas à caractériser la couleur d’une dent. Il existe d’autres paramètres jouant un rôle important dans l’apparence et la visibilité des dents, à savoir :
• L\’opalescence : C’est la propriété optique de l\’émail à transmettre certaines longueurs d\’ondes, dans les tons de rouge-orangés, et à en réfléchir d\’autres dans les tons de bleu-violet. Elle découle de la structure minérale amélaire : Les cristaux d\’ hydroxyapatite vont permettre la diffraction de la lumière reflétant les ondes courtes, surtout au niveau des bords incisifs et de la jonction amélo-dentinaire. D’où un bleu transparent sous un éclairage direct contre une tonalité orangée sous un éclairage indirect.
• La fluorescence : Définie comme la capacité d\’absorber les rayons lumineux reçus en radiations lumineuses visibles de plus grande longueur d\’onde, c\’est à dire du blanc au bleu léger sous l\’influence d\’une lumière ultraviolette invisible. Il s’agit d’une propriété de la dentine, trois fois plus fluorescente que l\’émail, contribuant ainsi à restituer l’aspect d’une dent naturelle, plus blanche et brillante.
• La translucidité : Selon le Larousse, elle est définie par la capacité d\’un corps à transmettre la lumière de manière diffuse. Elle définit les nuances entre l\’opacité complète et la transparence. L\’épaisseur et la luminosité de l\’émail sont à l\’origine de la variation de cette propriété : Plus l\’on a un émail épais, moins la dent est translucide. La translucidité augmente avec le vieillissement de la dent, car l\’émail laisse transparaître la dentine jaune sous-jacente.
Avec l’âge, les dents se calcifient, ses structures se remplissent de cristaux d’hydroxyapatite, ceci est plus visible au niveau du tiers coronaire des dents. L’émail devient plus translucide avec l’âge sur le plan optique, car son degré de minéralisation augmente, mais son épaisseur diminue. Les dents « jeunes » sont moins translucides, l’émail y est très épais et moins minéralisé. En effet, la lumière incidente diffuse et est moins dispersée par l’émail du fait de sa structure.
• L\’état de surface des dents : Il ne représente pas une dimension de la couleur, mais plutôt en rapport très étroit avec elle, car il influence directement la luminosité. Les rayons d’une lumière qui frappent une surface lisse, plate et opaque sont tous parallèles, si la surface est rugueuse les rayons sont déviés dans diverses directions. Plus une surface est rugueuse, plus elle va diffuser les rayons lumineux donc moins elle va être translucide. L’état de surface devient plus lisse avec l’âge, les dents reflètent de plus en plus.
Il ne faut pas non plus oublier l’influence de l’environnement sur la perception de la couleur. Ainsi, la lumière ambiante (solaire ou artificielle), la nature des téguments, les lèvres (si épaisses, elles peuvent être à l’origine d’ombres affectant la prise de la couleur) et les gencives jouent un rôle important.
c. La gencive :
Pour avoir un sourire harmonieux et plaisant, la description des structures dentaires ne suffit pas, l\’esthétique gingivale y joue un rôle important : Elles ne peuvent compenser un défaut au niveau du parodonte environnant.
i. Anatomie et santé gingivale :
Des tissus parodontaux sains se caractérisent par la présence de gencive libre, attachée et de la muqueuse alvéolaire, ainsi qu’une hygiène bucco-dentaire optimisée, par un enseignement ou des traitements parodontaux, si nécessaire :
• Gencive libre : Elle encercle le collet de la dent tout en suivant le contour du périmètre coronaire, et se termine au niveau de la jonction amélo-cémentaire. Elle présente une hauteur correspondant à la profondeur du sulcus (1 à 2mm).
On parle d’une gencive libre « marginale » en vestibulaire et lingual, et d’une gencive libre « papillaire » en proximal.
Cette gencive présente à décrire, sur le plan histologique, un épithélium kératinisé.
• Gencive attachée : Elle s’étend de la limite apicale de la gencive libre à la ligne de jonction muco-gingivale. Elle présente un aspect rosé piqueté en peau d’orange.
Histologiquement, on note la présence d’un épithélium épais et kératinisé.
• Muqueuse alvéolaire : Elle s’étend au-delà de la ligne de jonction muco-gingivale. Elle se caractérise par une richesse vasculaire et la présence d’un épithélium non kératinisé, d’où sa couleur rouge vif et son aspect lisse.
On note que toute altération de la gencive, à savoir de couleur, de forme ou d’aspect, signifie l’altération de la santé gingivale. Donc, une thérapeutique étiologique parodontale s’avère indispensable avant toute intervention, en dehors d’urgence.
ii. Espace biologique :
C’est un espace indispensable et essentiel pour la préservation de la santé parodontale. Il s’agit de la hauteur comprise entre le fond du sulcus et le sommet de la crête osseuse alvéolaire, et est formé par l’attache conjonctive supra-crestale, apicalement, et l’épithélium de jonction, coronairement.
Cet espace est toujours présent, mais sa dimension est inconstante : elle dépend de l’emplacement de la dent dans son alvéole et varie d’une dent à l’autre et d’une surface dentaire à l’autre.
Une étude élaborée par Gargiulo a permis la détermination de la hauteur de cet espace biologique et abouti à une hauteur totale de 2.04 mm, comme suit :
• Une valeur de 1.07 mm pour l’attache conjonctive.
• Une valeur de 0.97 mm pour l’épithélium de jonction.
• 0.69 mm pour le sulcus

iii. Les papilles gingivales :
Il s’agit des festons de gencive saine, comblant les espaces inter-dentaires situés en cervical des points de contacts inter-dentaires, ou les embrasures gingivales. Chaque papille se forme d’une partie vestibulaire et linguale, reliées par le « col de Cohen ».
Ce remplissage des embrasures est directement lié à l’os sous-jacent. Ceci est prouvé par l’étude de Tarnow : Elle consiste en une mesure de la distance séparant le sommet de la crête osseuse sous-jacente de la partie apicale de la zone de contact inter-dentaire. Un remplissage complet de l’embrasure est résultat d’une distance inférieure ou égale à 5 mm. Au-delà de 5 mm, on notera un remplissage incomplet :
• 6 mm : On note un remplissage de 56% de l’espace inter-dentaire.
• 7 mm : On note un remplissage de 27% de l’espace inter-dentaire.

La perte de papille sera à l’origine de l’apparition de «trous noirs», et attirera le regard, ce qui rendra le sourire disgracieux.

iv. Les zéniths gingivaux :
Le zénith est le point le plus apical de la couronne clinique. La Détermination de sa position fournit des points de référence précieux pouvant être utilisés conjointement avec d\’autres paramètres permettant ainsi les procédures parodontales, chirurgicales et restauratrices harmonieuses.
Une étude récente de « Abhay » indique une position du zénith gingival décalée en distal par rapport au milieu de la face coronaire de l\’incisive centrale, ce qui donne un aspect triangulaire excentré au collet dentaire. Contrairement à celle au niveau de l’incisive latérale et de la canine, le zénith gingival occupe une position qui coïncide fréquemment avec la ligne médiane de la face (L’incisive latérale peut montrer un zénith gingival, légèrement décalé en distal, au moyenne de 0.4 mm).

Cette déviation distale s\’est également révélée plus prononcée chez les femmes jeunes, alors qu’elle augmente chez les hommes plus âgés.
Dans le sens corono-apical, la ligne de zénith gingival de l’incisive latéral se situe à 1 mm coronairement par rapport à celle de l’incisive centrale et de la canine.

v. Alignement des collets et ligne esthétique gingivale :
La ligne des collets est déterminée par les festons gingivaux marginaux des dents maxillaires. Elle doit suivre la courbure de la lèvre supérieure, au niveau du segment incisivo-canin. A partir des prémolaires, on note que cette ligne a tendance à devenir de plus en plus coronaire.

Quant à la ligne esthétique gingivale, elle est définie comme la ligne joignant les tangentes des zéniths gingivaux de l’incisive centrale et de la canine uniquement. Ahmad prend en considération l\’angle formé par l\’intersection de cette ligne esthétique avec la ligne médiane inter-incisive et détermine ainsi quatre classes :
• Classe I : Angle compris entre 45 et 90° et le zénith gingival de l\’incisive latérale touchant ou avoisinant (1 à 2 mm) la ligne esthétique gingivale.
• Classe II : Angle compris entre 45 et 90°, mais le zénith gingival de l\’incisive latérale est au-dessus (1 à 2 mm) de la ligne esthétique gingivale.
• Classe III : Angle égal à 90°, les zéniths gingivaux des incisives centrales, latérales et des canines sont alignés sur la ligne esthétique gingivale.
• Classe IV : le contour gingival ne peut pas être classé dans les catégories précédentes, l\’angle de la ligne esthétique gingival pouvant être trop aigu ou obtus. Cette classe est évidemment non souhaitable esthétiquement.

On pourra retrouver différentes classes de lignes esthétiques, simultanément, chez un même sujet.
d. Classifications du sourire :
i. Classification de Husley :
Husley est le premier qui a tenté de faire une classification du sourire, se basant sur la position du stomion par rapport aux commissures. Il existe 3 classes du sourire :
• Type I [A] : c\’est le cas idéal, les commissures se situent plus haut que le stomion, la composante musculaire est essentiellement horizontale.
• Type II [B] : les commissures et le stomion sont alignés sur la même ligne horizontale. C’est le sourie le plus fréquent.
• Type III [C] : les commissures sont plus basses que le stomion. c’est le sourire le plus difficile à traiter, car il donne la sensation de dents longues, de sourire gingival exagéré.

ii. Classification de Tjan et al. :
L’étude de Tjan et al. a permis d’établir une classification des sourires en fonction du degré de l’exposition de la gencive et des dents antéro-supérieures. On note ainsi :
• Sourire haut [A] : Il révèle la totalité de la hauteur coronaire, et une bande gingivale contigüe d’une dimension variable.
• Sourire moyen [B] : 75% à 100% de la hauteur coronaire des dents antéro-supérieures est visible, ainsi que la gencive inter-proximale seulement.
• Sourire bas [C] : Moins de 75% de la hauteur coronaire des dents antéro-supérieures est visible.

iii. Classification de Barat : Les types du sourire :
Il s’agit d’une proposition de classification de 3 types du sourire dento-labial. On distingue alors :
• Sourire supra-commissural : Le bord de la lèvre supérieure se situe au-dessus de la ligne bi-commissurale.
• Sourire commissural : On note la coïncidence du bord libre de lèvre supérieure avec la ligne bi-commissurale.
• Sourire infra-commissural : Le bord libre de la lèvre supérieure se situe en dessous de la ligne bi-commissurale.

iv. Classification de l’Académie Canadienne, Philips Edward : Les styles du sourire :
Dans la nature, on rencontre un nombre indéfini de sourires. Mais, en se référant aux variations de critères neuromusculaires, Cette classification a permis de fixer 3 styles du sourire de base, à savoir :
• Sourire commissural : C’est le plus fréquent (67% de la population). Les commissures labiales sont d’abord tirées en haut et en dehors, suivies d’une contraction des muscles releveurs de la lèvre supérieure, s’élevant d’environ 40° par rapport à la ligne horizontale passant par les bords libres des incisives centrales.
Ce sourire se caractérise par une convexité allant du point dentaire le plus inférieur (les bords libres des incisives centrales) jusqu’aux 1ères molaires (position plus cervicale de 1 à 3mm par rapport aux bords libres des incisives centrales).

Figure : Sourire commissural de Frank Sinatra
• Sourire cuspidé : Chez 31% de la population, il se caractérise par une hauteur des commissures inférieure à celle de la lèvre supérieure.
On note une forte prédominance des muscles élévateurs de la lèvre supérieure : Lors de la contraction, ces muscles exposent d’abord les canines, ensuite les muscles des angles oraux se contractent pour relever les commissures vers le haut et à l’extérieur.
Pour ce style du sourire, les molaires maxillaires sont souvent au même niveau ou en dessous des bords libres des incisives centrales.

Figure : Sourire cuspidé d’Elvis Presley
• Sourire complexe : Chez 2% de la population. On assiste à une exposition, à la fois, des dents maxillaires et mandibulaires, due à une contraction simultanée des muscles élévateurs de la lèvre supérieure, des muscles élévateurs des angles oraux et des muscles abaisseurs de la lèvre inférieure.
Les plans incisifs supérieur et inférieur sont habituellement uniformes et parallèles.

Figure : Sourire complexe de Marilyn Monroe
e. Facteurs de variation du sourire :
i. Selon l’âge :
Plusieurs travaux ont été menés pour mettre en relation l’âge et la variation du sourire, et notamment celle de Van Der Geld, où 122 sujets masculins sont repartis en 3 groupes selon les tranches d’âge 20 ~ 25 ans, 35 ~ 40 ans et 50 ~ 55 ans. Cette étude a conclu l’abaissement de la ligne du sourire en fonction de l’âge, du fait de la ptose des tissus péribuccaux qui fait chuter le niveau des lèvres.
ii. Selon le sexe :
Les caractéristiques anatomiques faciales spécifiques pour chacun des deux sexes, sont à l’origine de la variation du sourire entre hommes et femmes.
Tjan et Miller ont montré chez un groupe de 207 hommes et 247 femmes que seulement 6.76% des hommes présentaient une ligne du sourire haute contre 13.79% chez les femmes ; une ligne du sourire basse, a été objectivée chez 29.95% des hommes contre 12.50% chez le sexe opposé.
D’après Geron et Atalia, une exposition gingivale excessive est plus tolérée pour les femmes que les hommes.
iii. Selon l’ethnie :
L’étude de JENSEN et al. s’est intéressé à l’évaluation de la position de la ligne du sourire sur une base d’images photographiques de 733 sujets : 319 femmes et 414 hommes appartenant à 3 groupes ethniques différents, à savoir germanique caucasien, romain caucasien et asiatique.
Les lignes du sourire étaient hautes ou très hautes chez 33% des plus jeunes femmes germaniques et 43% des plus jeunes femmes asiatiques.
Seulement 6% des hommes caucasiens germaniques de plus de 35 ans avaient des lignes du sourire hautes ou très hautes.
Des lignes du sourire basses ont été retrouvées chez la moitié des hommes caucasiens germaniques et romains les plus âgés et chez 70% des hommes asiatiques, également d’âge avancé.

II. Le sourire gingival :
1. Définition :
Comme précédemment défini, et d’après LAROUSSE, le sourire est « une expression rieuse, marquée par de légers mouvements du visage et, en particulier, des lèvres, qui indique le plaisir, la sympathie, l’affection… ». Alors que le terme gingival désigne ce qui est relatif à la gencive.
En se référant à la littérature, plusieurs définitions du sourire gingival ont été proposées :
• Philippe à définit le sourire gingival comme « un sourire dans lequel la lèvre supérieure découvre trop de muqueuse gingivale au point qu’il apparait autant, voir plus de fibro-muqueuse que de dents ».
• Selon Langlade, il correspond à une « situation trop basse des incisives par rapport au plan d’occlusion ».
En guise de conclusion, il a été communément admis, dans la littérature, que « le sourire gingival, induit par une ligne du sourire haute, se caractérise, lors du sourire posé et/ou spontané, par une exposition de la gencive supérieure estimée entre 2 à 3 mm au minimum ».
Une quantité excessive de tissu mou n’est pas systématiquement disgracieuse, mais surtout la manière dont l’excès tissulaire est agencé par rapport aux dents et aux lèvres qui concerne l’esthétique. En effet, des imperfections, telles que des malpositions ou des asymétries dentaires, rendront un sourire gingival inesthétique.
2. Prévalence :
Cette situation d’exposition de 3 mm de gencive ou plus, lors du sourire posé et/ou spontané, se retrouve chez 10% de la population.
La composante psychologique joue un rôle non négligeable dans le masquage d’un éventuel excès gingival, ceci est prouvé par l’étude de Liébart : Sur 42% des sujets étudiés présentant une ligne du sourire basse pendant le sourire posé, 30% d’entre eux montrent réellement une ligne du sourire haute ou très haute, lors du sourire spontané. D’où la nécessité d’affiner notre sens d’humour, lors de la phase d’entretien clinique, pour visualiser plus aisément le sourire spontané du patient, pendant lequel le rire réel du patient et l’exposition des tissus mous qu’il occasionne peuvent être visualisés.
3. Etiologies :
Le sourire gingival résulte de nombreux facteurs qui, dans la plus part des cas, peuvent être combinés. On dénombre ainsi 3 facteurs étiologiques principaux :
• Etiologies alvéolo-squelettiques : Il peut s’agir ou bien des anomalies du sens antéro-postérieur, en cas de proalvéolie ou de prognathisme, ou bien des anomalies du sens vertical lors d’un excès vertical maxillaire ou de supraclusie.
• Etiologies dento-parodontales : Elles regroupent les cas des couronnes cliniques courtes par divers causes, à savoir : Les phénomènes d’éruption passive altérés, l’usure, les anomalies de dimension (microdontie) ou encore un accroissement gingival.
• Etiologies labiales/musculaires : Avec une lèvre trop courte ou une élévation exagérée de la lèvre supérieure par hypertonie du muscle élévateur de lèvre supérieure.

a. Etiologies alvéolo-squelettiques :
i. Proalvéolie supérieure :
Il s’agit d’une anomalie dentoalvéolaire du sens antéro-postérieur, se caractérisant par une position anormalement avancée des incisives supérieures par rapport à leurs homologues inférieures. La proalvéolie supérieure s’observe fréquemment dans le cadre des anomalies de classe II division 1.
Cette anomalie alvéolaire participe à une exposition gingivale excessive lors du sourire, en facilitant le glissement de la lèvre supérieure qui va se rétracter rapidement laissant apparaitre un bandeau plus ou moins important de la gencive.

ii. Prognathisme maxillaire :
Il s’agit d’une anomalie basale, également du sens antéro-postérieur, résultant la projection en avant de l’os maxillaire. On distingue ou bien la classes II division 1, associée à un excès de la dimension verticale, ou bien la classe II division 2, associée à une dimension verticale réduite.
Chez ces patients, la lèvre supérieure est souvent courte, parfois recourbée vers le haut, favorisant ainsi un sourire gingival et une dysharmonie du profil des tissus mous dans la région labiale affectant l\’esthétique faciale.
iii. Excès vertical maxillaire global :
Le sourire gingival est fréquemment le résultat d’un excès vertical antérieur. Il s’agit d’une anomalie basale du sens vertical, caractérisée par une croissance verticale maxillaire excessive, connue sous le nom de « syndrome de la face longue ». Ce syndrome se caractérise par une augmentation de la hauteur faciale, principalement au niveau de l’étage inférieur, une béance antérieure avec incompétence labiale, une typologie hyper-divergente et le plus souvent une exposition gingivale excessive lors du sourire.
La longueur de la lèvre supérieure est normale dans la majorité des cas, même si elle semble être relativement courte sur le plan clinique. On observe alors, chez ces patients un sourire gingival, avec une lèvre inferieure qui couvre les pointes canines maxillaires et les cuspides des prémolaires maxillaires.
Cet excès vertical peut être objectivé cliniquement, le diagnostic de certitude est toutefois porté sur les analyses céphalométriques qui confirment le profil hyper-divergent et la rotation postérieure de la mandibule.
L’étude établie par Garber et Salama a permis une classification de l’excès vertical antérieur en fonction de la quantité de l’exposition gingivale lors du sourire :
• Degré 1 : 2 à 4 mm de gencive exposée.
• Degré 2 : 4 à 8 mm de gencive exposée.
• Degré 3 : plus de 8 mm de gencive exposée.

iv. La supraclusie incisive :
Il s’agit du signe clinique d’une dysmorphose dentoalvéolaire du sens vertical, localisée au niveau du secteur antérieur. Elle est caractérisée par un recouvrement incisif exagéré, généralement supérieur à 4 mm, d’où la migration du tissu gingival en direction coronaire, accompagnant le mouvement des dents et aboutissant ainsi à un sourire gingival.
Cette dysmorphose est le plus souvent une supra-alvéolie incisive maxillaire, mais elle peut représenter aussi le signe clinique d’une supra-alvéolie incisive mandibulaire, d’une infra-alvéolie molaire mandibulaire ou d’une combinaison de ces trois dysmorphoses.
La supraclusie peut intéresser les incisives centrales seules, les incisives centrales et latérales ou l’ensemble du secteur incisivo-canin. Lors de l’occlusion, il y a un risque de morsure palatine par les incisives mandibulaires. Cette supraclusie s’observe principalement dans les classes II division 2, associée à une linguo-version des incisives supérieures.

Figure : Supraclusie incisive en vue de profil et en vue de face (Source : article la génèse de la supraclusion)
Peck a montré l’impact des facteurs génétiques et héréditaires dans l’apparition des anomalies de classe II division 2 dites primitives ou héréditaires. Quant à Ruf, il a noté que des facteurs fonctionnels peuvent intervenir, et que l’hérédité n’est pas le seul facteur étiologique, ce qui mène ainsi à définir la classe II division 2 acquise ou secondaire.
En outre, la supraclusie peut aussi se trouver associée à une pro-alvéolie des incisives supérieures avec une augmentation du surplomb observée dans certains cas de classe II division 1, aggravant ainsi le sourire gingival.
b. Etiologies dento-parodontales :
i. Eruption passive altérée ou incomplète :
L’éruption dentaire présente à décrire 2 phases différentes : Une éruption active intéressant le mouvement de la dent, suivie d’une éruption passive intéressant le tissu gingival :
• Eruption active : comprenant aussi 2 périodes différentes :
La première correspond à une éruption active pré-fonctionnelle, pendant laquelle la dent émerge dans la cavité orale, tout en traversant l’os alvéolaire et la muqueuse buccale, de son site de développement intra-osseux jusqu’à sa position d’occlusion fonctionnelle.
Quant à la deuxième période, elle correspond à une éruption active fonctionnelle, ayant pour but la compensation de l’usure physiologique de la dent. Elle dure toute la vie et se caractérise par une légère éruption de la dent, accompagnée d’une apposition du cément au niveau de l’apex, et de l’os alvéolaire.
• Eruption passive : Elle correspond à un déplacement des tissus mous uniquement, la dent n’est plus en mouvement. Une fois cette dernière est en position fonctionnelle, on assistera à une migration apicale de l’attache épithéliale jusqu’à la ligne de jonction amélo-cémentaire, découvrant ainsi la totalité de l’émail et créant une profondeur du sulcus de 1.5 à 2 mm par rapport à la jonction amélo-cémentaire.
Cette phase peut être divisé en quatre phases en fonction de l\’emplacement de la jonction dento-gingivale par rapport à la jonction amélo-cémentaire :
 Stade 1 : La jonction dento-gingivale est située sur l’émail.
 Stade 2 : La jonction dento-gingivale est située à cheval sur l’émail et sur le cément.
 Stade 3 : La jonction dento-gingivale est entièrement située sur le cément, avec une gencive marginale coronaire par rapport à la jonction amélo-cémentaire.
 Stade 4 : C’est le cas d’une récession gingivale. La jonction dento-gingivale se trouve dans ce cas sur le cément, mais présentant une gencive marginale apicale par rapport à la jonction amélo-cémentaire et mettant à nue ainsi une partie de la racine.

Figure : éruption active et passive – source : APE – a little-known clinical situation
Dans la littérature, L’éruption passive altérée se manifeste par un arrêt du processus de l’éruption passive en amont du stade 3 : Autrement dit, la gencive ne se déplace pas ou trop peu vers la jonction amélo-cémentaire. Elle peut toucher ou bien une dent isolée ou bien un groupe des dents, et se traduit cliniquement par une couronne courte d’aspect carré avec un excès du tissu gingival recouvrant la dent, d’où l’aspect inesthétique.

Figure : sourire gingival associé à une éruption passive altérée (même source)
Une classification de Coslet, citée par Alpiste-Illueca, a noté l’existence de 2 types d’éruption passive altérée (I et II), classés selon la relation dento-gingivale, et 2 sous-types (A et B) en fonction de la position de l’os crestal par rapport à jonction amélo-cémentaire :
• Type I : la gencive marginale est en position incisale ou occlusale par rapport à la jonction amélo-cémentaire, la gencive kératinisée présente une dimension plus importante que la normale et la ligne de jonction muco-gingivale est située apicalement par rapport à la crête de l’os alvéolaire.
• Type II : la gencive marginale est en position incisale ou occlusale par rapport à la jonction amélo-cémentaire, la gencive kératinisée présente une dimension normale et la ligne de jonction muco-gingivale est située au niveau de la jonction amélo-cémentaire.
• Sous-type A : la crête de l’os alvéolaire est située approximativement à 1.5 mm de la jonction amélo-cémentaire. Une attache épithélio-conjonctive normale peut être retrouvée.
• Sous-type B : la crête de l’os alvéolaire est située au niveau ou au-dessus de la jonction amélo-cémentaire.

Figure : Représentation schématique de la classification de Coslet
ii. La microdontie :
La microdontie est une anomalie héréditaire, caractérisée par la présence d’une ou de plusieurs dents anormalement plus petites que leur controlatérales homologues ou par rapport aux dents du même groupe de l’arcade opposée. Elle touche surtout le secteur incisif spécialement l’incisive latérale, comme elle peut intéresser n’importe quelle autre dent. On distingue :
• La microdontie totale : Elle concerne tous les groupes de dents (incisives, canines, molaires).
• La microdontie partielle : Elle ne concerne qu\’un seul groupe de dents.
• La microdontie isolée : Elle n\’affecte qu\’une seule dent. Elle intéresse généralement l’incisive latérale maxillaire, dite « en grain de riz ».
Une étude récente de Clarissa Christina Avelar Fernandez a noté l’association de la microdontie à la malocclusion squelettique de classe III. Les dents maxillaires étaient plus souvent touchées par cette anomalie dentaire, la présence d\’une insuffisance de développement maxillaire, l’une des étiologies d’une malocclusion squelettique de classe III.
En denture permanente, le risque de sourire gingival augmente lorsque la microdontie touche le secteur incisivo-canin supérieur, exposant ainsi une large bande de gencive vu la faible dimension des dents.
Il est important de différencier la microdontie de l’éruption passive altérée.
iii. L’accroissement gingival :
Il s’agit d’un état pathologique, correspondant à la fois à une hyperplasie et à une hypertrophie du tissu gingival : Augmentation du nombre des cellules qui composent ce tissu, ainsi que leurs tailles. Cet accroissement peut présenter plusieurs étiologies, à savoir :
• L’inflammation : induite par la plaque bactérienne et le tartre, témoignant d’un manque d\’hygiène buccodentaire.
• Certains médicaments connus pour leurs effets hyperplasiques tels que : la cyclosporine A utilisée comme agent immunosuppresseur chez les patients greffés pour prévenir les réactions du rejet tissulaire, la phénytoïne prescrite pour les épileptiques et les inhibiteurs calciques antihypertenseurs.

Figure : accroissement – phénytoine (source page 195 oral medecine)
• Les déséquilibres hormonaux tels que la grossesse et la puberté.
• Certaines agressions mécaniques, tel est l’exemple d’irritation engendrée par un appareil orthodontique.
Ainsi, lors du sourire, une visibilité gingivale excessive prédomine, donnant un aspect inesthétique avec le plus souvent une gencive enflammée rougeâtre recouvrant les dents et envahissant même les espaces inter-dentaires.
iv. Egression compensatrice à une usure dentaire :
Plusieurs facteurs tels que l\’érosion ou l\’abrasion peuvent être à l’origine d’une perte pathologique de substance dentaire. Par conséquent, en vue de garder les rapports d’occlusion, ce phénomène d’usure va être à l’origine d’une égression compensatrice des dents antéro-supérieures souvent avec leurs supports parodontaux.
De ce fait, on remarque une exposition gingivale importante lors du sourire, amplifiant l’aspect inesthétique de l’usure dentaire.

Figure : Egression compensatrice avec support parodontal – source : Managing Over-eruption Following Tooth Wear
c. Etiologies labio-musculaires :
i. Lèvre supérieure courte :
Comme précédemment décrit, la longueur de la lèvre supérieure se mesure entre 2 repères faciaux : la pointe sous nasal et le bord inférieur de la lèvre supérieure. Elle varie de 22 à 24 mm chez les hommes et de 20 à 22 mm chez les femmes. Lorsque la longueur est inférieure à 20mm, la lèvre est considérée courte et plus elle le sera, plus la visibilité des dents au repos augmentera.
En outre, lors du passage de la position de repos au sourire spontané, il y a une diminution de 4mm de la longueur de la lèvre supérieure favorisant ainsi totalité de la hauteur des couronnes cliniques et une large bande de gencive, en présence d’une lèvre courte.
ii. Lèvre supérieure hypertonique :
Il s’agit d’une activité accrue des muscles élévateurs de la lèvre supérieure lors du sourire. Selon l\’étude de Peck, les individus avec une exposition gingivale excessive présentent des muscles élévateurs de la lèvre supérieure significativement plus puissants que ceux qui ont des lignes du sourire moyennes. Les personnes ayant une ligne du sourire haute soulèvent la lèvre supérieure d\’en moyenne 1 millimètre de plus par rapport au groupe de référence.
Si les mesures de la hauteur faciale, du niveau gingival, et de la longueur de la lèvre supérieure et de l’incisive centrale au repos, sont normales, l’étiologie la plus probable du sourire gingival est l’hypertonicité de la lèvre supérieure. Il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination.
Toutefois, un sujet avec une lèvre supérieure hypertonique, peut déplacer 1,5 à 2 fois la distance normale.
4. Diagnostic :
L’examen clinique, réalisé dès le premier contact, est primordial pour l’établissement d’un diagnostic positif, différentiel et étiologique, donc pour la réalisation d’un plan de traitement adéquat.
Il se compose d’une première phase d’anamnèse, où la relation avec le patient et son entourage s’amorce, suivie d’une phase d’examen exo-buccal, en vue de face et de profil, en état statique et dynamique, ainsi qu’une phase d’examen endo-buccal, arcades séparées et en occlusion, pour observer l’ensemble de la denture dans son milieu parodontal et la relation inter-arcades.
a. Anamnèse :
Le patient, présentant un sourire gingival, consulte la plus part du temps pour un motif esthétique. Néanmoins, le motif de consultation peut être aussi bien fonctionnel correspondant à une gêne de mastication ou délocution… que d’ordre socio-professionnel, où le métier du patient exige avoir un sourire parfait (acteur, hôtesse de l’air…). Pour cela, le praticien doit mener soigneusement la phase d’anamnèse, qui influence notre démarche thérapeutique, afin de répondre au motif de consultation du patient.
Avant tout, le praticien doit effectuer un interrogatoire médical regroupant les éléments de l’état civil, les antécédents médicaux et chirurgicaux et les traitements en cours (dihydan…), les antécédents familiaux (excès du sens vertical, classe II division 2…) et les habitudes de vie (troubles de respiration, déglutition…).
Il faut connaître aussi les antécédents dentaires du patient ainsi que ses fréquences de visites chez un médecin dentiste, reflétant sa motivation.
Face à une demande esthétique, il est nécessaire de comprendre :
• Si le sourire gingival fait l’objet d’une simple gêne ou d’un réel handicap au quotidien.
• Si le sourire est considéré comme inesthétique par le patient lui-même ou son entourage.
• Sa motivation à subir divers traitements.
• L’état psychologique du patient, s’il est vraiment affecté et n’ose pas sourire librement.
• Si le rendez-vous a été pris par lui ou ses proches.
Dans le cadre d’un traitement lourd, tel est le cas d’une chirurgie orthognatique, La prise en charge du patient souhaitant modifier son apparence peut nécessiter un accompagnement psychologique, pour que celui-ci accepte son nouveau visage, mais aussi pour qu’il s’accepte tel qu’il est en cas d’abstention thérapeutique, lui amenant ainsi un gain de confiance en soi.
b. Examen exo-buccal :
Le diagnostic du sourire gingival repose sur une étude du visage du patient ainsi que son profil au repos. En outre, cette étude va se concentrer sur le sourire spontané du patient : un sourire posé peut induire une sous-estimation de la ligne du sourire.
Cet examen exo-buccal va se porter sur plusieurs éléments cliniques, à savoir :
i. Equilibre de 3 étages de la face et symétrie du visage :
Par les modifications anatomiques qu’il sous-tend, le sourire gingival peut s’accompagner de perturbations faciales. Ainsi, le visage dont l’harmonie dépend des justes proportions des étages qui le constituent, pourra apparaître déséquilibré par :
• Augmentation de l’étage inférieur : orientant le diagnostic vers une hyper-divergence faciale. Cette augmentation, accompagnée d’un profil convexe et d’une incompétence labiale, constitue le morphotype connue sous le nom du « syndrome de la face longue », et comme précédemment décrit, engendre souvent une exposition gingivale excessive lors du sourire.
• Diminution de l’étage inférieur : souvent dans le cas d’une classe II division 2.
Ainsi, le praticien doit s’intéresser aux étages de la face afin de détecter éventuelles disproportions, signe de malformations squelettiques qui doivent être confirmées par des examens complémentaires (téléradiographie et analyse céphalométrique).
En outre, le visage de notre patient doit présenter un plan sagittal médian droit perpendiculaire aux lignes horizontales qui doivent être parallèles entre elles
ii. Angle naso-labial :
L’angle naso-labial est soumis aux variations de l’inclinaison des incisives supérieures, et nous rensigne donc sur les éventuelles existences de pro-alvéolies.
Cependant cet angle est souvent dépendant de la position antéro-postérieure du maxillaire supérieur. Afin de ne pas aggraver l’esthétique du profil, nous devons en tenir compte lors de notre thérapeutique.
iii. Lèvres :
• Mesure de la lèvre supérieure :
La longueur de la lèvre supérieure est également évaluée pour déterminer si une lèvre courte est responsable ou non de l’exposition gingivale excessive lors du sourire. L’appréciation de cette longueur peut se faire en mesurant la hauteur du philtrum et celle des commissures labiales. La hauteur du philtrum correspond à la distance comprise entre le point sous-nasal (Sn) et le Stomion (St) de la lèvre supérieure. Qaunt à la hauteur commissurale, elle est obtenue en mesurant la distance entre chacune des deux commissures labiales (C1 et C2) et de leurs projections orthogonales (C1\’et C2 \’) sur la ligne horizontale reliant la base des ailes du nez.

Figure : Mesure de longueur de la lèvre supérieure : A – lèvre normale / B – lèvre courte – Source article Checklist of esthetic features to consider in diagnosis and treting excessive gingival display
Chez les enfants et les adolescents, la hauteur du philtrum est légèrement inférieure à la hauteur commissurale en raison de la maturation différentielle de la lèvre supérieure pendant la croissance, qui se poursuit même après l’arrêt de la croissance squelettique verticale.
Sabri a rapporté différentes mesures de la longueur de la lèvre supérieure en fonction du sexe, selon plusieurs auteurs :

En guise de conclusion, la longueur moyenne de la lèvre supérieure est de 20 à 22 mm chez les femmes et de 22 à 24 mm chez les hommes.
• Contraction labiale :
Durant l’examen clinique, le praticien doit être attentif à la contraction péri-orale du patient qui peut-être forcée.
En effet, Les grands décalages sagittaux, les excès verticaux et les fortes bi-pro-alévolies résultent une inocclusion labiale que les patients tendent à masquer par une contraction péri-orale forcée. Cette contraction musculaire de l’orbiculaire des lèvres provoque une différence d’épaisseur des lèvres en raison d’une prédominance mandibulaire. Cette « musculation » différentielle explique l’épaisseur importante de la lèvre inférieure comparée à celle de la lèvre supérieure qui paraît atone et sans relief. Cette lèvre « en rideau » tombe et vient se placer sans mouvement sur le mur incisivo-canin.

Figure : Contraction forcée des lèvres au repos – Source article Orthopédie dento-aciale et architecture du sourire
iv. Contraction du menton :
Cette contraction, se manifestant par un aspect classique « en peau d’orange » du revêtement cutané du menton, est souvent le résultat d’une contraction labiale afin de compenser une inocclusion labiale en position de repos.
c. Examen endo-buccal :
Avant tout traitement, il est impératif que la gencive soit saine. Une gencive saine apparaît à l’examen clinique rose pâle, couleur saumon ou corail, piquetée en peau d’orange et fermement attachée aux structures sous-jacentes dont le bord gingival est mince épousant parfaitement le collet anatomique des dents. La couleur peut varier selon les ethnies.
Afin de diagnostiquer un sourire gingival chez un patient, il suffit de quantifier l’exposition gingivale de celui-ci lors d’un sourire spontané.
Nous rappelons qu’un sourire est dit gingival lorsqu’il présente un bandeau continu d’au moins 3mm de gencive.
i. Diagnostic de l’accroissement gingival :
L’accroissement gingival peut être dû à différents facteurs, telles que la prise de certains médicaments, une éventuelle variation hormonale… mises en évidence au cours de l’anamnèse, ainsi que la présence d’une inflammation.
L’inflammation du tissu gingival se traduit par une modification de couleur « érythème », de volume « œdème ou hyperplasie » et une augmentation de la tendance au saignement au brossage, à la mastication ou spontané. Le contour gingival perd ainsi son architecture festonnée et la gencive envahit la surface dentaire, causant le plus souvent un sourire gingival.
ii. Diagnostic d’une éruption passive altérée :
Le diagnostic d\’une éruption passive altérée est retenu si la distance entre le bord gingival et la jonction cément-émail est supérieure ou égale à 3mm. La littérature décrit diverses procédures utilisées pour diagnostiquer une éruption passive altérée, notamment l\’observation clinique, l\’investigation clinique de la jonction cémento-émail et de la crête de l\’os alvéolaire et les analyses radiographiques : Pour diagnostiquer une éruption passive altérée, il suffit de localiser le niveau de l’attache gingivale par rapport à la jonction émail – cément.
Pour distinguer les sous-groupes d’éruption passive altérée, on utilise le « bone sounding » : Il permet de mesurer, sous anesthésie locale, la distance entre la gencive marginale et le sommet de la crête osseuse. Il est indispensable de l’effectuer avant toute chirurgie parodontale.
iii. Détermination du biotype parodontal :
Le terme biotype gingival a été utilisé pour décrire l\’épaisseur de la gencive dans le sens vestibulo-lingual. L’importance de la visualisation du biotype parodontal réside dans son influence quant à la réaction de la gencive lors de thérapie parodontale et chirurgicale. D’où la mise au point d’un plan de traitement approprié afin d’avoir un résultat esthétique prévisible.
Dans la littérature, plusieurs classifications du biotype parodontal ont été proposées. On retient celle de « Seibert et Lindhe » : Ils ont introduit ce terme et définissent ainsi 2 biotypes gingivaux :
• Mince et festonné : Présentant une gencive fine, des dents longues et un feston gingival marqué (une épaisseur gingivale inférieure à 1,5 mm a été retenue pour ce biotype parodontal).
• Epais et plat : Présentant une gencive épaisse, des dents courtes et un feston gingival plus plat (Une mesure supérieure à 2 mm d’épaisseur gingival a été prise en compte pour ce biotype parodontal).

Figure : Parodonte épais – Parodonte fin / Source : Article : Gingival biotype and its clinical significance
Maintes sont les méthodes (invasives et non invasives) qui ont été proposées pour évaluer l\’épaisseur de la gencive, à savoir :
• Une évaluation visuelle simple pour identifier le biotype gingival : Toutefois, cette méthode ne peut pas être considérée comme fiable pour l’évaluation de l’épaisseur gingivale.
• La transparence de la sonde : La capacité du tissu gingival à recouvrir la couleur du matériau sous-jacent est nécessaire pour obtenir des résultats esthétiques, en particulier dans les cas d’implant et de dentisterie restauratrice. La méthode la plus couramment utilisée pour déterminer le biotype est la mise en place d\’une sonde dans le sillon gingival et l\’évaluation de la visibilité de la sonde. Si la sonde peut être visible à travers le tissu gingival, le biotype est classé comme étant mince. Inversement, si la sonde ne peut être vue à travers le tissu gingival, le biotype est classé comme étant épais.

Figure : Parodonte fin – Parodonte épais (Source : article « gingival biotypes »)
• L’utilisation des appareils à ultrasons : Une étude réalisée en 1971 par Kydd a permis de mesurer l\’épaisseur de la muqueuse palatine à l\’aide d\’un appareil à ultrasons. Ces appareils semblent offrir une excellente validité et fiabilité.
• CBCT : Contrairement au sondage gingival et au dispositif à ultrasons, le procédé CBCT fournit une image de la dent, de la gencive et d\’autres structures parodontales. De plus, des mesures peuvent être prises à plusieurs reprises à différents moments avec la même image obtenue par CBCT des tissus mous, ce qui n\’est pas réalisable par d\’autres méthodes.

iv. Les dents :
Le praticien doit évidemment analyser les dents et relever les différents indices qui permettraient de définir les étiologies d’un sourire gingival. En présence d’une exposition excessive d’une gencive, le praticien doit effectuer deux observations :
• L’exposition des dents au repos : Elle est, en moyenne, de 3 à 4 mm chez les jeunes femmes et de 2 mm chez les jeunes hommes pour les incisives centrales maxillaires. Rappelons que cette exposition diminue avec l’âge.
Une visibilité augmentée des incisives centrales maxillaires au repos peut être le signe d’une lèvre supérieure courte mais également d’un excès vertical maxillaire antérieur ou global.
• La taille des dents : En comparant la hauteur de la couronne clinique (du bord incisif au bord de la gencive marginale) et la couronne anatomique (du bord incisif à la jonction émail-cément).
En présence de couronnes cliniques courtes, cette comparaison nous permet de révéler une éventuelle présence de phénomène de microdontie, d’une usure incisive ou encore d’une éruption passive altérée.

v. Examen de l’occlusion :
En présence d’un sourire gingival, nous allons nous intéresser au plan incisif, au plan occlusal postérieur et au plan horizontal de référence qui est la ligne bi-pupillaire.
En effet, selon Kokich, si le plan incisif et le plan occlusal postérieur sont au même niveau et qu’ils sont parallèles à la ligne bi-pupillaire, il y a un excès vertical maxillaire global. Par contre, présence d’une continuité entre ces deux plans avec absence de parallélisme par rapport à la ligne bi-pupillaire se traduit cliniquement par une asymétrie condylienne unilatérale causant une égression asymétrique des dents supérieures, ayant comme conséquence un sourire gingival unilatéral.
En outre, lorsque le plan incisif et le plan occlusal postérieur sont discontinus et que ce dernier est parallèle à la ligne bi-pupillaire, c’est qu’il y a une égression des dents maxillaires antérieures.
d. Examen Fonctionnel :
Il est nécessaire d’examiner les différentes fonctions oro-faciales afin de détecter la présence d’éventuelle dysfonction et/ou para-fonction pouvant être responsable d’une ou plusieurs étiologies du sourire gingival.
• La respiration buccale : Elle va influencer, lors de la croissance, la posture de la langue, de la mandibule et de la tête.
En effet, un respirateur buccal présente un faciès adénoïdien, une bouche béante avec des lèvres sèches. Les narines sont étroites et orientées vers le haut. La tête est en extension pour faciliter le passage de l’air.
La position de la langue est alors basse ce qui entraîne une constriction du maxillaire et une béance antérieure créant le syndrome de la face longue.
• Déglutition infantile et interposition linguale : La déglutition infantile ou primaire est normale chez le nourrisson et le très jeune enfant mais sera considérée comme pathologique au-delà. Elle sera alors appelée déglutition atypique.
En effet, elle se caractérise par une poussée ou une interposition de la langue entre les arcades dentaires.
Elle peut ainsi créer par une interposition de la pointe de la langue entre les incisives maxillaires et mandibulaires, une infra-alvéolie incisive et/ou une pro-alvéolie supérieure.
Quant à une interposition linguale entre les prémolaires et les molaires, elle va créer une infra-alvéolie postérieure engendrant une supraclusie antérieure.
• Succion digitale : Il s’agit d’un tic s’accompagnant souvent de déglutition atypique, de défaut d’articulation ou encore d’hypotonicité labiale.
Elle est responsable de pro-alvéolie supérieure, de vestiblulo-version des incisives supérieures, de béance antérieure et de rétro-alvéolie des incisives inférieures.
• Interposition labiale inférieure et tic de succion : La lèvre inférieure peut être à l’origine d’un tic de succion, d’interposition ou encore de mordillement provoquant une linguo-version des incisives inférieures, une vestibulo-version des incisives supérieures, une supraclusie incisive ainsi qu’une hypertonicité de la lèvre supérieures.

e. Analyses céphalométriques :
L’analyse céphalométrique est une méthode de schématisation, de mesure et d’étude des rapports des structures céphaliques / Elle donne des renseignements complets sur les structures crânio-faciales.
Cependant, l’appréciation d’un sourire gingival est essentiellement clinique. Le rôle de l’analyse céphalométrique va être de confirmer les étiologies squelettiques.
f. Photographie :
la photographie permet de compléter le dossier médical par des photos prises avant et après traitement, faciliter les relations avec le laboratoire de prothèse et de mieux communiquer avec le patient par visualisation de son état initial et éventuellement les possibilités thérapeutiques.
Les photographies sont réalisées selon des critères particuliers et dans un environnement sélectionné permettant une standardisation des clichés. Différentes prises sont alors réalisées au repos et au cours du sourire dento-labial, à savoir :
• De face : où la tête est positionnée de façon à ce que la ligne bi-pupillaire soit parallèle au plan horizontal du photographe.
Son objectif est de nos permettre d’apprécier au repos la symétrie du visage et l’équilibre des étages faciaux et lors du sourire la taille, la forme des dents, les relations dento-labiales et la gencive.
• De profil : où la tête est positionnée de manière à ce que le plan de Francfort soit parallèle au plan horizontal du photographe.
Son objectif est de nous permettre d’évaluer la position de lèvre supérieure et l’inclinaison des dents maxillaires.