L’action de l’Organisation des Nations Unies dans la lutte contre le blanchiment d’argent à travers les infractions liées

Chapitre 2) L’action de l’Organisation des Nations Unies dans la lutte contre le blanchiment d’argent à travers les infractions liées.

Bien qu’à l’origine ce n’était qu’une pratique qu’utilisait les criminels et les bandes organisées sur le plan local pour donner un aspect légal aux capitaux qu’ils généraient du fait de leurs activités illicites, le blanchiment d’argent s’est développé pour devenir un crime à caractère international et qui ne peut être ignoré par aucun système juridique et financier. Et c’est cet aspect du blanchiment d’argent qui a suscité l’intérêt de la communauté internationale, qui, à travers l’Organisation des Nation Unies, a pris l’initiative d’adopter des conventions visant à lutter plus rapidement et plus efficacement contre certaines infractions liées au blanchiment des capitaux et qui permettent, par extension, de lutter contre cette pratique.
Dans ce chapitre nous traiterons les conventions onusiennes ratifiées par le Maroc dans le but de lutter contre la criminalité organisée, la corruption, le trafic des stupéfiants et la lutte contre le terrorisme.

A) Les conventions des Nations-Unies contre la criminalité organisée et la corruption.

Le blanchiment d’argent est étroitement lié au défi que constituent le crime organisé et la corruption. Les organisations du crime organisé caractérisées par un véritable esprit d’entreprise considèrent le blanchiment comme un instrument lui permettant l’extension de son activité criminelle et la corruption comme un moyen de renforcer son efficacité.
Les trafiquants quat à eux, impliquent indirectement les représentants du pouvoir et ceux de l’économie formelle dans leurs activités afin de blanchir l’argent qu’ils génèrent de leur activité.
Plusieurs agents, aussi bien du secteur public que privé profitent de leur position pour détourner des fonds et les réintroduire plus aisément dans l’économie formelle, c\’est-à-dire blanchir l’argent résultant de la corruption.
Cette relation étroite entre la corruption le crime organisé et le blanchiment se manifeste dans la convention de Palerme contre la criminalité organisée et dans la convention de Merida contre la corruption .

§ 1) La convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée.

L’idée d’adopter la convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme, est née en 1994 lors de la conférence ministérielle mondiale sur la criminalité transnationale organisée à Naples.
Celle-ci a insisté sur la nécessité de créer un instrument permettant de lutter contre la criminalité organisée. En 1996 c’est la Pologne qui a présenté le projet de convention qui a été adopté en 1998 par l’assemblée générale de l’ONU afin créer un comité intergouvernemental chargé d’élaborer

le texte final.
Les négociations ont commencé en janvier 1999, et se sont achevées lors de la session tenue à Vienne en juillet 2000 .
La convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée a été adoptée le 15 novembre 2000 et est entrée en vigueur le 29 septembre 2003.
Cette convention prévoit d’importantes mesures visant à lutter contre la criminalité organisée bien qu’elles restent insuffisantes.
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a- Les principaux apports de la convention de Palerme.

La convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée est le premier instrument de droit pénal qui vise à lutter contre les infractions relatives à la criminalité transnationale organisée dont le blanchiment d’argent.
Le principal apport de la convention de Palerme est de permettre une définition commune à l’échelle universelle des principales infractions liées au blanchiment d’argent.

1) Les éléments constitutifs du blanchiment des capitaux

Selon la convention, le blanchiment de l’argent consiste en la conversion ou le transfert des biens dans le but d’en dissimuler ou d’en déguiser l’origine illégale, ainsi que la dissimulation ou le déguisement, de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou de droit y relatifs, ainsi que l’acquisition, la détention et l’utilisation de biens produits du crime.
La participation, l’association, l’entente, la tentative, la complicité ou l’aide à la commission d’une ou plusieurs des infractions citées sont considérées comme des infractions pénales. Cependant, la connaissance et l’intention sont des éléments constitutifs essentiels pour considérer l’infraction comme étant pénale .

2) Les recommandations de la convention.

La convention incite les Etats à retenir autant d’infractions principales que possible, tout en imposant une liste d’infractions graves . La convention ne traite pas seulement la répression du blanchiment mais elle va bien au-delà. En effet, dans son article 7 la convention invite les Etats à mettre en place des dispositifs proches de ceux proposés par le GAFI en ce qui est du contrôle des transactions financières, l’identification des clients et le signalement des opérations douteuses .
La convention de Palerme accorde une importance particulière à la fluidité de la coopération entre les autorités administratives et judiciaires des différents Etats et sur la nécessité de créer un centre national de collecte, d’analyse et de diffusion des informations en matière de blanchiment.
La qualification pénale du blanchiment à l’échelle universelle ainsi préconisés par la convention, représente un énorme progrès pour la coopération internationale, d’autant plus que la convention invite les Etats à se référer aux dispositifs et initiatives qui ont pu être développés au niveau régional .
L’une des dispositions les plus importantes de la convention vise la responsabilité des personnes morales.
La convention stipule que chaque État partie prendre les mesures nécessaires pour établir la responsabilité des personnes morales ayant commis des infractions graves impliquant une bande criminelle organisée ou qui commettent les infractions mentionnées dans la convention .
La convention laisse aux parties le soin de déterminer si cette responsabilité doit être civile, pénale ou administrative car certains États ne connaissent pas la responsabilité pénale des personnes morales. Il n\’en demeure pas moins que dans les travaux préparatoires à la convention il est clairement indiqué que chaque fois que cela est possible c\’est la responsabilité pénale des personnes morales qui doit être engagée .
Chaque Etat doit veiller à ce que ses tribunaux ou autres autorités compétentes soient habilités à ordonner la production ou la saisie de documents bancaires, financiers ou commerciaux sans que le secret bancaire puisse y faire obstacle .
Il est même prévu que les Etats peuvent envisager d’exiger que l’auteur d’une infraction établisse l’origine licite du produit présumé du crime ou d’autres biens pouvant faire l’objet de confiscation dans la mesure où cette exigence est conforme aux règles internes de droit et de procédure .
Un article spécifique de la convention est consacré à la coopération internationale . Dans toute la mesure possible, dans le cadre de son système juridique national, l’Etat partie qui reçoit d’un autre Etat compétent, pour connaître d’une infraction visée par la convention, une demande tendant à la confiscation des produits du crime situés sur son territoire, transmet la demande à ses autorités compétentes pour faire prononcer une décision de confiscation et la faire exécuter le cas échéant .
Bien entendu, ces dispositions doivent être lues en complément des articles de la convention qui régissent les autres aspects de la coopération internationale, notamment en matière d’entraide répressive, d’enquêtes conjointes, d’enquêtes spéciales telles que les livraisons surveillées ou les infiltrations, de protection des témoins et victimes , etc. On soulignera, en outre, que la Convention consacre plusieurs articles aux questions de coopération technique et de formation dont on sait à quel point elles conditionnent de façon concrète la qualité de sa mise en œuvre .
Cette convention établit un cadre universel pour la mise en œuvre d’une coopération policière et judiciaire internationale permettant d’améliorer la prévention et la répression des phénomènes de criminalité organisée.
La convention est complétée par trois protocoles additionnels relatifs à la traite des personnes , au trafic illicite de migrants et à la fabrication et au trafic illicite d’armes à feu .
Le protocole relatif au trafic d’êtres humains prévoit l’incrimination des auteurs de tels faits qu’ils s’inscrivent dans le contexte d’une exploitation sexuelle, de travail forcé, de l’esclavage, de la servitude ou, enfin, du prélèvement d’organes, et ce, alors même que la victime aurait pu donner son consentement.
Quant au protocole sur le trafic de migrants, il permet d’atteindre tous ceux qui favorisent l’entrée clandestine de migrants et aident à leur séjour illégal sur le territoire de l’Etat d’accueil .
Le troisième protocole, ajouté le 31mai 2001, concerne la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions. Outre un important effort de définition des faits et des infractions commises, le protocole met l\’accent sur l\’harmonisation des incriminations pénales et le développement de la prévention du trafic d\’armes, notamment par l\’échange d\’informations et la coopération, le marquage des armes ou encore la mise en place d\’un système de licence .
Nous rappelons que le caractère organisé des infractions et leur dimension transnationale constituent des paramètres essentiels pour l’application de la convention et ses protocoles .

b- Les limites de la Convention

Néanmoins et bien que nécessaire, la convention contre la criminalité organisée dans sa partie concernant le blanchiment d’argent reste trop vague et réduit sa portée juridique. Des Etats risquent donc d’en profiter.
En premier lieu, des contraintes de temps rendent les perspectives de la convention limitées. Le blanchiment d’argent sale est en forte progression depuis ces quinze dernières années, notamment grâce à une augmentation des flux transnationaux et à la rapidité des moyens de communication. Face à ce phénomène, la convention semble avoir du retard par rapport à la réalité. Elle ne paraît pas suffisamment élaborée pour lutter efficacement contre la criminalité transnationale sur un plan mondial. Les pratiques de blanchiment sont à l’heure actuelle beaucoup trop sophistiquées pour qu’une telle convention puisse lutter en temps réel .
La coopération entre les États ne prend en considération que les groupes criminels transnationaux reconnus dès lors qu’ils se composent au minimum de trois personnes et que leurs activités ou leurs structures sont transnationales .
Si la convention réussit à mobiliser les principaux pays du monde économique, et encore pas tous, et à fixer un cadre législatif commun, elle ne détermine pas de façon claire les moyens à mettre en place pour éradiquer la criminalité. On se rend bien compte que l’ensemble des pays signataires ne sont pas tous prêts à lutter efficacement. Certains de ces pays signataires sont les premiers à bénéficier de capitaux provenant du blanchiment d’argent.
Il reste encore beaucoup de pays non-signataires, donc autant de failles à l’efficacité dans la lutte contre le blanchiment d’argent à l’échelle mondiale. Reste que la faiblesse principale n’émane pas directement de cette convention mais de la mondialisation car l’intérêt économique semble primer sur la volonté politique .

§ 2) La convention de Mérida contre la corruption.

La convention des Nations-Unies adoptée à Mérida (Mexique) le 31 octobre 2003 est parmi les plus récentes conventions anti-corruption signées par la communauté internationale. C’est également celle qui couvre le plus grand nombre de pays puisqu’elle est ouverte à l’ensemble des membres des Nations Unies .
La convention de Mérida est un instrument juridique très ambitieux- du moins dans ses intentions- en matière de lutte contre la corruption, Cependant, il reste incomplet à cause de ses différents points faibles.

a- Principales dispositions

Avec ses soixante et onze articles, la convention est un texte volumineux dont les principaux chapitres traitent successivement des mesures préventives en matière de corruption que les Etats doivent mettre en œuvre, sur les modalités d’incrimination, de détection et de répression de la corruption, sur la coopération internationale et sur le recouvrement des avoirs.
Cependant, on peut lui reprocher cette longueur qui en fait un instrument d’accès quelque peu difficile, d’autant plus que le texte n’est pas toujours très clair, mais c’est le cas de beaucoup de conventions internationales dont la rédaction finale est un compromis entre les divers points de vue qui se sont confrontés pendant les travaux préparatoires .
La convention définit dans le premier chapitre son objet qui consiste notamment à promouvoir et à renforcer les mesures de prévention de la corruption et encourager la coopération internationale et l’assistance technique en la matière.
La présente convention décrit les dispositions que les Etats devraient mettre en œuvre pour développer une véritable politique de lutte contre la corruption y compris celle relative au blanchiment d’argent. Ceux-ci sont invités, notamment, à :
• Créer des organes chargés de prévenir la corruption .
• Instituer un régime interne complet de réglementation et de contrôle des banques et institutions financières non bancaires, ainsi que toute entité particulièrement exposée au blanchiment d’argent afin de décourager et de détecter toutes formes de blanchiment d’argent .
• S’assurer que toutes les autorités chargées de la lutte contre le blanchiment d’argent sont en mesure de coopérer et d’échanger des informations aux niveaux national et international et, à cette fin, envisager la création d’un service de renseignement financier faisant office de centre national de collecte, d’analyse et de diffusion d’informations concernant d’éventuelles opérations de blanchiment d’argent .
– Mettre en œuvre des mesures concrètes de détection et de surveillance du mouvement transfrontière de fonds .
– Mettre en œuvre des mesures appropriées et réalisables pour exiger des institutions financières qu’elles prennent toutes les informations nécessaires concernant le donneur d’ordre lors des transferts électroniques de fonds. Le cas échéant, ces institutions doivent exercer une surveillance accrue sur ces transferts non accompagnés d’informations complètes sur le donneur d’ordre .
– S’inspirer des initiatives pertinentes prises par les organisations régionales, interrégionales et multilatérales lorsqu’ils instituent un régime interne pour lutter contre le blanchiment d’argent .
– Développer et promouvoir tout type de coopération entre les institutions concernées en vue de lutter contre le blanchiment d’argent .
La présente convention demande aux Etats d’établir un régime de responsabilité pénale des personnes morales impliquées dans la corruption et de sanctionner de façon pénale plusieurs infractions et tout particulièrement le détournement de biens par un agent public ainsi que le blanchiment du produit du crime .

Les Etats sont invités à prendre des mesures appropriées pour :
• Engager des poursuites judiciaires, le jugement et les sanctions des agents publics impliqués .
• Permettre le gel, la saisie et la confiscation du produit du crime .
• Protéger les témoins, les experts et les victimes, ainsi que les personnes qui communiquent des informations .
• S’attaquer aux conséquences de la corruption notamment en frappant de nullité les marchés ou contrats viciés .
• Permettre aux victimes d’un préjudice d’agir en justice pour obtenir réparation .
• Créer des organes de lutte contre la corruption chargée de la détecter et de la réprimer .
• Encourager la coopération avec les services de détection et de répression, ainsi qu’entre les autorités nationales et avec le secteur privé .
• Lever les obstacles qui peuvent résulter de la législation sur le secret bancaire .

En matière de la coopération internationale, la convention contre la corruption détaille les obligations d’assistance mutuelle entre les Etats en matière pénale qui porte sur les questions d’extradition , d’entraide judiciaire et de la coopération en matière d’enquêtes .
La restitution des avoirs occupe une place importante dans ladite convention et fait l’objet d’un chapitre entier. Cette convention est, en effet, la première à aborder ce sujet et elle détaille les procédés de nature à permettre le retour des sommes transférées à l’étranger par des dirigeants politiques ou des fonctionnaires et dont les Etats auraient été spoliés suite à des pratiques de corruption .

Les Etats parties sont encouragés à :
• Mettre en place, au sein de leurs institutions financières, des mécanismes de vérifications de l’identité des clients et des ayants droit des fonds déposés sur de gros comptes .
• Prendre des mesures pour permettre les actions civiles destinées à faire reconnaître l’existence d’un droit de propriété au profit des Etats spoliés .
• Etablir des mécanismes d’entraide judiciaire .
• Définir une procédure de confiscation .
• Se conformer aux modalités de restitutions établies par la convention .
• Développer des services de renseignements financiers .
• Passer des accords et arrangements bilatéraux ou multilatéraux pour renforcer l’efficacité de la coopération .

La présente convention a consacré son sixième chapitre aux programmes de formation et d’assistance technique entre les Etats parties. Ce chapitre appelle les parties à procéder à des collectes, des échanges et des analyses d’informations sur la corruption et à développer l’assistance financière et matérielle au profit des pays en développement ou en transition.

b- Ce que la Convention ne couvre pas

La convention des Nations-Unies contre la corruption couvre une large palette d’infractions et se distingue par la priorité accordée à la coopération internationale. Mais elle a aussi ses points faibles. Cette convention n’impose pas de conférer un caractère d’infraction criminelle à la corruption ou au détournement de fonds dans le secteur privé. La convention échoue à s’attaquer de manière vigoureuse à la corruption politique.

Le baromètre mondial sur la corruption de Transparency International (ajoute référence ici) sondage d’opinion auprès de 60 000 personnes dans 62 pays a constaté que les personnes interrogées étaient surtout préoccupées par la corruption des partis politiques et de leurs députés.
Pourtant, certains négociateurs – comme les États-Unis d’Amérique- ayant pesé de tout leur poids, la transparence du financement des partis politiques n’est qu’une simple recommandation de la convention .
Nous constatons le manque de mécanisme de suivi et de processus de surveillance contraignant. La présente convention prévoit simplement une conférence des Etats parties, convoqués pour la première fois un an après son entrée en vigueur, ayant le soin de recueillir toutes les informations sur la mise en œuvre du texte, d’examiner périodiquement son application et de s’enquérir des mesures prises et des difficultés rencontrées par les Etats parties .
Enfin, tout un ensemble de dispositions est laissé à l’appréciation des Etats parties, en particulier pour la corruption passive de fonctionnaires étrangers , le trafic d’influence , l’abus de fonction , l’enrichissement illicite , la corruption active et passive de dirigeants ou d’employés du secteur privé , la soustraction de biens dans le secteur privé ou le recel en relation avec une des infractions définies par la convention .
Cette marge d’appréciation discrétionnaire va créer de fait un espace juridique nécessairement non cohérent au niveau mondial et conduira à placer les entreprises dans des conditions légales différentes suivant leur pays d’appartenance et les pays où elles opéreront .

B) Les conventions des Nations-Unies contre le trafic de drogues et le financement du terrorisme

Il existe une combinaison intime entre le blanchiment de l’argent, la drogue et le financement du terrorisme. En effet, la quasi-totalité de l’argent sale résultant, par exemple du trafic de drogue finance des activités illégales notamment le terrorisme.
C’est pourquoi, les Nations-Unies ont adopté des conventions pour lutter contre ces fléaux dont la convention des Nations-Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et celle pour la répression du financement du terrorisme.

§ 1) La convention de Vienne contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.

Le blanchiment des capitaux provenant du trafic de drogues reste un problème universel et qui constitue une menace pour la stabilité des institutions et des systèmes financiers, compromet le développement économique et affaiblit les systèmes de gouvernance .
Pour combattre ce fléau, l’ONU a adopté la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes le 20 décembre 1988. Cette dernière complète les conventions sur les stupéfiants du 30 mars 1961 et celle sur les substances psychotropes du 21 février 1971.
Cette convention est considérée comme un texte de référence puisqu’elle prévoit des mesures importantes pour lutter contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de drogues.
La convention de 1988 a fait un inventaire exhaustif des mesures de nature à lutter efficacement contre le blanchiment d’argent émanant du trafic de drogue. Elle a apporté des dispositions nouvelles et audacieuses destinées à lutter contre ce fléau . Elle a proposé principalement deux types de mesures, certaines prises au niveau interne de chaque Etat contractant et d’autres prises au niveau international.

a- Les mesures prises au niveau interne

La nature juridique des obligations imposées au niveau de chaque Etat signataire résulte de la disposition générale de l’article 2, paragraphe 1 de la convention .
Il s’agit d’une obligation de résultat caractérisée par la possibilité du choix des moyens de réalisation.
Autrement dit, « ce ne sont que des directives s’imposant aux Etats qui doivent s’y conformer dans leur législation interne » .Les parties sont donc tenues d’assurer l’application des mesures imposées par la convention mais elles sont libres de leurs mises en œuvre.

1) L’incrimination de tout blanchiment d’argent résultant du trafic de drogues

Selon la convention de Vienne, chaque partie doit conférer le caractère d’infractions pénales au blanchiment d’argent provenant du trafic de drogues et de rendre ces infractions punissables de sanctions tenant compte de leur gravité.

1.1) Conférer le caractère d’infraction pénale au blanchiment de l’argent

La convention de Vienne prévoit que chaque pays adopte les mesures nécessaires pour conférer aux actes illicites dont le blanchiment de l’argent sale résultant du trafic de drogue le caractère d’infraction pénale conformément à son droit interne lorsqu’ils ont été commis intentionnellement .
Les techniques de blanchiment de l’argent provenant de la drogue sont très nombreuses et sophistiquées. C’est pourquoi, la présente convention ne peut présenter qu’une définition générale qui décrit cette activité par références à ces fins : il s’agit de la conversion des biens provenant d’une des infractions dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ainsi que la dissimulation, ou du déguisement, de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens .
Les conditions pour la pénalisation de la conversion des biens sont que celui qui s’y livre sache que ces biens proviennent des infractions établies conformément à l’article 3 paragraphe 1. Toutefois, la connaissance, l’intention ou la motivation nécessaire en tant qu’élément d’une des infractions visées au paragraphe 1 du présent article peut être déduite de circonstances factuelles objectives .
En ce qui concerne les personnes visées par l’infraction, la convention est très large puisqu’elle englobe toutes les personnes qui ont connaissance de l’origine frauduleuse des biens, qu’elles aient ou non participé à l’infraction et quel que soit le profit personnel qu’elles en tirent.
Sont visés, outre les trafiquants, tous ceux qui agissent en leur nom, les intermédiaires et les acteurs des banques ou des organismes financiers eux-mêmes, dès lors qu’ils sont en mesure de savoir que les biens proviennent d’une activité illicite. Mais la preuve de leur connaissance du caractère frauduleux des opérations reste soumise aux règles de procédure pénale de chacun des pays et sera souvent très difficile à établir.
Les biens sont aux termes de la convention tous les types d’avoir, corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, tangibles ou intangibles, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant la propriété de ces avoirs ou des droits y relatifs. Là encore, la convention est très large et ne pouvait en être autrement en raison de la nature même du blanchiment.
Quant aux actes, ils ont en commun d’avoir pour but de dissimuler l’origine des biens tirés du trafic de drogues. La convention de 1988 vise, d’une part, les opérations qui changent la nature même du bien objet du blanchiment et d’autre part, le travestissement des conditions dans lesquelles les biens ont été obtenus sans affecter leur nature afin de couper les liens qui peuvent exister entre le bien et son véritable propriétaire .
La présente convention interdit de considérer ces infractions comme des infractions fiscales ou politiques. De ce fait, l’extradition des trafiquants sera possible dans tous les cas .

1.2) Rendre les infractions punissables

Selon la convention de 1988, conférer le caractère d’infraction aux actes cités dans l’article 3 paragraphe 1 n’est pas suffisant. Chaque partie doit rendre ces infractions punissables de sanctions tenant compte de leur gravité.
La convention institue une obligation d’incriminer la détention ou l’utilisation de biens provenant du trafic de drogue et par conséquent, le blanchiment des capitaux issus de ce trafic .
En outre, les parties peuvent prévoir des mesures de traitement, d’éducation, de postcure, de réadaptation ou de réinsertion comme mesures complémentaires de la condamnation ou de la sanction pénale prononcée .

2) La mise en place du système de confiscation

La convention de 1988 exige l’adoption des mesures nécessaires, par chaque Etat contractant, afin de permettre la confiscation de tout objet relatif au trafic de drogue et de stupéfiants. De ce fait, le secret bancaire ne peut plus être invoqué pour refuser de donner effet aux dispositions de la présente convention .

3) Le contrôle des services fréquemment utilisés par les trafiquants

Les parties adoptent les mesures qu’elles jugent appropriées pour contrôler, sur son territoire, les services les plus utilisés par les trafiquants de drogue, notamment les transports commerciaux, les services postaux, ainsi que les zones franches.
Les parties peuvent adopter des mesures plus strictes que celles qui sont prévues par la présente convention si elles le jugent souhaitable ou nécessaire pour prévenir ou éliminer le trafic illicite .

4) Le développement et l’amélioration de programmes de formation

Chaque partie institue, développe ou améliore les programmes de formation spécifiques à l’intention des membres de ses services de détection et de répression et autres personnels .

b- Mesures prises au niveau international

L’objet de la convention de Vienne est de promouvoir la coopération entre les Etats de telle sorte qu’ils puissent s’attaquer avec plus d’efficacité aux divers aspects du trafic illicite qui a une dimension internationale par la prise de toutes mesures nécessaires, y compris la conclusion de traités, accords ou arrangements entre Etats signataires, l’encouragement des procédures d’extradition et d’entraide judiciaire, ainsi que l’assistance aux Etats de transit.

1) La conclusion des conventions entre Etats

La convention de Vienne encourage les parties signataires à conclure des traités, accords ou arrangements bilatéraux et multilatéraux afin de renforcer l’efficacité de la coopération internationale en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances .

2) L’encouragement de l’extradition

Les parties s’engagent à inclure les infractions citées au paragraphe 1 de l’article 3, y compris le blanchiment de l’argent résultant de drogues, en tant qu’infractions dont l’auteur peut être extradé dans tout traiter d’extradition qu’elles concluent. Cependant, ces processus étant longs et couteux, tant pour l’Etat requérant que pour l’Etat requis, l’obligation d’assistance n’est possible que pour les infractions les plus graves .

3) Le renforcement de l’entraide judiciaire

Les parties contractantes s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire la plus étendue par toutes enquêtes, poursuites pénales et procédures judicaires concernant les infractions établies conformément au paragraphe 1 de l’article 3 . Par ailleurs, en précisant que le secret bancaire ne peut pas être opposé pour refuser une entraide, la coopération entre Etats est renforcée.
En plus des mesures citées en dessus, les parties établissent des canaux de communication entre les organismes et services nationaux compétents en vue de faciliter l’échange de renseignements concernant tous les aspects des informations établies conformément au paragraphe 1 de l’article 3 .
Les parties s’entraident pour planifier et exécuter des programmes de formation et de recherche leur permettant d’échanger des connaissances spécialisées dans les domaines visés au paragraphe 2 article 9 et, à cette fin, organisent aussi, lorsqu’il y a lieu, des conférences et séminaires régionaux et internationaux pour stimuler la coopération et permettre l’examen des problèmes d’intérêt commun.

4) L’assistance aux Etats de transit

D’après la présente convention, les parties doivent coopérer entre eux en vue d’aider les Etats de transit et en particulier les pays en développement, soit directement ou par l’intermédiaire des organisations internationales ou régionales compétentes, à travers les aides financières et les programmes de coopération technique afin de lutter contre le trafic illicite.
Les parties peuvent conclure des accords ou arrangements y compris financiers pour renforcer l’efficacité de la coopération internationale en la matière .
Bien que le texte de 1988 vise le trafic illicite de stupéfiants, il s’agit véritablement du premier instrument « universel » qui donne une définition de la notion du blanchiment des capitaux et qui en prévoit la répression à l’encontre des trafiquants eux même mais également de tous les intermédiaires, notamment les institutions financières .
Une lacune peut être cependant éventuellement relevée : l’incrimination du blanchiment reste néanmoins limitée aux produits du trafic illicite de drogues et ne couvre pas ceux d’autres formes de la criminalité organisée .
La convention de Vienne est entrée en vigueur le 11 novembre 1990. Elle compte actuellement 190 Etats parties dont le Maroc.

§ 2) La convention des Nations-Unies pour la répression du financement du terrorisme.

La convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, proposée par la France à la suite des attentats contre les ambassades américaines à Dar el Salam (Tanzanie) et à Nairobi (Kenya) en 1998 , a été adoptée par l’assemblée générale des Nations-Unies à New York le 9 décembre 1999 et entrée en vigueur le 10 avril 2002 après la réception des 22 ratifications requises.
Ce nouveau traité est en quelque sorte venu compléter le droit international qui ne prévoyait pas de mécanismes spécifiques pour combattre le financement du terrorisme.
Les onze conventions précédentes, dont neuf ont été annexées à celle de 1999, se limitent à énumérer des infractions terroristes .
La convention internationale pour la répression du financement du terrorisme a introduit des dispositions spécifiques afin de combattre ce fléau. Elle a donné une définition détaillée à l’infraction du financement du terrorisme et a précisé les obligations des Etats contractants en matière de lutte contre ce phénomène.

a- La définition du financement du terrorisme

Les dispositions de la présente convention s’appliquent sur les infractions liées au financement d’actes de terrorisme.
Commet une infraction au sens de la convention toute personne qui « par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre [un acte de terrorisme au sens de la convention] » .
L’élément intentionnel et les éléments matériels de l’infraction sont examinés successivement ci-dessous.

1) L’élément intentionnel

L’élément intentionnel du financement du terrorisme au sens de la définition de la convention présente deux aspects. Primo, l’acte doit être délibéré. Secundo, son auteur doit avoir l’intention de voir utiliser les fonds pour financer des actes de terrorisme ou de savoir qu’ils seront utilisés à cette fin.
Dans ce second aspect, l’intention et la connaissance constituent les deux branches d’une alternative.
La convention ne fournit aucune autre information sur ces deux aspects de l’élément intentionnel et il convient donc de les appliquer conformément au droit pénal général de chaque État partie.

2) Les éléments matériels

La définition de l’infraction du financement du terrorisme contenue dans la convention comporte deux éléments matériels principaux. Le premier est celui du « financement ».
Le financement est défini de manière très large comme le fait de fournir ou de réunir des fonds. Cet élément est établi si une personne « par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds […] » .
Le second élément matériel concerne « les actes de terrorisme » définis dans la convention par rapport à deux sources distinctes. La première est une liste de neuf traités internationaux ouverts à la signature entre 1970 et 1997 qui imposent aux parties d’établir diverses infractions de terrorisme dans leur législation .
La seconde source est une définition générique des actes de terrorisme énoncée dans la convention elle-même. Celle-ci définit comme suit les actes de terrorisme : « tout […] acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque » .
Par conséquent, au sens de la définition générale de la convention, un acte est un acte terroriste s’il répond à deux conditions :
• Il est destiné à tuer ou blesser grièvement un civil ou une personne qui ne participe pas activement aux hostilités dans une situation de conflit armé.
• Il vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.

D’autres aspects de la définition des infractions contenues dans la convention peuvent être relevés :
• Pour qu’un acte constitue une infraction au sens de la convention, il n’est pas nécessaire que les fonds aient été effectivement utilisés pour commettre une des infractions visées .
• Le fait de participer en tant qu’organisateur ou de complice à la commission d’une infraction sont également considérés au même titre que l’infraction elle-même .
• Les tentatives de commission d’une infraction sont érigées en infraction au même titre que les infractions elles-mêmes .
La convention ne s’applique pas lorsque l’infraction a été commise à l’intérieur d’un seul État, que l’auteur présumé est un national de cet État et se trouve sur le territoire de cet État et qu’aucun autre État n’a de raison, en vertu de la convention, d’établir sa compétence par rapport à l’auteur présumé .

b- Les obligations des États parties à la Convention

Afin d’assurer le niveau le plus élevé de coopération entre les parties en ce qui concerne la lutte contre le financement du terrorisme, la présente convention contient des dispositions détaillées relatives à l’entraide judiciaire, à l’extradition et aux mesures préventives.

1) L’entraide et l’extradition

Les dispositions de la présente convention vont généralement plus loin que les neuf conventions relatives au terrorisme. Elles imposent aux États de s’accorder mutuellement une aide judiciaire ainsi que l’extradition. En réalité, l’établissement d’un cadre uniforme, détaillé et exhaustif en matière de coopération internationale dans le domaine du financement du terrorisme pourrait bien être l’une des réalisations les plus importantes de cette convention.
Concernant l’entraide judiciaire, les États parties s’engagent à s’accorder l’entraide judiciaire le plus large possible pour toute enquête ou procédure pénale ou d’extradition relative aux infractions établies conformément à la Convention . Ils ne peuvent invoquer le secret bancaire pour refuser de faire droit à une demande d’entraide judiciaire et les infractions visées dans cette demande ne peuvent être considérées, aux fins d’extradition ou d’entraide judiciaire, comme des infractions fiscales ou politiques .
La convention contient, en ce qui concerne les obligations des États parties en matière d’extradition, des dispositions détaillées analogues à celles que l’on trouve dans la plupart des autres conventions réprimant le terrorisme.

Tout d’abord, les infractions prévues dans la convention sont considérées comme cas d’extradition dans tout traité d’extradition conclu entre États parties avant l’entrée en vigueur de la convention. De plus, les parties s’engagent à inclure ces infractions dans tout traité d’extradition qu’ils pourront conclure entre eux par la suite .
En outre, si nécessaire, les infractions sont réputées, aux fins d’extradition, avoir été commises tant sur le territoire de l’État dans lequel elles ont été perpétrées que sur le territoire de l’État ayant établi sa compétence conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’article 7 de la convention. Cette disposition est destinée à garantir que l’extradition ne soit pas refusée au motif que l’infraction n’a pas été commise sur le territoire de l’État requérant .
Les dispositions de tous les traités ou accords d’extradition conclus entre États parties sont réputées être modifiées entre les parties dans la mesure où elles sont incompatibles avec la présente convention .
La convention applique le principe aut dedere aut judicare (poursuivre ou extrader) en ce qui concerne les infractions qu’elle énonce. Si l’Etat requis n’accepte pas d’extrader la personne vers l’État partie qui a établi sa compétence, il doit, sans aucune exception, soumettre l’affaire à ses autorités habilitées à engager des poursuites .
2) Les mesures préventives

L’incrimination du financement du terrorisme est obligatoire dans la convention. En revanche, seules quelques dispositions générales de la convention qui traitent de mesures préventives énoncées à l’article 18 sont obligatoires. Cela résulte du fait que les mesures préventives sont empruntées aux recommandations du GAFI, qui demeurent la norme internationale pour le blanchiment de capitaux et qui ne sont pas juridiquement contraignantes.
Il n’empêche que la convention établit une obligation générale, pour les États parties, d’exiger des institutions financières et autres intermédiaires financiers qu’ils prennent les mesures requises pour identifier leurs clients et qu’ils accordent une attention particulière aux opérations inhabituelles ou suspectes.
Les États parties sont tenus de coopérer pour prévenir les infractions établies par la convention, en prenant toutes les mesures possibles. À cette fin, ils sont tenus d’envisager d’adopter des règles qui font partie des recommandations du GAFI .
Les États parties s’engagent à établir et à maintenir des échanges d’informations entre leurs organismes et services compétents (qui pourraient être les cellules de renseignements financiers) afin de faciliter l’échange sûr et rapide d’informations sur les infractions visées dans la présente convention .
Malgré ses importantes dispositions, la convention pour la répression du financement du terrorisme ne prévoit pas de suivi de sa mise en œuvre. Ainsi, elle n’a pas suscité un grand intérêt auprès des Etats. D’ailleurs, quatre pays seulement l’ont ratifié avant les attentats du11 septembre 2001.
C’est pourquoi, le Conseil de sécurité a adopté le 28 septembre 2001, après les évènements du 11 septembre 2001, la résolution 1373 qui a accélérée le processus de ratification de la présente convention puisqu’elle insiste, de manière fort logique pour que les États ratifient le traité onusien de 1999. Il a également, mis en place un comité contre le terrorisme (CCT) qui a pour but de surveiller la mise en œuvre des dispositifs traitant la lutte contre ce fléau .