Écosystème gastro-intestinal

1. Écosystème gastro-intestinal
Le TGI, de 200 à 300 m2 de superficie, est l’interface entre l’environnement externe et l’environnement interne. Il a pour fonction la digestion et l’assimilation des aliments tout en étant capable de nous protéger contre des pathogènes (microorganismes, parasites). C’est le premier organe immunitaire de l’organisme et est considéré comme le « deuxième cerveau » en raison du nombre de cellules immunes et de neurones qu’il contient. Cependant il reste un organe relativement mal connu (Holzapfel et al., 1998 ; Pelaseyed et al., 2014).
Le TGI est un écosystème complexe, il est composé par une alliance stable entre l’épithélium gastro-intestinal, le système immunitaire qui lui est associé (de gut associated lymphoid tissue : GALT) et la microflore résidente. Ces trois composants sont continuellement liés entre eux et évoluent ensemble en assurant une fonction et une activité normale de l’écosystème. Des altérations génétiques ou fonctionnelles de l’un des trois composants de l’écosystème peuvent déstabiliser l’alliance et, par conséquent, favoriser l’apparition de diverses pathologies (McCracken et Lorenz 2001 ; Pelaseyed et al., 2014).
1.1. Microbiote intestinal
Le TGI abrite une importante population bactérienne appelée le microbiote intestinal (ou flore intestinale). Il n’est considéré comme un organe mature que plusieurs mois après la naissance lorsque la colonisation est complète. La microflore du TGI a été estimée à près de 1013-1014 cellules microbiennes (Moore et Holdeman, 1974 ; Björkstén, 2004) dont environ 400 à 1000 espèces bactériennes différentes ont été recensées (Hooper et Gordon, 2001). Cette microflore représente 10 à 20 fois le nombre total de cellules qui constituent le corps humain (Berg 1996 ; Suau et al., 1999 ; Hooper et Gordon, 2001) ce qui correspond à environ 2 à 4 millions de gènes si l’on considère le génome global. Les produits de ces gènes confèrent des capacités métaboliques non codées par le propre génome de l’hôte (Hooper et al., 2002).
La prévalence des bactéries dans le TGI dépend des conditions qui y régnent. Deux catégories de bactéries sont distinguées : les bactéries autochtones et les bactéries allochtones. Les bactéries autochtones ou indigènes se trouvent habituellement dans des niches particulières. On y trouve des bactéries dominantes, de 108 à 1011 unité formant colonies (UFC)/g de fèces, qui sont souvent composée de 25 à 40 espèces anaérobies strictes, des bactéries sous-dominantes, de 106 à 108 UFC/g de fèces. Les bactéries allochtones ou en transit proviennent de plusieurs autres habitats autre que le tractus intestinal et
sont inférieures à 106UFC/g de fèces. La majorité des bactéries pathogènes sont allochtones. Quelques bactéries pathogènes peuvent cependant être autochtones. Elles vivent alors normalement en « harmonie » avec l’hôte, excepté lorsque l’équilibre du système est rompu (Hao et Lee 2004).
1.1.1. Distribution des bactéries dans le tube gastro-intestinal humain
L’environnement gastro-intestinal comprend trois régions principales qui offrent des conditions physico-chimiques très différentes aux microorganismes qui s’y trouvent (figure 1).
Le premier compartiment, l’estomac, se caractérise par la présence d’oxygène apporté par la déglutition et par une forte acidité De ce fait, l’estomac héberge sélectivement les microorganismes acido-tolérants et anaérobies facultatifs comme les lactobacilles, les streptocoques, les levures, etc.
Dans le deuxième compartiment, l’intestin grêle, la microflore est constituée essentiellement de bactéries anaérobies facultatives telles que les lactobacilles, les streptocoques et les entérobactéries, et anaérobies strictes notamment les bifidobactéries, les bactéroïdes et les clostridies.
Dans le dernier compartiment, le côlon (dépourvu d’oxygène), le transit digestif est plus lent et la flore microbienne est plus abondante, représentant 35 à 50 % du volume du contenu du côlon humain.
La microflore du côlon est très complexe et marquée par une dominance des bactéries anaérobies strictes (Bacteroides sp., Clostridium sp., Bifidobacterium sp.,etc). Tandis que les bactéries anaérobies facultatives sont moins dominantes et représentées par les lactobacilles, les entérocoques, les streptocoques et les entérobactéries. Les levures sont peu représentées.
La charge microbienne dans les différents compartiments a été estimée à environ : 104, 103-4, 105-7, 107-8 et 1010-11 UFC/g respectivement dans l’estomac, le duodénum, le jéjunum, l’iléon et le côlon (Ouwehand et Vesterlund, 2003 ; Isolauri et al., 2004).
Trois phyla bactériens, Firmicutes, Bacteroidetes et Actinobacteria rassemblent la plus grande part des bactéries fécales dominantes (Sghir et al., 2000). On y trouve les bifidobactéries (0,7 à 10 %) et les lactobacilles (2 %) (Seksik et al., 2003 ; Lay et al., 2005). La diversité des espèces bactériennes de chaque individu semble unique, mais demeure relativement stable au cours de la vie.
Toutefois, il faut noter qu’une fraction majoritaire des bactéries (environ 80%) demeure non cultivable, et ce, pour diverses raisons : méconnaissance des besoins de croissance de certaines bactéries, sélectivité des milieux de culture utilisés, stress dû aux conditions de culture, nécessité d’anaérobiose stricte et difficulté de simuler les interactions entre les bactéries et/ou les autres microorganismes et/ou les cellules de l’hôte. Celle-ci est donc moins explorée (Zoetendal et al., 2004). Le remède pour la détection des bactéries intestinales non cultivables était le recours à la biologie moléculaire basée sur l’analyse moléculaire des ADN et ARN 16S (Suau et al., 1999 ; Eckburg et al., 2005).