La mise en oeuvre des sûretés réelles en droit international et européen

Les opérations de transport constituent aujourd’hui l’une des activités les plus productives du commerce international, au regard des flux de marchandises qu’elles permettent d’acheminer. Ainsi, Le transport correspond aux besoins exprimé par l’homme de se déplacer et déplacer les choses. Il détermine et conditionne l’existence humaine. Par conséquent nous vivons de transport et du transport est intimement lié au comportement humain. En effet, on note la présence constante des transports dans le temps et dans l’espace. Le mode maritime se positionne comme la pierre angulaire des échanges du seul fait que 80% du trafic mondial de marchandises se fait par voie maritime. A ce transport de fret maritime, il faut ajouter celui du transport de personne. En Afrique, selon Ibrahima Khalil DIALLO « 95% du trafic généré par le commerce extérieur des Etats transite par la mer que ce soit à l’import ou à l’export » . Grace à ce transport la sédentarité a régressé, marchandises comme personnes se déplacent maintenant plus facilement, plus vite et à moindre cout. Du fait du transport l’homme est parvenu à se forger de véritables besoins d’ordre économique, social, professionnel et même de loisir. Aujourd’hui le transport permet la disposition d’un produit indifféremment de son lieu de production ou de fabrication et permet sa consommation à toute époque même s’il est saisonnier. Il se présente alors comme une activité vitale, économique et stratégique.

En effet, force est de constater que le transport maritime est très couteux car il nécessite la mobilisation des ressources financières gigantesque. Par conséquence, il est quasiment impossible sinon difficile pour un armateur soucieux de maintenir et de promouvoir sa flotte dans un secteur concurrentiel, d’autofinancer ses expéditions maritimes. Il est en outre très rare qu’une société dispose de fonds suffisants pour faire l’acquisition de matériel de transport et il est alors nécessaire d’avoir recours à un prêteur professionnel : un établissement de crédit. Il faut cependant que l’établissement de crédit puisse se prémunir contre tous les risques de ruine. Seulement, l’emprunt fait naitre une situation d’insécurité qui a pour corollaire, l’encadrement juridique des acteurs du milieu. Ceci est d’autant plus pertinent que l’homme, être de bien matériels pour reprendre Adam Smith, se doit de protéger son patrimoine. C’est ainsi que les crédits ne sont en principe accordés qu’à la condition que leur remboursement soit assuré ou que le risque de défaillance du débiteur soit réduit. En effets, le navire, étant considéré

comme vecteur du transport maritime, un composant principal sinon exclusif du patrimoine de l’armateur . Il n’a pas dans le patrimoine de l’armateur une place indifférente.

Si en droit commun, selon le code civil tous les biens composant le patrimoine d’une personne physique se valent pour ses créanciers en dehors des cas des suretés particulière grèvent tel ou tel de ces biens. C’est cette règle commune que l’on exprime en disant que le créancier a un droit de gage général sur les biens du débiteur .Cependant, en droit maritime sans qu’il forme nécessairement un patrimoine seul, le navire ne se fond pas dans l’anonymat du patrimoine de l’armateur .Ce qui explique en réalité le division du patrimoine de l’armateur en deux parties à savoir : le patrimoine terrestre et son patrimoine maritime . C’est ce dernier qui englobe le navire. En effet le navire qui par essence, l’élément de la fortune de l’armateur et souvent de très grande valeur, intéresse les créanciers. Il constitue pour l’armateur un élément de crédit, qu’il s’agisse de l’exploitation ou de la construction du navire nécessite une véritable levée de capitaux. C’est ce qui n’est en pratique rendu possible par le jeu des suretés maritimes.

Ainsi ,on entend par sûreté en droit commun comme l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant .il ressort de l’économie de ce texte, la sûreté peut porter sur toutes sortes de biens ,sur les obligations garanties qui peuvent être présentes, futures, conditionnelles , déterminées ou déterminables . Elle a essentiellement pour rôle de garantir la solvabilité du débiteur, en cela, elle est marquée par son caractère accessoire que l’acte uniforme rappelle . La sûreté s’oppose à la garantie qui peut avoir une autre fonction que celle d’assurer l’exécution de l’obligation. La notion de garantie englobe, au-delà des sûretés stricto sensu, certains mécanismes ou règles consubstantiels à tout rapport d’obligation : les sanctions classiques de la défaillance contractuelle du débiteur ou encore la compensation La garantie n’a donc pas pour seule vocation d’assurer le paiement du créancier à l’échéance.

Ainsi, certains mécanismes du droit des obligations comme la délégation imparfaite ou la compensation sont à cet égard, considérés comme des garanties de paiement sans être des sûretés. Il en de même de certains mécanismes comme l’assurance. La formule consacrée pour montrer les rapports entre sûreté et garantie est la suivante : toute sûreté est une garantie mais toute garantie n’est pas une sûreté . En effet si, la garantie est un avantage particulier dont dispose un créancier et qui a pour effet de valablement remplacer l’exécution régulière d’une obligation ou d’en anticiper l’inexécution. La sûreté quant à elle est une garantie particulière accordée à un créancier qui lui permet d’obtenir satisfaction en cas de défaillance de son débiteur par affectation d’un bien ou par la substitution d’un tiers. La sûreté s’ajoute à la créance et disparaît en principe lorsque la créance s’éteint. En droit commun on distingue entre autres, les sûretés légales, les sûretés judiciaires et les sûretés conventionnelles ou encore entre les sûretés réelles et les sûretés personnelles.

L’acte uniforme portant organisation des suretés ne comporte pas une véritable classification des sûretés mais il réglemente les principales sûretés que l’on peut regrouper suivant qu’il s’agit des sûretés réelles ou des sûretés personnelles. Bien que très faciles à mettre en place, Les sûretés personnelles permettent au débiteur d’offrir un second débiteur à son créancier pour garantir ses obligations autrement dit pour réduire les risques de sa défaillance. Elles aboutissent ainsi à une multiplication des personnes et donc des patrimoines qui peuvent répondre d’une même dette . En effet, elles permettent au créancier de se voir reconnaitre un droit personnel contre au moins une personne autre que le débiteur principal initial . Par conséquent, par le mécanisme des suretés personnelles, le créancier se voit en effet reconnaitre le droit de gage général sur le patrimoine d’un autre que celui de son débiteur principal. En revanche force est d’admettre que les suretés personnelles ne confèrent pas au créancier ni du droit de suite que du droit de préférence sur les biens de la garantie. Le créancier sera alors dans une même situation qu’un créancier chirographaire qui ne sera désintéressé qu’après les créanciers privilèges

Par ailleurs, Les sûretés réelles apparaissent alors bien plus efficaces et intéressantes pour les créanciers. Elles offrent à la fois une protection efficace pour le créancier qui se voit affecter un bien en garantie, sur lequel il pourra se payer en priorité car il bénéficie à la fois d’un droit de préférence mais aussi d’un droit de suite, ce qui le met dès lors dans une position privilégiée par rapport aux autres créanciers .Les suretés se distinguent du droit de rétention qui a une place particulière en droit commun .il a toutefois intégré l’acte uniforme sur le droit des suretés ;il a alors même figurer dans le livre consacré aux droit des suretés du code civil français .En effet le droit de rétention n’est ni une sureté personnelle ,encore moins une sureté réelle, il est un droit de nuire accordé au débiteur. Le rétenteur conserve le bien jusqu’à paiement complet du prix. Par conséquent le droit de rétention est une garantie extrêmement efficace puis qu’il assure au rétenteur la certitude d’être payé avant tous les créanciers et ce même en cas de procédure collective.

Enfin il est important de préciser que la sureté maritime peut avoir une autre signification. En effet « La sûreté maritime » renvoie à la prévention et à la lutte contre tous actes ou menace d’actes illicites à l’encontre d’un navire, de son équipage et de ses passagers ou à l’encontre des installations portuaires, des infrastructures maritimes et de l’environnement maritime .
Sous ces différentes précisions, dans le cadre de ce mémoire, il ne serait pas question de réfléchir sur les suretés personnelles encore moins sur le droit de rétention. Dans la présente étude, il convient de s’intéresser aux prérogatives que les sûretés réelles peuvent faire naître sur le navire qui les grèvent .Comme sus évoquer dans les développements ci-dessus concernant la différence flagrante entre garantie et sureté, pour ce travail il serait question de traiter seulement l’aspect juridique des garanties maritimes en tant que sureté non dans le cadre générale.
En droit maritime, même s’il est possible d’imaginer des sûretés de droit commun grevant le navire il existe deux variétés de sûretés maritimes, c’est-à-dire de sûretés portant spécialement sur les navires. La première est conventionnelle : c’est l’hypothèque. La seconde est légale : il s’agit des privilèges .
Si le droit commun définit l’hypothèque comme étant une sureté réelle immobilière constituée sans la dépossession du débiteur par une convention, la loi ou une décision de justice, et en vertu de laquelle, le créancier qui a procédé à l’inscription hypothécaire a la faculté (en tant qu’il est investi d’un droit réel accessoire garantissant sa créance) de faire vendre l’immeuble grevé en quelques mains qu’il se trouve (droit de suite) et d’être payé par préférence sur le prix (droit de préférence). Transposée cette définition au domaine maritime, elle souffre de quelques modifications du fait même de la nature dans laquelle la sureté est grevée. En effet, l’hypothèque maritime conserve sa fonction de sureté réelle en ce qu’elle porte sur un bien déterminé du débiteur, en l’occurrence, le navire. En revanche, sa nature mobilière surprend au regard du droit commun de l’hypothèque selon lequel seuls les biens immobilières sont susceptibles d’hypothèques . En revanche, selon le code de la marine marchande l’hypothèque maritime est une sureté conventionnelle qui confère au bénéficiaire un droit réel sur le navire . Outre, le droit commun accepte une hypothèque légale, conventionnelle ou judiciaire3, alors que l’hypothèque maritime ne peut découler que d’une convention. De ce qui précède, l’’hypothèque maritime peut donc être défini comme étant une sureté réelle mobilière constituée sans la dépossession du débiteur par une convention, et en vertu de laquelle, le créancier qui a procédé à l’inscription hypothécaire, a la faculté de faire vendre le navire grevé en quelques mains qu’il se trouve et d’être payé par préférence sur le prix.
En effet, l’hypothèque maritime est une institution très séduisante car elle est admise par la plupart des législations étrangères. Cette institution trouve son origine dans l’institution séculaire du prêt à la grosse aventure . La reconnaissance de cette institution a pourtant été assez tardive dans les droits modernes. C’est donc la loi du 10 décembre 1874 ; Convention internationale de Bruxelles le 10 avril 1926 affirme que l’hypothèque sur navires peut être régulièrement établie, d’après les lois de l’État contractant dont le navire est ressortissant et inscrit. Cette convention de 1926 pose un principe de reconnaissance des hypothèques régulièrement constituées dans un État contractant et classe les privilèges .
Concernant la deuxième modalité de garantie maritime qui est d’origine légale : les privilèges maritimes, ou privilèges sur les navires. Ce sont en effet des droits consentis par la loi à certains créanciers, dont le titre est né de l’exploitation du navire, d’être payés avant les autres sur le prix de vente du navire en justice. Selon le code de la marine marchande, le privilège maritime est une sûreté réelle légale qui confère à un créancier un droit de préférence sur les autres créanciers, à raison de la nature de sa créance sur le navire, le fret et les accessoires . Ils sont régis par la convention internationale pour l’unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes . D’autres conventions internationales ont été signées, mais ne sont pas prêtes d’entrer en vigueur.Cette définition est presque synonyme de celle prévue par l’acte uniforme sur les droit des suretés .Il se caractérise par deux éléments : le premier est son origine légale. Les privilèges ont une seule source qui est la loi ; il n’y a pas de privilège sans texte. Le second est l’attribution en fonction de la qualité de la créance. Si l’acte uniforme distingue essentiellement les privilèges généraux qui portent sur l’ensemble de l’actif mobilier et immobilier du débiteur et les privilèges spéciaux qui sont essentiellement mobiliers et portent sur un meuble déterminé de l’actif du débiteur. Par ailleurs, contrairement au droit commun, le droit maritime distingue les privilèges de premier rang et les privilèges de second rang.
La sûreté maritime que ça soit hypothèque ou le privilège va consister dans l’affectation d’un bien ou d’un groupe de biens du patrimoine du débiteur à la satisfaction d’une créance particulière, sans concours sur ce ou ces biens avec un autre créancier, elles permettent d’échapper à la loi du concours et simplifie le jeu des voies de recouvrement. En effet, l’exécution spontanée par le débiteur de ses obligations constitue le mode normal d’extinction de celles-ci. Les situations d’inexécutions ont ainsi exceptionnelles, même si elles sont souvent à l’origine de contentieux dont la finalité est d’obtenir la condamnation du débiteur. L’absence d’exécution spontanée par le débiteur, conduit le créancier à initier la phase ultime du processus de consécration de l’effectivité des droits subjectifs, à travers la mise en œuvre des garanties. Les saisies, qu’elles soient conservatoires ou qu’elles aient pour objectif final la vente du bien, sont régies par l’AUPSRV dans l’espace OHADA. Ainsi, il est en principe toujours possible de mettre en œuvre une sûreté réelle grevant le navire, peu importe le droit d’origine de la sûreté. Pourtant il faut reconnaître que les Conventions internationales ne permettent pas d’échapper totalement aux problèmes posés par la territorialité des voies d’exécution d’une part et, d’autre part, n’empêchent pas d’être soumis à une sorte de concours lorsqu’une nouvelle sûreté réelle est prise dans un autre pays où sa mise en œuvre sera demandée. Malgré ces difficultés, il ne faut pas nier la qualité évidente des sûretés pour leurs titulaires, qui bénéficient d’une véritable sécurité juridique.
Sous ce rapport, comme le disait pierre Bourdieu, un objet de recherche, si partiel et si parcellaire soit-il, ne peut être défini et construit qu’en fonction d’une problématique. C’est ainsi, pour mieux appréhender le sens de notre étude, il serait souhaitable de se poser la question de savoir : quelle est le régime juridique des garanties maritimes, autrement dit quelles sont les règles juridiques qui régissent les garanties maritimes ?
Au regard de tous ce qui précède, il s’avère intéressant de dégager l’importance binaire de cette étude. En effet, cette étude nous permet de savoir que les garanties maritimes sont des suretés ayant vocation de garantir l’exécutions future d’une obligation du débiteur éventuellement l’armateur, du transporteur ou propriétaire du navire. Elles sont en effet indissociable de l’obligation de somme d’argent à terme.Car elles permettent aux créanciers de se prémunir contre la défaillance du débiteur dont le risque augmente avec le temps : elle peut être liée à la mauvaise volonté du débiteur lorsque son obligation est exigible mais aussi à l’évolution générale de ses affaires le précipitant dans une situation d’insolvabilité. En effet, l’importance pratique n’est plus à démontrer car sans garantie pas de crédit et sans crédit pas d’économie moderne. Le crédit est indispensable dans toutes les activités de la vie économique à l’occurrence le financement de l’armement de l’armateur. Du point de vue théorique, l’étude des garanties maritimes nous a permis de faire recours au droit comparé afin de mieux apprécier la règlementation du code de la marine marchande. Notons par ailleurs que la garantie maritime est une des rares sûretés à avoir fait l’objet de nombreuses conventions internationales , les unes venant modifier les autres. Dans tous les cas ceci montre à juste titre que la question intéresse au plus haut point les acteurs internationaux, d’autant plus que la garantie maritime peut être un moyen pour favoriser l’activité maritime internationale. On voit bien que le critère économique n’est pas neutre dans la réglementation des suretés maritime particulièrement l’hypothèque maritime comme moyen de financement de l’activité maritime.
Pour pouvoir répondre à cette problématique, deux aspects méritent de retenir l’attention : il s’agira de réfléchir dans une première partie sur Les conditions de constitutions des garanties maritimes (Chapitre1) avant de d’étudier dans une seconde partie, les effets de la constitution des garanties maritimes (Chapitre2).